Chapitre 5
Je crois que c'est un souvenir. Il y a Adam, en face de moi. Oui, c'est un souvenir, pas la réalité.
Je suis avec lui, devant la planque. On attend Iris, on discute de tout et de rien. Normalement, elle arrive à ce moment là. Elle zigzague sur sa bicyclette, alors on l'aide à en descendre. Mais, là, j'ai beau regarder la rue, elle n'apparaît pas.
Quand je veux tourner la tête vers Adam, il est assis à un bureau. Nous sommes dans la salle des Stratèges, c'est là que je me suis évanouie. Je le regarde tracer des traits sur une carte de San Francisco. Je veux lui parler, je ne sais plus de quoi, exactement. Ce n'est probablement pas important. Il m'interrompt.
« Ava, patiente une seconde. Je dois préparer l'opération d'aujourd'hui. »
Je sais maintenant. C'est lui qui m'avait sorti la même phrase, il y a trois ans. Il aimait faire comme si il était Stratège, on jouait souvent à ça ensemble.
Soudain, j'entends une voix. Je ne suis plus dans le bureau, mais dans le dortoir. Oui, je me souviens très bien de ce jour là. C'est Matt, il m'appelle, il a une tête de déterré, comme si quelqu'un était...
« Adam est mort. »
Il fond en larmes, ensuite. C'est le premier d'entre nous qui meurt, alors évidemment, ça fait un choc. Enfin, le premier qui meurt vraiment. Il y eu Iris, mais je n'arrive pas encore à me faire à l'idée qu'elle est partie.
Je suis effondrée, aussi. On est ici depuis un ou deux mois, et déjà la guerre fait des siennes. On était proches, lui et moi. Je crois.
« Il a suivi les autres, en opération. Il n'avait pas l'âge réglementaire, mais il voulait faire ses preuves, et puis quand les Éclaireurs l'ont vu, c'était déjà trop tard. Il paraît que qu'il est tombé dans un trou »
Je ne comprends pas. Il aimait faire semblant de préparer les opérations, il était même d'un grand secours lors des réunions stratégiques, mais il savait pertinemment qu'il ne devait y participer sous aucun prétexte.
J'use de toute ma force pour me lever, courir dans le couloir et trouver Tess. S'il est juste tombé, tout n'est pas perdu. Peut-être qu'il s'en est sorti...
« Il est tombé dans une crevasse énorme, Ava. On n'a même pas entendu de bruit de chute, ça devait être sacrément profond... Au moins, il est mort en s'écrasant, en bas. C'est mieux que d'avoir été dévoré par une bestiole. »
Tandis qu'elle me dit ces mots, Tess se met à pleurer, mais je ne l'écoute plus. Je crois entrevoir Adam dans le tunnel rempli d'enfants et d'adolescents pendus aux lèvres de Tess, sous le choc. Il a l'air en colère. Je veux avancer, m'exclamer qu'il est bien vivant, mais la foule me pousse dans l'autre sens.
Je sens qu'on me tire vers l'arrière, je chute lentement.
Je traverse les couches de terre, de pierre, comme si j'étais immatérielle. Enfin, je m'arrête. Je m'écrase lourdement dans une sorte de tunnel, comme ceux du bunker, sauf que celui là est désert, sans lumière, sale et poisseux. Cette matière toute liquide et collante, sur le sol, est-ce que c'est... du sang ?
Je n'ai pas le temps de vérifier, voilà que des hurlements assourdissants se font entendre au loin, dans le conduit. Des bestioles, ici ? Je me fige une seconde. Je cherche mon pistolet. Il n'est pas sur moi. Je l'avais encore tout à l'heure...
Une sortie. Il faut que je sorte. Je ne suis même plus sûre d'être en train de rêver. Dans un coin du tunnel, il y a une parcelle un peu plus claire que le reste de la paroi, comme si on avait rebouché une issue, récemment. J'ignorais qu'une partie de la planque avait été condamnée...
Les cris se rapprochent, je frappe le mur, j'appelle à l'aide.
« Au secours, je vous en prie ! Aidez-moi ! »
Aucune réponse. Je n'ai fait qu'attirer les bestioles. J'aperçois leurs silhouettes vacillantes ramper vers moi.
Je voudrais courir, fuir, mais mes jambes refusent de bouger. Soudain, le tunnel devient plus étroit, les bestioles se recroquevillent comme elles le peuvent, moi aussi. J'observe le plafond se replier, descendre toujours plus bas, tandis que je m'écrase au fur et à mesure. Je suis maintenant à plat ventre, je ne sens plus mes bras et mes jambes, la seule partie de mon corps que je maîtrise encore est ma tête, qui me fait terriblement mal, comme prise dans un étau brûlant. L'oxygène me manque. Les cris des bestioles écrabouillées se taisent, et puis ce qui reste de moi sombre dans la léthargie.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top