Chapitre 39

Daphnée

Le vent soufflait dans mes cheveux et un sourire épanoui étirait mon visage. Je n’avais plus peur. Désormais, nous n’avions plus rien à perdre. Contrairement à ce que je m’étais imaginé, mon cœur était léger. Je savais que tôt ou tard, mon chemin me mènerait à nouveau à Rome. Il fallait que je revoie mes proches. De ce fait, je me laissais guider par le goût exaltant de l'aventure.

Le soleil d’aout brillait fort, ce qui engendrait quelques gouttes de transpirations le long de mon échine. Nous venions de partir et les chevaux galopaient à bonne allure. Il m’était déjà arrivé, à de rares occasions, de monter à cheval, mais la secousse créé par l'accélération de la bête ne me dérangeait pas. Je pouvais bien supporter cela, pour le prix de ma liberté. Je pris une grande bouffée d’air frai et profitai. Nous étions encore dans Rome et slalomions entre différentes étables dans les rues étroites. Nous pouvions entendre de loin, les sabots claquer contre les pavés. Bien sûr, quelques plébéiens nous apostrophaient avec irascibilité, mais nous n’en avions que faire. Malheureusement pour eux, nous n’avions pas le temps de ralentir. Il fallait prendre un maximum d’avance, afin que les personnes se mettant à notre poursuite ne puissent nous rattraper.

Je jetai un coup d’œil à Aaron et mon sourire s’agrandit. Sans que je puisse le contrôler, mon cœur s’accéléra. Il m’aimait. Une immense joie et un sentiment d’euphorie emplirent ma poitrine. Il avait accepté de tout abandonner pour nous.

Je me trouvais juste derrière lui. Les rues étaient trop étroites pour que nous nous placions au même niveau et il me guidait, puisque je ne connaissais pas le chemin à suivre. Bientôt, nous finîmes par atteindre l’orée de la ville et nos chevaux purent prendre de la vitesse. Je me retrouvai côte à côté avec Aaron.  L’élan que l’accélération entraina me fit dangereusement pencher en arrière et je m’accrochai in extremis à la crinière, avant de lâcher un rire de soulagement.

Il tourna immédiatement sa tête vers moi, un large sourire sur le visage. On sentait qu’il avait l’habitude de monter. Sa posture était droite et souple en même temps. Il contrôlait le cheval avec autant de facilité que pour bouger sa jambe. Il finit par parler. J’entendis difficilement à cause du vent qui sifflait dans mes oreilles.

-          Il nous faudra entre une et deux heures pour arriver jusqu’à la plage la plus proche. Cela dépendra de notre allure. A mon avis, le plus vite sera le mieux. Le principal est qu'ils perdent nos traces.

Je hochai la tête, et me retins de ne pas sauter de joie. Il ne valait mieux pas que je tombe de cheval, vu la vitesse à laquelle nous allions. Dans à peine quelques heures, la mer serait devant moi. J'y étais presque. Nous approchâmes d’une forêt, après avoir dépassé quelques maisonnettes dans les plaines.

-          Comment sais-tu que c’est la bonne direction ? demandai-je en criant pour qu’il puisse m’entendre.

-          Je m’y suis déjà rendu à plusieurs reprises, ne te fais pas de soucis. De toute façon, il suffit de suivre notre cape. Nous allons vers l’ouest. Le sud ouest plus précisément.

Cela me rassura. Il savait ce qu’il faisait et je pouvais lui faire pleinement confiance. Cela faisait environ un quart d’heure que les chevaux avaient quittés la villa. Plus nous nous éloignons, plus j’avais l’impression que je pouvais être moi-même. Ma vie d’esclave était révolue. Mon cœur se pinça légèrement, si j’avais voulu partir avec toutes les personnes qui comptaient à mes yeux, l’organisation aurait été beaucoup plus complexe. Il aurait déjà fallut qu’ils acceptent, que nous échafaudions un plan, et que nous stockions d’avantage de provisions. En plus de cela, je ne savais même pas où habitait mon petit Jason. Venir le chercher, et l’enlever de sa sûreté pour l’emmener vers l’inconnu aurait été difficile. De plus, nous n’aurions jamais eu assez de montures à notre disposition et aurions été forcés de partir à pieds. Le trajet auraient été beaucoup plus lent et périlleux. Impossible, en somme. C’était mieux que ce soit ainsi. Si Marcus avait été le seul à nous accompagner, afin d’échapper à la violence de Sébastien. Nous nous en serions très vite voulu de laisser notre petit frère.

