Chapitre 27
Aaron
C'est légèrement sonné que je fis route jusqu'à chez moi. Cela faisait seulement quelques minutes qu'elle était partie en courant, clamant haut et fort qu'elle me détestait. Cela m'avait fait mal. Je ne pouvais pas le nier. J'avais eu si envie de partir à sa poursuite, de la retenir et de lui expliquer. Mais c'était tout simplement impossible. Le fait qu'elle me hait faciliterait notre éloignement l'un de l'autre.
Seulement, j'avais dû combattre contre moi-même pour la forcer à monter sur l'estrade. Une part de moi savait que si je paraissais détacher, personne ne se douterait de rien. L'autre, luttait en mon fort intérieur, voulant la garder, serrée contre moi et loin de toutes ses sales mains. Son regard avait été si implorant et désespérée que j'avais failli l'attraper par la main et la sortir de chez Victor. Quand elle avait finalement compris que je ne céderai pas, ses prunelles avaient été si angoissées. Mais ce qui m'avait le plus marqué, c'était sa colère et sa déception à mon égard. Tout le long de la soirée, je n'avais fait que de la surveiller discrètement et je m'étais contracté chaque fois qu'un homme s'était approché un peu trop d'elle. Je m'étais senti si impuissant, que j'avais enchainé plusieurs verres sans m'en rendre compte.
J'étais finalement parti demandé un nouveau verre à un esclave, quand ce que je redoutais le plus s'était produit. Lorsque j'avais fait mon retour dans la pièce principale, Daphnée avait disparue. Mon cœur s'était immédiatement mit à battre plus vite, raisonnant sourdement dans mes oreilles. J'avais cherché un peu partout dans la salle, les yeux écarquillés, puis mes pas m'avaient finalement portés jusqu'aux chambres latérales. Lorsque j'avais entendu ses petits cris horrifiés, des larmes de colère m'étaient montées aux yeux. Je n'avais pas réfléchi un seul instant, à comment j'allais me justifier auprès de l'homme et avais foncé. Lorsque j'avais reconnu la silhouette de Sirius, la rage m'avait tellement emplie, que mon poing était parti tout seul. Daphnée avait alors relevée la tête complètement déboussolée, mais reconnaissante. Cependant, quand elle m'avait reconnu ses traits s'étaient figés en une grimace. Cela m'avait un peu plus brisé. Sirius avait alors bredouillé ce qu'il ne fallait pas et j'en avais profité pour passer toute ma fureur contre lui. Il avait voulu la forcer, lui enlever son innocence. Elle avait pleuré mais il n'en avait eu que faire. A chaque fois que je cognais contre sa peau, je revoyais et entendais la détresse de Daphnée. Il fallait que je la venge. Elle nous avait finalement séparés et je l'avais emmené à l'extérieur.
C'est là-bas qu'elle m'avait craché tous ses ressentiments au visage. Je ne pouvais pas nier ses propos et cela me détruisait. Il valait mieux qu'elle croit qu'elle ne m'intéressait pas. Quand elle m'avait avoué qu'elle se sentait elle-même avec moi, j'avais eu envie de lui crier que moi aussi, nom de Jupiter ! Moi aussi, car je n'avais plus besoin de me montrer fort et arrogant comme un patricien. Moi aussi, car j'adorais jouer de la lyre devant elle et rire des ses boutades et maladresses. Mais malgré tout, la société ne prenait pas en compte nos sentiments. C'était une esclave et j'étais son maître, point. Alors je l'avais laissé parler et partir.
De retour dans ma chambre, je me rendis compte que les évènements de la soirée tournaient en boucle dans mon esprit depuis que Daphnée était partie en courant. A plusieurs reprises j'avais voulu faire demi-tour pour la retrouver, mais m'étais abstenu. Elle préférait être seule. Seulement, elle ne savait pas que nous n'allions pas nous revoir avant plusieurs jours... Avait-elle décidée de fuir pour ne plus jamais me voir ? Préférait-elle vivre hors de la ville, sans rien pour survivre plutôt qu'elle soit malheureuse et pleine de souvenirs amers ici ?
Je m'assis sur mon lit, la tête rentrée et les mains sur le visage. Je ne pouvais m'empêcher de revoir Sirius toucher sa peau, l'embrasser de force. Cela me donnait envie de vomir et de tout casser. Même si j'avais déjà eu des liaisons à quelques reprises avec des jeunes femmes à cet endroit, elles avaient toutes été consentantes. Jamais je ne les aurai forcées. Je m'allongeais en soufflant, tentant de me détendre, en vain. Je passai la nuit les yeux ouverts, fixant le plafond. Pourquoi ne ressentais-je pas pour Rosa ce que je ressentais pour Daphnée ?
