Chapitre 21

Quelques jours plus tard, j'étais tranquillement en train de recoudre un vêtement dans la laverie, quand Julius débarqua dans la pièce, surexcité.

- On va au Colisée aujourd'hui !

- Pardon ? demandais-je, surprise.

Pourquoi me parlait-il de cette arène gigantesque ? Ce n'était pas comme-ci nous avions la possibilité de nous y rendre.

- Les maîtres ont décidés d'aller voir un combat de gladiateur en début d'après-midi, ils nous autorisent à le regarder également.

- Mais les esclaves ne vont pas être autorisés... contrais-je, suspicieuse.

Julius, toujours sur le pas de la porte, éclata de rire et s'approcha.

- Mais dans quel monde vis-tu ? Bien-sûr que si nous pouvons y assister ! Nous serons seulement tout en haut du Colisée, avec les autres esclaves.

- A vrai dire, cela ne m'intéresse pas. Je n'aime pas le sang, j'en ai déjà vu bien assez.

Je dois avouer qu'aller dans ce si grand chef d'œuvre me tentait, mais ce n'était certainement pas pour admirer des hommes s'entretuer. Rien que de l'imaginer, cela me dégoutait. Julius prit un air sceptique.

- Mais enfin, Daphnée, tu ne peux pas manquer cela. C'est une occasion de se divertir. Nous autres romains, adorons ce genre de jeux. Maintenant que tu es dans la capitale, il faut que tu suives les mêmes mœurs.

Je soupirai, résignée.

- Très bien, qui vient ? Je veux dire à part nos maîtres, tous les esclaves seront présents ?

- Evidemment, on ne va certainement pas rater cela ! Tout le monde a hâte.

- Je vois.

Je me remis à coudre. Comprenant que je n'avais rien d'autre à ajouter, Julius repartit, visiblement surpris par ma réaction. Bien sûr, le fait de sortir me plaisait, mais pas la violence à laquelle j'allais assister. En plus de cela, Eulalie était toujours distante avec moi. Je savais qu'elle se protégeait mais son amitié me manquait. J'avais à plusieurs reprises, tenté de discuter avec elle, mais elle avait parue méfiante, comme-ci elle ne pouvait plus me faire confiance, et que j'allais la mettre en danger. Malgré tout, je pensais qu'avec le temps, tout finirait par s'arranger, quand nous nous expliquerions.

Je n'avais malheureusement pas eu l'occasion de reparler avec Aaron, qui lui était très occupé. Nous nous voyions seulement à l'heure des repas, et il se montrait distant, comme prévu. Cette situation m'exaspérait car je ne voyais aucun des deux. Cette après-midi serait peut-être l'opportunité pour discuter avec Eulalie ou de m'aérer l'esprit. Je repensais souvent à notre virée en mer, et nos moments de complicité. Si seulement de nouveaux événements pouvaient se présenter... Seulement, il valait mieux éloigner nos rencontres. En effet, si nous nous voyions d'avantage, toute cette histoire pourrait devenir d'autant plus ambigüe qu'elle ne l'était déjà.

Le repas venait de se terminer. J'avais servis comme d'habitude nos maîtres, en compagnie d'Eulalie, et Aaron m'avais lancé de très légers coups d'œil. Lorsque nous avions mangé en cuisine, celle-ci était directement parti s'asseoir à côté de Julius et ne l'avait pas quitté des yeux. Celui-ci semblait ravi. Pour ma part, j'avais discuté avec Stella qui me contemplait pensivement, à cause de mon humeur morose. Elle m'avait confié qu'elle non plus n'aimait pas les combats, mais que si cela lui permettait de sortir, et elle ne dirait pas non.

Enfin, il fut temps de partir, et Julius s'empressa de se lever. Même Auguste semblait heureux de ce petit passe temps. Nous nous mîmes tout les cinq en marche.

- Les maîtres ne nous accompagnent pas ? remarquai-je, étonnée.

Auguste pris un air dédaigneux.

- Ils ont autre chose à faire que de rester avec toi. Ils sont en bien meilleure compagnie, et ne seront pas du tout placés au même endroit.

Son ton m'agaça, je pris donc la décision de l'ignorer royalement. Discrètement, je vins me placer vers mon amie.

