Chapitre 2 : Lili
Lili, comme à chaque jour de l'année, se sentait un peu plus confiante qu'elle ne l'était la veille. Elle ne s'inquiétait par pour cette rentrée : certes, elle ne connaissait pas grande monde, mais elle était très sociable et personne ne résistait longtemps à son charme.
Dans un sourire, elle rejoignit Anna. Elle avait rencontré la brunette l'année dernière, et elles avaient fait les quatre cent coups ensemble. Elles ne se retrouvaient que pour faire les mauvaises choses. Certains parleraient d'amitié toxique ; mais c'était le genre de relation qui convenait à Lili. Sans doute les plus jolies filles du lycée, elles avaient une certaine influence à elles deux, mais Lili conservait une certaine aura de pouvoir. Elle adorait se sentir supérieure aux côtés de autres.
« J'adore ton jean, remarqua t-elle en guise de bonjour en pointant du doigt son jean mom fit noir.
- Ma mère trouve qu'il me fait des grosses cuisses, rétorqua Anna avec une lueur étrange dans l'œil.
- C'est vrai que ça t'amincit pas, reconnut Lili sans prendre de pincettes et en ignorant l'air malheureux de sa copine. Tu peux toujours me le prêter, s'il ne te convient plus ! ajouta t-elle en riant. »
Anna lui adressa un sourire forcé avant d'aller voir les listes. Qu'est-ce qu'elle avait, encore ? Tout ça parce qu'elle se trouvait grosse ? Elle était vraiment susceptible.
Il était vrai que Lili ne connaissait pas les complexes. Elle avait la chance d'avoir une morphologie louangée par la société. Bien que sa silhouette était élancée, elle avait des courbes prononcées. Son visage fin sans imperfections et ses épais cheveux blonds sauvages venaient compléter ce tableau qu'elle jugeait elle-même parfait. On avait toujours répété à Lili qu'elle était une petite princesse parfaite, et cette idée s'était bien ancrée dans son cerveau.
Lili rejoignit Anna et commença à lui raconter quelques anecdotes sur ses vacances de folie. Elle avait passé le premier mois à bronzer dans les plages de la côte d'Azur, et le second en échange linguistique dans une école américaine. Inutile de préciser qu'elle s'était éclatée.
« Et toi, qu'est-ce que t'as fait ? finit par demander Lili face à une Anna qui se recroquevillait à vue d'œil.
- Rien de spécial. J'ai essayé de faire du sport tous les jours ! précisa t-elle tout de même avec fierté. »
Lili leva les yeux au ciel. Elle n'avait donc rien de plus intéressant à raconter ?
« Passionnant.
- Tout le monde n'a pas le fric pour se casser à l'autre bout du monde, pesta soudainement Anna. »
Surprise, Lili dévisagea son amie. Anna n'avait jamais osé se dresser contre elle de cette façon. Elle haussa un sourcil dédaigneux, préférant une attaque qui la protègerait à une remise en question déstabilisante.
« T'es jalouse ou quoi ?
- Il y a de quoi, soupira Anna. Tu sais quoi, Lili, laisse tomber. Je suis juste dégoûtée d'avoir passé deux mois à Toulouse seule.
- La prochaine fois, je t'emmène avec moi, lança Lili en lui collant un bisou sur la joue. »
Ni elle ni Anna n'y croyaient vraiment. Lili était la reine des paroles en l'air. Dans la mesure où elle agissait en priorité selon son bien-être personnel, il ne valait mieux pas prévoir des plans sur la comète avec elle.
Une fois en classe, les deux acolytes s'assirent côte à côte et entreprirent leur passe-temps favori : observer leurs nouveaux camarades de classe entrer un par un et omettre un jugement silencieux sur eux.
« Tiens, je l'ai rencontrée dans une soirée, avant la rentrée, lança Anna. Elle s'appelle Zoé, je crois. »
Anna pointa du doigt une fille à la peau foncée et aux cheveux frisés qui avançait d'un pas mal assuré. Lili remarqua l'étincelle qui s'alluma dans les yeux de son amie et se renfrogna. Elle comptait sur cette année pour affirmer davantage son duo avec Anna, alors cette espèce de Zoé n'avait rien à faire dans l'équation. D'un regard jaugeur, elle la détailla de haut en bas. Cette petite moue de chien battu aux yeux d'amandes, encadrée d'une volumineuse masse de cheveux frisés... Bon, elle était définitivement mignonne.
Tout ce qui horripilait Lili.
« C'est quoi sa tenue, on est en 2010 ? se moqua Lili, assez fort pour que Zoé l'entende - elle tenait à marquer son territoire. »
Lili eut un petit sourire en voyant celle qui allait devenir sa cible se crisper, mais ne pas réagir. Pauvre petite chose intimidée. Elle devait savoir à qui elle avait à faire. Plus tôt ce serait compris, plus tôt Lili serait débarrassée de ce problème et serait concentrée sur elle-même.
« Arrête ! lui intima Anna, un peu trop violemment. Elle ne t'a rien fait. T'es hyper méchante.
- Oh, ça va, je rigole... On est pareilles, sur ce point, la charria Lili.
Anna tourna la tête comme si c'était le pire compliment que l'on pouvait lui adresser et Lili aperçut le sourire désolé qu'elle envoya à Zoé. Rouge pivoine, celle-ci se détourna face au regard foudroyant de Lili. Anna a déjà l'air énervée contre moi à cause de cette inconnue. Cette Zoé ne sait décidément pas quel enfer je fais subir à ceux qui sont dans mon collimateur.
