Chapitre 39 : Sam
Sam n'avait pas dormi de la nuit. Perturbé, en proie à un profond mal-être, il n'avait cessé de se retourner dans son lit alors que le sommeil le fuyait. L'estomac noué, il finit par se lever à sept heures pour descendre manger quelque chose.
Avec tristesse, il prit un pot de glace. Il n'aurait jamais cru se retrouver un jour telles ces âmes esseulées qui pleuraient parce que leur amour les avait abandonnées. Et pourtant... Sam regarda Titanic et vida près de deux pots de glace à la vanille et au caramel beurre salé.
Cela faisait deux jours. Il avait rompu avec Lili ce samedi. C'était étrange. En même temps, une part de lui ne réalisait pas, et l'autre avait l'impression que ces journées étaient des années tant sa blonde manquait à sa vie.
C'était incroyable, la place immense qu'elle avait accaparée dans sa vie - et qu'elle accaparait toujours. Sam savait que leur « break » ne durerait pas - du moins, si ça ne tenait qu'à lui. Il avait bien vu l'expression blessée et désorientée de Lili quand il le lui avait annoncé. Lili était une petite princesse, elle n'était pas habituée à ce qu'on la rejette. Lui pardonnerait-elle un jour ? Sam en doutait. En même temps, il savait que Lili n'était pas une fille parfaite. Le pari revint embrumer ses pensées et Sam retint un haut-le-cœur. Il se sentait terriblement humilié d'avoir été utilisé pour un pari bête et méchant. Mais en même temps... Ils s'aimaient. Sam le sentait du plus profond de son être. La connexion qu'il partageait avec Lili était un lien puissant et unique. Il était incapable d'aller voir ailleurs, ces deux jours de rupture le lui avait fait réalisé. Tant pis s'il passait pour un homme sans fierté ; il était amoureux de Lili et n'était pas prêt à se séparer d'elle. Dès lors, plus rien n'importait.
Mais Lili ? Était-elle aussi attachée à Sam qu'il l'était à elle ? Après avoir été tant déçu, Sam redoutait de donner une ultime chance à une relation sans lendemain. Peut-être que Lili ne tenait vraiment pas à lui. Si ça se trouve, à l'heure même, elle était dans le lit d'un autre ! Les vieux démons de Sam lui revinrent. Pourquoi Lili se serait-elle intéressée à une simple garçon comme lui, alors qu'elle pouvait avoir tellement mieux ? Même si Lili lui avait donné confiance en lui, on n'effaçait jamais vraiment une enfance de solitude et de tristesse. Sam ne comprenait toujours pas comment il avait pu la combler. Pour être tout à fait honnête, il avait été touché de l'expression blessée de Lili pendant leur rupture. Car il ne pensait pas qu'elle tenait à ce point à lui.
Elle m'aime, tenta de se rassurer Sam. Lili ne pouvait pas aller voir ailleurs, puisqu'elle l'aimait. Ils étaient deux âmes sœurs, inexorablement destinées à se retrouver, Sam le sentait du plus profond de son être.
Hier, à la SPA, il avait essayé de draguer Olenka, juste afin de tester ses ressentis. La réponse avait été sans appel ; alors qu'Olenka représentait son idéal féminin, tenter de se rapprocher d'elle ne lui avait provoqué que du malaise, voire du dégoût. Il ne pouvait pas le fuir éternellement : il était devenu bien trop dépendant de Lili pour la remplacer. Il savait que ce n'était pas sain, mais était-ce plus sain de se tenir loin d'elle alors que tout son etre hurlait au supplice ? Un petit sourire se dessina sur son visage lorsqu'il se rappela tous leurs plus beaux moments ; leur rencontre, électrique ; leur premier baiser, leur première fois ; et surtout, tous ces moments passés à rigoler à en avoir mal aux joues. Tous ces moments où, pour la première fois, Sam s'était senti lui.
Ça le terrifiait, d'être autant accro à quelqu'un. Mais il était prêt à redonner une chance à leur couple. Même si Lili pouvait être profondément méchante, moqueuse, insupportable, hautaine, méprisante, Sam l'aimait. L'amour était définitivement un sentiment incompréhensible et ambivalent. Sam n'avait jamais compris les personnes qui s'accrochaient désespérément à ceux qui leur faisaient du mal. Et le voilà bloqué dans cette spirale infernale.
