Chapitre 5
Le lendemain, j'avais été réveillée assez tôt pour commencer à me chercher une spécialité. Nous marchions dans les rues à la recherche de je ne sais quoi, Esméralda me tirant et poussant dans tous les sens, alors que regardais partout avec de grands yeux. J'avais beau avoir tout vu la veille, ça restait impressionnant. Nous entrâmes alors dans une vaste pièce sculptée dans le mur, où plusieurs jeunes femmes et jeunes filles tissaient, cousaient, raccommodaient, tricotaient, tapissaient, enfin voilà, vous comprenez le principe. C'était l'atelier de couture et de création.
Esméralda m'installa sur un tabouret, me fourra le matériel nécessaire, puis me laissa là, aux bons soins des autres personnes présentes. Une dénommée Imelda, la responsable de la place, me guida pendant une bonne partie de l'avant-midi, avant de me laisser continuer seule mais, j'avais beau essayer vraiment fort et me forcer, je ne trouvais ni l'envie, ni l'inspiration pour faire quoi que ce soit. Et, il faut l'avouer, je n'étais pas la plus douée. En gros, je n'appréciais pas particulièrement la couture.
Esméralda revint me prendre en charge en milieu d'après-midi, avant de m'emmener dans un autre stand de création, mais cette fois, c'était la sculpture. Manque de bol, ce n'était pas fait pour moi non-plus. Lorsque vint la fin de la journée, lors du souper, les autres me rassurèrent. Il était rare pour quelqu'un de trouver sa spécialité le jour même, surtout fraichement débarqué comme moi.
Nous réessayâmes donc le lendemain avec le dessin et la peinture. J'avais un bon coup de crayon, puisque j'adorais dessiner lorsque j'étais encore à Notre-Dame, mais la peinture, par contre, c'était une autre histoire. Et bien que j'adorais dessiner, je ne voulais pas passer le reste de ma vie à faire ça. Peut-être un travail d'entre-temps, mais pas plus. Nous passâmes donc à la musique.
J'essayais des dizaines et des dizaines d'instruments différents, mais aucun ne me tentait vraiment. Je préférais écouter que jouer. Nous tentâmes donc la danse, mais ce n'était pas ma tasse de thé. Et le chant, ne m'en parlez pas ! Je crois que j'ai brisé les tympans des quelques courageux qui ont voulu m'entendre ne serait-ce qu'une fois.
Le troisième jour, j'étais une véritable boule de nerfs. J'avais beau essayé plein de travails, aucun ne me correspondait, et je n'étais pas sortie depuis mon réveil. J'avais besoin d'aller en vile, de respirer l'air du dehors. Sauf que les autres étaient on ne peu plus clairs. Avant de pouvoir sortir, je devais d'abord apprendre à me défendre et prendre quelques notions de combat. António étant le mieux qualifié pour m'apprendre, je devais donc attendre son réveil.
Le soir venu, j'étais déprimée et épuisée. J'avais donc mangé vite, avant de errer seule dans les rues presque vides. Je m'étais ensuite installée près de ma tente et Djali m'avait rejointe.
- Toi tu ne sais pas ce que c'est, d'être tiraillée de tous les côtés sous une pression insoutenable, pas vrai ? demandais-je en lui caressant la tête. J'avais hâte de commencer mais maintenant, je dois avouer que je commence à désespérer de trouver un travail qui m'aille vraiment.
- Pourquoi tu parles à Djali ?
Je levais les yeux et vis qu'il s'agissait de Tiago. Je lui souris.
- Je ne sais pas. Peut-être parce que c'est la seule qui veut bien m'écouter, dis-je en haussant les épaules.
- Nous on aimeraient t'écouter, répliqua-t-il en s'asseyant en face de moi.
- Nous ? m'étonnais-je.
Une dizaine d'enfants de son âge firent alors leur apparition, et s'installèrent autour de moi.
- Les adultes ils sont trop occupés ce soir, dit une fillette. Mais on aimeraient entendre une histoire.
- Est-ce que tu connais des histoires ? demanda une autre enfant.
- Raconte nous comment tu as sauvé le bossu ! lança alors un petit garçon d'environ six ans.
- Oui ! Et comment Esméralda t'a sauvée !
- Et aussi comment vous vous êtes échappés de la cathédrale !
