Chapitre 18

Daphnée

C'est toute joyeuse que je me réveillai le lendemain matin. J'avais enfin vu mon frère, et malgré son médiocre état, le savoir en vie me rassurait. La réaction d'Aaron avait été assez étrange, mais je ne m'attardais pas dessus.

J'étais tranquillement en train d'étendre le linge dans le jardin quand je vis Eulalie accourir vers moi. Quelle était la raison de son empressement ? Elle arriva enfin à ma hauteur et pu m'informer dès qu'elle eut repris son souffle.

- Le maître Aaron te cherchait. Il est venu en cuisine mais nous lui avons dit que tu n'étais pas là. Il nous a répondu que tu devais le rejoindre.

- Très bien... acquiesçais-je, surprise. Où ça ?

Elle se retint, mais finit par laisser apparaître un grand sourire sur son visage.

- Dans sa chambre.

- C'est une plaisanterie ? m'exclamai-je en reposant le linge que je tenais.

- Non, je n'aurais pas osé.

- Mais pour quoi veut-il me voir ?

- Il n'a rien dit à ce sujet. Pars le rejoindre, je finis le linge.

Je la remerciai et partis, soudain anxieuse. Voulait-il me voir à propos de la soirée de la veille et de la façon dont je lui avais parlé ? Ou était-ce complètement autre chose ? J'arrivais finalement devant sa porte, décidée à l'affronter et toquai doucement. J'entendis un vague « entrez » et poussai doucement le bois. J'allais enfin découvrir sa chambre, celle qu'il n'avait jamais montrée à aucun esclave. Lorsque je pénétrais dans le lieu, je fus étonnée par l'architecture de la pièce. Celle-ci se poursuivait en un couloir sur ma droite et le côté gauche n'était autre que la fenêtre qui s'étendait sur tout le mur. Le seul moyen d'accéder à ses appartements était de faire quelques pas supplémentaires pour accéder à un grand espace au fond, après avoir tourné à droite. Sa chambre était tout en largeur. Je le vis immédiatement. Il était assis au bord de son lit, les sourcils froncés et les coudes posés sur ses genoux. Il regardait dans le vague et son poing droit était appuyé contre sa bouche. Je remarquai qu'il avait encore quelques séquelles de son coup dans le mur, mais que malgré tout, cela avait bien cicatrisé. Il releva finalement la tête et me souris brièvement.

- C'est toi.

- Effectivement, fut la seule réponse que je trouvais. Vous m'avez fait appeler ?

- Oui.

Ses paroles étaient brèves, ce qui m'étonna. En général, il avait l'habitude d'aller droit au but et parlait avec aisance. Comme il n'ajouta rien, j'en profitai pour observer la pièce. Elle était spacieuse, presque plus grande que celle de ses parents. Il n'y avait pas beaucoup de lumière, car celle-ci filtrait essentiellement par le petit couloir que je venais de passer. Il y avait bien une autre source de soleil, par une petite fenêtre au dessus de son lit, cependant une branche d'arbre empêchait la diffusion de la luminosité. Le lit sur lequel il se trouvait paraissait immense, et les draps étaient d'un noir profond. En face du lit, une immense fresque s'étendait. Elle prenait absolument tout le mur, et continuait sur celui servant de couloir. Soudain, je compris que la pièce était dédiée à la musique. Toutes les représentations étaient celles d'Apollon, dieu de la musique et de la poésie. Je remarquai une lyre, soigneusement disposée dans un coin. Sur une petite table, se trouvaient un nombre incalculable de partitions. Je me retournais, il y avait également une grande malle où devait être entassées ses affaires personnelles.

J'étais très étonnée. Je ne m'imaginais pas du tout Aaron avec une passion qui l'animait. Ce devait être la raison pour laquelle, il n'acceptait que très peu de monde dans cette pièce. Il voulait préserver son intimité et son secret pour la musique. Je lui fis à nouveau face, il regardait attentivement mes expressions face à la découverte de sa chambre.

- J'aime beaucoup. On a l'impression d'être coupé du monde ici, avouai-je.

Il sourit franchement.

- C'est ce que j'apprécie aussi. C'est pour cette raison que je préfère être le seul à rentrer ici.

- Pourquoi m'avoir fait venir, dans ce cas ?

Il sembla réfléchir, mais décida de m'expliquer.

- Bizarrement, cela ne me dérangeait pas. En fait, ça me fait plaisir que tu découvres là où je passe le plus clair de mon temps, quand je ne suis pas à l'extérieur.

Je fus émue par cet aveu. Inconsciemment, je m'étais approchée, et je me permis de m'asseoir au bord du lit, à une distance raisonnable de lui. Il ne contesta pas.

- Et puis, maintenant que tu as visité, tu pourras directement venir m'apporter une boisson quand j'aurais soif. Plus besoin de me lever ! ajouta-t-il d'un air narquois.

- Je comprends mieux, ris-je, le dessein était purement stratégique.

- Bien évidemment.

Un sourire flottait sur nos lèvres. Finalement, je demandais.

- Depuis combien de temps adorez-vous autant la musique ?

- Cela se voit tant que ça ? murmura Aaron, amusé.

- Je dois avouer que j'ai hésité avec l'astronomie, un instant.

