๛ 𝙻𝚎 𝚜𝚎𝚌𝚛𝚎𝚝 ๛
À table, c'est le silence total. Personne n'ose parler de ce qu'il vient de se passer. À l'autre bout de la table, j'entends mon tonton râler car il n'a pas pu avoir ce cerf. Je le regarde de travers, sans pour autant éveiller les soupçons. Liam, disposé juste à côté de son père, mange sa soupe, en nous dévisageant. Il finit tout de même par l'ouvrir :
– C'était quoi cet animal qui a surgi, tout d'un coup ?
On se regarde tous, cherchant la réponse. Robin répond presque à ma place.
– On ne sait pas Liam, peut-être un énorme cerf qu'on a raté.
J'ai bien dit presque. Nathan a les yeux braqués sur moi, discrètement. Je tourne le regard vers lui, penchant la tête pour lui demander ce qu'il veut me dire. Il esquisse un léger sourire et retourne à sa soupe.
Mon oncle prend la parole, en se levant :
– En tout cas, il ne s'en tirera pas si facilement ce « gros cerf ». J'ai bien l'intention d'y retourner demain.
Je soupire légèrement.
– Vous ne pouvez tout simplement pas le laisser tranquille, cette pauvre bête, je m'exclame d'une voix élevée. À moins que ce ne soit votre imagination.
Liam pose brusquement ses mains sur la table. Je tourne la tête vers lui.
– Ce n'était pas notre imagination, alors tais-toi ! Tu n'y étais pas !
– Liam, rassieds-toi ! Crie sa mère.
Je susurre un « c'est vrai » en levant les yeux au ciel, sous le regard de mon cousin.
Non, en effet, je n'y étais pas...
**
Assise sur le radiateur, le regard vague, je regarde les oiseaux par la fenêtre, repensant à ce qu'il s'est passé ce matin. Ce n'était pas non plus incroyable, mais si je n'étais pas intervenue, j'ignore ce qu'il ce serait passé. Ce loup, le faon, Ruben... je me demande bien ce qu'il m'arrive ces temps-ci et surtout dans qu'elle aventure je me lance. Mes parents ignorent ce que je suis réellement. Je préfère cela que des scénarios plus délirants sur la révélation de mon secret.
– C'était toi la fille dans les broussailles, n'est-ce pas ?
La voix de Nathan me fait sursauter. Je me retourne instantanément.
– Peut-être...
Il vient s'assoir à côté de moi, le regard interrogateur.
– Ne crains rien, je ne divulguerai pas ton secret, je ne suis pas comme ça.
Sa réponse me surprend presque. J'ignorais qu'il allait répondre ça. Je me tourne vers lui lentement, pour tenter de savoir si c'est moi qui rêve ou s'il l'a réellement dit ça.
Il reprend :
– Oui ça t'étonne peut-être, mais tes absences me semblaient étranges. Donc je me suis dit que tu fréquentais peut-être quelqu'un.
Je feins l'innocence. Mais lui mentir serait déjà assez stupide comme ça. Je décide d'y aller cash.
– Que sais-tu entre autre ? Car oui, peut-être je pourrai bien fréquenter quelqu'un. Mais il va aussi falloir que tu fermes ta bouche.
Pour une fois, je lui ai cloué le bec. Il reste statique sans bouger, la bouche ouverte. Il la referme aussitôt. J'insiste :
– Alors ? Je t'écoute.
Mon cousin prend une grande inspiration, et se lance :
– L'autre jour, lorsque tout le monde dormait, je t'ai vu te lever. Je n'ai rien dit car je pensais que tu allais aux toilette....
– Tu m'as vu ? L'interrompé-je en écarquillant les yeux.
– Oui. Tu n'es pas discrète en matière de sorties nocturnes. Et puis, reprit-t-il, je me suis rendu compte que tu le faisais très fréquemment. C'est à ce moment-là que je me suis dit que tu fréquentais un gars que t'avais sans doute rencontré à la foire.
