Mon meilleur ami se tenait devant moi, et je n’en croyais pas mes yeux. C’était incroyable, impensable… Comment m’avait-il retrouvé ? Il était comme je l’avais quitté : grand, athlétique, le regard rieur. Au fil des mois, sa carrure s’était néanmoins développée pour laisser ressortir de larges et puissantes épaules. Son teint était désormais bronzé et son sourire, lorsqu’il me vit, fit monter des larmes au coin de mes yeux. J’éclatai en sanglot, et dans un même élan désespéré, nous courûmes dans les bras l’un de l’autre. Le choc de son corps contre le mien fut brutal, comme si je revenais à la réalité, après avoir passé des mois à rêver. Je me blottis tellement fort contre lui, respirant sa bonne odeur.
Je n’admettais toujours pas ce qui se produisait et avais peur qu’il disparaisse d’un moment à un autre. Pour sa part, il me serrait au point de m’asphyxier, mais cela m’était complètement égal, au contraire. Il me berçait doucement en répétant sans cesse mon prénom. Un sanglot étouffé sortit du fond de sa gorge. Nous pleurions tout les deux à chaudes larmes. Finalement, il releva la tête et ses yeux bleus ciels, remplis de larmes, rencontrèrent les miens. Il posa délicatement ses deux mains sur mes joues et murmura en souriant :
- J’ai cru que je t’avais perdue. J’ai eu si peur.
- Tu m’as retrouvée… sanglotai-je au bord de la crise de nerf. Tu vas bien. Dieux merci, tu vas bien…
Il se blottit à nouveau contre moi, me caressant doucement les cheveux.
- Chut, je suis là maintenant, tout va bien se passer.
J’hochai frénétiquement la tête, ne voulant plus le lâcher. Il m’avait tellement manqué ! Une part de moi m’avait été arrachée pendant des mois, et j’avais enfin la sensation de pouvoir à nouveau respirer. Tant d’inquiétude et de souffrance !
Lorsque je relevai à nouveau la tête pour le regarder, une silhouette derrière lui attira mon attention. Aaron se tenait prêt de la fontaine, visiblement sous le choc. Son corps s’était arrêté, comme en plein mouvement, dès qu’il nous avait aperçus. Il avait tout vu et tout entendu. La confusion marquait ses traits, vite remplacée par la déception. Il contracta fortement la mâchoire, plissa les paupières et fit demi-tour, sans un regard pour moi. Tant pis, je m’expliquerai plus, tard. Je n’avais en rien envie de gâcher ce moment de retrouvailles. Je regardais à nouveau les yeux d’Alexandre qui me fixaient avec adoration.
Je lui pris la main et l’entrainai vers le jardin. Nous avions tant de choses à nous raconter, après tout ce temps ! D’un signe de tête, Eulalie me fit comprendre que cela ne la dérangeait pas de travailler seule. Bien sûr, elle voudrait des explications en temps voulu, mais pour l’heure, je me consacrais entièrement à mon meilleur ami. Il me pressa la main et nous sortîmes pour retrouver l’air frai du dehors. Depuis la tempête, il ne faisait plus du tout la même chaleur, au contraire, une sorte d’humidité flottait en permanence. Malgré tout, le ciel était à nouveau dégagé, si on ne prenait pas en compte quelques nuages épars.
Alexandre me pressa la main et nous partîmes nous assoir contre un arbre, après avoir marché quelques minutes. Nous continuions à nous regarder, savourant la présence réconfortante d’un ami d’enfance.
- Tu vis dans une belle maison, commença-t-il de son doux sourire, j’espère que tes maitres te traitent bien.
- Oui, assurai-je, ils sont tous très avenants, sauf Carmen, la mère qui me déteste.
- C’est elle qui t’a fait cela ? demanda-t-il en effleurant l’hématome sur ma joue, comme Aaron la veille.
