Chapitre 4 : Zoé

Ce fut dans un soupir de soulagement que Zoé quitta le lycée. Cette rentrée n'avait fait que confirmer ses craintes : elle ne connaissait pas grand monde et avait été incapable d'aller vers les autres.

Soudain, elle passa devant une petite friperie et s'arrêta un instant. Elle en avait beaucoup entendu parler, disant que l'on pouvait y dénicher de petites pépites pour pas cher. Les paroles de cette Lili lui revinrent en tête : Elle est super mal habillée. La petite brune observa sa montre : il lui restait un bon quart d'heure à dépenser avant que son bus ne passe. Elle s'engagea dans la friperie.

L'atmosphère, bien que comprimée et étouffante, était étonnamment chaleureuse. Beaucoup d'élèves furetaient dans les moindres recoins, à la recherche de la perle rare. Un peu perdue dans cet univers qui lui était étranger, Zoé s'avança vers le rayon des vestes, hésitante.

Avant même de regarder les différents modèles, elle chercha aussitôt des prix bas. Elle ne pouvait pas se permettre de dépenser une fortune dans des vêtements. Actuellement, elle récupérait les anciens habits de ses cousines ; ainsi, ses parents n'avaient pas à dépenser. En revanche, elle devait bien admettre qu'ils étaient laids et ne lui seyaient pas bien. Alors que ses cousines avaient courbes prononcées, la puberté avait mis de côté Zoé, qui se retrouvait donc à nager dans des vêtements trop grands. Un vrai plaisir.

Zoé saisit une superbe veste en jean oversize. 10€ ? C'était tout à fait abordable. Un peu ragaillardie, elle se dirigea vers les deux petites cabines qui se battaient en duel au fond du magasin. L'une d'elle avait le rideau déplacé sur le côté, et Zoé en déduit qu'il n'y avait personne à l'intérieur. D'un geste confiant, elle entra dans la cabine.

« Oh, merde ! »

Une jeune fille de sa classe dont elle ne se rappelait plus le prénom était en train de s'observer dans le petit miroir. Elle portait un mini haut noir avec un large jean déchiré, le tout rendant hyper vintage. Avec son physique de mannequin, elle semblait tout droit sortie de Pinterest.

« Je peux t'aider ? lui demanda t-elle en haussant un sourcil parfaitement dessiné. »

Olenka. Son prénom revint à Zoé, qui ne pouvait s'empêcher de la détailler du regard. Elle rougit violemment, espérant qu'Olenka ne s'offusquerait pas de ses regards et déclara :

« Désolée. Je croyais que la cabine était vide...
- Je me doute bien. Sinon, tu ne serais pas rentrée, rit Olenka pour détendre l'atmosphère. »

Soulagée, Zoé rigola à son tour. Elle aurait pu partir, mais bizarrement, elle ne bougea pas d'un pas. Mais Voyant qu'Olenka l'observait en fronçant les sourcils, elle se précipita d'ajouter :

« J'adore ton pantalon. Il te va super bien.
- Merci, c'est gentil. »

La conversation allait donc s'arrêter là ? Zoé n'en avait pas envie. Cette blonde dégageait une aura apaisante. Heureusement, Olenka poursuivit d'une voix chaleureuse :

« On est dans la même classe, non ?
- Oui, je crois, fit Zoé en faisant mine de réfléchir alors qu'elle le savait très bien, elle était une grande observatrice.
- Je m'appelle Olenka. Toi, c'est Zoé, c'est ça ?
- Oui, sourit l'intéressée, de plus en plus à l'aise.
- Vas-y, je te laisse la cabine. »

Sans gêne, Olenka se changea rapidement devant elle sans fermer la cabine et Zoé détourna le regard. Lorsque la blonde sortit, elle essaya rapidement la veste. Sans prévenir, Olenka ouvrit le rideau et s'écria :

« Oh la vache ! Elle te va super bien.
- Elle est pas mal, avoua Zoé. Mais j'hésite, j'ai déjà une veste qui lui ressemble. Je préfère garder mon argent pour un pantalon ou autre chose de plus utile...
- Zoé, ta veste en jean n'est pas terrible, alors que celle-ci te va à ravir, la supplia Olenka. Si tu veux, je peux te passer plein d'affaires à moi que j'utilise plus. Et tu me prêteras ta veste en échange, ajouta t-elle en riant.
- Tu ferais ça ? s'étonna Zoé, un peu mal à l'aise. »

Si elle ne voulait rien devoir à qui que ce soit, Olenka avait un style de folie et Zoé rêvait d'essayer ses vêtements. Certes, Olenka était beaucoup plus grande qu'elle, mais elle était tout aussi fine et ses anciens vêtements pourraient correspondre à Zoé - au moins davantage que ceux de ses cousines qui dataient d'il y a cinq ans.