Je rougis en repensant à l'altercation que j'ai eu ce jour-là avec Ruben.
Mon dieu, que j'avais été ridicule sur ce coup-là.
Mais je ressens tout d'un coup un pincement au cœur. Où est-il en ce moment même ? J'espère qu'il ne lui est rien arrivé quand même.
– Effectivement, tu as raison sur ce coup-là. Tous les soirs, lorsque tout le monde dort à poing fermé, je prends ma sacoche et pars dans les bois en bas.
Il me regarde, calmement. Pour l'instant, ça va. C'est après que les choses vont se corser. Son regard insistant m'incite à poursuivre.
– Sauf que le garçon que j'ai rencontré à la foire, je l'ai également recroisé dans les bois, cette nuit-là.
– Ah bon ? Que faisait-il dans la forêt, à cette heure pareille ?
– Ça, je l'ignore bien...
– Que t'a-t-il dit exactement ? Demande Nathan, la langue bien pendue.
J'essaye de me rappeler exactement de la scène dans mon esprit. Mais ce dernier se montre bien perturbé par les événements de ce matin, et je galère malgré moi.
– Je ne sais plus..., je réponds un peu trop rapidement à mon goût. Il m'a... je ne sais pas.
– Une phrase, un détail qui t'a surprise ?
Ses yeux rouges.
Je sursaute. Mon cousine me rattrape de justesse avant que je ne me prenne le coin de la tête contre la vitre.
– Ça va ?
– Oui oui, ne t'en fais pas. C'est sans doute un vertige, mentis-je en me frottant la tête.
Mon cousin fronce les sourcils mais n'en demande pas davantage.
Sais-tu que les sorcières à cette heure-ci sont susceptibles de se faire kidnapper ? C'est bon... tout me revient à l'esprit. Surtout cette phrase qui m'a laissé perplexe. Que voulait-il dire par là ? Qu'il y a des chasseurs de sorciers dans le coin ? Ce serait légèrement stupides, si je peux me permettre.
Bon... en même temps, si il y a des loups, il ne doit pas avoir de mal d'y voir se balader des hommes en tenue de chasse avec écrit dessus « Wanted Witch ». J'ironise avec ça, mais en réalité, ça me fait moyennement rire. Il va falloir que je redouble de vigilance.
– Donc, continue mon cousin en se rasseyant confortablement face à moi, que faisais-tu là-bas ?
J'aimerai bien avoir une explication. Car tonton n'arrête pas de parler de ce faon miraculeusement sauvé des griffes des chasseurs et ces chiens, qui sont tous revenus blessés. Et même mort ! Termine-t-il en insistant bien sur le dernier mot.
– Bah... entre autre... je...
Je baisse les yeux tellement j'ai honte. J'ai osé tuer un chien pour la survie d'un autre. De plus que ce n'étais pas moi qui l'ai tué mais le mystérieux loup gris qui a surgi à l'improviste.
– Ils n'avaient qu'à pas vouloir abattre ce pauvre cerf ! Répliqué-je d'une voix grave en levant subitement la tête.
– Roxane, ce n'étaient pas tes affaires. Tu n'avais pas à te mêler de ça. Voilà dans quel état il est revenu après sa chasse, soupire Nathan en désignant la cuisine où il y avait eu une discussion plutôt tendue ce midi.
– Certes... mais c'est mon droit de défendre ce pauvre animal. Je serai toujours du côté des animaux, tu le sais pertinemment, non ?
Il allait rétorquer lorsqu'une porte s'ouvre à la volée sur... Robin.
– Oh, je vois que ça parle, ici, s'exclame-t-il de son sourire idiot.
Il m'énerve lorsqu'il fait ça. Je lui lance mon plus beau regard noir et pars de la pièce sans rancune. Je jette un dernier coup d'œil vers Nathan, qui semble légèrement déçu que cette discussion s'arrête maintenant, et m'en vais.
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