๛ 𝙽𝚎 𝚖𝚎 𝚕𝚊𝚒𝚜𝚜𝚎 𝚙𝚊𝚜...๛
Les arbres ont défilé, avec différentes expressions. Comme au ralenti, je voyais sa crinière voler, mon coeur battre la chamade et mon sang pulser dans mes veines. Je vais mourir. Je ne savais même pas à ce moment-là où nous allons. On fonçait droit dans le mur. Sans plan en tête, on ne pouvait que se planter. Et pourtant, la mort n'était pas encore au rendez-vous, vêtue de son manteau noire et sa cape. Elle incarnait l'allégorie du Mal. Tout court. On ne pouvait plus fuir.
Le félin a bondi et ses griffes ont atterri sur les flancs du grand frison qui a échappé un hennissement de douleur. Il a assené un grand coup de sabots, au bord de l'évanouissement, mais n'a pas ralenti pour autant. Il fallait que je fasse quelque chose. J'ignorais où se trouvait Maëlys, Nathan pleurait dans mon dos et Oxorion accélérait davantage. Il donnait tout ce qu'il avait. Il allait finir par s'épuiser. Je dois réagir. Tout de suite. J'ai une idée.
— Ai...
On bascule en avant, un hurlement se fait entendre et tout tourne autour de moi. Le félin à la maladie génétique bondit sur Oxorion... qui a la patte coincée dans un piège à loups. Mon sang ne fait qu'un tour. Les dents en fer se resserrent, lui brisant l'os. J'ai envie de pleurer. C'est un cauchemar. Non... pas Oxorion. L'animal le mord, de toutes ses forces. Je suis encore sonnée, mais il faut que je réagisse.
Malgré la douleur, je peux l'entendre me hurler de courir. Je ne bouge pas. J'ai l'impression d'être Bambi devant les chasseurs et son père qui crie : « Cours Bambi ! COURS ! ». C'est comme si mes muscles m'avaient tout d'un coup lâché. Je suis paralysée, par la peur, par le sang qui gicle et mon pauvre cheval qui se démène pour se défendre. S'il continue comme ça, il va s'épuiser et se faire bouffer. La bile me monte à la gorge et mes défenses mentales me lâchent. La peur, la colère, l'effroi remontent à la surface à une vitesse fulgurante. J'ai froid. Très froid. Une main me tire vers l'arrière.
— Roxane... il... il faut qu'on se casse d'ici, putain !
Nathan est tétanisé. Je n'aurai jamais dû l'emmener ici. C'est trop tard maintenant, il est impliqué. Un dicton disait que ceux qui pénétrait dans la Forêt Interdite n'en ressortait jamais. Du moins, pas vivant. Il me tire plus brusquement, me sortant de ma léthargie. Je bouge, enfin.
— TOUT DE SUITE !
Je me lève et le suis. Je ne réfléchis pas, je cours. Je n'ai jamais couru aussi vite, sauvant ma peau,
Nathan sur mes talons. Nos souffles se font effrénés. Cours Forest, j'aurai crié... c'est exactement ça. Je manque de me prendre des branches au visage, de me crever les yeux. Je perds l'équilibre. Nathan me ramasse et nous reprenons de plus. L'image d'Oxorion me revient en tête... mort. Je serre les dents, je pleure, je hurle. J'en ai rien foutre d'attirer l'attention... je vais perdre un ami, putain. Un ami qui m'a sauvé la vie...
Je m'arrête.
Un ami qui m'a sauvé la vie.
Je ne réfléchis pas et fais demi-tour, ne sentant plus mes jambes me lancer. J'entends Nathan hurler mon nom mais je ne l'écoute pas. Oxorion. J'accélère... et hurle de rage en fonçant sur le félin, un couteau dans la main que j'ai sorti de ma sacoche. Je bondis et lui plante dans le ventre. Du sang s'écoule, l'animal hurle, mais je m'en fous. Je déteste faire du mal aux animaux, mais là, c'était un cas de force majeur.
L'animal gigote puis tombe à terre dans un dernier souffle. Je peux enfin respirer. J'ai juste une envie à cet instant, c'est de chialer. J'ai tué un animal... et Oxorion est à terre, gisant dans une mare de sang. Son propre sang.
Je m'agenouille à ses côtés, des larmes ruisselants mon visage. Il est griffé de partout : le ventre, les flancs. Des morsures se font voir, béantes. Il peine à respirer. Non... Pas toi.
— Oxorion... non...
Je pleure. Je ne retiens plus mes larmes. Je n'en ai plus la force. Je me laisse trainer au sol, dans le sang et la boue et je pleure. Merde... pourquoi lui ? Pourquoi moi ? Il respire, mais très difficilement. Mais le pire, dans tout ça, c'est qu'il me regarde, de ses yeux brillants et si expressifs. Je me noie dans mes larmes... brouille ma vue. Je renifle, mes mains posées sur son ventre. Il souffre. Merde... il souffre. Je rouvre les yeux et baisse les yeux sur sa blessure... Sa jambe est cassée. Oxorion.
— Oxorion... mon beau... je ne veux pas... que tu meurs... tu as... tant de choses à vivre...
Il échappe un hennissement inaudible. Mes pleurs redoublent. Ses forces l'abandonnent... si je le laisse ici, il est mort à l'aube et je ne sais si je le supporterai. Non, je ne le supporterai pas, c'est certain.
Je sors de ma sacoche tous mes matériaux et rien qui ne puisse m'aider. Nathan pose une main sur mon épaule, sachant bien que je ne réagirai pas. Il demeure silencieux. Un silence de mort.
— Il faut appeler de l'aide..., je murmure, entrecoupés de reniflements.
Je le vois bouger, tenter de se démener et surtout je perçois sa souffrance immense. Il souffre. Il faut abréger ses souffrances... malgré que ça soit dur. Un guerrier et un super ami m'aura quitté trop tôt. Je ne peux pas le tuer... c'est atroce. Ce n'est pas dans mes cordes. Je donne le couteau à Nathan, évitant le regard d'Oxorion.
— Abrège ses souffrances, je ne supporte pas de le voir ainsi.
Mon cousin ne répond pas.
—... Car tu crois que c'est plus facile pour moi ?
— Tu ne connais pas Oxorion... moi si. J'ai vécu des choses intenses avec lui et je ne peux... pas le tuer, Nathan.
— Moi non plus, je ne peux pas.
Lorsque je tourne les yeux vers lui, il ne bouge pas. Je mets ma main sur la bouche pour éviter de hoqueter. C'est trop tard... Il est mort. Je fonds en larmes. C'est impossible de me retenir, c'est terminé et tout ça, c'est de ma faute. Son magnifique pelage taché de sang, ça me donne la nausée, plus le corps du félin reposant à coté. C'est trop... Je me lève et trébuche.
— Allons-nous-en.
Je pleure, jusque dans mon lit. Je ne m'arrête pas. Je ne m'arrêterai jamais. C'est trop tard... un ami est parti au ciel... repose en paix, Oxorion...
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