Chapitre 2
PDV externe
Esméralda et son frère ainé Juan se préparaient dans leur tente pour le spectacle qui allait bientôt commencer en compagnie de Djali, la chèvre de la famille, lorsque quelqu'un entra sans prévenir et s'écrasa par terre, à leurs pieds. Elle avait sans doute été bousculée. La mystérieuse personne se releva, se dissimulant sous une cape et une ample capuche.
- Pardonnez mon intrusion, c'était un accident, s'excusa une voix féminine.
Juán posa une main sur son épaule pour la rassurer. Elle semblait terrifiée de les avoir dérangés. Elle releva un peu la tête, de sorte que seuls ses yeux puissent paraître. Des yeux étranges, Esméralda et son frère durent bien l'admettre. L'un était violet alors que l'autre était doré, presque jaune. Mais ils n'en tinrent pas compte. Après tout, ils en avaient vu, des choses bizarres.
- Ce n'est rien, amiga, mais tâche d'être plus prudente, s'esclaffa l'ainé.
- Je vais essayer, assura-t-elle.
Elle s'apprêtait à sortir lorsque le plus jeune frère, António, fit son entrée.
- Alda, Juán, j'ai...
Mais il ne put achever sa phrase car il entra en collision avec la jeune fille. Tous deux s'écrasèrent par terre. Ils se fixèrent quelques instants, et António tenta de l'apercevoir sous sa capuche. Elle sembla soudainement paniquée et se releva d'un coup, manquant de tomber encore une fois.
- Hey, ça va ? demanda Juán.
- Oui oui, je dois y aller, dit-elle en tentant de sortir.
- Tu es sûre que ça va ? s'inquiéta le cadet en s'interposant entre elle et la sortie. Ça a été assez violent, comme chute...
- Ça va, répéta-t-elle, un brin impatiente.
- Mais...
- António, Juán, laissez cette pauvre fille partir, intervint Esméralda, les poings sur les hanches. Elle a sûrement mieux à faire.
La mystérieuse fille lui lança un sourire reconnaissant, et s'apprêtait à sortir lorsque Djali se jeta sur elle et tira sur sa cape de toutes ses forces. La capuche tomba, révélant un visage tatoué, une peau d'albâtre et des cheveux noirs comme la nuit. Elle remit sa capuche, et sembla attendre une quelconque réaction de leur part.
- Il est super, ton maquillage, dit finalement Esméralda avec un grand sourire.
L'adolescente, car c'en était bien une, sembla soulagée, puis quitta leur tente sans un regard en arrière. Après quelques secondes de silence, Juán poussa un sifflement.
- Caramba ! Tu parles d'une beauté ! lâcha-t-il.
Sa sœur lui envoya une claque derrière la tête.
- Elle est beaucoup trop jeune pour toi, l'avertit-elle.
- Mais pas pour Tonio ! rigola-t-il en pointant son cadet, toujours silencieux. Je crois qu'elle lui a tapé dans l'œil.
Ledit Tonio reprit ses esprits, et se tourna vers eux, le rouge aux joues.
- Mais de quoi tu parles ? demanda-t-il en se préparant, mine de rien.
Les deux ainés échangèrent un regard entendu. Peu importe qui était cette jeune fille, elle avait attirée l'attention de leur petit frère de 18 ans. Et quelque chose leur disait qu'ils recroiseraient bientôt le chemin de cette mystérieuse adolescente tatouée. Ils étaient loin de se douter que ça se ferait beaucoup plus tôt que prévu.
PDV Amélyssa
Je m'éloignais de la tente au plus vite, le cœur battant à tout rompre. Je l'avais échappé bel. Je n'osais même pas penser à ce qu'il me serait arrivé s'ils avaient su que ce n'était pas du maquillage. La foule commença alors à s'écarter, laissant passer une délégation de gardes, menés par un commandant en armure doré. Il avait fière allure, mais semblait on ne peu plus prétentieux. Suivit ensuite la carriole transportant Frollo. Mince ! Je l'avais oublié ! Je me dissimulais dans la population, tournant volontairement le dos au transport. Manquerait plus que mon maitre me découvre. Et je ne pouvais même pas retourner dans Notre-Dame, tout le monde s'était entassé sur le parvis pour assister au spectacle. Je décidais donc de le regarder également et de partir dès que l'occasion se présenterait.