Ils se mirent à me supplier et, n'en pouvant plus, je décidais d'accepter. Je me lançais donc dans un récit pour le moins rocambolesque, où le simple soldat que j'avais affronté était devenu un dragon cracheur de feu, et où Notre-Dame était devenu une forêt enchantée. Et je racontais. Je racontais toutes sortes d'histoires, toutes plus folles les unes que les autres. Des récits mélangeant rêves et réalité, où s'illustraient sous formes d'images mes désirs et mes espoirs. Je racontais des heures durant, emportée par les aventures que j'inventais, surprenant les enfants par les cris de bêtes monstrueuses, ou encore les faisant rire en imitant des voix.
Ce ne fut que lorsqu'ils me réclamèrent une cinquième histoire que je remarquais l'attroupement qui s'était formé. Les adultes avaient rejoint les enfants, plusieurs s'étaient installés par terre où sur des coussins, déplaçant les feux autour de moi de sorte de pouvoir m'entendre. Dès que je les remarquais, je sentis le rouge me monter aux joues, et j'obligeais les enfants à rejoindre leurs parents pour qu'ils aillent se coucher. Ils ronchonnèrent un peu, mais je leur promis une autre histoire pour le lendemain, ce qui les convainquit de partir se mettre au lit. La foule se dispersa peu à peu, et je m'apprêtais à retourner dans ma tente lorsqu'une tête familière fit son apparition.
- António !
Je me jetais dans ses bras, heureuse de le voir debout, et remarquais Esméralda et Juán derrière lui, qui souriaient.
- Il s'est réveillé ce matin, on s'est dit qu'on allaient te faire la surprise, lâcha l'ainé.
- Vous avez gardé le secret toute la journée ? m'interloquais-je.
Ils acquiescèrent, et je reportais mon attention sur le cadet. Sans prévenir, je le frappais à l'épaule.
- Ouch ! Mais pourquoi moi ? se plaignit-il.
- Ça, c'est pour m'avoir fait la plus grande frayeur de toute ma vie ! lui répliquais-je. Tu aurais pu y laisser ta peau ! Ne me refais plus jamais ça, jamais, tu m'entends ?
Il hocha la tête, semblant terrifié, alors que les deux autres se tordaient de rire. Ensuite, je le serrais à nouveau contre moi.
- Merci quand même, ajoutais-je. Mais plus jamais, comprit ?
- Oui chef ! rigola-t-il en me faisant un salut militaire. Alors, à ce qu'on m'a dit, tu veux sortir ?
Mon visage s'éclaira.
- Et pas qu'un peu ! J'en peux plus d'être enfermée ici, affirmais-je.
- On commencera demain, répondit-il.
- Demain ? intervint Esméralda. Tu viens tout juste de te réveiller d'un coma de trois semaines et trois jours, il faudrait que tu récupères un peu !
- Juán et Darjan pourront m'aider à la former, répliqua-t-il en haussant les épaules. Et puis, ce n'est pas comme si elle avait une chance de me battre.
Je lui envoyais un regard noir, les lèvres pincées, et il recula d'un peu.
- Tu peux être vraiment terrifiante quand tu veux, lança-t-il.
- Je peux également être très dangereuse ! ajoutais-je avec conviction.
- Toi ? Dangereuse ? On dirait un bébé chat qui essaie de sortir des griffes inexistantes ! se moqua Juán.
- Tu riras moins quand je t'aurais fait mordre la poussière, rétorquais-je.
- Ce qui risque très fortement d'arriver... dans un siècle ou deux.
Je le fusillais du regard alors que les deux frères riaient de plus bel. Je sens que je vais en avoir pour longtemps, avec ces deux là sur le dos. Esméralda et moi rentrâmes finalement dans la tente, et pendant que je me changeais, elle se tourna vers moi.
- Tu sais, ta spécialité...
- Oui ?
- Je crois que tu l'as trouvé.
- Ah bon ? m'étonnais-je. Et ce serait quoi ?
- Je crois que tu le sais.
Je réfléchis un peu, puis repensais à cette soirée. J'avais vraiment prit plaisir à raconter ces histoires. Peut-être...
- Conteuse ? demandais-je en haussant un sourcil.
Elle sourit, confirmant mes doutes.
- Oui, murmurais-je en m'allongeant. Pourquoi pas...
./.*.&.*.\.
Je me réveillais d'excellente humeur le lendemain matin. J'avais sans doute trouvé ma spécialité, je commençais mon entrainement aujourd'hui, et je pourrais bientôt sortir. Que demander de plus ? J'étais déjà prête à partir lorsque Esméralda daigna enfin se réveiller. Je lui souhaitais une bonne journée, avant de courir jusqu'à la grande place, où les garçons m'avaient donné rendez-vous. Ils s'y trouvaient déjà, en compagnie de Darjan. Ils parlaient avec animation mais, lorsque le dernier me vit, il se tut. À croire qu'il ne m'aime pas beaucoup. Je décidais de poser les questions plus tard, et m'approchais d'eux.
