Chapitre 15 : Olenka

Un sifflement.

Un deuxième sifflement.

Garde la tête haute. Tu es plus forte que tout ça. Garde la tête haute.

« Tu veux mon poing dans ta gueule, fils de pute ? éclata Matth quand un mec mit la main au cul de la blonde pour faire « rire » sa bande de potes.
- Tranquille, mec, répliqua t-il avant de s'éloigner, peu enclin à affronter Matth. »

Olenka lâcha un soupir de soulagement.

« Merci, Matth. Tu sais, t'es pas obligé d'agresser tous les mecs qui me font chier. »

Elle avait finalement décidé de revenir au lycée. La soirée avec Zoé et Anna lui avait mis en tête que cette histoire ne la définissait pas et qu'elle serait vite oubliée. Du moins, ça, c'était la théorie. En vérité, elle n'avait pas dormi de la nuit. L'angoisse lui tordait le ventre. Elle avait peur des autres et de ce qu'ils pourraient penser. Est-ce qu'on la regarderait différemment, désormais ? Allait-elle se retrouver seule face aux insultes ?

En jetant un coup d'œil à Matth, elle sentit une bouffée de gratitude monter en elle. Il était toujours là. Malgré tout. Elle était tellement chanceuse de l'avoir. Une partie d'elle ne comprenait pas qu'il reste, ni ce qu'elle avait fait pour mériter sa présence.

« Je comprendrais si tu commençais à en avoir marre, ajouta t-elle encore. T'es pas censé être mon preux chevalier.
- Peut-être, mais tu n'en reste pas moins ma princesse. »

La blonde eut un petit sourire rieur.

« Signé meilleure disquette 2018.
- Disquette ? se plaignit Matth d'un air théâtral. C'est ainsi que tu désignes l'expression de mon âme ?
- Ça va, j'ai dit que c'était la meilleure de 2018, tu devrais être flatté. »

Alors qu'ils continuaient à se chamailler, Olenka sentit ses muscles se dénouer d'aise. C'était simple, la présence de Matth suffisait à effacer tous les maux. Ce garçon était magique. La complicité qu'ils avaient nouée en début d'année et qui s'était ensuite dégradée reprenait le dessus et les deux devenaient peu à peu inséparables. Du moins, Matth devenait indispensable à l'existence d'Olenka. Elle l'adorait, tout simplement.

Ils étaient dans les couloirs, toujours en train de disputer, mais c'était définitivement Olenka qui avait la meilleure répartie. Mais, avant qu'elle ne comprenne ce qu'il se passe, Matth l'attrapa et la fit tournoyer dans les airs.

« Je t'adore, ma petite blonde.
- Lâche-moi ! »

Olenka avait vraiment l'air niaise à brailler comme un nouveau-né, mais elle sentait la catastrophe arriver. Effectivement, alors qu'elle se débattait dans tous les sens, Matth trébucha et la tête d'Olenka heurta le mur.

« Oh, putain... souffla t-elle. »

Ses yeux papillonnèrent. Perdue, elle vit le monde tanguer autour d'elle. Le visage de Matth se démultiplia alors. Si Olenka n'avait pas un mal de chien, elle se serait réjouie de cette belle image.

« Olenka ! Olenka ! Oh putain, quel con ! Olenka ! OLENKA ! Réponds, bordel !
- Arrête de brailler, tu me donnes mal à la tête, marmonna Olenka en se tapotant le front. »

Elle grimaça en sentant un liquide chaud couler sur ses mains. Sérieusement, du sang ? Il ne manquait plus que ça.

« TU ES VIVANTE ! cria Matth en essayant de faire un câlin à la blonde, mais elle le repoussa, sonnée.
- Je saigne ? Je saigne ?
- Euh... À peine... mentit Matth. »

Ok, je dois probablement avoir une hémorragie. Paniquée, Olenka attrapa son portable et enclencha la caméra frontale. Et merde.

Elle s'était à moitié ouverte l'arcade sourcilière. Je vais le tuer !

« Tu m'as défigurée, espèce de sombre abruti ! cria t-elle à l'attention de Matth.
- Eh, c'est toi qui est rentrée dans le mur ! se défendit Matth. »

En pétard, Olenka tenta de se relever pour se jeter sur lui mais elle se retrouva avachie contre le mur. Sa tête lui tournait horriblement et le sang continuait de s'écouler, lentement mais sûrement. Elle grimaça à nouveau.

