Chapitre 29

Cela fait dix minutes que je suis bloquée sur ce choix stupide. Fraise ou vanille ? Je n'arrive pas à me décider.

« Allez, Ava, on n'a pas toute l'après-midi ! » râle Iris.

La file d'attente derrière moi s'allonge tandis que ma meilleure amie dévore ses trois boules de glace au chocolat qui coulent le long de son cornet et sur ses doigts. Le glacier a lui-même l'air agacé. Vanille... Fraise... Vanille... Fraise... Vanille... J'aimerais prendre les deux mais je n'ai pas assez d'argent sur moi, je ne peux pas envisager cette option.

La fête foraine et ses musiques joyeuses m'empêchent de réfléchir. Toutes ces couleurs, ces animations, ces gens qui rient... Et moi je perds mon temps à hésiter entre fraise et vanille. Lorsque j'aurais enfin choisi, nous ferons les montagnes russes jusqu'à en être étourdie, et ensuite on ira dans le palais des glaces et on se cognera contre toutes les vitres. Oui, ce sera génial.

Allez, Ava, tu n'as plus le temps de rêvasser. Concentre toi !

Je reviens à ce fichu panneau où sont inscrits les différents parfums en lettres biscornues.

« Et si tu prenais l'autre possibilité ? Il y a du caramel. Tu adores le caramel, me glisse Iris à l'oreille, un sourire espiègle sur les lèvres.

- Oh oui ! Une glace au caramel, s'il vous plaît ! »

Le glacier me tend enfin ma petite boule encore couverte de givre et nous nous éloignons, laissant la place aux autres clients.

« N'oublie pas qu'il y a toujours une autre possibilité, Ava. Toujours. »

Je souris, profitant de la sensation froide et du goût sucré sur ma langue.

Non, pas cette fois. Il n'y a pas d'autre possibilité aujourd'hui, Iris.

*

Je me réveille dans le canapé, devant la cheminée éteinte. Je crois que je n'ai pas eu la force de monter jusqu'à une chambre cette nuit.

Priam me tend une tasse de café fumante, je me frotte les yeux et cherche les autres du regard. Seule Kim est déjà levée, elle s'étire et fait quelques exercices de sport.

« Il est onze heures. Si telle est ta décision, il va falloir partir. »

J'acquiesce et, tandis que Kim court réveiller les autres, je plonge mon visage dans mes mains. Si seulement il y avait une alternative, si seulement je n'avais pas à faire ce choix maintenant.

Bientôt, toute l'équipe attend mon verdict. Je pousse un long soupir puis je dis doucement :

« Priam, appelle ta sœur pour la prévenir. Et mettez tous vos chaussures, on va en avoir besoin. »

Si Matt est dubitatif, Kim, Tess et Zoé sont satisfaites. Tess me lance un regard approbateur, je suppose qu'elle aurait été très déçue d'abandonner ici. Nous enfilons tous de quoi sortir par ce matin frisquet puis nous nous glissons à l'arrière du pick-up sous les indications de Priam.

J'espère vraiment que tout va bien se passer.

*

Après une petite demi-heure de trajet durant laquelle j'ai passé en revue le journal d'Adam, Priam nous fait signe de nous allonger sous les couvertures et de ne surtout pas bouger ni parler. Bien qu'on soit un peu serrés sur la moquette étroite nous restons discrets.

Je sens la route vibrer sous nos roues et la respiration saccadée de Lucie dans mes cheveux. Lorsque des voix agressives nous parviennent à travers les couvertures, le pick-up s'arrête. Je me répète intérieurement les ordres de Priam : ne pas bouger, ne pas parler, attendre le signal, puis sortir à notre droite et courir le plus vite possible en restant groupés.

« Je peux savoir ce que tu fais là, petit con ? Tu penses qu'on va te laisser passer tranquillement ? »

Les voix masculines ricanent grossièrement.

« Je voulais juste savoir s'il y avait vraiment un camp dans le Maine, rétorque notre allié. Et puisque vous traînez ici pour empêcher les honnêtes gens de survivre je suppose que c'est le cas.

- Tu sais ce qu'on fait aux gars comme toi, qui cherchent les embrouilles, hm ?

- J'aimerais que la réponse soit ''On leur organise une fête surprise'' mais ce ne doit pas être ça. »

Je sursaute. C'est le signal ! Le mot ''surprise'' ! Nous jaillissons tous du pick-up par la portière droite et, tandis que l'un des hommes met une droite à Priam, nous franchissons leur barrière de métal et courons sans répit. Des insultes et des ordres fusent derrière nous ; j'ai juste le temps de me retourner pour voir des dizaines d'hommes armés et un grand mur épais s'étalant sur des kilomètres. Priam est remonté dans sa voiture et est reparti dans l'autre sens en percutant quelques types, mais ça n'a pas suffi à les arrêter. Une balle fuse et frôle mon bras, je hurle mais ne m'arrête pas.

Soudain une autre voiture, un 4x4 rouge sali de terre et de poussière, nous barre la route. Les portières arrière s'ouvrent et une femme noire aux grands yeux bleus sort la tête pour nous crier :

« Vous allez rester plantés là ? Montez, bande d'imbéciles ! »

Nous grimpons à l'arrière sans hésiter puis, lorsque nous sommes loin des coups de feu et de la barricade, la femme redresse son rétroviseur et lance :

« Je me présente : Rosa Stewart. Je suis la sœur de Priam. »

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