Qu'est-ce que j'ai fait ? Sam avait fait une erreur. Il n'avait pas su accepter Lili avec ses défauts, et peut-être que maintenant, il était trop tard. Sans y réfléchir à deux fois, il s'habilla rapidement, tenta vainement de discipliner sa touffe de cheveux rousse, prit son vélo et se rendit chez Lili.
Il se sentait léger. Il ne savait pas trop ce qu'il faisait, ni ce qu'il allait dire, mais il s'en fichait éperdument. Sam voulait simplement être aux côtés de Lili. Il était prêt à le lui supplier.
Il déposa rapidement son vélo à l'entrée de la maison de Lili, essoufflé, avant d'aller sonner. Au début, seul un silence abyssal l'accueillit, et il sentit le doute s'immiscer en lui. Qu'est-ce qu'il lui prenait, de venir sonner chez les gens un dimanche matin ? Si ça se trouve, Lili n'était même pas chez elle. Si elle est aussi mal que moi, elle ne sera pas allée très loin, tenta de se rassurer Sam alors que les minutes défilaient.
Et puis soudain, il vit une petite tête l'observer par la petite fenêtre. Sam retint difficilement le sourire gaga qui lui bouffait le visage dès qu'il voyait Lili. Sa petite tête ponctuée de taches de rousseur, ses petits yeux bleus, ses longs cheveux dorés. Comment pourrait-il lui résister ?
Quelques secondes après, Lili finit par ouvrir la porte. Sam retint son souffle. Elle s'était appuyée contre la porte, vêtue d'un large jogging taille basse et d'une brassière, dans sa plus simple splendeur. Elle l'observait, de ses prunelles perçantes qui semblaient noyer dans une soudaine... Culpabilité ? Que s'est-il passé ?
« Oui ? finit-elle par lâcher d'une voix dénuée d'intérêt qui refroidit Sam. »
Il se sentait bête. Il avait rejeté Lili, se pointait chez elle le lendemain, comment avait-il pu penser qu'ils se retrouveraient avec amour et passion ? Sam ouvrit la bouche pour répondre, mais aucun son n'en sortit et Lili parut perdre patience. Avant qu'il ne comprenne ce qu'il se passe, elle referma la porte et Sam se précipita pour la retenir. Il ne savait pas ce qu'il allait faire.
C'était peut-être le moment de livrer tout ce qu'il avait sur le cœur.
« Je suis désolé... commença t-il d'une voix minable et Lili leva les yeux au ciel. Je suis désolé, reprit-il d'une voix plus forte. J'ai merdé. Lili... Je... Je suis pas doué pour les grands discours et les paroles enflammées, mais je peux pas vivre sans toi. Je suis amoureux de toi. Amoureux. Et ça me fait complètement flipper, parce que je n'ai jamais autant été perdu qu'après t'avoir perdue. Je suis désolé, tellement désolé. Je ne sais pas ce qui m'a pris, j'ai paniqué et... Et je suis désolé, je suis désolé... »
Sam perdait peu à peu le contrôle de ses mots, il n'arrivait plus qu'à bafouiller des excuses incohérentes teintées d'amour. Super. Très viril. Malheureusement, il n'était pas de ces poètes romantiques qui ensorcelaient leurs interlocuteurs avec de belles paroles. Sam était maladroit, et surtout, Sam était amoureux.
Lili l'écoutait sans broncher. Elle paraissait torturée, comme si elle hésitait à lui avouer quelque chose, elle aussi. Sam voulait simplement entendre le son de sa voix. Il murmura :
« S'il-te-plaît, pardonne-moi, ou alors blesse-moi si fort que je n'aurais plus jamais le courage de revenir vers toi. »
Lili se mit à observer sa manucure, comme très ennuyée par le cri du cœur de Sam. Mais il continua de la fixer avec une telle insistance qu'elle finit par lâcher :
« Tu m'as déçue. Tout allait bien, et du jour au lendemain, tu t'es barré. Et moi, j'étais censée t'attendre gentiment ? »
Le sang de Sam de glaça dans ses veines. Qu'avait-elle fait ? Un mystère insondable brouillait le moindre de ses traits, et il sentit la panique l'envahir.
« Est-ce que tu... Tu es allée... Voir quelqu'un..?
- Ça t'intéresse ? répliqua Lili en s'appuyant contre la porte, bras croisés et menton relevé.
