Chapitre 10

Une semaine venait de se terminer. À mon plus grand étonnement, j'étais toujours vivante. La menace de l'archidiacre pesant sur la tête de Frollo, ce dernier avait décidé de me garder en vie, mais de m'enfermer, question que je ne lui échappe pas encore. Et, comme prévu, il n'avait pas payé Erdjan. Le prix sur ma tête n'était qu'un appât, comme s'il allait payer pour quoi que ce soit me concernant ! Il a dit à mon geôlier que le laisser en vie était déjà une récompense en soi, et Erdjan était partit, les poings serrés et ses menacent bloquées dans sa gorge. Et il m'avait lancé un regard étrange : inquiétude, haine et regret s'y mélangeaient. À croire qu'au final, il avait peut-être une petite, minuscule, microscopique conscience. Mais c'était trop tard pour les remords.

J'ai été emmenée dans les donjons. Enfermée dans une cellule humide, aux murs tapissés de moisissure et de sang séché. Accroupie dans le coin le plus propre que j'avais pu trouver, avec ma cape comme seul luxe, si je puis dire ainsi. C'est qu'il ne faisait pas très chaud, dans cet endroit pourri. J'avais droit à un repas par jour, si on peut appeler ça un repas. Et le pire, c'est qu'on ne me laissait pas tranquille. Souvent, un soldat venait me voir, sous l'ordre de Frollo, et j'avais droit à une séance de fouet. À croire que la fois sur la place publique n'avait servit que d'avant-gout.

Mais je ne criais pas. Je n'en avais plus la force. J'avais mal, physiquement et mentalement. Mais je ne criais pas. Je souffrais, beaucoup, repassant en boucle les pires moments comme les meilleurs pour oublier les coups. Mais je ne criais pas.

La porte de la cellule grinça sur ses gonds rouillés, et je me serrais un peu plus dans mon coin, n'osant lever les yeux. Malgré moi, je grimaçais. J'étais devenue minable, pathétique. Mais c'était tout ce que je pouvais faire : rester là à trembler et à supplier que mon supplice se finisse rapidement.

Sauf que ce n'était pas pour la séance de fouet, cette fois-ci.

- Amé ? chuchota une voix familière.

Je levais les yeux vers le nouveau venu, surprise.

- Phoebus ?

Il grimaça en voyant mon visage. Oui, les soldats aimaient beaucoup me frapper à cet endroit, allez savoir pourquoi.

- Bon sang, mais qu'est-ce qu'ils t'ont fait ? soupira-t-il.

- Qu'est-ce... qu'est-ce que tu fais ici ? demandais-je d'une voix rauque, plus très habituée à parler.

- Esméralda et les autres étaient inquiets, ils se demandaient même si tu étais encore vivante, et... débita-t-il en m'obligeant à me lever.

Mais je poussais un petit cri et retombais par terre. J'étais incapable de me lever, j'étais trop faible pour ça, et la douleur n'en était que plus intense.

- Tu ne peux rien pour moi... soufflais-je, résignée. Va-t'en.

- Mais...

- Dis leur que je vais bien, ordonnais-je en dardant mon regard dans le sien. Dis leur que je suis en parfaite santé, et que je suis simplement enfermée. Dis leur de ne pas venir me chercher. Et dis leur de m'oublier.

- Enfin, je ne peux pas leur mentir comme ça ! protesta-t-il. Tu as vu dans quel état tu es ?

- Non, répliquais-je durement. Mais tu vas leur répéter ce que je viens de dire, et rien d'autre. Invente une excuse, n'importe quoi, s'ils te posent plus de questions. Je veux seulement qu'ils m'oublient.

- Mais aucun d'eux ne veux t'oublier, aucun de nous ! claqua-t-il en croisant les bras, son armure dorée émettant un bruit métallique.

- Regarde moi ! soupirais-je en baissant les yeux. Regarde ce que je suis devenue ! Je ne suis plus que l'ombre de moi-même, et l'ancienne Amélyssa ne reviendra pas. C'est fini, et ils feraient mieux de se mettre ça dans le crâne.

- Amé...

