๛ 𝚃𝚛𝚒𝚜𝚝𝚎 𝚜𝚘𝚛𝚝 ๛




— Peux-tu me passer le pain, s'il te plait ? me fait Ruben, tandis que je le lui donne en continuant à manger ma tartine à la confiture.

Nous sommes en train de déjeuner à 9h35 après une nuit bien agitée, je peux vous l'accorder. Lorsque j'ai appris pour Liam, si c'est lui, bien entendu, je n'ai pas pu finir ma nuit et j'ai dû lire un livre fantastique. Le dragon est en sécurité dans la chambre, mais je doute de l'efficacité de ma cachette. On verra bien.

  — Le principal, c'est qu'il soit toujours vivant, lance Ruben en se servant du beurre, après avoir visiblement écouté mes pensées.

  — Heureusement, qu'il ne l'a pas trouvé.

Il lève les yeux vers moi.

— Il n'aurait pas pu de toute manière. Les dragons ont une chair qui n'est pas comestible pour l'homme ni pour les créatures surnaturelles.

J'écarquille les yeux.

   — Mais alors, pourquoi les chasseurs sont venus tuer la dragonne et l'emmener ?

  — Car primo, c'était pour ne pas qu'elle s'aperçoive de la disparition de l'oeuf. Une mère dragonne peut devenir très dangereuse s'il s'avère qu'elle apprend que son petit est en danger et secundo pour en faire de la marchandise. On dit apparemment que l'écaille de dragon est très esthétique sur les armures et robes.

Je me demande comment il fait pour rester aussi indifférent face à cette horreur ? Cela se remarque à l'expression de mon visage.

  — Ne fais pas cette tête ! Les dragons de nos jours sont devenus très discrets et siègent dans un autre monde que le nôtre. Les hommes ne peuvent pas les trouver ni les traquer. Cette dragonne avait sans doute dû se faire rejeter de ce monde pour des raisons majeures, et ils l'ont malencontreusement trouvés.

— Mais c'est affreux...

—C'est comme ça. La vie n'est pas toujours un conte de fée. Bon... on y va ? rajoute-t-il en se levant d'un bond.

  — Pour aller où ?

  — Voir le cerf. Tu l'avais oublié depuis ces trois jours ?

Une lueur d'espoir se rallume en moi et je me lève à mon tour.

  — Avec plaisir !

La lumière du soleil traverse les arbres, les feuilles sont mortes et tombent des arbres tandis que nous continuons d'avancer dans la forêt. Cela fait quelques jours que je n'ai pas vu la santé de mon patient.

En arrivant, mon sourire s'estompe lorsque je le vois couché. Je me baisse vers lui et mesure son pouls. C'est bien ce que je craignais... Il a dû mourir d'hypothermie avec -5°. Je me relève et lui adresse un regard.

  — Mince..., fait-il en s'approchant. Il va falloir l'enterrer avant que des animaux ne prennent sa carcasse comme repas de Noël.

  — Où va-t-on l'enterrer ?

  — Je dirais à côté de la maison. Eather comprendra lorsque je lui dirais.

Je hoche du chef en levant les yeux vers le ciel, les mains dans mes poches. Ruben revient vers moi.

***

  — Et voilà ! lâchent les deux frères en choeur, puis se tournent vers moi. Ton ami est enterré dans le plus grand respect. À Mère Nature de faire le reste.

J'acquiesce en silence.

  — Quelqu'un veut une boisson chaude pour dissiper le froid glacial qui fait dehors ? nous propose gentiment Eather en se dirigeant énergiquement vers la porte.

On accepte et je le vois disparaître derrière le bois en chêne qui se ferme derrière lui.

  — Dis-moi Ruben, ton frère est-il toujours comme ça ? Je veux dire, développé-je alors qu'il porte une attention plutôt étrange sur moi, toujours en forme, souriant ?

  — Je pourrais dire que je ne l'ai jamais vu montrer ses faiblesses. Hormis un jour, où il a versé des larmes pour son grand-père décédé il y a 3 ans. Mais sinon, il a toujours su faire face aux épreuves que la vie lui mettait sur son chemin.

J'allais répliquer lorsque une voix retentit, faisant sursauter tous les oiseaux aux alentours :

  — Vous êtes lents à la détente ! rigole le chasseur de caribou Number two.

On se regarde avec Ruben quelques secondes puis on décide de rentrer au chaud.

Un chocolat chaud puis un thé nous attendent sur la table en bois.

— Que tu es généreux, lui fais-je remarquer d'un sourire chaleureux  puis m'assois sagement à table.

Il me répond d'un sourire.

  — Sinon, la soupe était bonne ?

  — Excellente !

Le goût chaud du liquide au fond de ma gorge me fait un bien fou avec la glace qui me gelait l'oesophage. Esther finit de se préparer son bol et s'assoit avec nous.

Il nous dévisage tous les deux chacun perplexe.

  — Dites, vous pouvez m'expliquer pourquoi vous avez les mêmes vêtements qu'hier ?

J'écarquille les yeux. Mais quels habits...?

  — Ah mais oui, je rigole en jetant un coup d'oeil à ma tenue. On a oubliés de se changer après la soirée, ce qui fait sourire les deux frères.

— Sinon, elle s'est bien passée cette fête ? Car pour que Ruben insiste pour y aller, c'est que ça devait être très important, termine-t-il en fixant intensément ce dernier.

  — Je n'allais pas la laisser toute seule quand même.

Sur cette phrase, je repense au diner chez les gnomes dont il  m'avait gentiment emmenée, et ne peux m'empêcher de culpabiliser. Pourquoi? Pourquoi moi ? En face, ils remarquent facilement mon rapide changement d'humeur. Du moins Ruben, car son frère était avec le caribou.

En relevant la tête, mes yeux croisent les siens et je peux y lire de la frustration et de la joie. On reste comme ça au moins une bonne minute avant que Esther ne le remarque et se lève pour débarrasser.

  — Je pense qu'on va devoir y aller, fait Ruben en se levant à son tour, en me faisant signe de venir.

Eather acquiesce et me dit de prendre soin de moi et qu'on se fera un dîner, je l'espère, tous les trois. Puis nous sortons. Le vent me fouette au visage tandis que nous avançons sur le chemin du retour, silencieux cette fois-ci. C'est étrange. Je me demande bien ce qu'il a, mais je n'ose le faire.

Il m'a discrètement raccompagné chez moi, et puis il s'est volatilisé d'un triste sourire.

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