A l'aube, quelqu'un toqua à ma porte. Je me mis à prier pour que ce soit Daphnée et me relevai brusquement. Je m'approchai de la porte le cœur battant, j'avais tellement envie de la voir avant de partir. J'allais tourner la poignée, seulement, la personne de l'autre côté de la cloison me devança. Je m'attendais à voir le visage de mon esclave, mais au lieu de cela, mon père me toisa, l'air agacé. Je fus déçu mais ne laissai rien paraitre.
- Oui, père ?
- Aaron, nous partons dans moins d'une demi-heure. J'espère que tes malles sont prêtes. Un voyage de deux semaines ne se prépare pas à la dernière minute.
Je soupirais. Je n'avais absolument rien préparé.
- Sommes-nous vraiment obligés de partir ? tentai-je en appuyant ma tête contre le mur.
- Tu sais bien que oui, voyons. Nos relations commerciales avec la Grèce sont très florissantes et il est primordial que nous soyons présents tous les deux. Pourquoi ce changement soudain ? Tu semblais ravi de partir, quand je t'en ai parlé la dernière fois.
- Je suis bien à Rome, expliquai-je.
- Tu ne veux pas quitter Rosa, c'est cela ? en déduit-il tout sourire.
- Heu... Oui, la séparation va être difficile, mentis-je.
- Cela ne vous fera pas de mal ! Le manque va renforcer vos sentiments ! Tiens-toi prêt, devant l'entrée.
Il fit marche arrière et j'acquiesçai, résigné. Après tout, peut-être que le voyage me permettrait de me changer les idées. Je repartis dans ma chambre et récupérai quelques tuniques que j'emporterai dans ma malle. Je partis en direction de la salle de bain, et croisai Eulalie.
- Tiens, Eulalie ! la hélai-je en levant le bras. Viens donc m'aider à préparer mes affaires, s'il te plait. Prends un gros coffre et ramène-le dans la salle de bain.
- Tout de suite, monsieur, répondit l'esclave en inclinant la tête.
Elle repartit à toute vitesse et je me rendis dans la salle d'eau, récupérant plusieurs flacons. Je m'étais assis et les tenais, les yeux perdus dans le vide quand elle toqua et entra doucement. Elle sembla gênée mais finit par toussoter.
- Voici ce que vous m'avez demandé, monsieur. Avez-vous besoin d'aide ? m'interrogea Eulalie.
- Oui, s'il te plaît.
Je réalisais que la dernière fois où j'avais vu Daphnée avant de partir s'était très mal passée. Peut-être pourrais-je lui demander, à la place d'Eulalie, de préparer nos affaires ? Cela nous permettrait de nous expliquer, sans que cela éveille les soupçons.
- Puis-je me permettre de demander où vous partez et pour combien de temps, monsieur ? Cela m'aiderait à faire vos bagages plus correctement.
Eulalie venait d'interrompre mes pensées et je répondis évasivement.
- Environ deux semaines, pour la Grèce...
Elle hocha la tête et partis prendre des vêtements supplémentaires.
- Merci pour ton aide, mais je t'ai sûrement interrompu dans ce que tu avais à faire. Appelle Daphnée, elle pourra finir ma valise.
Eulalie fronça légèrement les sourcils, avant d'écarquiller les yeux, légèrement gênée. Elle se balança de droite à gauche, réfléchissant sûrement à la manière dont elle allait m'annoncer la nouvelle.
- Elle n'est pas dans sa chambre, monsieur, avoua-t-elle d'une toute petite voix. Je ne sais pas où elle est, mais ce matin, quand je suis venue la chercher, il n'y avait personne.
Son aveu me crispa. Elle avait donc fuit ? Par ma faute... Je tentai de paraître calme, mais la colère m'envahit, très vite remplacée par la lassitude. Je me frottais le front, soucieux.
- Termine de remplir la malle, dans ce cas.
Je sortis de la salle de bain et repartis dans ma chambre. Ma raison me disait que c'était mieux ainsi, mon cœur, lui, souhaitait juste se morfondre. Notre complicité me manquait déjà. Mais que se passait-il quand nous essayions de sauver les apparences ? Nous nous cachions la nuit dans un placard pour éviter un esclave, et on avait faillit abuser de Daphnée. C'était mieux ainsi, même si je m'inquiétais pour elle.
