Elijah saute sur micro et s'écrie :

« Base ! Ici Planque n°75, je vous reçois 5/5 !

- Je vous entends très mal. Veuillez vous identifier ainsi que votre situation actuelle.

- Je m'appelle Elijah, commence-t-il, la respiration haletante. J'ai 16 ans, je suis actuellement à la planque de Californie, avec les autres pensionnaires en pleine santé.

- Dieu du ciel ! Nous vous croyions morts, ici ! Il ne reste plus que trois bunkers dont nous avons encore le signal.

- Notre radio a été isolée pendant trois ans après une invasion. Quelle est votre situation actuelle, commandant ? »

Un long silence se fait. J'entends le bruit d'une bestiole dans la radio, et une respiration saccadée. Enfin, le commandant reprend la parole.

« Il est parti...

- Que se passe-t-il, commandant ?

- L'un de nos soldats est tombé gravement malade il y a deux semaines et il s'est transformé. Nous avons perdu beaucoup d'hommes. Actuellement, nous sommes barricadés dans l'aile Ouest, les morts-vivants occupent le reste du bâtiment. »

Après un long silence ponctué de soupirs, mon ami reprend à voix basse.

« Et pour le camp du Maine ? Celui dont vous nous aviez parlé. Vous juriez qu'on irait avec tous les autres survivants. Vous juriez qu'on aurait une vie meilleure, là-bas. »

Le Maine... J'ai travaillé dessus en géographie. On y trouve de grandes étendues forestières, au bord de l'océan. Aucune bestiole n'aurait l'idée de mettre les pieds

là-bas, c'est probablement pour ça qu'il y a un camp pour les survivants. Mais comment peut-on s'y rendre ? Et qui y vit actuellement ?

Elijah semble désemparé. Après trois ans passés ici, avait-il encore l'espoir de trouver une vie meilleure ? Sa foi n'a-t-elle jamais faibli ?

« Je crains que ce ne soit corrompu, mon garçon. Je pourrais vous y guider mais je ne parviens plus à communiquer par radio avec le camp. J'ignore si vous y serez en sécurité.

- Ne pensez-vous pas qu'il vaut mieux risquer nos vies en cherchant un foyer plutôt que de rester cachés sous terre en attendant de mourir à petit feu ? s'agace-t-il.

- Gardez espoir, jeune homme. Je vous promets de trouver un moyen de vous sortir de là. Tant que nous garderons contact, il restera une chance de sauver l'Amérique.

- Je vais prévenir mon chef, et je vous recontacterai. »

Le signal grésille une nouvelle fois, puis le silence se fait. Je m'avance malgré la peur qui paralyse mes membres. En entendant mes pas, Elijah se retourne et je constate qu'il a les larmes aux yeux.

« On doit absolument parler de ça à Neil », dit-il.

*

Je suis épuisée. Après que Elijah et moi lui ayons décrit l'échange avec le commandant, Neil nous a remerciés et nous a envoyés aux dortoirs. J'ai demandé à Elijah de vérifier que Luke et Ethan vont bien. Je n'avais pas réalisé qu'il était si tard.

Le dortoir est silencieux. Demain je monterai pour la première fois dans un hélicoptère, je découvrirai la ferme, et je verrai ces redoutables bestioles de la campagne dont tout le monde parle.

« Ava ? »

Je lève les yeux. Bien sûr. Lucie. Elle m'observe, les yeux brillants, sa tête dépassant du rebord de son lit.

« Mon grand frère m'a dit que vous étiez allés attaquer des bestioles à la Surface ! » murmure-t-elle, enthousiaste.

J'acquiesce. Elle est si insouciante, si mignonne. Soudain, elle arrête de sourire.

« Tu sais, la nuit, j'ai peur. Je fais des cauchemars depuis la fois où j'ai voulu aller voir les hélicoptères...

- Ne t'inquiète pas. Matt, Zoé et moi, on est là pour te protéger. Les bestioles ne te feront aucun mal. »

Elle se penche pour me serrer dans ses bras, puis elle se rallonge dans son lit. Je m'apprête à éteindre la lumière lorsqu'elle marmonne quelque chose.

« Dis, Ava... Tu as déjà une idée de ce que tu veux choisir comme métier ? »

Plus d'une fois j'ai imaginé quel choix je ferai. Maintenant, je sais que je n'ai pas le choix. Quoiqu'il arrive, je serai à la place de Neil. Je devrai partir en opération, diriger les Stratèges, prendre des décisions importantes, et maintenir tous ces gens en vie.

Sa respiration ralentit, je comprends qu'elle s'est endormie.

« Bonne nuit, Lucie. »