Au bout d’un moment, nous ralentîmes l’allure et adoptâmes le trot. Nous étions désormais dans une forêt, et l’ombre des arbres nous permettait d’avoir moins chaud. J’observais la faune et la flore, fascinée. Ne pas voir la nature pendant des mois m’avait manqué. Depuis que j’étais arrivée à Rome, j’étais restée enfermée dans l’enceinte citadine. Moi qui venais d’un village agricole, être loin de la nature devenait rapidement difficile à supporter. Les arbres étaient assez espacés entre eux et on trouvait toute sorte d’espèces. Ces couleurs verdoyantes faisaient ressortir la force de vie dont était gorgée la forêt. De temps en temps, on voyait un écureuil grimper sur une branche ou des abeilles butiner. Je pris une grande inspiration et profitai. Il suffisait d’écouter, de ressentir. Le chant des oiseaux, le bruissement des feuilles. Le soleil filtrant à travers les paupières et cette petite brise agréable qui caressait ma peau. C’était à la fois silencieux, et comme une symphonie.

-          Je ne savais pas que ce serait si instantané.

La voix d’Aaron perça la bulle dans laquelle je me trouvais. J’ouvris un œil et le regardai sans comprendre. Il m’observait pensivement, les mains posées sur l’encolure de son cheval.

-          Ton visage… m’éclaira-t-il. Je ne l’ai jamais vu si détendu. C’est comme si tu renaissais, loin de cette ville.

Je souris. Il lui avait suffit d’un coup d’œil pour me comprendre. C’était vrai. Loin de la pression de Rome, je redevenais moi-même. Une fille de paysan. Partager ce moment avec mes frères aurait été parfait.

-          C’est parce que je ne serai plus de corvée de linge, à laver tes vêtements tout crasseux ! le taquinai-je.

-          Hé ! s’offusqua-t-il en éclatant de rire. Je suis vexé. Promis, je ne viendrai plus me coller contre toi, si mon odeur te dérange tant que cela !

Je ris, alors que nous continuions toujours d’avancer au rythme des chevaux. C’est ce moment précis que choisit un oiseau pour lâcher un joli cadeau sur la joue d’Aaron. Ses yeux s’écarquillèrent de surprise. Il avait une fiente sur le visage. Charmant. Je ne pus me retenir plus longtemps, j’explosai de rire. Je riais si fort que j’en avais mal au ventre. Je perdis l’équilibre et tombai de cheval.

Le choc me coupa le souffle et j’eus sérieusement mal aux fesses. J’étais légèrement étourdie. Lorsque je vis le cheval de mon compagnon s’arrêter net et son cavalier en descendre, j’étais encore à terre. Aaron avait un regard paniqué et accourut.

-          Tu t’ais fait mal ? s’inquiéta-t-il en posant sa main sur mon genou.

Mes yeux se posèrent sur la trace blanche le long de sa joue, et après un instant de silence, mon rire éclata à nouveau. Il parut d’abord soulagé, puis gêné, avant de froncer les sourcils. Entre de gloussements incontrôlés, je laissai échapper :

-          Au moins… tu… ne pourras… plus… nier… ta mauvaise odeur !

-          Je rêve ! s’exclama-t-il en s’approchant dangereusement. Tu vas regretter de t’être moquée de moi ! Il ne faut pas se frotter à plus fort que soi !

-          N’y pense même pas !

Je me levai d’un bond et me mis à courir. Il n’avait pas intérêt à mettre cela sur moi, c’était immonde. Il rit et partis à ma poursuite. Nous zigzaguions entre les arbres, en riant. Je faisais exprès de tourner soudainement pour le déstabiliser, avant de repartir de plus belle. Les branches et épines au sol me griffaient les chevilles, mais cela m’importait peu. Le moment que nous partagions était unique.

-          Ne crois pas que tu pourras t’échapper, mon or ! s’écria Aaron derrière moi.

Mon cœur palpita, comme à chaque fois que j’entendais ce surnom. Bien sûr, très vite, ses grandes jambes me rattrapèrent et il me souleva du sol. Je criai et me débattis, tout en riant.

