Chapitre 36
Je regardai avec effroi mon meilleur ami se pencher dangereusement en avant, prêt à tomber. Un léger cri d'effroi s'échappa de mes lèvres. Il avait besoin d'aide. En un rien de temps, mes jambes me portèrent jusqu'à lui. Lorsque je fus assez proche pour le soutenir, il s'écroula dans mes bras. J'étais désormais couverte de sang, mais cela n'avait aucune importance, pour le moment.
- Alexandre ! Que s'est-il passé ? m'inquiétai-je en le secouant.
Sa seule réponse fut un gargouillis inintelligible. Il respirait faiblement, contrairement à moi qui mettais à profit toutes mes forces pour le soutenir. Je décidai de le trainer jusqu'à ma chambre afin de l'allonger sur mon lit.
C'est donc avec lenteur que je finis par le ramener jusqu'à ma chambre. Il gémissait doucement et je faisais donc tout mon possible pour ne pas faire de mouvements brusques. Des gouttes de sueurs glissaient le long de nos tempes à cause de l'effort fourni.
Enfin, après ce qui me sembla une éternité, je réussis à l'étaler sur mon lit. Il avait les yeux fermés et la mâchoire contractée par la douleur. Cela me serra le cœur de le voir dans un tel état. Que lui était-il arrivé ? Alexandre n'était pas du genre belliqueux...
C'est à la lueur de la bougie que je pus apercevoir l'étendue des dégâts. Tout son flan droit était complètement meurtri par des hématomes. Il avait l'arcade sourcilière ouverte et des plaies profondes s'étendaient sur sa jambe gauche et sa poitrine. Enfin, ce qui me semblait le pire : une énorme tâche rougeâtre se propageait du bas de son ventre jusqu'à ses côtes. Je n'avais pas besoin d'être médecin pour savoir que ses blessures étaient conséquentes.
Après un examen minutieux, je me hâtai à partir chercher un bol rempli d'eau qui était posé sur ma table. Il fallait que je nettoie les plaies avant qu'elles ne s'infectent. Vu l'étendu des dégâts, il ne valait mieux pas que cela empire.
Le bol en main, je tirai sur une chaise, pour m'asseoir et avoir d'avantage d'aisance quand je nettoierai. Je me rendis compte que je n'avais rien pour cela. Ni chiffon, ni baume. Je me dépêchai donc de partir dans la pièce où tout était entreposé, accompagnée de ma bougie et trouvai ce que je cherchai après quelques instants. Mon cœur battait à tout rompre. Il fallait que je me dépêche. Alexandre était gravement blessé, et la raison de son état m'inquiétait.
De retour dans ma chambre, je repris ma place et m'activai, je détachai la tunique de mon meilleur ami, afin de tout nettoyer et pour que le sang ne sèche pas et ne colle au tissu. Ses traits étaient crispés et je tentai de faire preuve du plus de délicatesse possible. J'essayai de faire abstraction de son torse, musclé et bronzé par la marche et les efforts au soleil, et me concentrai sur ses blessures.
Après avoir trempé le chiffon dans le bol d'eau. Je pris soin d'enlever toute trace de sang. Le tissu laissait des traces humides sur sa peau et je le voyais grimacer dès que je tamponnai un peu trop fort. Une fois que les lésions furent nettes, j'eus le courage d'observer son ventre. J'avais conscience que j'aurais du regarder dès le début la blessure la plus grave, cependant, j'avais eu peur de l'ampleur des dommages.
Je retins un haut de cœur quand je vis une blessure profonde ainsi que toute l'hémoglobine que cela entrainait. Il était difficile de ne pas tourner de l'œil. Je fis tout mon possible pour débarrasser la plaie de ses impuretés pendant que j'entendais Alexandre haleter.
Enfin, je pris un baume cicatrisant et en étalai partout où il avait été coupé. Il semblait qu'une lame lui avait à plusieurs reprises tailladé la peau. Je serrai la mâchoire. La personne qui lui avait fait cela allait payer. J'avais également récupéré dans l'entrepôt, une longue bande de tissu qui servirait de bandage. J'entourai ses plaies les plus profondes avec, et partis ensuite chercher des herbes médicinales.
Il fallait les laisser infuser puis boire, mais je n'avais pas à ma disposition de quoi faire bouillir de l'eau. Je haussai les épaules. Tant pis. Je versai les herbes dans un verre rempli d'eau et lui fis avaler le tout.
- Bois. C'est pour calmer la douleur.