- Bien sûr ! s'écria Sam, alors qu'il sentait le feu de la jalousie s'emparer de lui. Je... Lili, désolé, j'ai déconné. Mais je n'ai jamais cessé de t'aimer. J'ai besoin d'être auprès de toi, genre, tout le temps. »
Lili continua de le fixer de ses yeux bleus perçants et Sam baissa le regard, mal à l'aise. Cette absence de réaction lui était insupportable. Il avait besoin de l'entendre rire, crier, pleurer, de la sentir vivante à ses côtés. Or, il n'affrontait là que la façade de pierre indifférente que Lili offrait aux inconnus. Il passa sa main dans ses cheveux, résistant à l'envie de s'enfuir loin de cette fille qu'il aimait bien au-delà des mots.
« Je te pardonne, finit par lâcher Lili. »
Sam soupira, profondément soulagé. Il ne savait même plus s'il avait vraiment été en tort ; il savait simplement que Lili acceptait qu'il retourne à ses côtés, et cela suffisait à rallumer dans son cœur éteint une étincelle de joie.
« Mais, reprit Lili, je te jure que c'est la dernière fois que tu me quittes. Je... Sam, moi, je ne suis jamais rejetée. Quand on me lâche, je me relève et on me perd. Tu es le seul vers qui je reviens.
- Je ne gaspillerai pas ce précieux privilège, princesse Lili, parvint à la taquiner Sam, tremblant de joie. »
Un sourire radieux finit enfin par raviver le visage de Lili et elle s'avança vers Sam avant de le prendre dans ses bras. Sam ferma les yeux.
« Tu trembles, chuchota Lili.
- Je t'aime. »
Leurs nez se frôlèrent et lentement, leurs lèvres se retrouvèrent, comme si elles ne s'étaient jamais vraiment quittées. Sam frissonna de plaisir. Tous les maux du monde n'avaient plus d'importance. Il avait retrouvé sa moitié. Parce que oui, Lili lui avait volé un bout de lui, et désormais, Sam savait qu'il ne serait jamais vraiment comblé sans elle.
« Tu m'as manqué, lui avoua Lili en se mordant la lèvre après leur longue étreinte.
- Tout ces « je t'aime » pour un simple « tu m'as manqué », aïe, rit Sam, le cœur léger.
- Je n'ai pas besoin de te le dire pour que tu le saches, rétorqua Lili dans un petit sourire en coin.
- Dis donc, c'est que tu deviendrais romantique.
- Romantisme ? C'est quoi, ça se mange ? »
Sam rit de nouveau, avant de demander :
« Tu es seule, chez toi ?
- Oui. Tu veux rentrer ? proposa Lili. »
Sam acquiesça aussitôt, heureux de voir que rien n'avait vraiment changé entre lui et Lili. Le cœur léger, il suivit sa belle, qui alla chercher des céréales dans la cuisine. Sans trop réfléchir, Sam commença à se diriger vers la chambre de Lili.
« Tu vas où ? l'interpella t-elle brutalement. »
Suspicieux, Sam plissa les yeux avant d'expliquer innocemment :
« Bah, dans ta chambre.
- N'y va pas, l'interdit Lili. »
Le rouquin arqua un sourcil. Sa curiosité était désormais piquée. Il y avait quelque chose dans le regard fuyant de Lili, un sentiment partagé entre le stress et la culpabilité. Toutes ces années à observer et analyser les comportements des autres dans mon coin s'avèrent finalement utiles.
« Pourquoi ? demanda Sam. »
Alors que la panique se faisait de plus en plus visible sur le visage palissant de Lili, elle revêtit aussi sec son masque de fille indifférente et hautaine :
« C'est comme tu veux. »
Sam n'était plus bien sûr de vouloir savoir ce qu'il se cachait dans la chambre de Lili, mais son instinct lui disait de s'y rendre afin d'en avoir le cœur net. Faisant abstraction du regard brûlant de sa petite amie, il se rendit doucement dans la chambre.
Au début, rien ne parut très étrange à Sam. Et puis un détail le fit tiquer : le lit. Depuis quand Lili ne faisait-elle pas religieusement son lit ? Alors que son cœur lui criait désormais de s'enfuir avant qu'il ne soit trop tard, Sam s'approcha du lit et remarqua un vieux pull orange fluo roulé en boule. Il n'y avait qu'une seule personne capable de porter quelque chose d'aussi extravagant, et Sam le reconnut aussitôt.
Matth.
