Chapitre 33
Nous y sommes. Le New Hampshire.
L'avion atterrit dans un fracas qui nous tire tous un petit cri de surprise, puis nous nous détachons et nous levons de nos sièges. Pour l'instant, le paysage n'est pas très grisant : de la pleine campagne à perte de vue, pas un seul village à l'horizon. Mais Warthford n'est pas loin, je le sens.
Dehors, une femme habillée d'une robe longue et d'une couronne de fleurs nous accueille. Son air hippie et pacifiste me rassure, elle n'a certainement aucune mauvaise intention.
« Bienvenue, mes amis ! lance-t-elle en ouvrant les bras. Je suis Lizbeth, c'est moi qui suis chargée de vous mener à notre belle cité. Suivez moi, n'ayez crainte ! »
Puisque nous n'avons pas vraiment trop d'autre option, nous la laissons nous guider à travers les prés.
Bientôt, nous pouvons apercevoir quelques maisonnettes anciennes, me rappelant ces petits villages qu'on trouvait un peu partout avant que la guerre n'éclate.
« Voici Warthford, notre petit chez-nous ! Vous verrez, personne ne vous fera de mal ici », affirme Lizbeth.
Les occupants ne sont pas surpris de nous voir, c'est à peine s'ils nous saluent. Ils ont tous l'air de vivre dans des conditions précaires mais ils semblent quand même satisfaits. Warthford ne possède pas de magasins, simplement une petite supérette. Il ne doit pas y avoir plus de cent habitants ici.
Notre groupe s'arrête au centre du village, où trône une petite église.
« A un kilomètre, il y a une décharge. Si vous voulez un véhicule pour partir, il y en a des dizaines là bas. Mais je vous y emmènerai demain, pour le moment vous devez manger et prendre un peu de repos ! »
L'idée de devoir marcher de nouveau demain m'ennuie, mais j'ai autre chose en tête pour l'instant.
Tandis que Lizbeth raconte l'histoire très peu passionnante de l'église de la place, je tourne la tête vers Tess, qui n'a pas dit un mot depuis qu'on a embarqué. Celle-ci est bien plus pâle que d'habitude, elle a le regard fixe comme si elle était statufiée.
« Tess ? »
Elle se met à hurler et s'écroule en tremblant, comme elle l'avait fait à Fairyland. Tout le monde se tourne vers nous en lançant des regards accusateurs.
« Elle est infectée ? s'étonne notre guide avant de se précipiter vers un homme non loin de nous. Charles, venez vite, on a un problème ! »
Le dénommé Charles, probablement médecin, s'approche de la blessée pour l'examiner.
« Elle a déjà fait une crise comme ça, dis-je timidement. Mais elle s'est sentie mieux après. »
Charles court chercher de quoi l'ausculter et revient, totalement paniqué. Tess se roule encore dans la poussière en hurlant et grognant comme une bestiole.
Ai-je fait une erreur ? Aurais-je dû la laisser à Chicago, entre les mains de professionnels ?
Le médecin la porte jusqu'à une maisonnette minuscule et, après une dizaine de minutes, il en ressort seul.
« Elle va mieux », affirme-t-il, pourtant sinistre.
Puis il me prend à part et pose sa main sur mon bras, la voix brisée.
« Sa blessure a atteint un stade avancé. Elle ne va pas se transformer, mais elle va mourir dans peu de temps. »
N'étant pas sûre d'avoir bien compris, je me répète sa phrase intérieurement.
Elle. Va. Mourir.
« Quand ? »
C'est la seule chose que je parviens à dire, tous les autres mots restent coincées dans ma gorge et ne veulent sortir que sous forme de larmes.
« Une semaine. Peut-être moins. Si elle a une subite montée d'adrénaline ou un choc, son cœur pourrait lâcher. »
Je me penche pour apercevoir mon amie affaiblie, allongée dans un lit de fortune.
« Elle va être rétablie après une bonne nuit de sommeil, mais ce ne sera que temporaire. Il ne tient qu'à toi de le lui révéler, si tu le souhaites. Sauf si tu préfères que je le fasse, bien sûr. Tu veux que je vous laisse seules ?
- Non. Non, ce ne sera pas nécessaire.
- Tu réalises ce que ça implique, de garder ça pour toi ? s'assure-t-il.
