Le feu qui crépite dans la cheminée flamboie soudain, illuminant la grotte et me faisant sursauter. Un morceau de papier aux bords calcinés en surgit et atterrit à mes pieds. Damned, elle a remis ça. Ma sœur essaye encore de communiquer par un moyen original.

Je saisis avec précaution le message par crainte qu'il s'effrite. Heureusement, il reste entier. Une seule phrase le compose, et je reconnais l'écriture élancée de ma cadette.

« Phénix en fuite, méfiance. »

Je peste contre les imbéciles qui ont dérangé la  créature fantastique. Les phénix sont craints par les hommes car ils déclenchent souvent des incendies durant leur réincarnation. En conséquence, ils sont chassés aussitôt repérés. Mais quand ses merveilleux oiseaux paniquent, ils prennent feu, aggravant la situation.

Si un spécimen se montrent dans la région, il est à parier que mes adorables voisins vont tenter de lui faire la peau.

Avec un soupir, je jette un œil aux nuages menaçants. M'aventurer dehors au risque de me prendre une drache ne me tente pas, mais je dois patrouiller dans mon secteur pour le trouver avant les habitants de la vallée.

J'attrape ma cape imperméable, traitée à la bave de crapaud poilus, et siffle Cory. La licorne se détache du troupeau qui paisse un peu plus bas et monte vers moi en hennissant joyeusement.

– Veux-tu m'aider, ma belle ? J'ai besoin d'aller plus vite que mes jambes ne le peuvent.

La femelle encense et m'accorde le droit de monter sur son dos. Tout en la guidant des genoux, je songe au dernier tag que j'ai à faire.

La consigne de MiladyCoulter est très simple : écrire une lettre d'excuse à un de mes personnages ! (Et ils y en a beaucoup qui mériteraient)

Cependant, une idée me vient rapidement. Et les mots s'inscrivent dans un coin de mes pensées tandis que je cherche mon phénix égaré.

ALERTE SPOIL : si vous n'êtes pas à jour dans les Chroniques de l'Immortel ou au moins avoir lu le PREMIER TOME dans son intégralité, je vous déconseille de lire ce qui va suivre.

« Ma chère Meriem,

Tu ignores probablement qui je suis et comment cette lettre est apparue sur ton bureau. Ceci te semblera probablement insensé et tu es libre de tout oublier à peine les derniers mots lus.

Mon identité t'inquiètes, je le sais. Qui pourrais bien se permettre de te tutoyer ainsi ? Hormis ta famille, personne, n'est-ce pas ? Sache que je suis responsable de ton existence, et de toutes celles des gens de ce monde. Disons pour faire simple que je suis une sorte de divinité... Et que je suis là pour te faire des excuses.

La liste est longue... Par où commencer ? Tu n'existais pas dans mon univers avant que Linaëlle ne me réclame son histoire. Ah, je sens que je t'ai déjà perdue, tant pis, je me dois de terminer cette lettre.

Ta fille était indispensable à mes projets mais toi... Toi, tu es arrivée par accident. Quand j'ai réfléchi aux origines de Linaëlle, tu ne jouais tout d'abord que le rôle minime, mais essentiel, de la mettre au monde. Elle ne devait pas te revoir. Oui, je ne te connaissais pas à cette époque. Et puis finalement j'ai été cruelle en décidant de te laisser la connaître et en te mettant dans la lumière.

Tu te demandes sans doute pourquoi j'emploie cet adjectif... Tu aurais pu la croire morte et reconstruire ta vie, mais avec le chambardement qu'elle allait provoquer, tu n'aurais pas pu l'ignorer trop longtemps.

Alors je te l'ai rendue, la mettant sous le nez de Kadsuan et à la merci de ses manigances. Son retour dans ta vie et dans celles d'Azra et Jayden a provoqué la mort de celui-ci et a exposé y'a benjamine a un destin bien différent.

Mais avant ça, j'avais déjà fait bien pire. J'avais tué ton époux pour donner à Linaëlle la chance de grandir à Malatir. Un mariage d'amour pourtant tellement rare en Elmakan. Je l'ai détruit de quelques lignes sur un papier sans m'y attarder. Et puis Hamir... Ce fils que tu n'as jamais vu grandir et qui a disparu depuis tant d'années que tous croient mort, lui aussi je te l'ai enlevé.

Quant à la folie de Kadsuan et ce qu'elle t'a fait subir, j'avoue en être également responsable, bien que la situation m'ait quelque peu échappée.

Alors oui, j'avoue que je m'en veux. Personne ne mérite de subir ça, surtout pas quelqu'un comme toi, avec un cœur en or et une bonté d'âme exemplaire. Heureusement j'ai décidé de me rattraper en te donnant le courage de surmonter tout ça. Aujourd'hui, tu es une grand-mère heureuse, loin des manigances de la Cour. J'espère que tu profites de ton bonheur. Pour me consoler, je me dis que peut-être tu le savoures un peu plus à cause des épreuves que tu as affrontées.

Sache que je suis désolée. Pour tout. Mais tu ne liras peut-être jamais ceci jusqu'au bout. Tu as probablement déjà brûlée cette lettre en me traitant d'illuminée. Tu as peut-être raison, je ne suis pas totalement sûre d'être saine d'esprit. En tout cas, Alice, même si cela n'en a pas l'air, je t'apprécie beaucoup.

J'ai dit Alice ? Pardon, ça m'a échappé, tu lui ressembles probablement trop.

Adieu Meriem, je ne t'embêterai plus, promis.

Ta créatrice. »

Tandis que je peaufine mes excuses, j'aperçois une épaisse fumée blanche entre les arbres.

– Bouse de Dragonne, il est bien trop près du village. Aller, Cory, au galop !