- C'était mon dernier mot, Phoebus.

Il ascquisa tristement, avant de partir. Quelques minutes plus tard, un soldat fit son apparition, un fouet à la main et un sourire aux lèvres. Et c'est repartit...

./.*.&.*.\.

Deux autres jours étaient passés, et c'est désormais Phoebus qui venait me porter de quoi manger. À chaque fois, il essayait de me convaincre de fuir rejoindre les autres. Et à chaque fois, c'était la même réponse que je lui donnais. Mais aujourd'hui, ça serait différent. J'avais découvert quelque chose. Ou plutôt, deux choses. Deux choses très importantes. Lorsqu'il fit son entrée dans ma cellule, je lui saisis violemment le bras, le forçant à se baisser à ma hauteur.

- Il les a trouvé ! lui lançais-je.

- Quoi ?

- Les gitans, le Repère, la Cour des Miracles quoi ! Frollo sait où ils se trouvent ! m'impatientais-je.

- Comment...

- Je ne sais pas ! Je l'ai simplement entendu dire aux gardes qu'ils attaqueraient demain, à la première heure ! Il faut absolument que tu partes les avertir, maintenant ! le pressais-je.

- Alors viens avec moi, m'ordonna-t-il.

- Non, tu auras déjà assez d'un poids à porter, refusais-je.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

Je sortis une clé de ma manche.

- C'est la clé de la cellule d'en face, je suis parvenue à la dérober, débitais-je. Libère celui qui se trouve à l'intérieur, et ramène le au Repère, avant de livrer ton message. C'est seulement avec lui qu'ils te croiront.

- Mais pourquoi...

- Fais-le et c'est tout !

Je lui fourrais la clé dans ses mains, et il ascquisa d'un air sérieux, avant de sortir et de libérer celui d'en face. Ce dernier m'envoya un regard reconnaissant, avant que tous deux ne quittent les donjons en vitesse. Je soupirais. C'était fait. C'était désormais à Phoebus de porter l'annonce aux autres, en espérant qu'il arrive à temps.

Quelques minutes plus tard, toute une légion de gardes, voir tous les gardes de la ville, passèrent devant moi au pas de course dans un vacarme assourdissant. Je fronçais les sourcils. Mais qu'est-ce que ça signifie ? Frollo se dressa alors devant les barreaux de ma cage, un sourire collé sur le visage.

- Je te remercie, Amélyssa, déclara-t-il d'un ton pompeux. Grâce à toi et ce traitre de Phoebus, nous saurons enfin où se trouve cette « Cour des Miracles ».

Il éclata de rire, avant de partir à son tour. Je blêmis, comprenant ce que je venais de faire. Je les avais condamnés. Je les avais tous condamnés. Il se conterait de suivre Phoebus avec son armée, et il trouverait tout le monde. Je craquais, et me mis à pleurer, roulée en boule dans mon coin. Qu'avais-je donc fait ?

PDV externe

Phoebus arriva finalement à destination, son compagnon temporaire à ses côtés. Ce dernier l'avait guidé jusqu'à l'entrée du Repère. Tous deux s'engouffrèrent dans le passage, et se mirent à arpenter le long couloir. Bien entendu, les gardes leurs tombèrent dessus. Tous deux furent attachés, puis emmenés au Repère, alors que le capitaine de la garde se débattait. Ils allaient être pendus par Clopin lorsqu'Esméralda et ses frères le stoppèrent. Phoebus et son mystérieux compagnon furent détachés, et il s'adressa à tous ceux qui s'étaient réunis pour son exécution finalement annulée.

- Écoutez tous ! les pressa-t-il. Frollo va arriver ici à la première heure demain, avec une grande armée ! Vous devez fuir, vous cacher !

Des cris de stupeur et d'horreur se firent entendre.

- Mais pourquoi on vous croirait ? intervint alors Lorenzo.

Phoebus hésita, puis ses traits se durcirent.

- L'information me vient d'Amélyssa, déclara-t-il.

Cette fois, ce furent des cris de protestation qui emplirent la cité.

- C'est une meurtrière, elle n'est pas fiable ! s'énerva Sheyenne.