- Oui. »
Sur-ce, je lui tourne le dos en tentant de retenir un sanglot. Je ne peux pas expliquer à Tess ce qui l'attend ; je ne peux pas lui ôter tous ses espoirs. Je veux l'emmener jusqu'au Maine, je veux qu'elle se sente enfin en lieu sûr avant de... partir.
« Comment elle va ? s'inquiète Matt.
- Bien. Elle sera vite sur pieds. »
Je remarque la perplexité de Kim, ce qui est compréhensible. Je ne crois pas moi-même ce que je raconte.
*
Il fait sombre. Ce doit être un cauchemar. Je me rappelle de m'être endormie, mais à la fois je me sens parfaitement consciente.
« Ava. »
Il n'y a rien autour de moi, excepté ce murmure qui chantonne mon nom.
« Tout est de ta faute », murmure encore cette étrange voix.
Je tourne sur moi-même sans apercevoir personne. Juste de l'obscurité, du vide, et moi.
« Moi, Adam, Connor, Rosa, et maintenant Tess ! Tu ne te préoccupes de personne, tu ne penses qu'à ta petite vie égoïste. »
Je reconnais cette voix. Ce timbre clair, normalement joyeux mais accusateur désormais.
Iris.
« C'est faux ! J'ai fait ce que j'ai pu pour aider tout le monde !
- C'est ça, mens toi à toi même, ricane la voix moqueuse. Tu te prends pour une héroïne, mais tu ne fais que laisser mourir tous ceux à qui tu tiens, un par un, en te disant que le coupable est quelqu'un d'autre... Tu tues tout ce que tu touches, voilà la vérité ! »
Je me replie sur moi-même pour l'ignorer, mais c'est comme si elle envahissait ma tête, comme si elle était partout. Ses mots forment un écho et j'ai beau crier pour la faire taire elle continue à me condamner.
« Tu es un monstre, Ava ! Un monstre ! »
*
Je frissonne. La tente montée pour que nous y passions la nuit laisse passer le vent glacial de l'extérieur. Matt, Lucie, Zoé et Kim dorment encore. Je cherche Tess du regard avant de me souvenir qu'elle est avec les autres blessés.
Ne parvenant pas à me rendormir, je sors de la tente pour admirer les étoiles. Le jour se lèvera bientôt.
« C'est splendide, n'est-ce pas ? »
Lizbeth pose sa main sur mon épaule. Quelque chose en elle est mystique, je ne sais pas quoi exactement mais elle a l'air... sage, comme si elle savait tout.
« La culpabilité. Se faire du mal n'aide pas à se pardonner.
- Qu... Quoi ? »
Je tourne la tête vers elle, les yeux écarquillés. Est-ce qu'elle vient de lire dans mes pensées ?
« Tu as parlé dans ton sommeil. Je n'ai pas de pouvoirs magiques, ne t'inquiète pas », rit-elle en voyant ma réaction.
Elle s'allonge par terre et contemple la nuit. Je l'imite, ne sachant pas réellement quoi faire d'autre.
« Tu ne dois pas te sentir mal à cause de ceux que tu as perdus sur le chemin. Je suis certaine qu'ils seraient heureux de te voir arriver au bout de ton voyage.
- Je ne contrôle pas mes rêves, malheureusement, dis-je après un court silence. J'ai tellement l'impression que je déçois tout le monde, que je ne suis pas... à la hauteur.
- Tu n'as pas besoin de te soucier de ce que pensent les autres. L'important, c'est que tu ailles jusqu'au bout de tes projets en faisant de ton mieux. »
Sur ces mots rassurants, les premiers rayons du soleil commencent à pointer à l'horizon.
« Il va falloir réveiller tes amis », murmure Lizbeth. « Nous devons faire le chemin jusqu'à la décharge avec tous les voyageurs, et il serait préférable que vous formiez un cortège pour arriver tous en même temps à Portland. »
J'acquiesce et, tandis qu'elle s'éloigne, je poursuis mon observation du ciel, plongée dans mes pensées.
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Coucou ! Ce chapitre est plus long que d'habitude, vous avez remarqué ?
J'ai pris plaisir à l'écrire, d'autant plus que l'on approche de la fin et j'essaye de ne rater aucun détail et de ne pas bâcler les dernières étapes ! Mais vu que je travaille sur un nouveau projet (qui pour le moment est assez incertain), je risque de publier un petit peu moins. Je ferai de mon mieux pour poster rapidement la suite !
Bye mes chers lecteurs !
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