-          Pitié, non, pas de crotte d’oiseau sur moi.

Ses bras bronzés se resserrèrent autour de moi et je vis ses muscles se tendre. Je sentis sa poitrine se soulever rapidement contre mon dos. Il riait.

-          Et que ferais-tu pour te faire pardonner ?

-          Tout ce que tu veux, mais je t’en prie, ne m’étale pas cela.

Je désignai  sa joue du doigt. Il souleva un sourcil et eu un sourire en coin, les yeux pétillant de malice. Nom de Jupiter, même défiguré, il était à tomber.

-          Tout ce que je veux ? Proposition très intéressante, mademoiselle. Je vais y réfléchir.

Avant que je n’aie eu le temps de répliquer, il me relâcha et fit demi-tour. Je savais très bien qu’il avait pris l’avantage et il devait désormais afficher un sourire triomphant. Je ris nerveusement et le suivis. Lorsque je tournai la tête, j’aperçus un petit cours d’eau. Il n’était pas profond, puisqu’on pouvait voir le fond grâce à l’eau qui était limpide.

-          Aaron ! l’appelai-je tandis qu’il me faisait à nouveau face. Tu ferais peut-être mieux de te nettoyer, avant de repartir.

-          Bonne idée ! approuva-t-il en s’approchant du petit ruisseau qu'il repéra, lui aussi.

Il se pencha et se frotta vigoureusement le visage. Je l’observai de dos. Son corps penché en avant dessinait d’avantage la courbe de ses muscles. Je rougis légèrement. Soudain, une idée germa dans mon esprit et je souris. J’avais trouvé ma vengeance. Je m’avançai sans faire le moindre bruit et le poussai d’un coup. Son corps déjà en avant, bascula. Ses bras moulinèrent avant de rencontrer l’eau. Lorsqu’il percuta l’eau, il envoya une grande gerbe d’éclaboussure, alors que je me reculai en gloussant, évitant le plus possible de finir trempée.

Il sortit d’un coup sa tête dégoulinante de l’eau, avant de me fixer, de ses yeux bleus océans. Une goutte perlait au coin de ses lèvres et j’eus envie de l’ôter avec les miennes. Ses cheveux plaqués en arrière, lui donnaient un air plus sérieux. J’étais en pleine contemplation quand il parla d’une voix beaucoup trop calme à mon goût.

-          Daphnée, j’espère que tu as conscience des conséquences de tes actes ?

Je n’eu pas la possibilité de réagir, que déjà sa main s’échappa de l’eau et tira la mienne d’un coup sec. Emportée par son élan, je tombai à mon tour dans le liquide on ne peut plus frai. Je laissai échapper un petit couinement accusateur. La différence de température me fit instantanément frissonner, néanmoins, son corps collé contre le mien n’arrangeait pas les choses.

J’étais assise dans l’eau qui m'arrivait au niveau de la poitrine, à bout de souffle. Il regardait mon visage avec attention et un léger sourire apparut à la commissure de ses lèvres. Il repoussa une mèche de cheveux qui s’était collée sur ma joue et je me forçai à respirer calmement.

-          Finalement, ce n’était pas une si mauvaise idée, ce petit plongeon… énonça-t-il en se mordant la lèvre que je me mis à fixer avec un peu trop d’insistance.

Nos regards étaient plongés l’un dans l’autre. Il fit courir son doigt du bas de mon bras jusqu’à mon épaule et je laissai échapper un soupir. Mes mains se plaquèrent contre son torse musclé. Je sentais son cœur battre à tout rompre, tout comme le mien. Son visage se rapprocha et je sentis son souffle chaud contre mes lèvres. Il déposa une série de baisers le long de mon cou. Mon ventre fit un salto arrière. Je n’y tins plus. J’agrippai ses cheveux et nos bouches se plaquèrent simultanément l’une contre l’autre.

Ses lèvres douces se mouvaient à la perfection contre les miennes et il raffermit sa prise autour de ma taille. Instinctivement, j’enroulai mes jambes autour de ses hanches. Il grogna et son baiser se fit plus insistant. Sa langue lécha le contour de mes lèvres, demandant implicitement leur ouverture, que je cédai bien volontier. La seule chose qui séparait nos peaux mouillées et glissantes était nos fins tissus gorgés d’eau. Nos langues dansaient au même rythme. Finalement, nous finîmes par nous détacher l’un de l’autre, à mon plus grand regret.