- Elle n'est pas celle qui a tué votre enfant, répliqua alors le compagnon, caché également sous une capuche.

Le silence se fit aussitôt.

- Pardon ?

- Ce n'est pas Amélyssa qui a tenté de tuer Tiago, mais bien sa sœur, Shana, affirma-t-il.

- Comment oses-tu ? s'insurgea Sheyenne, alors que sa fille blêmissait un peu.

- Je n'oses pas, je le sais, répliqua-t-il d'un ton tranquille. Pas vrai, Shana ? Tu voudrais qu'on joue à un jeu ? Devines qui je suis !

La jeune gitane fut parcourue d'un frisson à l'entente de ces mots. Ça ne pouvait pas...

- Et voilà, elle a trouvé ! se réjouit-il.

- Qu'est-ce que ça signifie ? s'agaça Sheyenne.

- Ça signifie que ce n'est pas Amélyssa qui a commit les quatre crimes dont elle était accusée, mais Shana. Pas vrai, grande sœur ?

Il abaissa sa capuche, révélant son visage. C'était Tiago. Il était vivant, finalement.

- Non, souffla Shana. C'est impossible, tu n'aurais pas dû survivre !

- Tu aurais dû t'assurer que le poignard était bien planté dans mon cœur avant de me jeter dans la rivière, cracha-t-il. C'est seulement mon médaillon que tu a touché, je n'ai eu qu'une légère égratignure !

- Tiago... sanglota Sheyenne en se jetant dans ses bras.

Son mari fit de même, et Shana essaya de profiter du moment pour fuir. Seulement, Manuel et Miguel la saisirent pour l'en empêcher. Elle se débattit, mais elle était trop faible comparée aux deux garçons. Sheyenne se tourna ensuite vers elle, les larmes aux yeux.

- C'est vrai ? demanda-t-elle simplement.

- Non ! réfuta-t-elle. Je n'aurais jamais fait ça, voyons ! C'était Amélyssa, tout le monde l'a vu !

- Tu mens ! s'interposa alors António, les poings serrés. C'était toi, tout le long ! Tu t'es contentée de voler le masque d'Amélyssa afin de te faire passer pour elle pour que tout ça lui retombe dessus !

- Mais...

- C'est ce que tu as dis lorsque tu étais avec Erdjan, en tout cas, ajouta-t-il avec hargne. Tu sais, comme quoi vous aviez travailler ensemble pour pouvoir livrer Amé à Frollo sans problèmes, et toucher la prime...

Elle soupira, et baissa la tête. Ses épaules tressautèrent mais, contrairement à ce que tous croyaient, elle ne pleurait pas. Elle riait.

- Oui... murmura-t-elle. Oui, c'est moi ! C'est moi qui ai fait tout ça, tu as entièrement raison ! Et vous savez quoi ? Je ne regrettes rien, rien du tout !

- Tais-toi ! siffla Juán.

- Misérable Amélyssa, trahie par ceux qu'elle aimait sans qu'elle n'ai pu placer un mot pour se défendre... Vous croyez qu'elle reviendra ? Vous croyez qu'elle voudra vous revoir après ce que vous lui avez fait ? Elle a souffert, plus que tout au monde, et même si vous redevez amis un jour, cette souffrance ne disparaitra jamais entièrement ! ricana-t-elle.

Une gifle lui fit tourner la tête, et elle se tut, surprise et sous le choc. Tout le monde regard Esméralda avec des yeux ronds, alors qu'elle crachait au visage de Shana.

- J'ai toujours voulu faire ça, avoua-t-elle à ses frères en revenant vers eux.

- Tout le monde, nous régleront cette histoire plus tard ! intervint alors Manolio, tentant de garder son calme. Il ne faut pas oublier la menace de Frollo ! Nous devons partir. Tous les clans restent ensemble le plus possible, tenter de ne pas attirer l'attention. Nous ne reviendrons ici que dans trois jours et trois nuits, et vous devrez éviter de revoir les autres clans d'ici là, par mesure de précaution.

- Ça ne sera pas nécessaire !

