Les clapets de l'horloge suisse se refermèrent derrière le retentissant coucou. Le soir tombait. Le vent faisait chanter les feuilles dans le jardin, dehors. Des échos d'une émission niaise provenaient d'une pièce voisine où la radio crachotait ses inepties habituelles.

Un homme d'un certain âge, confortablement installé dans une bergère, lisait méthodiquement son journal, page à page. Le froissement du papier troublait à intervalles réguliers le calme de la pièce.

Il s'arrêta plus longuement sur la rubrique des faits divers. Outre les déboires d'un adjoint au maire qui avait reçu en guise de colis une tête de sanglier, le plus gros article titrait :

« L'ÉCORCHEUR ÉCORCHÉ

« Hier, au soir, le personnel médical de l'asile Sainte Geneviève a retrouvé le corps inanimé de Jacques Néron, un criminel notoire souvent surnommé l'Écorcheur. Admis quelques semaines plus tôt, celui-ci s'est donné la mort en s'ouvrant les veines.

« Les circonstances du décès de l'Écorcheur ne sont pas encore entièrement déterminées. Il semblerait surtout que les soignants n'aient pas été alarmés par les actes de Jacques Néron du fait d'une activité aussi intense qu'inattendue de la plupart des internés.

« De cet accident, nous conservons seulement les enregistrements de la caméra qui filmait la cellule. Ainsi, nous pouvons vous dévoiler les derniers mots de Jacques Néron : "Sous..." »

Un cri retentit dans la cuisine, suivi du fracas d'une cuillère à la rencontre, pour le moins violente, du carrelage.

« Ça va, Mimine ? s'inquiéta le vieil homme.

— Viens m'aider, bon à rien ! » hurla une voix féminine en retour.

Le caramel avait débordé de la casserole et dégouttait maintenant sur le plan de travail. La femme s'y était brûlée par mégarde.

Le vieil homme lui dévissa obligeamment une gourde afin d'y tremper le doigt blessé. Évidemment, il avait fallu que l'incident arrive le jour où l'eau était coupée à cause des travaux dans ce plat de nouilles de tuyaux sous la chaussée.

Et comment était-il censé laver tout ça, alors ?