- Approchez, mesdames et messieurs ! Petits et grands, approchez ! appela alors Clopin, un gitan assez connu (il anime la Fête des Fous chaque année). Accueillez les meilleurs danseurs de Paris, ouvrez grands les yeux, car vous n'en verrez pas des comme eux ! Esméralda, la plus belle femme de la France !
Et, d'un coup, dans un nuage de poussière rose et brillante, la jeune femme que j'avais rencontré plus tôt apparue dans un costume rouge.
- Juan et António, les acrobates !
Les deux frères apparurent également, arrachant des cris admiratifs à la foule. Je ne pus m'empêcher de dévisager le cadet, et il sembla me remarquer, car il m'envoya un clin d'œil, avant qu'ils ne commencent le spectacle. C'était assez impressionnant. Jonglerie, acrobatie, danse, tout y passait. Esméralda courue alors vers Frollo et s'assit sur l'accoudoir de son fauteuil, passant une écharpe étoilée autour de son cou avant de repartir aussi vite qu'elle était arrivée. Ah ah, elle a du culot ! Je l'aime bien, celle-là. Ils firent alors monter une dizaine de personnes masquées, et enlevèrent lesdits masques un à un, envoyant rouler dans la boue ceux qui ne plaisaient pas au public. Puis, rendus au dernier, Esméralda tenta d'enlever l'affreux masque, mais en fut incapable. Ce n'était pas un masque. Des cris fusèrent, et un silence s'installa. Je secouais la tête, désolée. Il aurait dû être plus prudent, comme moi.
- Mais enfin, faites pas cette tête ! s'écria alors Clopin, reprenant le contrôle de la situation. Ne cherchions nous pas le visage le plus laid de tout Paris ? Mesdames et messieurs, le voici !
Des cris de joie éclatèrent, le mystérieux bossu fut sacré roi de la Fête des Fous. J'étais contente pour lui, mais il était temps de rentrer pour moi. Pourtant, alors que je m'approchais de Notre-Dame, tout dérapa. Le bossu fut jeté sur la scène, attaché à un moulinet, et commença à recevoir des fruits pourris. Il était malmené d'un côté et de l'autre. Du coin de l'œil, je remarquais Frollo empêcher ses gardes d'intervenir, appréciant la distraction. C'était horrible, mais je n'y pouvais rien. Et puis, je les vis. Quelques soldats qui s'approchaient de la scène, avec la ferme intention de faire payer sa présence au bossu. Ils sortirent un fouet, arrachant des hurlements surexcités aux habitants en extase. J'étais dégoutée. Un coup. Un deuxième. Le tissu déchiré, le sang qui commence à couler. Et les cris de douleur du pauvre homme.
Sans pouvoir m'en empêcher, je bousculais tout le monde pour atteindre la scène. Sans prêter attention aux gens qui commençaient à se taire en me voyant monter, je grimpais sur l'estrade et courus jusqu'au bossu. Je m'interposais entre lui et les soldats, et la lanière de cuir du fouet s'enroula autour de mon poignet. Je la tirais violemment, arrachant l'arme des mains du bourreau, avant de la jeter à mes pieds. Cette fois, le silence était on ne peu plus présent, on aurait pu entendre une mouche voler, ce qui était quasiment impossible à la Fête des Fous.
- N'avez-vous donc pas honte ? m'écriais-je soudainement. Maltraiter ce pauvre homme, qui n'a rien fait ni rien demandé ?