Je lui soulevai la nuque afin qu'il n'ait pas d'effort à produire. Par son regard reconnaissant, je compris que j'avais fait le maximum. Je reposai délicatement sa tête sur l'oreiller et ses yeux se fermèrent par la même occasion. Très vite, il sombra dans le sommeil. Pour ma part, je restai assise sur la chaise à côté du lit, inquiète. Je n'étais toujours pas au courant des évènements et cela m'intriguait, maintenant que je le savais hors de danger.
Je dû finir par m'endormir, après avoir passé une partie de la nuit à veiller sur lui. A plusieurs reprises, je lui avais humidifié le front, afin qu'il n'attrape pas de fièvre. J'avais également vérifié ses pansements, et les avais changés lorsque ceux-ci étaient devenus trop gorgés de sang. Une voix rauque me sortit de ma torpeur.
- Daphnée ?
Mes paupières papillonnèrent et je remarquai que mon meilleur ami m'observait, les yeux mi-clos. Je me redressai immédiatement. L'aurore n'allait pas tarder à poindre.
- Est-ce que ça va ? s'enquis-je en me levant. As-tu besoin de quelque chose ?
- Ne t'inquiète pas pour moi, murmura-t-il la voix toujours cassée. Ce que tu as fait pour moi la veille, est déjà bien assez. Merci infiniment.
Il fit un petit sourire gêné et repris.
- De l'eau ne serait pas de refus, s'il te plait.
- Bien sûr.
Je m'empressai de lui ramener ce dont il avait besoin, afin qu'il puisse se désaltérer. Il se redressa difficilement et s'adossa contre le mur en pierre de ma chambre. Pour ma part, j'étais de retour sur la chaise. Lorsqu'il eut finit de boire à grandes gorgées, nous nous fixâmes.
- Alors ? demandai-je, curieuse d'avoir des explications. Tu peux m'expliquer pour quelle raison je retrouve un mort-vivant devant ma chambre un plein milieu de la nuit ?
Mon ton s'était fait légèrement accusateur. Même si j'étais soulagée de l'avoir soigné, j'avais encore perdu une nuit de sommeil. Mes heures de repos depuis ces trois derniers jours pouvaient se compter sur les doigts de la main.
Il prit un air légèrement gêné mais finit par hausser les épaules avant de se racler la gorge.
- J'étais aux thermes tout à l'heure. Il était tard et les lieux semblaient déserts. Tout se passait bien lorsque j'ai entendu une conversation entre des hommes. Je n'ai pas pu m'empêcher d'écouter.
Il souffla bruyamment. Il fulminait. Visiblement, ce qu'il n'allait pas tarder à me dire lui coûtait. Je posais une main apaisante sur son bras et l'incitai à continuer d'un regard.
- Ils parlaient de toi, Daphnée. Et de ton maître, Aaron.
- Comment ?! m'exclamai-je, horrifiée. Mais... qu'on-t-ils raconté ? Qui étaient-ce ?
Je tremblais d'inquiétude à cause de ces révélations. Peut-être que des personnes mal intentionnées nous avaient aperçus. Les conséquences en étaient terribles. Cela pouvait signifier la mort. Je compris l'ironie de la situation quand je réalisai qu'il ne nous était rien arrivé lorsque nous nous voyions régulièrement. Cependant, maintenant que nous avions rompus tout contact, un malheur se profilait.
- Je... je ne sais pas... reprit-il en fronçant les sourcils. Des esclaves, me semble-t-il. Ils ont parlé d'un certain Sirius....
- Des esclaves de Sirius ? m'horrifiai - je.
La situation était pire que ce que je pensais. Sirius avait vu à quel point Aaron et moi étions attachés. S'il parlait, la catastrophe était imminente.
- Qu'on-t-ils dit ? m'informai-je en me tordant les mains. Oh non, il a dû leur en parler.
Mon cœur battait à tout rompre. Avec la fatigue, je manquais de m'évanouir. Les yeux de mon meilleur ami se voilèrent de tristesse et de colère.
- Ils... ils t'ont traitée de prostituée, grimaça Alexandre. Ils ont osé dire qu'Aaron ne se servait de toi que pour son plaisir et qu'il allait te laisser comme une malpropre quand il serait marié. Je ne sais pas ce qu'il se passe entre vous. Je n'ai entendu qu'une bribe de votre conversation, hier soir. Mais je... il t'a abandonné.
Il butait sur ses mots, dégoûté par la situation.
- Il t'a fait souffrir et je le hais pour cela, quoi que vous ayez partagé. Mais que des inconnus osent te traiter de catin... La haine m'a submergée. J'ai frappé. Violemment.
- Alexandre....
Je ne savais pas quoi dire d'autre. Mon honneur était bafoué, mon meilleur ami s'était battu par ma faute et notre histoire avec Aaron risquait d'être dévoilée. Un sanglot éclata.