- Dis, Eulalie, tu en as déjà vu beaucoup des combats de gladiateurs ?

- Oui, un bon nombre... répondit-elle brièvement sans me regarder dans les yeux.

Je soupirais. J'avais encore du travail à faire. Eulalie respectait scrupuleusement le règlement, ce qui compliquait notre réconciliation. Je ne suivais pas tout à fait les codes de la société, pour ma part.

Nous continuâmes à avancer, et une foule commença à se former, peu à peu, lorsque nous nous rapprochâmes du centre de la ville. Une clameur hystérique se levait, les gens excités, levaient les bras et criaient. Pour de nombreux marchands et artisans, c'était la possibilité de se reposer pendant une heure ou deux. Certains se bousculaient et nous progressions avec difficulté. Il était encore tôt et le soleil tapait fort, à cette heure-ci.

Nous finîmes par arriver devant le Colisée, et j'en restais bouche-bée. C'était la première fois que je voyais l'édifice d'aussi près, et c'était impressionnant, tant il était haut. De grandes arcades se prolongeaient autour du bâtiment circulaire, et nous pénétrâmes par les larges ouvertures. J'avais peur de perdre mes compagnons de vue, tant le peuple s'accumulait, tel une masse fourmillante. Il faisait sombre à l'intérieur. On voyait de grands couloirs sombres où travaillait une quantité impressionnante d'esclaves, ainsi que des cages occupées par des animaux féroces. Rapidement, je grimpais les escaliers. J'aidais Stella qui avait quelques difficultés à cause de sa vieillesse. Après tout, nous avions quatre étages à monter. Il y avait une odeur de pierres et nos pas résonnaient ainsi que les conversations alentours. Finalement, nous gravîmes toutes les marches et une vive lumière nous éblouit. C'était spectaculaire. Nous avions un aperçu sur tous les gradins et le monde présent était incroyable. En bas se trouvaient les plus riches patriciens, puis, plus on remontait, moins la population était aisée. En bas au centre se trouvait un grand terrain rempli de sable. Je me penchai pour examiner d'avantage, mais je bloquais le passage et me glissais finalement dans une rangée. Stella se dépêcha de s'asseoir entre Julius et Eulalie, pour que la seule place de libre à côté d'elle fût pour moi. Elle était maligne. Chaque moyen comptait pour nous réconcilier. Je partis avec précaution m'asseoir, heureusement, elle ne fit aucune remarque, même si elle semblait contrariée.

Au bout d'un certain temps, le Colisée fut complet et une corne sonna. La foule se calma et s'assit rapidement, écoutant avec attention.

- Peuple romain ! Aujourd'hui va se dérouler le combat de Priscus contre Verus ! Qui va remporter ? Le suspens est à son comble !

La foule cria. On entendait les deux noms fuser de toute part.

- En plus de ce combat exceptionnel qui nous attend, l'empereur Titus nous fait l'honneur de sa présence ! reprit l'orateur.

A nouveau, une acclamation s'éleva des gradins. Ainsi, l'empereur était présent ? Je me penchais, curieuse de l'apercevoir. Finalement, je vis un homme bedonnant placées dans une riche estrade, et qui était aux premières loges pour le combat. Il avait une petite couronne sur la tête et observait tout le monde avec mépris. Oui, c'était bien un empereur. Il fit vaguement un signe de la main, pour satisfaire son peuple, puis bu une gorgée dans son verre en or.

- Mais d'abord, nous allons voir d'autres combats, avant les deux plus fameux gladiateurs que vous avez hâte de regarder. Faites entrer les gladiateurs !

Eulalie se trémoussa sur sa chaise, visiblement impatiente et se redressa pour voir leur apparition. Dès que quatre hommes armés rentrèrent, tout le monde applaudit et bondit de joie. Pour ma part, j'étais calme. Je restais assise, observant. On lança le signal, et la lutte commença. Si j'avais bien compris, ils étaient par équipes de deux. Stella m'expliqua que les combats ne duraient que quatre minutes et que nous allions en voir énormément défiler.

