Chapitre 14
J'imagine déjà ce qu'on va trouver. Des bestioles ? Oui, sûrement. Des cadavres, des vrais, qui ne bougent plus ? Peut-être bien. Des survivants ? Espérons. La logique dirait que non, mais il y a longtemps que ce monde n'a plus rien de logique.
Tess semble excitée, comme si elle s'apprêtait à essayer un nouveau jeu vidéo. Matt est inquiet, comme tout le monde, mais lui tremble de toutes parts. Zoé discute avec Connor, elle essaie tant bien que mal de vaincre l'angoisse. Moi, j'attends l'arrivée de Neil, qui est en retard. Nous avons tous allumé nos lampes frontales, nos armes sont chargées et plus personne ne traîne dans les couloirs.
« J'ai pris de quoi casser le mur. Ça n'a pas l'air bien résistant. »
Neil arrive enfin, une pelle à la main. Il donne trois violents coups dans la paroi et un passage étroit se forme, tout juste assez grand pour qu'on s'y glisse.
Il fait sombre et nous n'entendons aucun un bruit.
« Pas de bestiole ici, on dirait ! commente Tess.
- Chut ! Tu parles tellement fort qu'on doit t'entendre jusqu'à l'autre bout du continent », réplique Matt.
J'essaie de me repérer dans le tunnel. C'était là que se déroulait ma vision. Il y a le liquide que je n'avais pas eu le temps d'identifier. Je me penche : du sang. C'est bien ce que je pensais. Le couloir est souillé par le sang d'innocents.
Neil lance l'alerte : une bestiole arrive vers nous, suivie d'une multitude d'autres zombies dépouillés. Il se passait la même chose dans la scène qu'Adam ma montrée. Sauf qu'après ça, je mourais. On mourait tous.
Va-t'en, Ava. Les murs ne pourront pas te protéger, cette fois.
La voix d'Adam résonne dans ma tête. Pourquoi les morts ne peuvent-ils pas rester morts et me laisser tranquille ? Je ne comprends rien à ce qu'il veut dire. Est-ce qu'il fait référence à ma vision où les murs se resserraient et écrasaient les bestioles ?
« Tirez ! Il faut s'en débarrasser avant d'être dépassés par le nombre ! » ordonne Tess.
Je sors mon arme et tire sur les silhouettes vacillantes qui ne cessent pas d'avancer. J'anticipe leurs déplacements, nous nous retrouvons vite seuls dans le conduit. Enfin, seuls si on ne compte pas les cadavres.
Nous poursuivons notre exploration. Du sang, des membres éparpillés, une vraie boucherie. Des plantes commencent à se glisser sur les parois et le sol, signe que nous atteindrons bientôt la brèche qui a causé l'invasion. Brusquement, je m'immobilise. Là, sous mes pieds, je sens la corde qui traînait ce jour-là. La corde qui a attrapé la jambe d'Iris, qui l'a enfermée dans ce tunnel. Je la saisis doucement, calmement, en espérant ne pas trouver au bout une dépouille à moitié dévorée.
A l'endroit où le noeud s'était formé, il ne reste rien. Même pas de sang, rien. Je soupire de soulagement et en même temps je n'en reviens pas. Iris a dû s'échapper ! Elle a peut-être réussi à s'en sortir, ou du moins à rejoindre la salle radio, peut-être que ce n'est pas une bestiole !
En atteignant la brèche, je comprends pourquoi les bestioles ont envahi la planque. Un trou gigantesque nous ouvre une vue sur le ciel, malgré les plantes qui ont recouvert la surface vide. Des branchages et du lierre empêchent les bestioles de passer, mais le soleil illumine le tunnel.
« Je me souviens que le tunnel avait été mal construit, ici, et tout s'était écroulé. On n'avait même pas eu le temps de faire évacuer ceux qui étaient de l'autre côté, raconte Neil comme pour lui-même.
- Nous ne sommes plus très loin, en conclut Tess.
- En revanche, je crois que les bestioles sont regroupées au niveau de la salle radio, précise Connor. Soyons prudents, à partir de maintenant. »
Zoé soupire et me souffle :
« Comme si on ne faisait pas attention, jusqu'ici... »
J'acquiesce, contente de me sentir plus proche d'elle. Cependant, maintenant que je recommence à espérer qu'Iris est en vie, je n'ose pas imaginer comment elle réagirait si elle voyait que je l'ai remplacée.
L'obscurité nous enveloppe de nouveau tandis que des cris de bestioles semblent s'approcher progressivement. Nous nous préparons tous à tirer, mais rien n'apparaît. Par terre, au plafond, près des murs, les gémissements s'amplifient sans qu'une seule silhouette ne se dessine dans la lueur de nos lampes.
Nous atteignons le bout du couloir. C'est alors que nous comprenons pourquoi ce que nous entendions nous paraissait si proche : un attroupement d'une bonne vingtaine de bestioles se trouve à quelques mètres, hurlant presque de faim. Leurs cris sont assourdissants lorsqu'on est plus près. Ils se collent à une porte, forçant dessus pour l'ouvrir, en vain. Elle semble barricadée.
La porte de la salle radio !
Je comprends qu'il y a probablement de la viande fraîche à l'intérieur pour que les zombies s'y intéressent comme ça. Il doit y avoir des survivants !
« Il doit y avoir des cadavres en décomposition dans la pièce. Les bestioles trop affamées mangent des cadavres, souvent, mais jamais ceux qui sont atteints de la bactérie. Ça reviendrait à se manger entre eux. »
Ce commentaire de Connor me dégoûte et me déprime. Moi qui espérais trouver des rescapés dans la salle radio, voilà que j'apprends que les zombies mangent des cadavres. Beurk !
Nous tirons dans le tas, zigouillant quelques bestioles au passage, mais très peu. Elles sont résistantes, plus que les autres.
« Il y en a trop, on n'y arrivera jamais ! s'écrie Matt. »
Je sais qu'il a raison. On sait tous qu'il a raison. Pourtant, il est trop tard pour faire demi-tour. Maintenant, il faut se battre.
« Tess, tu viens avec moi. Neil, Matt, Zoé, vous attirez l'attention des bestioles et vous vous en débarrassez. »
Sous mes ordres, Tess me rejoint et bientôt la porte devient accessible. La petite vitre est bloquée par des planches de bois, nous tentons de forcer la serrure, sans succès. Je toque, souhaitant encore qu'il y ait quelqu'un de bien vivant à l'intérieur. La serrure remue, des frottements se font entendre. Bestiole ou humain ?
Neil, Matt et Zoé ont du mal à gérer le nombre de bestioles. Je tente d'enfoncer la porte, Tess me couvre, prête à tirer dans le cas où ce serait des bestioles. La porte s'ouvre enfin, je lève les yeux et mon corps tout entier se fige, je suis incapable de dire un mot, c'est à peine si mes jambes me soutiennent.
Là, dans la pièce étriquée, m'apparaissent deux jeunes garçons, sales et maigres, mais bien vivants.
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