Entre temps, Lili le rejoignit. Si son masque d'indifférence imprégnait toujours son visage, elle se triturait les ongles avec angoisse. Sam se racla la gorge, ne sachant pas trop comment réagir.
« Matth est venu ici ? »
Lili ne tenta même pas de nier. Matth se trimballait toujours avec cette infamie au lycée. Elle se mit à observer ses ongles, geste qu'elle faisait tout le temps quand elle mentait, Sam le savait.
« Ouais.
- Quand ? demanda Sam, la gorge sèche face à l'attitude incompréhensible et lunatique de Lili.
- Bah, j'ai organisé une soirée, hier soir. Il est venu, et il a dormi dans mon lit. Point final. »
Sam s'était efforcé d'oublier cette soirée en venant ici. Il avait rangé bien loin le souvenir des vidéos d'une Lili bourrée embrassant des inconnus et toutes les suppositions qui allaient avec. Oublier était simple, mais la confrontation directe l'était moins. Une nouvelle fois, le cerveau de Sam se mit à formuler des hypothèses plus saugrenues les unes que les autres. Et un détail lui glaça le sang : Lili avait évité sa question, tout à l'heure. Elle ne lui avait pas dit si elle était allée voir d'autres gens ou non.
« Tu ne me crois pas, devina Lili.
- Tu te rappelles des vidéos que tu m'as envoyées ? lâcha Sam, le cœur serré en revoyant l'image de sa belle avec un autre - plusieurs autres.
- Mmh, j'étais bourrée, Sam.
- Pas assez pour embrasser d'autres mecs, visiblement. »
Cette fois-ci, ce fut à Lili de s'énerver. Une flamme d'indignation s'alluma dans ses prunelles lorsqu'elle pesta :
« Alors là, c'est la meilleure. C'es toi qui m'as laissée tomber du jour au lendemain et c'est toi qui ne me fais pas confiance. La situation est plutôt comique. »
Sam baissa la tête.
« J'ai confiance en toi, Lili. J'ai juste pas confiance en moi-même. En voyant Lili froncer les sourcils, il s'expliqua, toujours aussi mal à l'aise de se mettre ainsi à nu : J'ai juste peur que tu te lasses de moi, et ce, depuis le premier jour. Je veux dire... Lili, tu pourrais avoir tellement mieux que moi. Tu es belle, intelligente et populaire. J'ai peur de ne pas être à la hauteur. Comment je pourrais croire que tu peux te contenter que d'un type comme moi ? »
Lili soupira profondément, mi-agacée, mi-adoucie. Elle s'assit sur le lit en faisant signe à Sam de l'imiter, et le rouquin la rejoignit timidement. Lili l'observait avec une telle intensité que Sam se mit à regarder ses pieds.
« Hé... chuchota Lili en se rapprochant de lui. On en est encore à ce stade ? Sam, tu sais très bien que je t'aime, que tu es même le seul homme que j'aie jamais aimé. C'est toi que j'aime, imprime ça dans ton petit crâne. Mais tu ne peux pas me laisser tomber à cause de tes doutes en pensant que je t'attendrai toujours. »
Sam fut touché par ces mots si simples qui avaient pourtant une valeur incommensurable à ses yeux. Il chuchota :
« Merci.
- De quoi donc ? rit Lili, les yeux pétillants.
- De m'aimer. »
Lili eut un petit sourire et elle embrassa doucement Sam, qui lui rendit son baiser. Il se rappelait la première fois qu'il avait embrassé Lili et la joie mêlée d'angoisse qui l'avait envahie. Désormais, il pouvait presque dire qu'il se sentait confiant aux côtés de Lili. Lorsque leur étreinte se termina, leurs nez se frôlèrent et Sam ne put s'empêcher de demander :
« Donc... Il ne s'est rien passé avec Matth ? »
Sam jalousait profondément le grand brun. Il était beau, populaire, drôle et avait l'air de mener une vie de rêve. Comment Sam pourrait-il rivaliser ? Elle m'aime, tenta t-il de se rasurer, mais malheureusement, toujours en vain. Il espérait qu'un jour, il aurait assez confiance en lui pour ne plus avoir à douter constamment de l'amour de Lili.
Lili parut hésiter, et Sam sentit ses muscles se contracter. Il baissa piteusement la tête, attendant le verdict. Lili saisit sa détresse et, passant sa main dans la tignasse rousse de son copain, elle le rassura d'une voix pleine de douceur et d'amour :
« Non, il ne s'est rien passé. »
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