La veste est vraiment jolie. Alors que celle de sa cousine était un espèce de torchon court à la couleur fade, celle-ci était oversize et sa couleur claire faisait joliment ressortir sa peau foncée. J'aimerais vraiment l'avoir...

« Je te l'achète, déclara Olenka devant son indécision.
- Hein ? Ça va pas ? On se connaît même pas ! s'écria Zoé. »

Jamais on ne lui avait proposé de lui acheter des vêtements. Olenka devait être soit sacrément riche, ou généreuse - ou peut-être les deux.

Avant qu'elle ne pipe mot, Olenka s'empara de son précieux et se dirigea vers la caisse pour payer. Zoé était terriblement mal à l'aise. Elle avait l'impression qu'Olenka avait pitié d'elle et de ses vêtements laids qui trahissaient sa vie compliquée. Elle détestait se sentir faible - même si elle savait qu'elle l'était, au fond. Et, maintenant, elle avait le terrible sentiment de devoir quelque chose à Olenka.

Sans même l'attendre, Olenka sortit d'un air content de la friperie. Une fois dehors, elle tendit la veste à Zoé dans un grand sourire chaleureux. Même si je n'arrive pas à savoir exactement pourquoi elle a fait ça, cette fille est une perle. Sans réfléchir, elle lui fit un câlin. Au début, Olenka y répondit, puis elle rigola :

« Hé, t'inquiète, ça m'a fait plaisir ! Tu as le temps de passer chez moi ? J'habite juste à côté, si tu veux. »

De plus en plus gênée, Zoé hocha tout de même timidement la tête pour ne pas vexer la blonde enthousiaste. Mais, au fond, la rapidité de cette relation l'angoissait. Elle n'y était pas habituée et ne le comprenait pas.

La maison d'Olenka faisait au moins deux fois celle de Zoé. Zoé vivait dans un minuscule appartement alors qu'ils étaient cinq dans sa famille, tandis que la grande maison de la blonde se dressait fièrement au milieu d'un énorme jardin parsemé d'arbres fruitiers et de fleurs. Choc des cultures.

« Je comprends mieux pourquoi tu t'habilles si bien, plaisanta Zoé devant ces richesses dévoilées, quoiqu'un peu jalouse du confort dont disposait Olenka.
- Je travaille au MacDo tous les soirs et j'économise pour acheter moi-même tout ce dont j'ai besoin. J'achète quasiment que des vêtements d'occasion, répliqua Olenka avec un peu de froideur en claquant la langue, agacée que Zoé la juge si rapidement.
- Désolée, je voulais pas te vexer, s'excusa t-elle avant de reprendre avec admiration : c'est incroyable que tu puisses subvenir toi-même à tes besoins. »

Olenka haussa les épaules, et Zoé en conclut que tout n'était pas si formidable que cela. Elle avait cru, à tort, qu'Olenka était une petite privilégiée issue d'une famille aisée et qui avait tout ce qu'elle souhaitait. Malgré tout, l'indépendance dont elle faisait preuve l'impressionnait réellement. Je devrais agir de la même façon, au lieu de rester fatalement les bras croisés à attendre que la situation s'améliore.

« Viens, on va voir les vêtements que je n'utilise plus. »

Les deux adolescentes pénétrèrent dans la chambre d'Olenka et Zoé dut admettre qu'elle ne s'attendait pas du tout à cela. La chambre était immense, peinte de vives couleurs et avec plein d'affiches. De l'extérieur, elle se serait plutôt attendue à ces maisons très modernes dénuées de chaleur. Or, elle était très expressive et après avoir jeté un coup d'œil à Olenka, Zoé se dit que cela lui correspondait parfaitement. La blonde avait l'air d'être un personnage haut en couleurs.

Zoé aperçut un chat lové contre son oreiller et eut un léger sourire. Elle avait toujours rêvé d'avoir un animal de compagnie. S'occuper de quelqu'un car personne ne s'occupait d'elle.

Au final, Olenka donna à Zoé deux pantalons, un pull et un t-shirt, malgré les protestations de cette dernière. C'était trop. Lorsqu'elle quitta l'immense demeure, Zoé n'en revenait toujours pas. Elle n'avait jamais rencontré de personne comme Olenka. Peut-être qu'elle allait enfin trouver une véritable amie...

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