J'étais terrifiée, horrifiée, dégoutée. Je sortis le couteau à pain, que j'avais prit la peine d'emmener avec moi, au cas ou, et me mis à couper les liens qui retenaient le malheureux.
- Cessez immédiatement, qui que vous soyez ! ordonna alors une voix horriblement familière.
Il ne m'avait donc pas reconnu. Je ne pu m'en empêcher, je me retournais vers lui et le fixais dans les yeux, le défiant de me dénoncer. Je n'éprouvais plus qu'une haine profonde envers lui, pour avoir assisté de façon si indifférente à la torture.
- Le sang d'un innocent coule sur le parvis de Notre-Dame, lançais-je à la foule toujours silencieuse. Non d'un chien, vous êtes des humains, pas des animaux !
- Écartez-vous ! répéta Frollo, faisant comme s'il ne me reconnaissait pas.
Mais la lueur dans ses yeux m'affirmait que ce n'était pas le cas. Je lui tournais le dos et continuais de couper les liens.
- Sorcière !
Non. Non, non, non. Il n'avait pas... si ? Choquée, j'inclinais la tête vers lui. Il l'avait fait. Il l'avait vraiment fait. On m'arracha soudainement ma cape, me dévoilant aux yeux de tous. De nouveaux, des cris d'horreur, mais également de peur, retentirent. Bientôt, pourtant, cette peur se transforma en haine profonde.
- Sorcière !
- Suppôt de Satan !
- C'est elle ! C'est la sonneuse de cloches !
- C'est la Sorcière de Notre-Dame !
- Arrière démon !
Je me dépêchais de couper les derniers liens qui retenaient le pauvre homme, et l'incitais à partir. Il secoua la tête, refusant de me laisser, mais je le forçais, et il finit par disparaître. La population ne lui prêta guère attention, leur colère focalisée sur moi.
- Ce n'est pas la Fête des Fous, c'est la Foire aux Monstres !
- Abomination !
- Sorcière !
Une corde sortie de nul part s'enroula autour de mon bras, puis une seconde autour de ma taille. Deux autres suivirent, et je perdis l'équilibre, enclenchant les rires de toutes les personnes présentes, sauf Frollo, qui me fixait, impassible. Le soldat que j'avais stoppé tout à l'heure monta sur l'estrade et me fit face, reprenant son fouet.
- Tu vas voir quel sort on réserve aux sorcières ! cracha-t-il.
La douleur fut vive, mais je ne criais pas, ne suppliais pas. Je ne m'abaisserais jamais à ça. Un autre coup, et un autre encore. La torture me sembla durer une éternité, quoique ça ne devait être que quelques minutes, voir moins. Je tentais de faire abstraction de la morsure du cuir sur ma chair ensanglantée, m'efforçant de ma convaincre que chacun des coups serait le dernier. La foule, elle, semblait attendre avec impatience le moment où mes hurlements résonneraient sur les pavés de Paris.
- Bien, je crois qu'elle a comprit la leçon, intervint alors une voix familière.
J'étais pourtant incapable de mettre un visage. Je levais donc la tête vers mon sauveur, et vis qu'il s'agissait du frère ainé d'Esméralda. Celle-ci et son cadet arrivèrent également. La jeune femme se pencha sur moi, inquiète, alors que les deux autres s'occupaient de la foule. Elle coupa les quelques liens, puis m'aida à me relever.
- Qui vous permet d'intervenir de la sorte ? Cette jeune fille est une sorcière, et elle mérite son sort ! s'énerva Frollo, son regard lançant des éclairs.
- Elle ne survivra pas longtemps si vous continuez de la sorte ! l'avertit Esméralda en me serrant un peu contre elle, signe de son soutient.
- Alors elle mourra.
Sa déclaration me fit l'effet d'un poignard dans le cœur. Celui que je considérais comme mon sauveur, mon maitre, me condamnait à mort en sachant parfaitement que j'étais loin d'être une sorcière. Il m'avait élevé et me rejetait en ce moment-même, après 17 ans de ce qui devaient être des mensonges. Esméralda, elle, lui jeta un regard dégouté.
