Chapitre 31
J'ouvre les yeux dans une totale obscurité. Les faisceaux lumineux des torches me laissent deviner les visages de mes amis.
« Tout va bien », affirme Kim, qui est agenouillée devant moi, pour me rassurer.
Je fouille dans mon esprit pour me souvenir de ce qu'il nous est arrivé et je le regrette instantanément.
« Comment ça se fait qu'on est... ici ? »
Je ne sais pas vraiment où on se trouve, mais ça m'a tout l'air d'être un souterrain. Probablement le métro dont Rosa m'avait parlé avant de...
« On a piqué une voiture, et une fois qu'on est arrivés à Chicago on t'a portée jusqu'ici », explique Matt.
Je prends un instant pour observer mes camarades. Lucie joue innocemment avec Dexter. Celui-ci ne semble pourtant pas en grande forme, il doit avoir conscience que sa maîtresse est morte. Tess est assise contre le mur, elle paraît exténuée et un peu pâle. Matt essaye de consoler Zoé, qui n'arrête pas de pleurer. Kim soupire et fait la moue, elle doit être impatiente qu'on s'en aille. D'après les regards qu'elle lance à Tess, je comprends qu'elle s'inquiète pour sa santé. J'ai encore un goût désagréable dans la gorge et un peu mal au crâne, mais nous n'avons pas le temps de nous reposer. Le prochain avion part demain matin, et d'après mes équipiers il faisait déjà nuit lorsqu'on est entrés dans le souterrain.
Nous nous mettons donc en route. Le large tunnel s'éternise, il me rappelle un peu la planque en Californie. Ceci dit, ce tunnel là est bien plus large et silencieux. Quelques carcasses de bestioles gisent dans les coins, parfois elles remuent encore un peu mais elles n'ont pas la force de nous attaquer.
Les heures s'écoulent et nous ne croisons aucun arrêt. Même Dexter fatigue.
« Regardez, là-bas ! » s'écrie subitement Zoé en pointant du doigt une masse sombre en face de nous.
Nous l'éclairons à l'aide de nos torches et reconnaissons la forme du métro, arrêté près d'un long rebord où apparaissent de vieilles affiches et des distributeurs vides.
« C'est un arrêt », confirme Matt.
Bien que le métro soit rempli de bestioles se jetant contre les vitres pour nous dévorer, nous les ignorons et marchons en direction des escaliers censés nous mener à la sortie. Dans ces escaliers, un puits de lumière éclatante nous signale le retour du jour.
Lorsque celle-ci nous éclabousse le visage, nous percevons des voix, des musiques, des fumets d'alcool et de sucre. Nous pensons que ce n'est qu'un mirage, une hallucination. Mais étant donné que nous sommes aveuglés par le soleil, nous nous contentons d'avancer et nous laissons enivrer par les chants joyeux à la Surface.
Lorsque je retrouve la vue, je n'en crois pas mes yeux : des dizaines de gens de tout âges dansent, chantent, jouent et discutent au milieu d'un véritable festival. Des stands proposent nourriture variée, boissons, vêtements et j'en passe... On croirait presque qu'on a changé de monde, ici aucune bestiole ne sème la terreur et des enfants jouent à chat en se poursuivant dans les allées. Çà et là, des restaurants sont ouverts, des lits de camp sont mis à disposition de ceux qui attendraient un avion, des jeunes de notre âge s'éclaboussent près d'une fontaine. On dirait presque que tout le quartier est isolé de la guerre !
Tandis que Kim, Zoé, Matt, Tess et moi restons abasourdis, Lucie se précipite au loin pour jouer avec les autres enfants.
« Eh, les nouveaux, tout va bien ? »
Le groupe d'ados près de la fontaine nous apostrophent en riant. Encore sous le choc, nous nous approchons d'eux pour leur demander des explications.
« Ne faites pas cette tête ! On dirait que vous sortez d'un bunker ! plaisante un garçon aux cheveux noirs, assis à côté de ce qui semble être son frère jumeau.
- Arrête avec ça, rétorque celui-ci. Si ça se trouve, ils viennent vraiment du Dessous.