- On commence ? demandais-je avec entrain.
- Heureux de voir qu'on t'a autant manqué, lança Juán.
- C'est pour l'entrainement que je suis ici, et certainement pas pour tes abdos, répliquais-je.
Parce que, bien sûr, il ne portait toujours pas de chandail. À croire qu'il ignorait leur existence. António prit une épée sur le sol, et m'incita à faire autant. Darjan positionna correctement ma prise, sans un mot, avant de reculer. Le cadet s'approcha de moi, et se mit en position.
- Écarte tes jambes, garde le dos droit, et ne quitte jamais l'adversaire des yeux, me lança-t-il.
J'obéis mais, trop concentrée à me positionner, je ne vis le coup qu'au dernier instant. Je le bloquais de justesse mais, déséquilibrée, je tombais les fesse dans la poussière.
- Debout !
Je me relevais, repris rapidement la position, et ne le quittais plus du regard.
- Pas mal, admit-il. Tu apprends vite, mais tu es trop fixe. Il faut que tu bouges, constamment, afin de garder un bon élan et l'effet de surprise. Et il faut aussi prêter attention à tout ce qui se passe autour tout en restant concentrée sur la cible.
Je me jetais sur le sol, fis une roulade, puis me relevais. Je venais d'éviter un coup de Juán, qui avait tenté de m'attaquer de dos.
- Très bien ! Mais il faut toujours rester concentré, me rappela António.
Avant que je n'ai pu faire quoi que ce soit, je me fis projeter par terre, une lame sous la gorge. C'était Darjan, qui se rajoutait à la partie. Je repoussais la lame d'un geste sec, avant de me relever et de leur faire face.
- Tu dois avoir un meilleur équilibre, déclara le cadet. On va essayer l'attaque. Vas-y !
- Quoi ?
- Attaque moi.
J'hésitais, me rappelant qu'il était blessé, puis me lançais. Je mettais le plus de force possible dans mon premier coup mais il le repoussa avec une aisance déconcertante. Résultat, je me retrouvais à nouveau par terre. Je me relevais, attaquais, mais ce fut le même dénouement.
- Debout ! Et concentres-toi, garde un équilibre et une force de frappe stable, conseilla-t-il.
Je pris une inspiration, avant de repenser à ce que je savais. Équilibre et force stable, toujours regarder autour de soi, rester concentré et alerte... J'avais également assimilée quelques tactiques lorsque les gardes s'entrainaient en bas du clocher, pour passer le temps ou pour offrir une distraction. Je n'avais pas pu m'empêcher de les imiter avec un manque à balais. Je décidais de puiser dans mes souvenirs pour tenter de reproduire les tactiques, et repartis à l'assaut. Seulement, cette fois, je ne frappais pas réellement, exécutant une feinte. Il mordit à l'hameçon, et j'en profitais pour lui donner un coup de coude au visage. Il recula en titubant, lâchant son arme qui tomba dans une tintement métallique. Inquiète, je lâchais également la mienne avant d'accourir vers lui. Je posais une main sur son épaule.
- Ça va ? m'inquiétais-je.
Il releva alors la tête, me saisis le bras et me le ramena dans mon dos, exécutant une clé de bras. Je tentais de me dégager, mais il avait une poigne trop forte.
- Ne lâche jamais ton arme avant d'être certaine que ton adversaire ne se relèvera pas, dit-il.
J'asquisais, et il me relâcha mais, à la dernière seconde, je lui envoyais un bon coup de talon dans le pied, puis un coup de coude dans le ventre, avant de prendre un poignard à sa ceinture et de lui placer sous sa gorge.
- Surprise, me moquais-je.
Mais il me prit le poignet, me le tordit et replaça la lame sur mon cou.
- Surprise, répéta-t-il.
Il me relâcha, rangea son arme, puis me sourit.
- C'était bien, très bien même. Il faut seulement que tu apprennes à riposter et à éviter tout retournement de ce genre, dit-il sérieusement.
J'hochais la tête, puis repris mon épée, avant de me remettre en position.
- Attaque !
Et je me lançais.
./.*.&.*.\.