Alexandre me prit immédiatement dans ses bras et je me blottis contre lui.
- Tu n'aurais pas dû faire cela... bredouillai-je entre deux crises de larmes. Regarde dans quel état tu te trouves désormais...
Il me frotta le dos.
- J'ai fait ce qui me semblait le plus juste. Je n'avais juste pas pensé au fait que se battre à trois contre un n'était pas très réfléchi. J'avais le dessus au début, mais très vite, ils m'ont entouré et tabassé. Ils ont fini par sortir des glaives et je n'avais rien pour me protéger. Ensuite, lorsqu'ils sont partis, j'ai mis des heures avant d'atteindre ta chambre, tant je titubais.
- Merci d'avoir pris ma défense... murmurai-je, émue. J'aurais juste préféré que tu ne sois pas aussi abîmé au retour.
Il eut un sourire amusé. Tout d'un coup, ses yeux pétillèrent de malice.
- Au fait ! Je suis allé voir le forgeron ce matin. Il a accepté de me prendre. Pendant plusieurs semaines, il m'apprendra les bases du métier et ensuite, j'aurais l'occasion de me débrouiller seul.
J'applaudis, accompagné d'un léger cri de joie.
- C'est génial ! Je suis tellement soulagée et contente pour toi ! Tu vas faire du bon travail !
Il fit une moue désabusée.
- Je n'en doute pas ! J'espère juste qu'il ne prendra pas peur ce matin en voyant mon état ! Imagine, s'il décidait de choisir quelqu'un d'autre !
Effectivement, c'était une possibilité. Cependant, j'avais confiance en la persuasion d'Alexandre et sa bonne volonté.
- Ne t'en fais pas, le rassurai-je. Mais crois-tu que tu arriveras à marcher jusqu'au centre ville tout seul ? Il est bientôt l'heure pour toi de partir.
- J'y arriverai.
Quelques minutes plus tard, après l'avoir aidé à sortir du lit et grimper par dessus la fenêtre, il me donna une longue étreinte pour me remercier puis me dit au revoir. Je le vis repartir lentement en claudiquant, espérant qu'il ne croise pas une nouvelle fois les esclaves de Sirius.
Je ne savais pas si je devais en parler à Aaron. Après tout, même s'il avait rompu tout contact avec moi, il était tout aussi concerné. Peu importe, ce n'était pas ma priorité pour le moment. Vu l'heure, il était temps que j'aille travailler.
Je remontai, perdue dans mes pensées quand tout à coup je percutai quelqu'un. Surprise, je relevai les yeux et tombai nez à nez avec des yeux marron familiers.
- Marcus ? m'étonnai-je. Mais que fais-tu ici ?
Je regardai mon grand frère avec incompréhension. Lui, au contraire, me sourit à pleines dents et me pressa contre lui.
- Content aussi de te revoir, petite sœur ! se ravit-il avec moquerie.
Comme il comprit que cela ne me faisais pas rire et que je souhaitais connaître la raison de sa présence, il soupira et m'expliqua :
- Rosa est venu rentre visite à son fiancé. Ils ne se quittent plus, maintenant des deux - là. Son père ne voulait pas la laisser partir seule jusqu'ici, alors je me suis proposé pour l'accompagner. J'ai été très étonné qu'il ne me fasse pas battre pour avoir osé prendre la parole. Apparemment, avoir ma corpulence et mes muscles peut servir. Il a accepté, afin que je la protège et me voilà ! Rosa est à l'étage, tu devineras sans doute avec qui.
Il avait accompagné sa petite tirade en bandant les muscles, comme pour me prouver qu'il en avait bien. Je ris. J'étais contente de revoir mon frère. Malgré tout, un goût amer restait au fond de ma gorge. Aaron et Rosa se voyaient. Encore. A croire que ce que nous avions vécu n'avait vraiment été qu'un jeu. J'allais devoir servir Rosa comme-ci de rien n'était.
Mon frère continua son récit :
- Daphnée, c'est la première fois que nous nous sommes parlé. J'étais légèrement stressé. Je ne voulais pas raconter n'importe quoi. Mais Rosa a une voix si douce, elle est si conciliante... Nous avons discuté tout le long du trajet et elle m'a même souri. A moi ! Tu te rends compte !
Mon cœur ralentit, le temps semblait vouloir prendre une petite pause. Marcus paraissait si heureux. Non, il ne fallait pas que mon frère commette la même erreur que moi. Je ne souhaitais pas qu'il souffre. Rosa et Aaron se marieraient. C'était un fait et non une possibilité.
- Marcus, tu sais que...
- Et toi ? me coupa-t-il. La dernière fois que nous nous sommes vus, tu n'étais pas très en forme.