- Du Dessous ? répète Kim.
- Oui, poursuit le premier jumeau. C'est comme ça qu'on appelle ceux qui ont été enfermés dans des bunkers par les chefs d'État. Les pauvres, ils ne sont même pas au courant.
- Enfin, bref, c'est tant pis pour eux, le coupe son frère. Je me présente : Michael, mais tout le monde m'appelle Mickey. Et le rabat-joie c'est mon frère, Terry.
- Ravis de vous rencontrer ! Je m'appelle Zoé et voici Matt, Tess, Kim et notre meneuse, Ava. Oh, et la petite qui court là bas avec le chien, c'est Lucie. »
Je m'avance vers Mickey et Terry pour couper leur discussion et revenir au sujet précédent.
« Attendez un minute, qu'est-ce que c'est que cette histoire avec les bunkers ?
- Ce n'est vraiment pas intéressant, tu sais, se contente de marmonner Terry.
- Bien sûr que si ! On fait partie de ceux qui étaient dans un bunker ! » s'exclame Matt pour me soutenir.
Les jumeaux se regardent et nous font asseoir par terre afin de se lancer dans un long récit. C'est Mickey qui prend la parole en premier.
« Comme vous le savez, les chefs d'Etats ont complètement craqué au début de la guerre. Ils ont voulu tuer tout le monde en balançant des bombes dans tous les coins et ils n'ont rien fait pour stopper la bactérie. Ils se sont mis en tête de reconstruire un monde meilleur basé sur l'Élite, comme ils l'appellent. Un regroupement des personnalités les plus riches de la planète.
- C'est du bullshit, commente Terry, ce qui lui vaut un regard noir de son jumeau.
- Pour cette raison, ils ont décidé de confiner les populations jeunes dans plusieurs endroits, sous terre, afin qu'ils s'éteignent petit à petit. Mais pour que la majorité se fasse avoir, ils ont fait croire que c'était pour les protéger, qu'un jour quelqu'un viendrait les chercher pour les emmener ailleurs. Ce qui, bien sûr, n'est jamais arrivé pour personne.
- Quoi ? Mais pourtant, la Base nous promettait qu'on irait au camp du Maine, déjà à l'époque, et c'est les soldats de la Base qui nous ont aidé à venir jusqu'ici ! s'écrie Kim.
- Vous parlez de la Base Antarctique ? Ils étaient alliés à l'Élite, au début, enchaîne Terry. Mais ils ont retourné leur veste et ont décidé de guider tous ceux qui étaient encore en vie au camp. Malheureusement, l'Élite ne l'a pas très bien pris et a coupé la communication entre la Base et le camp. Bien sûr, elle aurait pu tout simplement détruire le camp mais aucun de ses membres ne sait où il se trouve précisément. Au fil du temps, la plupart des populations du Dessous se sont éteintes. Le commandant, celui qui émet le plus souvent sur les ondes, a expliqué qu'il ne pouvait révéler la vérité aux jeunes vivant dans les bunkers. Il préférait gardait secret la raison de leur vie sous terre pour éviter un mouvement de panique. »
Ces mots nous glacent le sang. Depuis le début, nous sommes destinés à mourir ? C'est donc ça, l'objectif initial ? Depuis trois ans, nous vivons dans le mensonge, dans l'ignorance. Depuis trois ans, des centaines d'enfants se font de faux espoirs chaque jour.
« Mais vous êtes dehors, c'est le principal, pas vrai ? lance Mickey pour nous réconforter. Faites la fête avec nous, dans moins de deux heures un avion viendra nous chercher pour nous emmener sur la terre promise ! »
Tess, qui a l'air pâle et épuisée, pose sa main glacée sur mon épaule.
« Ne t'inquiète pas, c'est du passé maintenant », dit-elle faiblement. « On va rejoindre ce foutu camp et on va tous être tranquilles, l'Élite ne pourra plus rien contre nous. »
Je lui souris et, bien que tous un peu estomaqués, nous nous joignons au groupe de fêtards et profitons de la paix retrouvée.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top