- Oui, mais ne te fais pas de soucis pour moi, je vais très bien. Je m’occupe généralement de Silène, c’est sa fille, et elle semble m’apprécier.
Il fit malgré tout une moue soucieuse en fronçant les sourcils.
- Tu as maigris.
- Toi aussi. Tu sais, la traversée de la Gaule jusqu’à Rome, cela muscle, surtout avec un bout de pain rassis par jour. J’ai repris du poids, depuis que je suis arrivée à la capitale.
Il fut horrifié quand il apprit comment on m’avait traité pendant le voyage.
- Ma Daphnée, que t-ont-ils fait ? Et tes frères ? Tu as des nouvelles ?
- Jason est dans une famille parfaite, il est heureux et épanoui. Je ne l’ai revu qu’une seule fois depuis la vente. Marcus est dans une famille affreuse. Il se fait maltraité, j’ai peur que cela se finisse mal. La fille de son propriétaire va bientôt se fiancée avec le fils ainé de ma famille. Je l’ai vu il y a un peu plus de deux semaines, pendant la nuit.
- Nom de Jupiter, fais attention à toi ! Ne va pas te fourrer dans des problèmes comme tu sais si bien le faire ! Je suppose que cette petite sortie nocturne était inconnue de vos maîtres.
Il s’agitait, légèrement nerveux. Alexandre avait toujours été très protecteur envers moi. Je balayais sa remarque de la main.
- Arrêtons de parler de moi, c’est sans importance. Raconte-moi tout ce qu’il s’est passé, depuis que le village a été attaqué.
Toutes ces questions sans réponses me tourmentaient depuis des mois. En plus de cela, je n’avais absolument pas envie de lui parler d’Aaron. Même si j’avais une entière confiance en lui, mettre le sujet sur le tapis m’aurais rendue mal à l’aise. Le regard d’Alexandre s’assombrit, mais il finit par me narrer :
- Je t’en ai tellement voulu au départ, Daphnée… murmura-t-il d’une voix étranglée. Tu n’as même pas essayé de te débattre, de me rejoindre... Tu m’as laissé te regarder partir, alors qu’on me retenait de force pour que je ne puisse pas venir te sauver.
- J’ai fait cela pour ta propre sécurité, le coupai-je, le regard perdu dans mes souvenirs douloureux. Tu ne comprends pas… Je ne pouvais pas abandonner mes frères. Si j’avais tenté de m’enfuir vers toi, les gardes t’auraient remarqué et t’auraient embarqué avec nous.
- Mais j’aurais été avec toi, avança malgré tout Alexandre sur un ton accusateur. Je t’ai cherché pendant des mois ! Tu pouvais être partie n’importe où ! Mon monde était détruit. Mon village venait d’être ravagé et ma meilleure amie s’était faite capturée !
- Mais moi aussi j’ai souffert ! criai-je en pleurant. Comment penses tu que je me sentais quand je voyais mon petit frère maigrir à vue d’œil ? Que j’avais tellement mal, que chaque pas me faisait souffrir ? La faim, la fatigue, la douleur, mais surtout la mort étaient devenues mon quotidien ! Tu penses que cela fait quel effet, de passer de femme à objet ? Car c’est ce que je suis maintenant… Un simple objet à manier comme bon leur semble… Tu n’imagines pas la chance que tu as d’être encore libre.
Alexandre me contemplait, comme si je venais de lui planter un poignard dans le cœur. Ma souffrance se répercutait sur lui, tel un écho. Il me reprit dans ses bras, comme-ci il ne pouvait pas s’empêcher de me rassurer.
- Je sais, pardon, je suis désolé. J’aurais tellement préféré être à ta place pour ne pas que tu aies à subir tout cela ! J’essayais de me rassurer, de me dire que tu étais une fille forte… Ce que tu es. Mais je t’ai imaginé morte tellement de fois. Pendant des semaines, je me disais que tous les efforts que je fournissais pour te retrouver étaient peut-être vains.