Tous se tournèrent vers Frollo, horrifié, qui venait de faire son entrée. Derrière lui, des dizaines et des dizaines de garde arrivèrent et prirent d'assaut la cité. Tous furent faits prisonniers, et ils furent emmenés, pieds et poings liés, le visage sombre. C'était un bien triste jour pour les gitans, et peut-être bien le dernier.

./.*.&.*.\.

Le soleil ne se leva pas le lendemain. Des nuages gris s'amoncelaient au-dessus de la ville, menaçants. Sur la grande place, des dizaines et des dizaines de cages étaient remplies par les bohémiens qui hurlaient des insultes toutes plus colorées les unes que les autres envers Frollo et ses gardes. Phoebus était également prisonnier, considéré comme un traitre. Esméralda, Juán et António se trouvaient déjà sur le bûcher, tentant en vain de se libérer de leurs liens. Les habitants, quand à eux, se faisaient de plus en plus nombreux, curieux et, pour la majorité, inquiets. Qu'allait-il se passer ? Frollo, lui, contemplait son œuvre avec une satisfaction malsaine, alors que l'archidiacre était mis aux arrêts pour l'empêcher de stopper le génocide qui approchait à grands pas.

Le juge finit par monter sur le bûcher, et rejoignit les trois gitans qui le fusillèrent du regard. Il murmura quelque chose à l'oreille de la sœur, mais elle lui cracha au visage. Furibond, il recula, avant d'effectuer un sourire mauvais.

- Vous croyez que votre chère amie va venir vous sauver ? demanda-t-il.

- Qu'est-ce que vous lui avez fait ? s'effraya António, face à Notre-Dame.

- Vois par toi-même...

Les deux portes s'ouvrirent en grand, laissant passer quatre gardes. Ils escortaient Amélyssa, qui semblait à moitié inconsciente. Son teint bien plus pâle que d'habitude, les hématomes ainsi que les nombreuses lacérations indiquaient clairement la torture. Elle ne semblait même pas consciente de l'endroit où elle se trouvait, ni même ce qu'il se passait. Elle tenait à peine sur ses jambes, prenant appui sur les soldats pour ne pas s'effondrer.

- Monstre, s'énerva Juán.

- Ramenez la à son poste, ordonna Frollo sans plus leur prêter attention. Je ne voudrais pas qu'elle manque le spectacle.

Amélyssa fut ramenée à l'intérieur, et António vit avec horreur ce qu'ils lui avaient fait. Parce que ce n'était pas Frollo, le pire, c'était eux. C'était de leur faute si elle était ainsi. Son cœur se déchira violemment, et il serra les poings, tentant avec plus d'énergie de se débarrasser de ses liens pour aller la chercher. Mais c'était en vain, et il se doutait qu'il l'avait déjà perdu.

PDV Aryane

J'avais été emmenée en haut du clocher. Attachée par une dizaines de cordes épaisses, je me demandais comment je faisais pour être encore consciente. Les tortures avaient doublés d'intensité après le départ de Frollo, et après, baignant dans mon propre sang, j'avais vu avec horreur les gitans du Repère défiler sous mes yeux. Aucun d'eux ne m'avait reconnu, ni même vu.

Seul Tiago m'avait remarqué, mais je lui avais interdit de signaler ma présence aux autres. Sheyenne le serrait contre lui, et ne voulais pas le lâcher. J'étais contente qu'elle l'ait retrouvé et, vu l'animosité qui régnait à l'égard de Shana, j'avais compris que la vérité s'était enfin faite connaître. Ça m'avait soulagé. Mais je ne voulais pas les affronter pour autant.

Alors comme je le disais, j'étais solidement attachée sur le balcon, surplombant la grande place de toute la hauteur de la cathédrale. Genoux sur le parquet grinçant, et la tête pendant mollement sur ma poitrine. Je n'avais plus la force de la lever. Mon dos me faisait horriblement souffrir, mes bras et mes poignets également. Je ne sentais plus mes jambes, et toutes mes réserves de larmes étaient épuisées.