Je décidai de m'absorber dans la contemplation du tournoi. Après tout, je n'avais rien d'autre à faire. Les esclaves qui combattaient étaient tous très musclés et étaient armés de glaives pour blesser leurs adversaires. Chacun avait une tactique différente, des gestes vifs. Ils se mouvaient avec agilité, évitant les coups. A un moment, un gladiateur blessa le bras de son concurrent et du sang se mit à couler abondamment. La foule cria, attendant de voir la suite. Pour ma part, cela me dégoûtait et je me rassis. Bien sûr, une grande partie des combats ne menait pas à la mort, seulement à quelques blessures. Je ne trouvais pas, cependant, cela utile et intéressant à regarder. Les hommes aimaient le sang et la violence. Pas moi. Encore moins après avoir vu mon village détruit.

Le combat cessa enfin, je ne regardai pas qui gagna, cela n'avait aucune importance. Les gladiateurs s'enchaînaient. Je me mis à observer les gradins, opposés à moi. Est-ce que les attaques intéressaient Aaron ? Arriverais-je seulement à le repérer à la distance qui me séparait de lui ? Pendant plusieurs minutes, j'observais minutieusement les rangés en contre bas. On voyait nettement la différence de classe sociale. Les personnes étaient beaucoup plus raffinées et mesurées. Au bout d'une dizaine de minute, je m'arrêtai de chercher. Je l'avais trouvé. Et il me fixait. Depuis combien de temps était-il là, à me regarder ? Mon cœur s'affola. Lorsqu'il vit que je l'avais remarqué, il sourit. Je le voyais en minuscule, mais je répondis à son sourire. Soudain, la main qui se posa sur son bras m'interpela et je fronçai les sourcils. Je regardai à qui elle appartenait et serrai la mâchoire. Rosa. Il était partit voir le combat avec sa fiancée. Evidemment, il fallait bien que les deux apprennent à se connaître et partagent des moments ensembles avant de se marier.

Je me remis au fond de ma place et fermai les yeux. Après plusieurs combats, je trouvais que le soleil tapait un peu trop fort. Je ne sais pour quelle raison, ils n'avaient mis les voiles pour protéger du soleil que sur une partie du Colisée. Ainsi, le pant droit des gradins était exposé à la chaleur, contrairement au gauche qui était dans l'ombre. Au bout d'un certains temps, je me mis à transpirer. Ma peau était collante, et me yeux se fermaient peu à peu. Je me forçai à les rouvrir. Plusieurs minutes passèrent avant que mes oreilles ne se mettent à bourdonner. J'avais si chaud. Ma gorge était asséchée. J'avais l'impression qu'on avait posé un fer chauffé à blanc sur mon front. Je me forçai à respirer calmement. Ma tête se mit à tourner et mon estomac se vrilla. Je n'en pouvais plus, il fallait que je me mette à l'abri.

- Excuse-moi, dis-je d'une voix faible, je vais partir.

Je ne sais pas à qui je parlais exactement, mais cela n'avait aucune importance. Lorsque je me levais, des points noirs dansèrent devant mes yeux. Je m'agrippais à je ne sais quoi et me mis à avancer en titubant. Mon avancée fut laborieuse, surtout que la foule mouvante était toujours aussi captivée par les gladiateurs. A plusieurs reprises, je faillis tomber, mais me reprenais de peu. De l'ombre. De l'eau. J'avais juste besoin de cela. Le bourdonnement semblait de plus en plus fort, les tâches de plus en plus grosses. Il fallait que cela cesse.

J'arrivais enfin à l'ombre, vers les escaliers. Je pensais que la semi-obscurité me ferait du bien, or il faisait pratiquement la même température. Je gémis, désespérée. Une goutte de transpiration dégoulina le long de ma colonne vertébrale. J'allais vomir. Je fermai les yeux et tout se mit à tanguer autour de moi. Je respirai laborieusement et rouvris les yeux. Avec effort, je commençais à descendre les marches. La descente fut d'une lenteur extrême. Je faisais une pause toutes les deux marches, reprenant ma respiration. A un moment, je chutais et me relevais avec difficulté au bout d'un certain temps.

Enfin, je ne sais par quel miracle, j'arrivais enfin en bas. Il fallait que j'atteigne une fontaine pour boire et me reposer. Je marchais en vacillant. Ma bouche était pâteuse. Cela faisait tellement du bien de fermer les yeux. Soudain, mes pieds se dérobèrent. Je m'écroulais au sol et tout devint noir.

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J'espère que le chapitre vous a plu :)

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