Ça faisait une semaine que j'avais commencé l'entrainement, et il faut dire que je me débrouillais assez bien, voir très bien même. J'avais déjà vaincu Juán deux fois (son égo en a prit un énorme coup, et il me l'a fait payer en me réveillant avec un seau d'eau glaciale) et j'étais parvenue à désarmer Darjan une fois, mais c'était surtout par surprise. Il n'y avait que António, que je n'arrivais toujours pas à cerner. Mis à part l'expérience, nous étions environ à égalité. Il était blessé à l'épaule, mais je voyais à moitié. D'ailleurs, en parlant des blessures, mon dos était entièrement guérit grâce aux onguents miracles. Il ne restait plus que de pâles cicatrices, bien que ça ne soit pas joli à voir. Seule Esméralda les avait vu, et c'était amplement suffisant.
Bon, revenons en à nos moutons. Durant cette semaine, j'avais apprise à me battre, à me défendre, je racontais des histoires et c'était désormais ma spécialité, j'étais presque entièrement guérit, les membres de mon clan étaient tous vraiment sympathiques, sauf Shana et Darjan qui semblaient me détester pour je ne sais quelle raison, j'avais découvert que Frollo, malgré le fait qu'il ai brisé le droit d'asile, a été relâché et a gardé tout ses droits et pouvoirs, et j'ai également découvert qu'il était impitoyable avec tous les gitans, plus qu'avant. J'avais aussi comprit, selon certains rumeurs, qu'il cherchait Esméralda mais ça, ça restait à confirmer.
Cette semaine avait donc été très remplie, et mes compagnons m'avaient informés je pourrais sortir demain, en compagnie de Manuel, Miguel et Darjan. Au final, à part Frollo, tout allait pour le mieux !
- Feinte !
J'obéis et lui décochais un coup de genoux dans l'entre-jambe. Il tituba, puis revint à l'assaut. Notre combat durait depuis plusieurs minutes maintenant, et l'adrénaline m'empêchait de ressentir la fatigue. Pour l'instant, António et moi étions à égalité. Aucun de nous ne laissait l'autre gagner du terrain, mais malgré ma détermination, je ne tiendrais pas encore longtemps. Mon bras n'avait pas encore la force nécessaire pour un véritable combat.
Je me jetais à gauche pour éviter un de ses coups et lui fis une jambette au passage. Je me relevais alors qu'il tombait par terre, lâchant son arme, et apposais la pointe de mon épée sur sa gorge. Alors que je m'apprêtais à proclamer ma victoire, j'avisais un visage familier dans la foule. Je ne savais pas pourquoi, mais il me disait quelque chose. C'était une très vieille femme, au visage couvert de ride avec des cheveux d'argent. Mon regard croisa le sien, et le temps sembla se figer.
- Cours !
- Non !
- Fuis ! Sauve la !
Je revins brusquement à la réalité, projetée violemment sur le sol. Je tentais de me relever, mais une lame effilée m'en empêcha.
- C'est bon, t'a gagné, signalais-je.
António m'aida à me relever, et me fixa d'un air inquiet. Soudainement, des lumières vives m'aveuglèrent. Je clignais plusieurs fois des yeux, et me rendis compte que ma vue était entièrement restaurée. Le coup d'António devait avoir débloqué tout ça. Je lui souris.
- Merci ! lui envoyais-je. Je ne suis plus aveugle, maintenant.
- Mais de rien !
Il me fixa encore un peu.
- Ça va ? Tu sembles... songeuse. Tu étais déconcentrée. Tu aurais pu gagner, mais quelque chose t'a distraite, fit-il remarquer.
Mon regard se perdit dans la foule qui s'était assemblé autour de nous pour assister au combat. Tous applaudissaient, sauf la femme, qui me fixait avec intensité. Elle fit un pas. Puis un autre. Elle se dirigeait vers nous, vers moi, et sa réaction fit taire tout le monde qui se trouvait autour. Elle s'arrêta à quelques centimètres de moi, et sembla chercher quelque chose sur mon visage. Soudainement, ses yeux s'éclairèrent et une larme coula. Elle posa sa main fripée sur ma joue, ne semblant pas y croire, alors que moi et tous les autres étions on ne peu plus perdus.
- Je n'ose y croire, souffla-t-elle alors. Esperanza...
Des chuchotements se firent entendre.
- C'est bien toi ! Esperanza, tu es de retour ! Je n'arrive pas à y croire, tu es enfin parmi nous ! s'exclama-t-elle.
Les conversations autour s'intensifièrent, alors qu'elle se mettait à pleurer en me serrant contre elle. Je lançais un regard inquiet à António, mais il semblait tout aussi choqué que les autres et parlait à toute vitesse avec son frère.