« Eh ! Allez chercher un pion, au lieu de nous regarder comme des abrutis ! ordonnait Matth à l'attention des quelques spectateurs de la scène. »

Génial. On est bons pour finir sur les compilations de chutes ridicules sur YouTube. Au moins, ils deviendraient peut-être riches.

« Matth... Je vais te... Tuer... souffla Olenka en se remettant difficilement sur pieds.
- Il faudra d'abord que tu survives avant, tenta t-il de plaisanter pour éteindre sa colère. Je rigole ! ajouta t-il en voyant la blonde écumante de colère. T'as trois fois rien, Oli.
- Ne m'appelle pas comme ça.
- Quoi ?
- Ne m'appelle pas Oli, murmura t-elle simplement. »

Même dans ce moment si critique, ce simple surnom la renvoyait aussitôt à ses anciens amis et par conséquent à l'histoire. Or, elle avait assez pleuré et était déterminée à tirer un trait dessus.

« Oh... D'accord, désolé. De toute façon, j'aime trop ton prénom. Olenka. Mmmh, il a une connotante si sexy dans ma bouche !
- Arrête de déblatérer des conneries, tu me fatigues, soupira Olenka en s'appuyant contre Matth avec une affection qui trahissait ses paroles. »

Alors qu'elle comptait rester dans cette position une éternité ou deux, l'infirmière débarqua d'un air totalement paniqué.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé, bon sang ?
- « Bon sang », c'est le cas de le dire, rit Matth, mais sa boutade n'eut pas l'effet escompté.
- Je me suis prise le mur, avoua Olenka en jetant un regard noir à son ami. »

Les élèves qui s'étaient rassemblés autour d'eux éclatèrent de rire. Bizarrement, cela relâcha la tension qui opprimait les épaules d'Olenka depuis ce matin. Peut-être qu'à partir de maintenant, les gens ne la regarderaient plus comme « la fille des photos » mais « la fille qui se prenait des murs ».

Quoique, ce n'était peut-être pas mieux.

« Comment c'est possible ? s'étonna l'infirmière.
- Franchement, est-ce que c'est tout ce qui compte, là, maintenant, tout de suite ? s'impatienta Matth pour se blanchir dans cette affaire. Elle est au bord de l'hémorragie externe, et sans doute interne ! »

L'infiltrerez acquiesça en prenant un air grave, comme si c'était l'affaire la plus sérieuse à laquelle elle avait été confrontée de sa carrière. Ce qui était peut-être le cas. Franchement, à part donner des Dolipranes et du sucre, que faisait-elle de ses journées ?

Alors qu'Olenka la suivait, elle jeta un coup d'œil en arrière. Matth lui adressa un grand sourire innocent, ce à quoi Olenka répondit par la seule mimique qui lui traversa l'esprit : elle lui tira la langue.

Matth éclata de rire.

Et, étrangement, cela eut le don d'apaiser la douleur d'Olenka.

Après une inspection des plus sérieuses, l'infirmière annonce que la blessure était superficielle. Olenka garderait « seulement » une petite cicatrice au niveau du sourcil de cinq centimètres. Je suis bonne pour investir dans du nouveau make-up.

« Olenka ! Olenka ! »

La blonde se retourna, agacée. À sa grande surprise, c'était Zoé qui accourait dans sa direction, suivie de près par Anna.

« Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? s'alarma la petite métisse. La légende raconte que Matth t'a frappée. »

Olenka éclata de rire.

« Non, disons simplement qu'il m'a poussée contre un mur, sans faire exprès.
- Quel boulet, soupira Anna en lui adressant une petite tape sur l'épaule. »

Aussi étonnant que cela puisse paraître, depuis qu'Anna l'avait invitée à sa mini-soirée improbable, Olenka était presque amie avec elle. Enfin, elles ne le seraient sans doute jamais vraiment, mais toute l'animosité qui avait pu exister entre elles s'était envolée comme la rosée du matin.