J’étais essoufflée, tout comme lui. Il avait les yeux brillants et les lèvres gonflées.

-          Nom de Jupiter, heureusement que nous nous trouvons déjà dans l’eau froide, j’en ai grand besoin.

Il s’éloigna et plongea à nouveau sous l’eau. Je le vis nager, malgré l’eau peu profonde et en profitai pour récupérer moi aussi. J’aurais aimé le suivre, malheureusement, je ne savais pas nager. Le soleil miroitait à la surface et je me mis à faire des clapotis de ma main, en attendant qu’il revienne. Comme je ne bougeais pas, je finis par avoir froid et me décidai à sortir de l’eau pour pouvoir sécher au soleil. Je m’allongeai sur un grand rocher plat et fermai les yeux. Au bout de quelques minutes, j’entendis Aaron revenir vers moi. J’ouvris un œil et souris. Il me sourit tendrement, tout en admirant ma silhouette.  Je fis la même chose. Sa tunique trempée se plaquait contre son torse musclé, ce qui ne laissait pas beaucoup de place à l’imagination.

-          Tu comptes m’observer encore longtemps ?

Nous avions parlé d’une même voix, ce qui nous fit éclater de rire. Aaron vint s’asseoir à côté de moi. Alors c’était cela ? Profiter de celui qu’on aime, et vivre sans avoir peur d’être découvert ?

-          Tu n’as pas eu peur ? demanda-t-il au bout d’un instant. Je veux dire, être dans l’eau sans savoir nager doit être intimidant, non ?

Je lui souris gentiment.

-          Non, le rassurai-je. J’avais l’habitude de me baigner dans un ruisseau de cette profondeur, chez moi avec Alexandre.

Son regard s’assombrit et il grogna.

-          Je n’aime pas que tu parles de lui, juste après ce que nous venons de faire.

Je ris. Monsieur était grognon. Finalement, il soupira.

-          Mon or, il vaudrait mieux nous remettre en route. Nous avons déjà perdu assez de temps, il ne faudrait pas prendre de risque. Il fait chaud, le vent nous sèchera une fois que nous serons repartis au galop.

A contre cœur, j’acquiesçai. Il avait raison, nous ne pouvions pas nous attarder plus longtemps. Il me sourit et me tendit sa main que j’attrapai sans hésitation. Elle était ferme et puissante, comparée à la mienne qui se perdait lorsqu’elle se trouvait au creux de la sienne. Il détailla à nouveau mon corps et je rougis, mal à l’aise. Il rit en voyant ma gêne et planta un baiser sur mon front.

Nous nous remîmes en route, partant à la recherche de nos chevaux. Dans la précipitation, nous étions partis sans les attacher. Aaron me rassura en me disant qu’ils avaient été domestiqués, et donc qu’ils ne se seraient pas échappés. Effectivement, nous finîmes par les apercevoir, en train de brouter tranquillement. Aaron m’aida à grimper en celle et nous nous mîmes rapidement en route.

Comme tout à l’heure, nous partîmes au galop, pour reprendre de la vitesse. J’étais encore secouée par les évènements et souriais bêtement. Nous discutions du mieux que nous pouvions, à cause du vent qui assourdissait nos paroles. Finalement, les arbres finirent par se dégager et nous traversâmes plusieurs cités. A chaque fois que nous nous approchions d’une civilisation, nous faisions attention et regardions autour de nous, au cas où. Heureusement, personne ne vint nous arrêter.

C’est lorsque je finis par sentir les embruns de la mer que mon sourire s’agrandit au point de ne plus pouvoir s'enlever. Nous avions à nouveau ralentit et Aaron me jeta un coup d’œil. Lorsqu’il vit mon visage si joyeux, le sien s’étira à son tour. Nos chevaux trottèrent, jusqu’à ce que l’herbe ne devienne plus que du sable. Nous avions atteint la plage. Soudain, je la vis. La mer à perte de vue, qui s’étendait sur tout l’horizon.

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Salut tout le monde ! Comment trouvez vous les premiers instants de Daphnée et Aaron enfin libérés de leurs contraintes ? J'ai compté il me reste environ 10 chapitres avant la fin et il n'y aura pas de tome 2 pour info ! ;) bonne soirée !

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