Chapitre 13

Daphnée

Mon esprit encore embrumé ne comprit pas tout de suite la situation dans laquelle je me trouvais. Au bout de quelques instants, je finis par me remémorer la raison de ma présence ici. J'étais clouée au lit, malade. La veille au soir, de violents maux de tête m'avaient saisit, suivi d'un mal de ventre. J'avais fini dans mon lit, incapable de bouger. Au cours de la nuit la fièvre avait commencé à grimper, et après plusieurs tentatives infructueuses pour me sortir de là, je m'étais effondrée à nouveau. J'avais les membres si lourds que s'en était insupportable.

Maintenant, les yeux bleus d'Aaron me fixaient avec intensité. Que faisait-il là ? Eulalie m'avait dit que les maîtres seraient compréhensibles et que mon absence ne poserait pas de problèmes aujourd'hui. Il venait sûrement pour vérifier que je n'avais pas menti sur mon état. Pourtant, il m'examinait d'un air préoccupé. Je sentais une source de fraicheur sur mon front, et finis par comprendre que c'était le dos de sa main. C'était bien cela. Il était venu vérifier si j'étais bien malade.

- Non je n'ai pas menti pour louper une journée de travail... commençais-je la voix enrouée.

- Tu penses que c'est la raison de ma présence ici ? m'accusa-t-il en fronçant les sourcils et retirant sa main.

- Quelle pourrait être l'autre raison ? le contrai-je.

Il ouvrit la bouche semblant vouloir dire quelque chose, mais se ravisa en contractant fortement la mâchoire. Finalement, il avoua.

- Oui, c'est vrai, je voulais juste voir si tu n'avais pas simulé.

- Pas trop déçu d'avoir porté de fausses accusations sur une personne démunie ?demandai-je en toussotant.

- Pour l'instant, je le vis bien.

- C'est le principal, alors.

Je refermais les yeux et tentai de me rendormir. J'attendais d'entendre ses pas s'éloigner, pourtant, au bout de cinq minutes, aucun bruit ne se fit percevoir. Mais que fabriquait-il ? Il avait bien vu que j'étais malade, c'est bon il pouvait s'en aller dorénavant. Je rouvris un œil discrètement, il était toujours là, assis sur sa chaise à me regarder. Je refermai la paupière. S'il souhaitait continuer à perdre son temps dans ma chambre, je n'allais certainement pas me priver de mon sommeil. J'essayais de retrouver le repos, mais ce fut peine perdue maintenant qu'il savait que j'étais réveillée.

- J'ai mal aux fesses... se plaignit-il, vos chaises sont si inconfortables !

Non, mais je rêve ! Pauvre bichette !

- Ne comptez pas sur moi pour vous laissez mon lit, je suis très bien où je suis, marmonnai-je les paupières toujours closes.

- Mince alors, moi qui rêvait de tester le matelas ! feignit-il.

- Le votre sera sûrement plus confortable.

- Oui mais dans le mien, tu n'y es pas.

J'ouvris grand les yeux, choquée par sa remarque. Il affichait un grand sourire, fière de sa plaisanterie. J'avais conscience que nous avions été proches il y a quelques jours, quand je m'étais effondrée dans ses bras, mais quand même ! J'étais encore gênée par la façon dont je m'étais comporté, quoique reconnaissante par sa réaction. Il avait dû passer le reste de la soirée à regretter de s'être approché de moi, le pauvre. Le lendemain, je m'étais réveillée avec un sentiment étrange, mais ne m'étais pas attardée sur le sujet.

Maintenant, je ne savais pas quoi répondre. Tentant de paraître en colère, je finis par répliquer, les joues rouges :

- Vous comptez m'empêcher de dormir encore longtemps ?

- Hum, j'hésite... me taquina-t-il.

- Ce sera votre problème si demain je ne serai pas assez rétablie pour travailler à nouveau.

- Ne t'inquiète pas. Le plus important, c'est que tu ne sois plus malade, peu importe le nombre de jours que cela prendra.

Je fus émue par ce qu'il venait de dire, et le remerciais.

- Tu as pris des médicaments ? Et tu as mangé depuis hier ? demanda Aaron, soucieux.

- Eulalie m'a donné du fenouil et de la grande aunée ce matin pour me calmer.

- Tu n'as pas répondu à la deuxième question.

- Non, je n'ai pas mangé. Rien que la vue des aliments me donne envie de vomir... soupirai-je.

- Il faut que tu te nourrisses malgré tout. Cela te redonnera de la force.