« Il t'en arrive, des trucs, en ce moment, rigola Zoé. D'ailleurs... Ça va mieux, l'histoire ?
- Oh, ouais, marmonna Olenka qui ne voulait décidément pas revenir sur le sujet. J'ai toujours quelques messages mais j'arrive à les ignorer, comme vous me l'avez conseillé. Et au lycée, tout va bien puisque j'ai mon propre garde du corps, plaisanta t-elle ensuite.
- Tu as de la chance de l'avoir, déclara Anna.
- Oui. Il est... Il est formidable, avoua Olenka. »

Les yeux de Zoé pétillèrent et Olenka rougit avant d'ajouter aussitôt :

« Même s'il est très maladroit... Et pas doué...
- On a compris, tu le kiffes, conclut Anna. C'est cool, vous allez bien ensemble.
- N'importe quoi ! se récria Olenka, cramoisie. On est amis. C'est tout.
- Oui, oui, souffla Anna en levant les yeux au ciel. Bref. Lili organise une soirée ce week-end, tu pourras venir ? Il y aura la masse de monde.
- Matth vient ? demanda Olenka de but en blanc. »

Face au regard entendu que s'adressèrent Zoé et Anna, Olenka eut envie de se frapper le crâne, mais il ne valait pas mieux, avec le gros pansement qui lui barrait le front.

« Euh... Et vous ? ajouta t-elle aussitôt, mais elle s'enfonça encore plus.
- Je ne sais pas pour Matth... déclara Zoé en appuyant sur son prénom.
-... Mais il viendra sans doute si tu viens, termina Anna en coulant un regard malicieux à Zoé.
- Ah, ah, ah, grinça Olenka. Et vous, du coup ?
- Comme si j'allais louper une soirée ! répliqua Anna.
- Moi, je sais pas encore... C'est Anna qui m'a incrustée, je sais que Lili m'aime pas trop, alors c'est gênant, rit Zoé en se passant une main dans ses beaux cheveux crépus.
- Vous êtes amies, vous deux ? demanda Olenka à l'attention des deux filles. »

Sa question laissa clairement se profiler un blanc malaisant. Olenka se racla la gorge.

« Euh... C'est cool. Je savais pas que vous vous parliez, enfin, si, mais c'est juste que... Enfin, bref...
- On est des BFF de la vie de la mort qui tue ! gazouilla Anna en passant son bras autour de l'épaule de Zoé.
- À la vie à la mort ! cria cette dernière en retour. »

Olenka sourit. Elle était contente de voir cette amitié naître. Même si Zoé et Anna étaient clairement des opposées - l'ange et le démon - elles semblaient se compléter à merveille et à ses côtés. Et Zoé semblait très épanouie.

Ce n'était pas la même relation qu'elle avait avec Olenka. Bien sûr, les deux s'adoraient, mais Olenka sentait toujours que Zoé avait du mal à être elle-même avec elle. Tandis qu'avec Anna, elle rayonnait.

Olenka n'était pas jalouse. Elle était sincèrement heureuse de voir Zoé heureuse. Le bonheur de la petite brune était tout ce qui importait.

« Je pense venir, déclara Olenka alors que les deux filles se chamaillaient pour rire. Ça me videra la tête.
- Génial ! s'écria Anna. Lili va être contente. En fait, elle ne t'a pas invitée, Olenka grimaça, mais elle sera contente ! Elle m'a dit de rameuter le lycée.
- Tu es sûre que ça ne la dérangera pas ?
- Vous êtes potes, non ? demanda Anna en fronçant les sourcils.
- Euh... En fait, pas vraiment. Au début, oui. Puis elle a commencé à traîner avec Sam, alors je la voyais encore moins que d'habitude. Et... Depuis l'histoire des photos, plus de nouvelles.
- Bon, la coupa Anna, ce sera l'occasion pour que vous redeveniez potes. À samedi, alors !
- Bisous, Olenka ! s'écria Zoé avant de suivre Anna. »

Olenka eut un petit sourire envers ses deux copines. Elle ne savait pas vraiment dans quoi elle s'embarquait, mais cela ne pourrait pas lui faire de mal. Puis elle aperçut la tête de Matth dépasser de la foule et elle le rejoignit d'un pas précipité, avec le même grand sourire qui l'habitait toujours quand elle était avec lui.

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