Non effectivement, cela s'était passé après ma dispute avec Aaron, chez Victor, son meilleur ami. J'étais partie rejoindre mon frère, en cachette. Cela m'avait fait du bien de me confier à lui. Mais il s'était passé tellement de choses depuis. Son départ en Grèce, la tempête, l'attente, les retrouvailles, le collier, le baiser, Alexandre, les séparations...
- Je... ça va... soupirai-je en me frottant les yeux.
- Arrête, je sais que tu tiens à ton maître plus que tu ne le devrais.
Il me regardait avec compassion. Après tout, mon frère me comprenait. Je n'osais pas lui raconter la scène du baiser. C'était personnel.
- Nous nous sommes expliqués, nous sommes en de bons termes, mentis-je.
Il hocha la tête. Visiblement, j'avais été convaincante.
- Alexandre nous a retrouvés, lâchai-je en souriant. Il se trouve à Rome.
- Comment ? ne put s'empêcher de crier Marcus. Mais il a été lui aussi attrapé ?
- Pas vraiment... racontai-je, gênée. Disons plutôt qu'il est parti à ma recherche pendant plusieurs mois.
Mon frère secoua la tête, les yeux écarquillés.
- Pas croyable. Il tient vraiment à toi, celui-là. Il a de la chance que je le connaisse, sinon tout cela serait parti en interrogatoire.
Je levai les yeux au ciel. Marcus protecteur, le retour.
- Daphnée ! pesta une voix sèche.
Je me retournai et regardai ce très cher Auguste, qui était on ne peut plus renfrogné.
- Notre maîtresse Carmen t'ordonne de remonter. Tu es en retard et nous avons de la visite de plus haute importance.
- J'arrive, m'agaçai-je.
Il claqua la langue, excédé et fit demi-tour sans un regard de plus. Mon frère le regardait en pinçant les lèvres, la mâchoire contractée.
- Alors lui, je vais...
- Chut. Ce n'est pas le moment... l'interrompis-je.
Après tout, nous avions une invitée de haute importance. Rosa. Tout à coup, mon frère m'attrapa par le bras, les sourcils froncés.
- Daphnée, qu'est-ce que tout ce sang ? T'a-t-on fait du mal ?
Oh non. Le sang d'Alexandre.
- Ne t'inquiète pas. Il n'est pas à moi, je t'expliquerai plus tard. Il est temps de partir voir nos maîtres.
Il hocha la tête à contre cœur. Malheureusement, je n'avais pas de tunique de rechange et n'avais pas non plus le temps de partir à la laverie pour nettoyer ma tâche. Tant pis.
Nous remontâmes le couloir, mon frère et moi. Il se tenait juste derrière moi, comme pour me protéger d'un danger inexistant. Marcus protecteur, le retour bis.
Une fois dans le salon, j'observai ma nouvelle maîtresse qui était collée contre Aaron. A partir de maintenant, j'étais là pour la servir. En nous entendant entrer, Aaron tourna la tête et écarquilla les yeux en voyant mon état. Couverte de sang avec des cernes jusqu'au menton. Il eut l'air légèrement paniqué, avant de se ressaisir et d'adopter un air neutre.
- Ce n'est pas trop tôt ! Tu comptais rester dans ta chambre jusqu'à la fin de la journée ?
La voix méprisante et irascible de Carmen me fit serrer les poings.
- Non madame, pardonnez moi.
Ma voix était on ne peut plus mielleuse, mais c'était sans importance.
- Ne me manque pas de respect ! assena-t-elle en s'approchant, les pupilles noires de colère. Maintenant, occupe-toi de cette chère Rosa.
- Bien madame.
Je partis en direction de la fiancée de l'homme que j'avais embrassé.
- Désirez-vous quelque chose, mademoiselle ?
Elle me regarda avec ses yeux de biches qui étaient entourés de longs cils.
- J'ai chaud, pourrais-tu me rafraîchir avec je ne sais quoi ?
- Bien sûr, répondis-je avant de me tourner vers Aaron. Et vous, monsieur, avez-vous besoin de mes services ?
Mes propos avaient été accentués sur le vous et le monsieur. Mon ton légèrement sarcastique ne se fit entendre que de lui. Il me regardait avec insistance, essayant de me faire passer un message. Désolée je ne comprenais pas le langage "clignement de paupières".
- Non. Merci, Daphnée, finit-il par marmonner.
Je lui fis le plus grand des faux sourires avant de partir dans la cuisine. Il était temps d'être aux petits soins pour les amoureux.
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Bonjour tout le monde ! Désolée d'avoir mis autant de temps pour poster, j'étais en voyage scolaire...
N'hésitez pas à laisser un commentaire et à bientôt ;)
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