Quand il fut temps de partir, je pris une grande inspiration. J'emportais ma lyre avec moi, après l'avoir soigneusement rangée. Mes malles étaient posées à l'entrée de ma porte et je m'en emparai avant de rejoindre mon père devant l'entrée. Il m'attendait patiemment et me tapota l'épaule quand je fus à sa hauteur.
- Allons-y ! lança-t-il, enjoué.
Une fois dehors, deux chevaux et un âne se trouvaient là pour nous. Julius, notre esclave jardinier, les brossait attentivement. Il récupéra nos malles et les attacha à l'âne et la remorque qu'il allait tracter. Nous grimpâmes sur nos majestueux étalons et nous mîmes en route, après que tout fut bien attacher. J'eus un pincement au cœur, car je savais que la villa s'éloignait derrière moi et Daphnée avec, même si elle n'était plus dedans. Alors que nos chevaux trottaient, je fus surpris de remarquer qu'ils ne prenaient pas la direction du port. Après tout, nous allions faire un long voyage en mer.
- Où allons-nous ? interrogeai-je mon père, confus alors que nous ralentîmes notre allure.
- J'ai pensé que tu préfèrerais dire au revoir à ta bien-aimée, avant ce voyage. Nous nous rendons chez Sébastien, mon fils.
Si seulement il savait que ce n'était pas à Rosa que j'avais envie de voir en ce moment. Nous nous arrêtâmes finalement devant la demeure et descendîmes de nos montures. Il était encore tôt, mais notre voyage permettrait de justifier notre venue à cette heure matinale. Un esclave nous fit rentrer et nous attendîmes patiemment que nos hôtes arrivent. J'étais un peu nerveux. Je n'avais vu Rosa qu'à seulement trois reprises, après tout. Celle-ci descendit l'escalier, toujours aussi majestueuse et élégante. Son père la suivait de près. Lorsqu'elle me vit, un sourire éclaira son visage mais elle resta droite et descendit à la même vitesse les marches. Malgré tout, elle s'exclama :
- Aaron ! Cela me fait si plaisir de te revoir ! En quel honneur ai-je droit à une visite de si bon matin ? Monsieur Aquilii, salua-t-elle mon père en inclinant respectueusement la tête.
Elle vint me prendre les mains et les serra. Je dis bonjour à son père avant de reporter attention sur elle.
- Nous n'avons pas beaucoup de temps, un bateau nous attend. Je pars avec mon père pour deux semaines et nous avons pensé que cela te ferait plaisir de nous voir une dernière fois avant notre départ.
- Deux semaines ? murmura-t-elle, soudain triste. Cela va manquer de ne plus te voir.
Je lui caressais doucement la joue. Au moins, il y avait une jeune fille qui ne me détestait pas et semblait triste pour mon départ.
- Ne t'en fait pas. Je serai revenu avant même que tu te sois rendue compte de mon absence.
- Je l'espère, mais je sais très bien au fond de moi, que cela va me sembler durer une éternité.
Elle me serra timidement dans ses bras, et je lui rendis son étreinte. Quelques esclaves de la maison se tenaient tendus, à l'arrière et je reconnus le frère de Daphnée. Je me sentis tout à coup mal à l'aise et me raidis. Je relâchais finalement Rosa et me forçai à lui rendre un beau sourire, plein de promesses. Marcus semblait furieux et contractait fortement les mâchoires, les yeux plissés. Il savait que j'étais proche de sa sœur. Il s'en était rendu compte la première fois que nous nous étions rencontrés, ici même, alors que j'étais hors de moi car j'avais cru que c'était son amant. Il devait me détester.
- Au revoir Rosa, nous nous revoyons bientôt.
Nous n'étions pas mariés et il semblait mal venu que nous nous embrassions surtout devant nos pères, mais elle posa rapidement et délicatement ses lèvres sur les miennes. Avant que je comprenne ce qu'il s'était passé, elle s'était déjà reculé et me souriait.
- Pour te faire patienter.
Elle sourit et je repartis, légèrement perdu. Lorsque nous reprîmes la direction du port avec mon père, il ne fit aucune remarque. Ce baiser furtif avait été agréable, mais tout ce à quoi je pensais était, quelle aurait été la saveur des lèvres de Daphnée à la place de celles de Rosa ? Je fronçai les sourcils. Peu importe, ma fiancée était très bien.
Une fois au port, on chargea nos malles et nous montâmes à bord du navire. Il y avait beaucoup d'agitation, mais j'étais étrangement, calme, comme détaché. La dernière fois que j'étais monté sur un bateau, j'étais avec Daphnée. On finit par remonter l'ancre et notre embarcation s'éloigna du sol, tout comme de mon esclave se détachait de moi.
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