- Mais non, tu es là. Tu m’as retrouvée.
- Et je remercierai infiniment les dieux pour cela… Chaque jour de mon existence.
J’eus un faible sourire et l’incitai à poursuivre son récit. Il ferma les yeux et hocha faiblement la tête.
- Cela fait presqu’autant de temps que toi que je ne suis pas retourné au village. Je suis parti une semaine plus tard. C’était le chaos. Tout était brûlé, des corps jonchaient encore le sol malgré les nombreuses tombes creusées, et les villageois encore vivants étaient anéantis. Ils essayaient de nettoyer les décombres, comme de vaines tentatives d’oublier ces horreurs. Mais moi, je n’y arrivais pas. La vue de ce massacre me dégoutait, je ne supportais plus de voir la mort. Je ne pensais pratiquement qu’à toi. A tous ces enfants qui avaient été enlevés par les troupes romaines. Alors j’ai fait ce qui me semblait le mieux. J’ai pris des vêtements, de l’argent, quelques réserves de nourriture et de quoi chasser. J’ai dit au revoir à ma famille, qui heureusement n’avait pas été touchée, et je suis parti à ta recherche, en direction de Rome. Je n’avais aucun repère, mais c’était le lieu qui me semblait le plus approprié pour commencer mes recherches. J’espérais, sans me faire trop d’illusions, avoir une chance de vous rattraper, mais bien sûr, cela n’est pas arrivé. Je me suis mis à marcher, pendant des jours et des jours, mon but c’était toi, mais au fond, j’étais également parti pour me changer les idées.
Entendre toutes ces confessions était difficile pour moi, j’avalais difficilement ma salive. Il poursuivit, les paupières toujours closes :
- La première semaine après mon départ, j’ai réussis à manger sur mes réserves, et en grignotant des fruits que je trouvais. Je me lavais et buvais dans des cours d’eau, toujours en suivant le chemin jusqu’à Rome. Etre seul était plus dur que ce que je ne l’avais imaginé. J’étais livré à moi-même, plongé dans des réflexions sombres qui me torturaient. Mais je repensais à des souvenirs de nous deux, et j’étais à nouveau prêt à tout. J’ai fini par être contraint de chasser. Une nuit, je suis arrivé aux abords d’un village, j’étais exténué et j’avais faim. J’ai dépensé toutes mes économies pour une chambre dans une auberge et un repas. J’étais tellement désespéré et j’avais besoin de parler avec des gens. J’en ai profité pour demander à une bonne femme, qui se trouvait être l’aubergiste, si une troupe romaine était passée avec des enfants. Elle m’a répondu que oui, il y avait de cela trois ou quatre jours. J’avais immédiatement été rassuré en comprenant que c’était vous. Malheureusement, quand je t’ai décrite, elle était incapable de me dire si elle t’avait vu passer ou non. Je suis reparti après la nuit, j’avais foi en toi, je savais que tu te battrais pour survivre. C’est là que cela s’est compliqué. Le lendemain de mon départ de l’auberge, j’étais rentré bredouille de la chasse et je me suis donc rabattu sur la cueillette. Malheureusement, j’ai dû manger un fruit qui n’était pas comestible et suis tombé gravement malade. J’avais de la fièvre, je ne pouvais plus marcher tant mes membres étaient lourds, et je vomissais tout ce que j’avais ingurgité.
Je plaquais une main sur ma bouche. J’étais pendue à ses lèvres, mais l’entendre dire qu’il avait été quasiment inconscient et seul dans une forêt me retourna l’estomac. Si cela avait été pire, il aurait pu en mourir.
- Je… mon pauvre… bredouillai-je en lui serrant la main. Comment t’en es-tu sorti ?