- Comment pouvez-vous dire ça ? Elle n'a même pas atteint ses vingt ans et vous la condamnez à mourir dans d'atroces souffrances sans preuves aucunes ! s'écria-t-elle.
- Et ces tatouages ? Ces yeux ? Tout chez elle transpire la sorcellerie, c'est un monstre ! répliqua-t-il.
Nouveau coup de poignard.
- Le seul monstre que je vois ici, c'est vous ! cria la gitane.
Là, par contre, elle va trop loin. Je veux dire, je suis d'accord avec elle, mais elle va s'attirer de sérieux ennuis si elle continue comme ça.
- Gardes, saisissez-là ! ordonna Frollo en se rasseyant.
- Vous tentez donc de me faire taire, mais les voix des innocents trouvent toujours un moyen de se faire entendre ! rétorqua-t-elle en commençant à reculer. Et ils demanderont justice !
- Silence !
- JUSTICE !
- Tuez-là !
Nous étions encerclés, nous n'avions aucune chance de nous en sortir. Les trois bohémiens s'échangèrent une regard puis, d'un coup, les deux frères lancèrent une petite sphère à leurs pieds. Un nuage de poussière rose s'éleva autour de nous, et je me sentis chuter. J'atterris sur quelque chose de mou, et remarquais bientôt que la gitane et moi nous trouvions sous la scène, sur un océan de coussins colorés. Dehors, des cris d'admiration s'élevaient, et je compris bien vite que ses frères faisaient diversion pour nous permettre de fuir.
Nous attendîmes quelques secondes sans faire un bruit puis, sans attendre plus longtemps, je m'éloignais d'elle et passais la trappe qui se trouvait sur le côté. Je sortis à nouveau, la lumière du soleil m'aveugla momentanément et la douleur dans mon dos se fit plus vive, mais je focalisais mon attention sur la cathédrale. Je parvins finalement à y entrer et, dès que ce fut fait, je m'écrasais sur le sol dallé. La fraicheur des lieux me faisait un bien fou, mais je ne pouvais pas rester là. Je m'aidais donc d'une colonne pour me relever, et commençais à me diriger vers les escaliers menant à mon chez-moi lorsque les portes s'ouvrirent à nouveau, laissant passer Esméralda. Je tentais d'accélérer, mais rentrais dans une chandelier au passage. Bon sang, c'est vraiment pas mon jour. Elle allait arriver à ma hauteur lorsque le nouveau chef de la garde en armure d'or entra. Aussitôt, l'attention de la gitane se reporta sur lui, me donnant ainsi un échappatoire. Pourtant, rendue aux escaliers, je ne pu m'empêcher de me retourner pour assister à leur échange.
Ils parlèrent un peu, combattirent également, l'un avec une épée et l'autre avec un chandelier et une chèvre. Puis, d'un coup, les deux frères débarquèrent, et vinrent lui donner un coup de main. À leur tour, les gardes et Frollo entrèrent.
- Ils demandent le droit d'asile ! s'exclama le chef de la garde.
Mais c'était faux, aucun d'eux ne l'avait demandé. Il faisait donc cela pour les sauver. Frollo posta deux gardes à chacune des porte et potentielle sortie de la cathédrale. Dès qu'ils furent tous dehors, les frères se précipitèrent vers les fenêtres pour trouver un moyen d'échappatoire. Sauf que tous n'étaient pas sortis. Frollo sortit de l'ombre et fit une clé de bras à Esméralda. Il lui chuchota quelque chose à l'oreille, avant de la relâcher et de partir pour de bon.
Elle se retourna d'un coup vers moi, et j'étouffais un cri lorsque son regard turquoise croisa le mien. Je fus saisie d'un regain d'énergie et montais les escaliers avec une vitesse insoupçonnée, manquant de ma casser le cou à plusieurs reprises, les cris d'Esméralda résonnant derrière moi.
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