Chapitre 13

Matt et Zoé sont béats. Moi, diriger la planque ?

« Je ne compte pas remplacer Neil ! Pourquoi moi et pas... Tess ou... toi ? Je n'ai même pas encore choisi ma fonction ici ! Et puis, il va très bien, il n'a pas besoin d'un successeur ! Enfin, pas tout de suite, si ?

- Ava, calme-toi, répond Connor avec un soupir. Je n'ai pas dit que tu devais devenir chef maintenant. Simplement, un jour, bientôt, Neil devra laisser son poste.

- Pourquoi ? demande Matt, surpris.

- Jurez dabord de ne rien dire. De ne jamais rien répéter de cette discussion. Jurez-le ! Je serais donné en pâture aux bestioles si cela se savait.

- On le jure, murmurons-nous en choeur.

- Neil est... contaminé. Il a été griffé par les bestioles, il y a quelques semaines, et il s'affaiblit. Il est terrifié. Nous ne l'annoncerons aux autres pensionnaires que le jour où il commencera à se transformer, le jour où il te nommera chef à sa place. »

Je ne sais que dire. Je préfère me taire, imaginer ce que je ferai quand le mur s'effondrera. Quand j'aurai le sort de presque une centaine d'enfants et d'adolescents sur les bras. Ça me fait beaucoup trop de choses en quelques minutes : le mur va s'écrouler, Neil va mourir, je vais devenir chef... Si on rajoute ça à ce que qui s'est passé ces derniers jours, il y a de quoi perdre la tête !

« Ava, tu es sous le choc, mais tu dois absolument convaincre Neil qu'il faut aller voir au-delà du mur et se débarrasser des bestioles, rejoindre la salle radio, récupérer cette partie du bunker qui nous a été volée.

- Je crois que je n'ai pas le choix. J'irai lui parler tout à l'heure. »

Cette nouvelle mission m'effraie. J'ai l'impression que cette phrase ne vient pas de moi. Comme si une autre Ava avait pris possession de mon corps et allait tout droit vers le danger.

*

Je marche d'un pas militaire vers la salle des Stratèges.

Je cherche vainement une phrase qui claque, une phrase qui va lui donner envie de m'écouter, rien ne sonne comme je le voudrais. Trop tard pour réfléchir, j'arrive devant la porte et entre sans toquer.

« Neil... Je peux te parler une minute ?

- Oui, bien sûr ! »

La voix tremblante et toute timide, un air d'enfant désorienté, voilà tout ce que j'ai apporté. On a vu mieux, pour s'imposer.

« Qu'est-ce qui t'arrive ?

- Neil, il faut qu'on casse le mur et qu'on aille récupérer la salle radio.

- Je te demande pardon ? »

Soudain prête à tout, je poursuis :

« On ne peut pas attendre qu'une autre invasion ait lieu ! Toutes ces personnes ne sont pas venues se cacher ici pour mourir à cause de tes erreurs. Moi, en tout cas, j'irai libérer ce tunnel, et je suis sûre que si je propose à tout le monde de venir, la plupart me suivront.

- Tu ne peux pas faire ça, Ava ! C'est une mission suicide !

- Tu sais ce qui va se passer quand ils sauront ce que tu leur as caché ? Ils t'emmèneront avec eux dans le tunnel, et alors tu serviras d'appât à bestioles.

- Tu me fais du chantage ? s'exclame-t-il, l'air amusé par ma démarche. Ils ne te croiront pas. Personne ne se rangera de ton côté si tu n'as pas de preuves.

- Tu peux venir. Avec Tess, Matt, Zoé, Connor et moi. Tu peux sauver des vies.

- Ava... Je sais que tu ne m'écouteras pas, mais réfléchis une minute. Et si on ne s'en sort pas ? Et si... si tu ne retrouves pas Iris vivante ? Je sais que c'est l'une des raisons pour lesquelles...

- Tu crois que c'est pour elle que je me bats ? Tu crois que je m'attends à la trouver en pleine forme, à boire le thé avec les bestioles ?

- Ce n'est pas ce que j'ai dit. »

Mon brusque passage à la colère ne le surprend pas. Est-ce que ça m'arrive si souvent que ça ne fait plus peur à personne ? J'inspire un grand coup et reprends :

« Il y avait des survivants, là-bas. Imagine s'ils attendent encore !

- Attendre ? Sans nourriture, sans armes ? Depuis trois ans ? Tu y crois, toi ? »

Neil ne semble absolument pas affecté par la situation, alors je lance mon argument ultime, celui que je ne voulais pas utiliser.

« Bon, je suis obligée d'en passer par là. Et si je révèle ce que tu as fait à Adam ? »

Notre chef habituellement optimiste me lance un regard plus triste encore que celui d'Iris à sa fin tragique. J'ai honte d'avoir osé le menacer avec ça, je m'en veux de le forcer à repenser à son meurtre. En guise de réponse, il se détourne et laisse notre discussion en suspens pendant quelques minutes.

« Je suis désolée, Neil, mais je veux aller là-bas. Et tu dois venir aussi. »

Il soupire et, le visage décomposé, murmure :

« C'est d'accord. Nous partons dans une demi-heure. »

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