Frollo m'exhibait comme un trophée, mais je n'en avais plus rien à faire. Ils allaient tous mourir et moi, je serais prisonnière de Notre-Dame jusqu'à la fin de mes jours. Ça ne changerait pas, plus rien ne pouvait changer.

- Aller, Amé bouge toi !

Je jetais un regard de côté à Volière.

- Salut, soufflais-je difficilement.

- Amé, tu ne peux pas les abandonner comme ça ! s'agaça Muraille.

- C'est vrai, c'est tes amis ! ajouta Rocaille. Ils ont besoin de toi !

- Je ne peux rien pour eux... Personne ne le peut...

- C'est pas avec cette mentalité que tu vas réussir, ça c'est certain ! admit Rocaille.

- Mais tu dois essayer, pour eux et pour toi ! affirma Muraille. On ne sait pas ce qu'il s'est passé pour que ça finisse ainsi, mais ça ne peut pas se passer comme ça !

- Je suis attachée, je n'ai plus de forces, je suis seule contre une armée, et mes amis sont déjà sur le bucher... soupirais-je.

- On s'occupe des cordes, tu retrouveras tes forces si tu le veux vraiment, tu n'es pas seule car nous sommes là et tu peux encore sauver tes amis, contredit Volière en comptant sur ses doigts. Alors, qu'est-ce que tu en dis ?

Je ne répondis rien. Elle avait raison. Ce n'était pas moi, ça. Je ne baissais pas les bras aussi facilement. Depuis quand j'abandonnais ceux que j'aimais ? Depuis quand je laissais tomber à la moindre difficulté ?

- Enlevez moi ces satanées cordes, grognais-je en esquissant un sourire.

Ils se mirent à scier les cordes avec les couteaux émoussés qui trainaient dans un coin. Après quelques minutes qui me semblèrent des heures, mes liens lâchèrent prises. Je m'effondrais par terre, mais les gargouilles m'aidèrent à me relever. Je pris appuie sur le mur, avant de regarder en bas. Ils commençaient à jeter de l'huile et a rajouter des fagots de bois au bûcher où se trouvaient Esméralda et ses frères. Je n'avais que peu de temps.

- Qu'est-ce qu'on fait ? leur demandais-je en m'appuyant sur la table, le souffle court.

- Tu dois rallier les habitants et les gitans, ils doivent s'entraider pour résister à Frollo, affirma Muraille.

- Et comment je fais ça ?

- T'as qu'à faire un discours mémorable du genre « nous sommes frères » et tout le bataclan, et le tour est joué, fit remarquer Rocaille en se limant les ongles.

J'asquisais, comprenant ce qu'il voulait dire par là.

- Sauf qu'ils sont trop nombreux, dehors, soupirais-je. Comment je vais faire pour attirer leur attention ?

- Laisse nous nous occuper de ça, me rassura Volière. Je crois qu'une petite mise en scène est la bienvenue ! Prête à assumer ton rôle de Sorcière de Notre-Dame une dernière fois ?

- Et comment !

Elle sauta à toute vitesse jusqu'au balcon, alors que les deux autres grimpaient en haut et se mirent à faire sonner les cloches à tout va. Je souris. Ça m'avait manqué. Une bouffée d'adrénaline m'envahit, et je sortis à mon tour sur le balcon, la tête haute et le dos droit. Les cloches cessèrent, et je remarquais que l'attention de toutes les personnes d'en bas était centrée sur moi. Je soufflais un coup, prenant mon courage à deux mains.

- Frollo ! appelais-je.

Ma voix résonné dans le silence pesant qui s'était installé.

- N'en avez-vous donc pas assez ? N'êtes-vous pas lasse de cette histoire sans fin ? m'écriais-je. Depuis trop longtemps maintenant, vous menacez, arrêtez, torturez et tuez sous prétexte d'exterminer la vermine et de défendre la parole de Dieu. Mais tout le monde sait que vous mentez ! Vous vous en prenez aux gitans une fois de plus, et c'est une fois de trop !

Rien ni personne ne me répondit, mais je savais que tous m'écoutaient.

