Chapitre 20
Je fais glisser mes doigts sur les pages. Sans réellement savoir pourquoi, mon cœur se serre lorsque je tourne la deuxième. Il y a des croquis, des pages entières noircies d'écritures... Adam écrivait un journal... Pourquoi l'avoir laissé ici ? Soudain, j'entends des appels dans le couloir.
« Ava ! Ava ! Où es-tu ? »
C'est Connor. Je ne peux pas rester ici. Bien qu'il soit aveugle, il sentira ma présence s'il entre dans la salle des Stratèges.
Avant qu'il ne soit trop près, je plie la carte et referme le carnet puis les glisse dans mon sac à dos. J'ai l'impression d'être une fugitive, et au fond c'est un peu ce que je suis.
Je me dirige vers la salle radio, priant pour que le champ soit libre. Malheureusement, lorsque je perçois la voix de Neil dans la pièce étriquée, je comprends que ce n'est pas le cas. Je reste en retrait en attendant qu'il sorte et j'en profite pour l'espionner.
« Commandant ? Ici Neil, le chef de la Planque n°75. Vous me recevez ?
- Oui, je vous entends, répond la même voix que la dernière fois, toute aussi grésillante.
- Je souhaitais vous parler du camp dans le Maine. On m'a rapporté que vous aviez perdu contact avec ses membres.
- En effet. Je ne sais pas si c'est toujours un endroit sûr, mais je pourrais vous y guider sans mal. À la Base, nous sommes équipés de nombreux systèmes cartographiques de haute technologie qui...
- Merci, commandant, mais je ne pense pas que ce soit une bonne idée, le coupe Neil. Il vaut mieux privilégier notre sécurité, je suis persuadé que nous trouverons une autre solution.
- Comme vous voudrez », reprend l'homme au bout du fil après une légère pause. Je peux repérer à son ton qu'il n'est absolument pas convaincu. Lui aussi doit penser que nous ferions mieux de nous rendre au camp au plus vite.
Neil le salue brièvement et quitte la pièce sans me voir. Je prends sa place et manipule les machines complexes pour la première fois. Je tourne maladroitement un bouton et la voix du commandant me parvient de nouveau.
« Neil ? C'est encore vous ?
- Non, je suis Ava. Une... amie de Neil.
- Votre chef sait que vous me contactez ? m'interroge-t-il, l'air soupçonneux.
- Pas vraiment. S'il savait ce que je veux vous demander, il ne me laisserait jamais le faire.
- Je vous écoute. »
Satisfaite d'avoir piqué sa curiosité, j'inspire un grand coup avant de m'expliquer.
« Je compte réunir une équipe et rejoindre le Maine. Je vais avoir besoin de votre aide. »
Il hésite, puis j'entends de nouveau sa voix.
« Vous êtes consciente que c'est un projet dangereux ? Que vous vous exposez à des risques importants ?
- Oui, je le suis. Est-ce que vous allez m'aider, oui ou non ? »
Le commandant éclate d'un rire franc et grave.
« Votre tempérament me plaît ! Soit, je vais vous guider jusqu'au Maine. Mais il vous faudra une radio transportable assez puissante pour que l'on garde contact.
- Je verrai ce que je peux faire. Merci, commandant. »
Je raccroche et, après avoir vérifié que rien n'est resté allumé, je retourne dans le couloir. Plus personne n'appelle mon nom, je suppose qu'ils ont autre chose à faire que me courir après toute la matinée.
Enfin tranquille, je m'assieds dans un coin vide du bunker et je sors de mon sac le carnet que j'ai trouvé plus tôt. Des photographies d'enfants glissent des pages. Je reconnais Adam dessus, mais les autres ne me disent rien. Ce devaient être des amis à lui.
Je regrette tellement qu'il soit parti si tôt. Nous étions de si bons camarades, et il a fallu que je le perde lui aussi.
Après avoir remis les photos en place, je lis quelques récits inintéressants où mon ami décrivait ses journées. J'étudie ensuite les différents dessins : ce sont des plans schématisés de San Francisco. Sur la page suivante, il est écrit :
Cher journal,
Comme souvent, j'ai espionné Neil. Mais aujourd'hui, j'ai découvert quelque chose. Il y a un camp, de l'autre côté du continent. Un camp de survivants que nous sommes sensés rejoindre bientôt, il paraît qu'un avion viendra tous nous chercher ! Neil n'en a encore parlé à personne, je suppose qu'il veut attendre un peu avant de nous annoncer la grande nouvelle.
J'ai recopié quelques plans que j'ai trouvés dans la salle des Stratèges, si je me perds un jour je pourrai m'en servir pour rentrer chez moi. Je n'aime pas vraiment être ici. Je m'entendais assez bien avec Ava ces derniers temps ; je dois admettre qu'elle me plaît. Mais depuis qu'Iris a disparu, c'est assez compliqué. Ava s'est refermée sur elle-même, elle ne parle plus à personne et parfois elle pleure. Je préfère la laisser seule jusqu'à ce qu'elle fasse son deuil. Après tout, nous aurons bien d'autres occasions de passer du temps ensemble, plus tard.
En arrivant au bout du paragraphe, je me rends compte que des larmes roulent sur mes joues. Je me ressaisis rapidement lorsque j'entends des pas qui s'approchent.
« Tu pleures ? »
Je lève les yeux. C'est la stagiaire de l'autre jour.
« Tu t'appelles Ava c'est ça ? Moi c'est Kim, j'étais en binôme avec ton ami à la Ferme. »
Elle me tend la main et me sourit chaleureusement. Je m'appuie sur son bras pour me relever et essuie mes yeux rougis tandis qu'elle remet ses mèches sombres derrière ses oreilles.
« C'est quoi ? me demande-t-elle en désignant le carnet d'Adam.
- Rien, répondis-je, sur la défensive. Une babiole sans importance. »
Elle n'a pas l'air vexée, plutôt amusée.
« Tu n'es pas aux cuisines ?
- Non, je sèche, marmonne-t-elle en sortant une sucette rose de sa poche et en la glissant dans un coin de sa joue. Je suis plutôt une sportive, pas du genre à faire la popote.
- Oh. Je vois.
- Moi je veux être Éclaireur, sortir au péril de ma vie et combattre les bestioles pour trouver des objets utiles ! Et toi ? »
Les responsabilités qui m'attendent me reviennent à l'esprit, mais je me contente de mentir.
« Éclaireur, aussi. C'est chouette. »
Ma réponse semble la convaincre, car elle repart dans un monologue interminable sur les Éclaireurs et les bestioles. Cela me laisse un peu de temps pour réfléchir.
Il faut que je réunisse une équipe pour quitter le bunker. Kim m'a l'air d'être une bonne candidate : rebelle et visiblement casse-cou. Pour les autres, j'ai peu de temps. Zoé sera difficile à convaincre, elle est trop sage et obéissante. Matt me suivra où que j'aille, mais il tient à la sécurité de sa sœur et je ne compte pas emmener une gamine avec nous. Elijah est plein de surprises, je ne sais pas vraiment ce qu'il en dira.
Quoiqu'il en soit, je dois faire vite. Plus le temps passe, plus Neil risque de découvrir mon projet. Ma décision est prise : nous partirons ce soir.
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