- Que signifie tout ce tapage ? s'écria alors une voix grave.
Un homme se fraya un chemin jusqu'au centre de la place, et tout le monde se tut. Une certain respect se lisait sur tous les visages, et je compris qu'il s'agissait de leur chef, Manolio. Je ne l'avais encore jamais vu auparavant, et je dois avouer qu'il est assez imposant. Ni gros ni maigre, une moustache noire, des yeux bruns foncés, une chapeau de paille enfoncé sur sa tête, il avait fière allure malgré les haillons qu'il portait.
- Que se passe-t-il ? demanda-t-il à nouveau.
La femme me relâcha et se précipita vers lui en sanglotant.
- Qu'y a-t-il, Aihnoa ?
- Elle est de retour ! Je te l'avais dit ! Elle est vivante, Manolio, c'est elle ! Esperanza est vivante et de retour parmi nous ! sanglota-t-elle.
Il leva brusquement la tête et son regard pénétra le mien. Je ne pus le soutenir très longtemps, et baissais les yeux. Des pas se firent entendre, et il s'arrêta devant moi. Il me souleva la tête, me forçant à le regarder et, la seconde d'après, ses yeux brillèrent, des larmes apparaissant aux coins de ses yeux.
- Esperanza...
- Excusez moi, je ne comprends pas, soufflais-je en reculant d'un pas.
- Esperanza est de retour ! cria-t-il aux gens alentours.
Des cris de joie s'élevèrent de part et d'autre, plusieurs se mirent à courir vers moi et me serrer dans leurs bras alors que je cherchais en vain une réponse. Je parvins finalement à me débarrasser de cette affection débordante, et me plantais devant le chef.
- Je ne comprends rien à rien ! m'énervais-je. Qu'est-ce qu'il se passe ? Qui est Esperanza ? Pourquoi agissez-vous tous ainsi ?
- Ah, le même caractère que ta mère, sourit Manolio en me caressant la joue.
- Pardon ? blêmis-je. Vous... vous avez connu ma mère ? Et je le répète, qui est Esperanza ?
Il me serra contre lui.
- Tu es Esperanza ! Et tu reviens enfin chez toi, après toutes ces années... ma fille.
./.*.&.*.\.
On m'avait conduit à une tente jaune semblable aux autres et j'étais désormais seule en compagnie de Manolio. J'étais encore sous le choc de l'annonce, n'arrivant pas à prononcer un mot. Et lui, il semblait se retenir de pleurer et de me serrer dans ses bras, sans doute de peur de me brusquer. Je parvins enfin à retrouver ma voix.
- Vous... tu... Frollo. Il m'a dit... il m'a dit que tu étais mort... décapité sur le parvis de Notre-Dame ! lâchais-je en le regardant.
- Aihnoa m'a aidé à m'enfuir avant que ça n'arrive, affirma-t-il. Il t'a mentit, sans doute pour te faire souffrir.
- Et... ma mère ?
- Frollo l'a tué en la poussant dans les marches menant à la cathédrale, soupira-t-il.
- Je ne comprends pas... je ne comprends rien...
- Je vais t'expliquer. Lorsque tu es née, c'était de façon illégale. Ils avaient interdis aux gitans d'avoir des enfants, par peur d'affronter un débordement. Bien sûr, nous dérogions à cette loi stupide mais ta mère a accouchée dans une auberge où les gardes de Frollo passaient souvent leurs nuits. Tu es arrivée de façon prématurée, et ça nous a causé quelques problèmes. Avec l'aide d'Aihnoa et Alessandro, nous sommes parvenus à quitter l'auberge. Nous étions à l'extérieur de la ville, alors on s'est cachés dans une ancienne cave en attendant de trouver un moyen de rentrer sans se faire arrêter. Nos amis venaient nous porter le nécessaire pour survivre. Seulement, un jour, des gardes nous ont trouvés. Nous nous sommes enfuis, et avons atteint la ville à la nuit tombée. Nous croyions les avoir semés, mais ils nous ont rattrapés et arrêtés. Ta mère est parvenue à s'enfuir avec toi et a couru jusqu'à la cathédrale dans l'espoir de demander le droit d'asile, mais Frollo l'en a empêché et t'a arraché de ses bras, croyant qu'il s'agissait de bijoux volés. Ta mère est morte en tentant de te protéger, car elle savait que le juge n'aurait aucune pitié envers toi, non seulement à cause de tes origines, mais également à cause de ton apparence. Si l'archidiacre n'était pas intervenu, il t'aurait jeté dans le puits. Le brave homme est parvenu à le convaincre de te garder et t'élever, afin de préserver son âme, car tuer un enfant sous les yeux du Seigneur est un pêché impardonnable. Alors il t'a gardé. Seulement, nous n'avons jamais connus ta position exacte, ce qui nous empêchait de venir te chercher, jusqu'à tes neuf ans. Nous avons su que c'était toi qui sonnait les cloches, grâce aux dires d'une femme qui affirmait avoir vu une sorcière avec d'étranges tatouages et des yeux de démons. Nous avons essayés de venir te chercher. Plusieurs ont été arrêtés en tentant leur chance, mais aucun n'y est parvenu, sauf Darjan et Erdjan. Ils avaient dix et douze ans lorsqu'ils sont montés en haut du clocher pour venir te chercher, les premiers à réussir cet exploit.
