Chapitre 27
Je me laisse bercer par le doux bruissement de la route. Il y a deux jours, on est tombés sur un camping-car au bord de la route. Il était écroulé dans un fossé, le réservoir était vide et l'intérieur était répugnant. Mais il y avait des avantages non négligeables : la clé était encore sur le contact et il y avait une banquette, un lit en haut et toutes les commodités dont on pourrait rêver. Zoé et Tess ont tout donné pour le remettre en état, cette dernière en a même complètement oublié sa blessure tant elle s'est amusée. Il leur aura fallu plusieurs heures de travail, mais au final nous avons pu rouler dans un véhicule spacieux et flambant neuf. Même si il ne roule pas bien vite, nous sommes entrés ce matin dans l'état de l'Iowa. Nous avons déjà parcouru plus de la moitié du chemin.
« Ava, tu t'occupes du plein aujourd'hui », m'ordonne Matt en me tapotant l'épaule.
Mes écouteurs enfoncés dans les oreilles, je n'avais pas remarqué que nous nous étions arrêtés à la station essence. Je soupire et sort du camping-car en claquant la portière derrière moi, me dépêchant d'enfiler les gants en latex puants.
En attendant que le réservoir soit plein, je ferme les yeux pour apprécier le tintement du carillon doré accroché à la devanture de la boutique de la station, l'odeur d'essence et de pneus qui me rappelle la ville...
Tess fait pianoter ses doigts sur le volant chauffé par le soleil, elle doit probablement écouter la radio. Le moteur ronronne et je peux entendre le rire de Zoé et Matt. Ils ne se lâchent plus, tous les deux.
Je m'autorise à délaisser un instant le pistolet pour m'approcher du petit magasin ; Un néon y clignote, faisant passer les allées vides du jour à la nuit à chaque seconde.
Jour. Les rayons sont déserts et couverts de toiles d'araignées.
Nuit. Je devine les ombres des étagères.
Jour. Je m'arrête juste devant la porte.
Nuit. Je porte ma main à la poignée usée.
Jour. Une bestiole couverte de sang se plaque contre la vitre et frappe pour m'atteindre.
Je hurle et tombe en arrière, décrochant la poignée au passage. La porte vitrée s'ouvre toute grande, j'ai tout juste le temps de remonter dans le camping-car en hurlant avant que le zombie ne me saute dessus. Avant même de comprendre ce qu'il se passe, Tess démarre au quart de tour, arrachant le pistolet de la borne d'essence, puis dans une marche arrière magistrale elle percute notre poursuivant dans un vacarme répugnant qui rappelle le bruit d'un fruit qu'on écrase.
« Merde, Ava ! Qu'est-ce que tu as foutu ? » peste Kim, assise à l'avant.
Je suis encore trop tremblante pour répondre, je me contente de boire un peu d'eau.
« Tu aurais pu te faire tuer ! Qu'est-ce que t'as dans le crâne ? À quel moment tu as pu penser qu'entrer là-dedans était une bonne idée ?
- Kim, arrête. Ava a fait une connerie mais ça ne mérite pas que tu la pourrisses comme ça ! Elle vient de frôler la mort, laisse-la un peu tranquille », me défend Zoé.
Sans la remercier, je me rallonge sur la banquette et remets mes écouteurs, lançant une playlist country pour me détendre.
*
On a crevé. Génial.
Il doit être environ 18h, et notre roue arrière-gauche a lâché. Et pour couronner le tout, la station est à 3km derrière nous, on n'a pas de roue de secours et on est sur une route paumée au milieu des bois.
« Forcément, les pneus ne sont pas trop faits pour écrabouiller des zombies, commente Kim avant de se faire couvrir de regards noirs par l'équipe.
- Je propose que Zoé et Ava fassent demi-tour, propose Tess. Vous nous trouvez un pneu potable à la station, il me semble qu'il y en a quelques uns, et vous revenez aussi vite que possible. »
Bien que l'idée ne m'enchante pas, je me passe de me plaindre. C'est un peu de ma faute si on en est là, je ferais mieux de fermer mon clapet.
« Ok, dépêchons alors. Si on s'en sort bien on n'en aura pas pour plus d'une heure. »
Mon calcul approximatif semble en inquiéter plus d'un. Effectivement, nous ne sommes pas encore au printemps donc la nuit tombe tôt. Même en partant maintenant, on devra probablement faire le trajet retour dans le noir.
Malgré notre basse motivation, nous prenons la direction de la station. Au fur et à mesure, le camping-car disparaît derrière nous et laisse place au paysage peu varié : le ciel gris, des arbres, la route, et encore des arbres. Zoé ne prononce pas un mot, moi non plus. Je n'ose pas m'imaginer dans quel état on trouvera la bestiole qui nous poursuivait tout à l'heure.
Bientôt, la lumière du jour disparaît et nous nous retrouvons forcées d'allumer nos lampes torches. Soudain, une autre source de lumière jaillit de la forêt et nous éblouit, je place ma main devant mes yeux pour analyser la silhouette qui approche mais je ne peux que percevoir une voix masculine.
« Eh vous ! Déclinez votre identité ! »
Zoé dégaine son pistolet ; l'homme s'arrête mais il est assez près pour que je distingue la lame brillante et acérée d'un couteau dans sa main.
« Je m'appelle Ava, dis-je assez fort pour qu'il nous entende en restant à bonne distance. L'une de nos roues s'est percée quelques kilomètres plus loin et nous ne pouvons plus démarrer. Le reste de notre équipe nous attend là-bas. »
Zoé me lance un regard dubitatif, je me doute qu'elle n'a pas confiance en cet inconnu. Celui-ci éteint sa torche pour nous permettre de le voir enfin.
« Je peux vous remplacer votre roue, j'en ai pas mal de rechange dans mon garage. Suivez-moi. »
Zoé me retient et me lance un regard furieux.
« On ne va pas se laisser traîner on-ne-sait-où par un type bizarre dont on ne connaît rien ! »
Interloqué par le manque de discrétion de mon amie, l'inconnu se retourne et éclate d'un rire franc.
« Oh, je suis désolé, j'ai perdu l'habitude de me présenter. Je m'appelle Priam. Ne vous inquiétez pas, je ne vous veux aucun mal.
- On peut savoir ce que vous faites ici ? demande Zoé, toujours perplexe.
- Je vis dans un manoir, dans les bois. J'ai entendu du bruit et je suis sorti. Il n'y a personne dans le coin alors en général ce sont des infectés ou des animaux sauvages.
- Des infectés ? répétai-je, Des bestioles vous voulez dire ?
- Peu importe comment vous les appelez, ici ils sont discrets et très tenaces. On devrait rentrer avant d'en croiser un. Venez. »
Cette fois, nous acceptons son offre et pénétrons dans l'épaisse pinède obscure. Un petit chemin de terre se dessine sous nos pieds, puis le manoir nous apparaît enfin.
« Waouh, c'est immense ! Vous vivez seul ?
- Oui, ma femme est morte d'un cancer il y a des années. Je vous ferai visiter plus tard si vous voulez, pour le moment nous devrions aller chercher vos amis. »
Il nous fait monter dans un pick-up noir et nous quittons la propriété, revenant sur la route nocturne.
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