- Vous êtes un monstre, Frollo. J'ai été séquestrée ici quasiment toute ma vie, avant que je n'ose enfin vous défiez. Et vous savez quoi ? Au final, j'ai gagné. Parce que peut importe ce que je dis, en fait, vous vous en fichez. Vous ne m'avez jamais écouté, vous ne m'écoutez pas, et jamais vous ne le ferez ! Et ça vous perdra, parce que vous vous enfoncez tout seul, lentement mais sûrement dans un gouffre obscur, avec aucun retour possible, poursuivis-je d'une voix forte.

Je pris une grande inspiration avant de continuer.

- Je ne vous le dirais qu'une fois, Frollo. Mettez un terme à cette folie, ou vous en paierez le prix. La balle est dans votre camp, désormais, et votre prochain geste déterminera la fin de cette histoire, affirmais-je.

Comme seule réponse, il jeta le dernier fagot de bois sur le bûcher. Je soupirais. Il avait fait son choix.

- Ainsi soit-il, alors, murmurais-je. Peuple de Paris ! Je vous demande aujourd'hui votre avis sur tout cela. Ne voulez vous donc pas que tout cela cesse ? Souhaitez vous donc que ça se termine avec la ville à feu et à sang ? Ce que le juge Frollo s'apprête à faire, ce n'est pas la justice, mais l'extermination d'un peuple entier ! Êtes vous d'accord avec ça ? Dîtes moi, approuvez-vous ces meurtres d'innocents ?

Des murmures commencèrent à se faire entendre.

- Levez-vous ! Levez-vous, fiers habitants de Paris ! Levez-vous contre le malheur qu'instaure le juge Frollo, levez-vous et battez-vous pour que justice soit enfin rendue ! hurlais-je.

Les cloches se remirent à sonner, et Volière leva les bras au ciel. Peu après, des nuées d'oiseaux passèrent au-dessus de nos têtes à toute vitesse. Je ne sais pas comment elle a fait, mais j'aime bien l'effet. En bas, c'était la folie. Les gardes tentaient tant bien que mal de repousser les habitants de plus en plus en colère. Je voyais les femmes et les enfants quitter les lieux à toute vitesse, alors que les hommes s'armaient de fourches, de couteaux, et de toutes sortes d'armes. Plusieurs cages furent ouvertes, grossissant les rangs des habitants. Ces derniers et les gitans luttaient en tant qu'alliés, et c'était l'un des plus beau spectacle que j'avais pu voir. Il y avait encore de l'espoir pour l'humanité !

La foule grondait, les gardes avaient de plus en plus de mal à les repousser. Toutes les cages avaient été ouvertes, et Phoebus menait la charge sans que personne ne pose de question. Seuls Esméralda, Juán et António étaient dans une très mauvaise position. Avec horreur, je vis Frollo mettre feu au bûcher.

- Non !

Je sautais par-dessus la rambarde et descendis à toute vitesse, m'aidant des sculptures et des gravures. Je l'avais fait des centaines de fois, ce fut donc sans peur que je me rapprochais de plus en plus du sol. Je finis par atteindre le plancher des vaches, et j'assommais le garde devant moi, lui reprenant mon poignard et lui retirant son fouet au passage. Je courus ensuite jusqu'au bûcher.

Arrivée à la hauteur de mes amis, je me mis à trancher leurs liens, mais la chaleur se faisait de plus en plus intense et mes yeux ainsi que mes poumons commençaient à piquer à cause de la fumée. D'un coup, Esméralda fut libérée. Usant de ses mains, elle parvint à libérer Juán, pendant que je m'occupais d'António. Une brûlure se fit sentir à ma cheville, et je poussais un sifflement en me poussant un peu. Les flammes gagnaient du terrain. António tira d'un coup sec, et ses liens lâchèrent. Sans attendre plus longtemps, nous nous jetâmes en bas du bûcher, auprès des deux autres.

- Vite, suivez moi ! ordonnais-je.

Je me mis à courir, ignorant la douleur qui se faisait sentir dans toutes les fibres de mon corps. Les trois bohémiens sur les talons, je poussais les portes en grand, et nous entrâmes dans la cathédrale.

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