- Sauf que j'ai sonné les cloches...
Je me souvenais parfaitement de ce moment. C'était la nuit, je dormais, et d'un coup, une main s'est abattue sur ma bouche. Je me suis débattue, j'ai cru qu'on avait envoyé des villageois me tuer. Je suis parvenue à me défaire de leur emprise et, ignorant leurs cris, je suis grimpée jusqu'aux cloches et les ai faites sonner, aussi fort que je le pouvais. Ça a alerté tout le monde, qui sont montés voir. Les deux intrus sont parvenus à s'enfuir, et je n'avais revu personne depuis. Mon père ascquisa.
- Nous n'avons plus envoyé personne depuis, car nous savions que tu aurais la même réaction envers tout le monde. Et puis, une semaine plus tard, Frollo a annoncé que le sonneur de cloche, toi en l'occurrence, avait été exécuté pour une trahison quelconque. Pendant un mois entier, les cloches sont restées silencieuses, ce qui a achevé de nous convaincre. Seule Aihnoa n'avait pas perdu espoir. Et puis, le jour de la Fête des Fous, tu as défendue le bossu et Esméralda et ses frères t'ont sauvés par la suite, avant de te ramener ici. Pendant que tu étais dans le coma, ils ont expliqués la version de l'histoire que tu leur avais raconté, et plusieurs étaient déjà convaincus que tu étais Esperanza. Seulement, la plupart, dont moi, n'osaient y croire, de peur de se faire de faux espoirs et d'en souffrir davantage. Jusqu'à aujourd'hui, ou j'ai enfin trouvé le courage de te confronter. Et je regrette de ne pas l'avoir fait avant... ma fille !
N'y tenant plus, il me serra contre lui de toutes ses forces. Moi, je pleurais. Mon père était toujours vivant. Je le serrais à mon tour, riant et pleurant à la fois. Lorsque je parvins enfin à me calmer, il m'embrassa sur le front.
- Mais pourquoi tant de gens tiennent à moi ? Je ne les connais pas, ma mère est morte par ma faute, plusieurs ont été emprisonnés ou exécutés pour me ramener ici et, pourtant, tous sont heureux de me revoir ! Pourquoi ? demandais-je.
- Sais-tu ce que signifie « Esperanza » ?
Je secouais la tête à la négative, trop secouée pour réfléchir.
- Ça veut dire « espérer », « espoir ». Nous t'avons nommés ainsi car ta naissance était une lueur d'espoir pour les gitans, qui vivaient de durs moments. Te voir rire, sourire, bouger... ça leur faisait chaud au cœur et les aidait à passer à travers ces temps plus sombres, expliqua-t-il.
J'asquisais, puis il m'invita à me relever.
- Dès que tu sortiras de cette tente, tu seras officiellement reconnue comme ma fille, déclara-t-il en souriant.
- Et... ça va changer quelque chose ? demandais-je, curieuse.
- Pas vraiment, admit-il avec un sourire. Mais c'est une tradition, Esperanza. J'imagine que tu comprends.
- Parfaitement, mais... je ne suis pas Esperanza, soupirais-je.
- Bien sûr ! me contredit il.
- Non ! Je veux dire, Esperanza est morte lorsque Frollo l'a enlevé à ses parents, sa famille, et les siens. Je suis Amélyssa aujourd'hui, et je veux être reconnue comme tel, avouais-je ne baissant les yeux.
- Je comprends, affirma-t-il. C'est ton choix, et nous le respecterons.
- Merci... papa.
Il m'offrit un sourire éclatant, et nous sortîmes de la tente.
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