Consciente qu'il avait raison, je tentais de lever la main pour atteindre l'assiette posée sur la table. Malheureusement, ce fut sans succès. Mon bras frêle trembla et ne réussit à bouger que de quelques centimètres, me provoquant une vive douleur crânienne. Aaron perçut l'état dans lequel je me trouvais et se dépêcha de m'aider. Il se leva et passa un bras derrière mes hanches afin de me redresser. Il la fit ensuite glisser derrière ma nuque, et de son autre main, il prit le verre d'eau et m'aida à boire. Cela me fit un bien fou, car j'avais jusque là, la gorge asséchée. Ensuite, il prit un morceau de pain, en déchira un bout, et me le mit dans la bouche. Je mâchais doucement, tentant de ne pas régurgiter ce qu'on venait de me donner.

Il recommença son geste à plusieurs reprises, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de pain. Ensuite, il prit l'assiette ainsi qu'une cuillère et m'aida à manger tout ce qui s'y trouvait. De temps en temps, il me redonnait à boire. Aaron était patient et s'adaptait à mon rythme. Pas une fois il n'eut l'air de s'agacer à cause de ma lenteur. A un moment, je laissai involontairement de la sauce sur le coin de mes lèvres. Il l'essuya délicatement avec son pouce, s'attardant un peu trop longtemps sur ma peau. Son toucher était doux et je ne dis rien. Il me regarda ensuite, guettant ma réaction, mais je souris simplement, ce qu'il fit en retour. Je mangeais jusqu'à ce que sois rassasiée et il reposa l'assiette. La nourriture était froide, depuis le temps qu'elle était là, mais cela ne m'avait pas dérangé. A vrai dire, ce n'est pas le goût des aliments qui m'avait intéressé pendant que je mangeais, mais quelque chose de beaucoup plus intéressant...

A un moment donné, j'éclatai de rire, réalisant soudainement quelque chose.

- Que se passe-t-il ? me demanda mon maître en souriant.

- Je viens de réaliser que les rôles étaient inversés ce soir. C'est vous qui me nourrissez, et c'est moi qui suis allongée, en train de prendre tranquillement mon repas !m'amusais-je.

- C'est vrai ! Heureusement que je ne fais pas cela toute la journée, je serai épuisé ! ironisa-t-il.

- Regardez mon état maintenant, à force de vous servir !

Il laissa échapper un rire insouciant, ses pupilles brillant d'amusement. Finalement, il remit correctement ma couverture et me conseilla :

- Tu ferais mieux de te reposer maintenant, je t'ai assez embêté.

Il se leva et repartit en direction de la porte.

- Vous ne m'avez pas embêté, murmurai-je. Merci d'être passé.

Ses lèvres se retroussèrent, et il me regarda gentiment avant de refermer la porte.

Bon, eh bien, je n'avais plus qu'à me rendormir. Le lendemain, après une nuit presque blanche - mon nez complètement bouché m'empêchait de trouver le sommeil - je tentai de me lever. J'avais besoin de me laver et de manger. Je finis par atteindre la cuisine à pas lents et entrai. La journée avait déjà commencée pour tout le monde et seule Stella était présente dans la pièce. Lorsqu'elle m'aperçut, elle sourit et se dépêcha de venir m'aider.

- Ma brebis ! J'espère que tu es en meilleure forme qu'hier ! Tu as une mine affreuse ! Tiens, viens donc t'asseoir là, le temps que je te prépare un petit repas ! Il faut que tu reprennes des forces.

Son débit de parole était vraiment impressionnant. A peine eut-elle terminé, qu'elle se mit à cuisiner avec énergie. Elle était vraiment vive pour son âge. Tout en s'afférant, elle me questionna :

- Tu comptes travailler aujourd'hui ?

- Oui, j'ai déjà manqué hier, je ne voudrais pas qu'on croit que je profite de la situation.

Elle claqua sa langue contre son palais, visiblement agacée.

- Tu es malade, point, tu n'y peux rien. Suis mon conseil ma brebis et retourne te coucher. Tu ne vas tout de même pas te présenter devant les maîtres pour leur donner tes microbes ! Surtout qu'avec la tête que tu as, ils vont prendre peur !

Ah merci, c'était sympathique... Tout en continuant sa recette, elle me tendit un verre d'eau et une pomme et m'ordonna de manger. Je m'exécutais volontiers. Après cela, elle déposa devant moi un gâteau au miel qui disparut rapidement à son tour. J'avais repris de la vigueur, mais malgré tout, la fatigue était toujours présente. Je la remerciais pour tout, et suivis sa recommandation. Après avoir fais un petit tour à la laverie, je retournai dans ma chambre. Je me débarbouillais comme je pus et me recouchais.

Quand j'ouvris les yeux la fois suivante, la nuit était tombée et je grelotais. Je me couvris d'avantage et remarquai un petit papier plié en deux sur la table. Intriguée, je m'en saisis et l'ouvris. La blancheur du papier était seulement ternie par une écriture élégante à l'encre noire que je ne connaissais pas. Je lus.

Je suis passé pour prendre de tes nouvelles, mais comme tu dormais profondément, je n'ai pas osé te réveiller. Rétablis-toi vite. A.


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