Chapitre 3
On entend de nouveau Lucie. Elle est encore en vie, mais dans quel état ? Les cris, on les entend aussi.
Soudain, une faible lueur nous éblouit. La Lune éclaire le petit coin où Lucie est recroquevillée. Au-dessus d'elle, tandis que sa tête est enfouie dans ses bras, des tonnes de bras maigres, jaunis et délabrés s'agitent.
« Bon sang ! Ils ont réussi à creuser aussi profondément ? s'étonne Matt. Et en plus ils ont percé la couche de béton ? »
Moi, je m'inquiète d'autre chose. Les mains squelettiques sont à une phalange à peine de la fillette, qui ne bouge plus.
« Lucie. Ne lève pas la tête. Allonge-toi à plat ventre par terre et rampe jusqu'à moi. Vas-y, petite, ils ne t'auront pas. Regarde. » Je sors mon pistolet de ma poche. « S'ils te frôlent, je tire dans le tas, d'accord ? »
Lucie murmure un oui de sa petite voix chevrotante, puis se couche sur le sol.
« Bien, Lucie. Viens, maintenant. Fais comme un serpent, d'accord ? »
Elle hoche la tête et se dirige vers moi. Ensuite, elle se relève et se jette dans les bras de son frère. Un coup de feu retentit. Tandis que je rangeais mon arme, Matt a dégainé la sienne. Aussitôt les bras de bestioles se retirent dans un hurlement strident.
« Lucie, ne va plus jamais quelque part sans me prévenir, OK ? »
Lucie acquiesce, intimidée par la colère de son frère.
« Je voulais voir les hélicoptères... »
Les hélicoptères. Tout le monde voudrait bien les prendre, une nuit, et s'enfuir avec. Loin dici. Dans un pays sans bestioles, où on trouve de la bonne viande, des bons légumes, des épices.
Nous faisons demi-tour. Je m'aperçois que le trou béant laissé par les bestioles nous révèle une partie de ce monde que nous ne connaissons plus. La Lune. Le ciel étoilé caché par des nuages de poussière et des éclats de bombes. La fraîcheur d'une nuit d'hiver. Le froid qui se glisse déjà dans le tunnel.
Il faudra boucher ce trou. J'en parlerai à Neil demain matin, il bricolera quelque chose, et puis on ne verra plus la Surface. Ni les bestioles, d'ailleurs.
Au dortoir des filles, presque tout le monde dort profondément. Lucie a la couchette juste au-dessus de la mienne. Chacune d'entre nous possède une petite case de rangement encastrée dans le mur. J'y ai déposé une photo d'Iris, ainsi que mon ours en peluche et mon sac à dos.
J'attends que toutes les lumières s'éteignent avant d'attraper mon nounours.
On pourra me dire que je suis trop vieille pour garder ce jouet là, mais j'ai besoin de me sentir comme une enfant. Je ne veux pas faire semblant d'être forte et déjà assez adulte pour rester indifférente devant la guerre. Je ne veux pas ressembler à ceux qui lancent des bombes sur les villages. Ceux qui ont tout détruit, jusqu'à nos espoirs et nos joies.
Je retourne Peluche (je crois que c'est le premier nom qui m'est venu à l'esprit quand mes amis du foyer d'accueil me l'ont acheté) et fais glisser doucement la fermeture éclair cachée dans son dos, sous la fourrure effilochée et emmêlée. Mes bonbons sont toujours là. Ceux que j'ai reçus en arrivant.
J'en sors un de son emballage et le mange doucement, les yeux fermés, comme s'il était un souvenir de ma vie d'avant.
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