- J’ai fini par tomber dans les pommes au milieu de la nuit. Je délirais. Quand je me suis réveillé, j’étais dans une sorte d’abris, complètement déboussolé. Un homme d’une trentaine d’année était à mon chevet et m’a dit de boire le flacon qu’il me tendait, en m’expliquant que cela me purgerait. Je lui ai fait confiance, après avoir posé quelques questions. Après tout, il ne devait pas me vouloir de mal, puisqu’il m’avait emmené en sécurité et m’avait déposé sur un lit de fortune. Après cela, je me suis rendormi et quand je me suis réveillé, il était toujours là. Il m’a expliqué qu’il était marchand et qu’il partait en voyage, quand il m’avait trouvé sur le chemin. Il m’avait alors porté en sécurité dans une de ses cabanes qu’il avait construites lors de ses longues traversées. Je me suis rétabli au bout de deux jours. Daphnée, tu ne peux pas savoir à quel point j’ai eu de la chance que le destin l’ait amené jusqu’à moi.
Je lui souris, moi aussi soulagée par la tournure qu’avaient pris les évènements. Il continua, un sourire aux lèvres :
- Salomon m’a dit qu’il était un marchand qui s’arrêtait à chaque grosse ville pour les jours de marché, et qu’il restait entre trois et sept jours dans la ville en question. Je lui ai demandé où il se rendait, et coup du destin, il passait par Rome ! Avant cela, il devait s’arrêter dans cinq cités de l’Empire, mais cela m’était égal, si au final, on arrivait à la capitale. Je lui ai expliqué la situation, lui ai dit que je te cherchais et que je pensais te trouver à Rome. Il a accepté que je reste en sa compagnie, si en échange je travaillais pour lui. En plus, je n’avais plus d’argent et il me payait quelques sesterces selon les profits faits au marché. Il avait un âne avec lui, pour transporter ses ventes et de temps en temps nous nous rendions au port où il faisait quelques affaires. J’ai découvert des villes magnifiques grâce à Salomon, comme Florence… Au fil des mois, je me demandais de plus en plus ce qu’il advenu de toi. Tu avais dû arriver à Rome et une famille avait dû t’acheter. J’étais inquiet et tu me manquais. Je demandais malgré tout, à tout le monde au cas où s’il ne connaissait pas une grande esclave blonde aux yeux verts du nom de Daphnée. Evidemment, tu te doutes que mes réponses n’étaient que des refus. Je ne perdais pas espoir, malgré tout. Et puis, nous avons finalement quitté la dernière ville pour arriver à Rome.
Il afficha un grand sourire, que je lui rendis. On sentait à quel point il était fier et soulagé d’avoir réussi à me retrouver.
- Nom de Jupiter, Daphnée, j’étais tellement anxieux ! Et si tout ce voyage n’avait servi à rien ? Et si je ne te retrouvais pas ou que j’apprenais que tu n’étais pas du tout à Rome ? Cela fait cinq jours que nous sommes ici, et je n’ai appris pour toi que ce matin ! J’ai passé les cinq premiers à aborder tout le monde dans la rue pour demander s’ils te connaissaient et où tu te trouvais. Au fil des jours, l’appréhension est montée, j’ai cru que je m’étais trompé dans mes suppositions… Personne ne semblait te connaitre, j’étais désespéré… Et puis, ce matin, le miracle s’est produit, je récupérais une caisse au port et ai vu un jeune patricien, un certain Victor, m’a-t-il dit plus tard, qui marchait tranquillement. Je me suis approché de lui, il était tôt et il n’y avait pratiquement personne. Je lui ai posé la même question qu’aux autres, mais il a acquiescé. Il m’a dit que tu te trouvais chez les Aquilii, la villa tout en haut de la colline qu’il m’a indiquée. J’étais fou de joie, je n’y croyais pas. J’avais peur qu’il ne m’ait fait une mauvaise farce. Mais non, quand je suis arrivé, et qu’une noire m’a ouvert, je t’ai fait appeler et tu te trouvais là, devant moi !