Lorsque le professeur commença à faire l'appel, Lili tiqua à l'entente du prénom Sam. Elle n'avait jamais entendu parler d'un Sam. Elle aperçut d'épais cheveux roux flamboyant au premier rang et fronça les sourcils, intriguée. Quand le dénommé Sam tourna un peu la tête et qu'elle aperçut le profil de son visage, Lili sentit son cœur battre un peu plus vite. Woah. Il était d'une rare beauté ; un visage pâle, parsemé de taches de rousseur qui faisaient ressortir à merveille le vert d'eau de ses grands yeux, et doté de lèvres rosées merveilleusement pulpeuses.
« Anna... chuchota t-elle à sa voisine. C'est qui ce mec ? Il est incroyable.
- Le roux ? fit son amie. Un nouveau, j'imagine. Il a l'air paumé, et il était tout seul ce matin.
- Ça va être encore plus facile ! s'écria Lili en se frottant les mains d'un air triomphant.
- Quoi donc ? soupira Anna, qui sentait le plan désastreux arriver.
- Je le veux ! Les autres gars sont inintéressants. Là, tu nous imagines, le couple le star du lycée, la populaire et le nouveau mystérieux ? En plus, on aurait un super nom de ship. Samili. Ça claque.
- Du calme, t'es vraiment perchée, rétorqua Anna dans un sourire amusé. Déjà, il est perdu, pas mystérieux. Ensuite, tu ne lui as toujours pas adressé la parole. Et je ne parle pas du fait qu'il ne sait probablement rien de ton existence. »
Lili fit sa moue de petite fille gâtée. On ne pouvait rien lui refuser, elle le savait, et mieux encore, elle en jouait. En quoi était-ce compliqué à admettre, ou à comprendre ? Anna devrait le savoir, depuis le temps. Sans doute était-elle jalouse...
En dévisageant son amie, Lili se rendit compte qu'elle ne savait rien d'elle. Anna était un peu cette « 8h-17h », avec qui elle rigolait en cours mais ne se voyait pas à l'extérieur, si ce n'était pour s'alcooliser en soirée. Elles avaient bien des conversations, mais celles-ci se limitaient à celles d'inconnues qui apprendraient à se connaître : elles savaient mutuellement ce que faisait l'une, sans savoir comme elle le ressentait. Elles n'étaient que deux façades qui se miroitaient.
« Reste rabat-joie, moi, au moins, je me tape des mecs, déclara sournoisement Lili. Ta vie sexuelle est trop platonique pour que tu le comprennes. »
Il y eut comme un changement dans le regard d'Anna. Alors que Lili rigolait, la brunette lui lâcha d'une voix lourde de sens :
« Juste, ta gueule, Lili. »
Celle-ci resta bouche-béé. Anna était réputée pour son fort caractère et sa manie de penser à voix haute, mais la blonde n'aurait jamais pensé que son amie userait de ce don contre elle. Comment ose t-elle ? A t-elle oublié à qui elle parle ? Lili ne répondit pas, non pas parce qu'elle était à court de répartie - ce n'était jamais le cas, mais elle avait l'impression qu'elle venait de perdre Anna. La brune ne lui adressa pas la parole de l'heure et ne l'attendit même pas pour aller manger. Contrariée, Lili décida de bouder, elle aussi. Elle ne comprenait pas pourquoi Anna était aussi susceptible. C'était son choix, non V Si elle le voulait, elle pourrait avoir n'importe quel garçon en un battement de cils. Il n'y avait vraiment pas de quoi prendre la mouche.
Elle se rendait à son casier, toujours furieuse, quand elle se rendit compte d'une présence particulière à côté de ce dernier. C'était lui ! Sam, le nouveau, le roux, le beau-gosse, bref ; il était lui-même à son casier, qui était proche de celui de Lili, ordre alphabétique oblige. En le voyant déballer toutes ses affaires, Lili se dit qu'elle avait un peu de temps et courut dans les toilettes pour vérifier sa tête, histoire de faire bonne impression.
Elle contempla son reflet d'un air enjoué, alors que son cœur avait retrouvé un rythme de battements normal. Une nouvelle petite flamme s'était allumée en elle. Elle voulait ce garçon. Elle avait besoin de tout ce qui lui était inaccessible, comme pour se rassurer. Anna, Zoé et toutes ces idioties n'avaient plus d'importance. Lili recoiffa ses épais et lisses cheveux dorés, vérifia si ses traits d'eye-liner lui donnaient bien son air ravageur, puis réappliqua un peu de rouge à lèvres. Elle se sourit à elle-même, fière du résultat obtenu. Elle était irrésistible !
Lili sortit en trombe des toilettes, de peur de louper son bel inconnu, et percuta malencontreusement Zoé. Elle ne tiqua pas, et Lili n'y prêta pas plus attention. Elle continua son chemin, en faisant bien attention à garder le dos droit et rouler des hanches.
Un sourire se dessina à nouveau sur ses lèvres ; il était toujours là, à farfouiller dans ses bouquins. Elle s'appuya contre le casier et s'éclaircit la gorge pour déclarer d'une voix qu'elle espérait à la fois douce, nonchalante et séductrice :
« Salut. »
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