Chapitre 19
Il est presque 20h lorsque nous remontons dans l'hélicoptère. Je suis éreintée, j'ai des courbatures partout après cette journée à la ferme. La chaleur agréable de la journée a laissé place au froid humide de la nuit.
Si nous regrettons tous la beauté de la Surface lorsque nous replongeons dans les profondeurs de la terre, nous ne faisons aucun commentaire à ce sujet. L'extérieur reste une endroit dangereux, hostile, dont nous ne connaissons rien au-delà de San Francisco.
Je n'arrive pas à dormir. Cette histoire de camp dans le Maine me trouble, j'y ai réfléchi toute la journée. Je ne connaissais même pas son existence. S'il existe un endroit où nous pourrions tous être en sécurité, nous devons nous y rendre ! Mais il faut rester prudents : si le commandant lui-même ne sait pas dans quelle situation se trouve le camp, peut-être que l'endroit est dangereux à l'heure actuelle. Il faudrait qu'un petit groupe fasse le voyage puis revienne ici afin de récupérer tous les autres. Cependant, quelques détails me tracassent : le transport, les membres du groupe, les dangers de la Surface...
Malgré l'heure tardive, je me rends une fois de plus dans le bureau de Neil. Je dois lui parler de mon projet. Par chance, il est encore debout et il discute avec Tess tout en sirotant un jus d'orange.
J'entre sans frapper et notre chef roule des yeux. Je suppose qu'il en a marre de me voir.
« Ava, me salue-t-il. Tu veux quelque chose ?
- Non, je cherchais les toilettes, dis-je avec ironie. Évidemment que je veux quelque chose !
- Quand c'est demandé si gentiment... soupire-t-il. Je t'écoute.
- Tu te souviens du camp dans le Maine ? Celui qu'on devait rejoindre avant de perdre la salle radio ?
- Oui...
- Nous devons y aller. »
Tess manque de s'étouffer avec son jus d'orange.
« J'espère que j'ai mal compris ! s'exclame-t-elle en avalant difficilement.
- Tu as très bien compris.
- Mais tu es folle ! s'égosille Neil. Non, il n'en est pas question ! Personne ne sortira d'ici sans mon accord, et encore moins pour se balader à l'autre bout de pays !
- Ce n'est pas pour se balader, comme tu dis, c'est pour trouver un endroit où nous pourrons nous installer, rétorquai-je sèchement. Nous ne survivrons pas éternellement ici, je le sais. J'ai vu les récoltes qui baissent à la ferme ; j'ai vu les invasions de zombies ; j'ai vu les dangers qui nous guettent chaque jour ; j'ai vu tellement de choses qui prouvent que ce bunker n'est plus un lieu sûr depuis quelque temps. »
Malgré mon calme, le ton de ma voix trahit ma colère et ma détermination. Son regard ne quitte pas le mien, je peux presque discerner de la faiblesse dans ses yeux. Pourtant, il secoue la tête en soupirant longuement.
« Non, Ava, non. Je suis désolé mais tu n'iras nulle part. » Je m'apprête à reprendre la parole, mais il lève la main pour m'en empêcher. « Et n'utilise pas la mort d'Adam comme moyen de pression, ton chantage a assez duré. »
Je m'efforce de ne pas lui répondre. Je n'allais pas utiliser la mort d'Adam comme moyen de pression, je ne suis pas aussi horrible que ça ! Mais notre survie dépend de ce voyage ; pourquoi Neil ne m'accorde-t-il pas la moindre confiance ? Depuis que je sais que je lui succéderai un jour, je bouillonne de l'intérieur. Je peux comprendre qu'il ait peur que je ne revienne pas à temps pour le remplacer, mais il devrait savoir de quoi je suis capable depuis le temps qu'il me connaît. Pourquoi m'avoir choisi moi si il n'a aucun intérêt pour mes idées ?
Je quitte la pièce sans un mot, serrant les poings pour canaliser ma frustration. Plus je marche dans les couloirs faiblement éclairés, plus j'ai envie de sortir d'ici. J'ai l'impression d'étouffer, d'être oppressée ; l'espace me manque ; j'ai besoin d'air pur. Cela ne m'était jamais arrivé auparavant. Le stage à la ferme a réveillé en moi des sentiments étrangers à ma mémoire. Désormais, mon âme réclame de s'échapper de cette prison souterraine et de rejoindre la Surface, quoiqu'il en coûte.
*
Après une nuit passée à errer dans les couloirs comme une bestiole, je ne peux m'empêcher de haïr tout ce qui m'entoure. Ces néons qui clignotent, ces sols sales, ces murs gris et mornes, ces silences inquiétants à la nuit tombée, ce brouhaha dans le réfectoire à midi. Je ne m'étais jamais rendue compte de tout cela.
Aujourd'hui, je suis en stage avec les Cuisiniers. Mais je n'irai pas. Ça ne m'intéresse pas de toute manière. Matt et Zoé me cherchent, mais il faut que je réfléchisse.
Je connais Neil. Si je ne peux pas partir personne ne le pourra, il préférera mourir ici sans prendre le moindre risque que tenter le tout pour le tout dehors. Sauf que moi, je ne suis pas comme lui.
Esquivant les regards de ceux qui pourraient être à ma recherche, je me glisse dans le dortoir et passe en revue mes affaires. Dans mon sac à dos, j'ai déjà un sweat de rechange, une lampe torche et mon ours en peluche.
Il va me falloir une équipe. Matt et Zoé viendront peut-être ? Ils ne me laisseraient jamais toute seule, c'est certain... Mais nous ne serions pas assez nombreux à trois. Pour la nourriture, on en trouverait en chemin. Reste le moyen de transport...
Je réalise que je n'ai même pas évalué la distance à parcourir. Toujours aussi discrètement, je prends le chemin de la salle des Stratèges et, après avoir vérifié qu'elle est bien vide, je cherche dans les étagères une carte des États-Unis. En la déroulant sur la table, je tombe des nues.
La Californie est totalement à l'opposé du Maine !
J'aurais du mieux travailler ma géographie, je ne pensais pas que c'était aussi loin...
Alors que je fouille dans les tiroirs du bureau pour trouver un stylo, je tombe sur un carnet en cuir. Il est poussiéreux et les pages sont abîmées.
Je l'ouvre et, sur la première page, il est écrit à l'encre noire : Adam.
Coucou ! Contents du grands retour de la Surface ?
Pas trop frustrés par le suspense ?
Moi, en tout cas, je reprends plaisir à l'écrire et ça fait du bien !
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