Des larmes de joies coulaient sur mes joues. C’était incroyable, il en aurait fallut de si peu pour que nous ne nous revoyions jamais. Il avait été si persévérant, si tenace dans sa tâche.
- Merci Alexandre, je ne te remercierai jamais assez, dis-je trop émue pour l’énoncer clairement.
- Je le referais mille fois, si c’était pour te retrouver… avoua-t-il très sérieusement.
Le moment était très intense, mais je choisis de détendre l’atmosphère.
- J’espère bien, sinon tu aurais été assez discutable comme meilleur ami ! le taquinai-je la mine boudeuse.
Il éclata de rire, les yeux pétillant.
- Ah, qu’est-ce que tu m’avais manqué ! Toi et ton humour…
- Je sais, je sais… déclarai-je, la mine faussement hautaine en m’époussetant les épaules.
Il leva les yeux au ciel, souriant à pleine dents. Il s’appuya finalement contre le tronc et croisa les jambes.
- Et maintenant ? demanda-t-il, légèrement perdu. Que fait-on ? Je n’avais pas réfléchis plus loin que nos retrouvailles…
- Je ne sais pas… murmurai-je, penaude après un silence.
- Tu aimes ta nouvelle vie ?
- Comme on peut aimer sa vie d’esclave… Je suis … heureuse en quelque sorte, même si je préférerais être libre. Je me suis fait des amis auxquels je tiens énormément, je t’ai retrouvé et je sais comment vont mes frères… Mais notre vie d’avant me manque malgré tout.
Il acquiesça, pensif. Il finit par attraper mon poignet et jouer doucement avec le bracelet en bronze qu’il m’avait offert, un petit sourire aux lèvres.
- Tu l’as gardé.
- Bien sûr.
Je m’allongeais à mon tour, m’appuyant contre son torse. Il sourit et m’embrassa le sommet du crâne. Je lui expliquai :
- Il me rassurait quand j’étais triste ou que je me sentais seule. J’avais l’impression que tu étais à nouveau avec moi.
- Je le suis, maintenant. Je ne pars nulle part.
Ca y était. J’avais retrouvé ce sentiment parfait de plénitude. Nous nous mîmes à parler pendant des heures, rattrapant le temps perdu. Notre complicité était restée intacte et nous ne cessions de rire. Personne ne vint me chercher pour travailler, ou faire des remarques. Eulalie avait dû dire une excuse pour me couvrir auprès des maitres. Je repensais soudain à Aaron. Il m’avait vu, il savait très bien avec qui j’étais. Notre conversation de la veille s’était si bien passée, je n’avais pas envie que de nouveaux problèmes aient lieu. Mais j’étais sûre qu’il comprendrait, quand je lui expliquerai que j’avais retrouvé mon meilleur ami. Il savait à quel point je tenais à Alexandre. D’ailleurs, je n’avais pas osé lui raconté ma relation avec Aaron. Une petite voix me disait, qu’il allait s’inquiéter, et je n’avais pas envie qu’une dispute éclate déjà, après tout ce temps.
Malgré ma joie de le retrouver, un mystère n’avait toujours pas été élucidé. Le fait qu’il n’en ait pas parlé m’angoissait, mais je n’osais pas lancer le sujet, par peur que la réponse m’anéantisse. Finalement, alors que nous contemplions pensivement le paysage, je pris une grande inspiration et me jetai à l’eau :
- Alexandre ? Comment… Comment vont mes parents ?
Le sourire qui ne le quittait pas finit par disparaitre et une voile de tristesse passa sur ses yeux. Mon cœur se brisa. Mes pires craintes étaient fondées.
- Ils ont été tués le soir du massacre, Daphnée… Je suis désolé.
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Qu'avez vous pensé de ces retrouvailles ? Dites moi comment vous trouvez Alexandre aussi ! A bientôt ! ;)
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