Il pouffa, et secoua légèrement la tête, comme-ci il ne savait plus quoi faire de moi. Nous commençâmes à discuter tranquillement, riant de temps en temps. Il m'avoua avoir commencé à jouer d'un instrument à cinq ans, et que depuis, cette passion ne l'avait jamais quittée. C'était agréable, nous ne semblions pas nous rappeler que j'étais censée aller faire mon travail d'esclave et que lui devait avoir des affaires politiques à régler. Lorsqu'il riait, je ne pouvais m'empêcher de fixer un instant ses lèvres pleines ou les petites rides qui se formaient au coin de ses yeux. Nous parlâmes pendant une heure, peut-être plus, ne voyant pas le temps passer. Soudain, je me rendis compte que je ne savais toujours pas pour quoi il me cherchait tout à l'heure.

- Au fait, vous m'avez bien fait appeler, plus tôt dans l'après-midi. Devais-je faire quelque chose ?

Il cessa soudainement de sourire et écarquilla légèrement les yeux, comme pris en flagrant délit. Il passa sa main dans ses cheveux et se mit à regarder attentivement les moindres détails de sa chambre, semblant chercher quelque chose.

- Hum oui... C'était, je... pour...

Son regard s'arrêta sur du parchemin et s'éclaira soudain.

- Une lettre ! Oui voilà... Je voulais que... tu m'écrives une lettre ?

- D'accord, répondis-je sceptique.

Pourquoi avait-il réagit ainsi ? Il semblait avoir cherché une idée à l'instant où je lui avais posé la question. Il avait même finit par une interrogation, peu sûr de lui.

Il se leva et s'approcha de la table où étaient disposées toutes les partitions, un instant il fouilla parmi le tas et finit par trouver une feuille vierge qu'il brandit triomphalement. Il partit ensuite récupérer un encrier, ainsi qu'une plume.

- Tiens, te voilà de quoi écrire. Prends la table, dit-il après avoir enlever ses partitions et les avoir soigneusement rangées.

Je m'assis et m'emparai de la plume.

- A qui dois-je écrire ?

Il fronça à nouveau les sourcils, encore une fois démuni par mon interrogation.

- Oh heu... A... Victor. C'est mon meilleur ami, il se trouve à Carthage en ce moment.

- Très bien.

Je trempai ma plume dans l'encre noire et commençai à écrire ce qu'il me dictait. Il faisait à de nombreuses reprises des pauses, cherchant son inspiration. Finalement il souffla.

- Arrête-toi Daphnée, je n'avais même pas prévu de lui écrire... Pour tout te dire, j'avais une après-midi de libre, et je m'étais dit que nous pourrions la passer ensemble. Je n'avais juste pas le courage de te l'avouer. Cela peut sembler étrange comme démarche, étant donné que je suis ton maître... Je ne comprends pas moi-même pour quoi j'en ai envie.

J'étais figée. Avais-je bien entendu la raison de ma présence ? Je me retournai précipitamment pour capter son expression. Il semblait très sérieux. Je compris trop tard, que dans mon empressement j'avais emporté avec moi le flacon d'encre qui se déversa sur la tunique d'Aaron. Je regardai avec horreur le liquide se répandre et s'imbiber dans le tissu. Poussant un petit cri désolé, je me penchai pour ramasser l'encrier mais mon maître fut plus rapide que moi. Nos doigts s'effleurèrent, dans une caresse. Le toucher m'enflamma. Pour cacher mon embarras, je me mis à parler sans interruption.

- Nom de Jupiter ! Pardon, je ne pensais pas avoir été si brusque. Oh non, j'ai gâché une de vos tuniques. Sincèrement, je ne sais pas comment me faire pardonn...

Il posa un doigt sur mes lèvres, arrêtant par la même occasion mon flux de parole. Je pensais le voir hors de lui, cependant il semblait juste agacé et amusé.

- Décidemment, tu as un problème avec les tâches, toi.

Je souris, rassurée. Il faisait référence à la fois où j'avais renversé du vin sur Carmen.

- Reste là, je vais me changer.

Il retira son doigt et sortit rapidement de la pièce, la tunique trempée. Malgré sa réaction, je restai tout de même gênée. Je faisais sans arrêt un faux pas, j'étais si maladroite. Je décidais de nettoyer la flaque d'encre au sol, voulant limiter les dégâts. Je partis en direction de la laverie et pris de quoi enlever le liquide noir qui s'étalait par terre. Quand je revins dans la chambre, Aaron n'était toujours pas réapparu. Je m'accroupis et fis de mon mieux pour faire disparaître ma bêtise. Je me relevai et mon regard s'accrocha à la fresque face à moi. Celle-ci représentait le cours de la vie du dieu Apollon et ses différents exploits. J'admirai les détails et la minutie du travail réalisé. C'était vraiment impressionnant. Soudain, un passage de son existence attira mon attention. On le voyait courir après une nymphe qui se transformait par la suite en laurier. Daphnée et Apollon. Je souris, mon nom était imager dans la chambre d'Aaron.

Soudain, j'entendis un raclement de gorge et je me retournais. Aaron était revenu, et je faillis m'étrangler avec ma salive, face au spectacle devant moi. Un. Dieu. Vivant. Mon maître était vêtu en tout et pour tout d'une ridicule serviette accrochée à sa taille. J'avais une vue plus qu'étendue sur son corps musclé, encore humide. Il affichait un petit sourire en coin, visiblement ravi de l'effet produit.

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Héhé ! L'histoire a dépassé les 1K de vues ! Merci mille fois pour toutes celles qui suivent leurs aventures ! :)

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