๛ 𝙻𝚊 𝚏𝚒𝚕𝚕𝚎 𝙵𝚘𝚞𝚛𝚊𝚜 𝚎𝚝 𝚜𝚎𝚜 é𝚗𝚒𝚐𝚖𝚎𝚜 ๛


On n'était pas dans de beaux draps... coincés dans une grotte avec le grand dragon blanc et des sabots qui résonnaient dans la caverne, signe que Oxorion s'approchait.
Mon visage se crispe tandis que je tente de convaincre le dragon de sortir. Pour la dixième fois encore, il refuse.

— Je suis désolé, mais c'est non.

Je crois devenir folle. Est-il sadomasochiste ? Il va se faire sacrifier et il accepte son sort ! Quelle triste vie.
Les bruits se rapprochent davantage.

— Rox, on n'a plus le temps pour faire la causette, là ! intervient Félix, paniqué. Faut qu'on y aille !

Il a raison. Il faut qu'on y aille. Je jette un dernier regard au dragon blanc puis tourne les talons en m'enfuyant. Une ombre menaçante se dresse devant nous. Je freine du mieux que je peux pour faire demi-tour illico presto.

— Mince, j'espère qu'ils ne nous ont pas vus !

— Je l'espère, Félix, je l'espère.

On court dans le noir, à l'aveuglette. Je dois même m'arrêter pour ne pas foncer dans quelque chose. Je vois rien !

— Roooh je vois que dalle, Félix !

— Moi non plus, rassure-toi !

— Quoi ? Mais qu'est-ce que tu racontes ? Les dragons, ça voient dans le noir !

— Et bien figure-toi que non, justement.

J'échappe un rire.

— T'es pas sérieux ?

— Si tu savais...

Nous continuons de marcher, en tâtant tous les murs lorsqu'un hurlement retentit, nous faisant sursauter au passage.

— C'était quoi ça ? je fais, en me stoppant net, effrayée.

— Je ne sais pas mais je ne préfère pas traîner.

BAM !
Je rentre en collision dans quelque chose et tombe par terre, Félix avec.

— Putain, mais c'était quoi ça ? fait une voix féminine.

Oh. Merde.

Je me relève, interloquée.

— Elia... Eliana ? Mais... qu'est-ce que tu fous ici ?

— Génial... la seule personne sur qui je voulais tomber...

Sympa. Moi non plus, crois-moi.

— Attends..., continue Félix perplexe, Eliana... c'est pas la fille qui a essayé de nous tuer avec son horrible molosse ?

— Alors c'était vous ! Je vais...

— CHUUUUUT !

Je hurle de peur.

— Y'a encore quelqu'un !

— Mais non, c'est moi, Oxorion. J'ai réussi à les échapper, mais si vous vous taisez pas, on va se faire prendre !

Oxorion !

— Comment t'as fait ?

— Et bien, je me suis caché. Rien de mieux qu'une partie de cache-cache dans une grande caverne avec des géants. J'aime beaucoup, répond-t'il, sur un ton sarcastique.

Je pose ma main sur son épaule pour m'assurer que c'est bien lui et avance.

— On fait quoi maintenant ?

— Il y a Eliana ? Finit par comprendre Oxorion.

— Tu vois dans le noir ? demande Félix, d'un air étonné.

— Bah oui, quelle logique. Je suis un animal nocturne.

— Oui, Oxorion, je suis là. Je suis venue vous sauver, malgré moi.

Elle va m'énerver, celle-là ! Toujours son mot à dire.
Je pousse un profond soupir et continue ma route.

— Ils sont là ! entendé-je à l'autre bout.

Nous ne cherchons pas à comprendre plus longtemps et courons à sens inverse. Sachant qu'en plus j'ai une crampe dans le pied.

— Aïe, j'ai une crampe !

— Chut! imbécile !

— T'aurais dû rester gentiment dans ta cabane dans les bois et nous foutre la paix, on aurait pu se débrouiller tous seuls !

Je ne la vois pas dans le noir, mais j'imagine parfaitement sa réaction froide et inexpressive.

— Très bien, je me casse !

Bon débarras.
Je l'entends faire demi-tour. Elle est sérieuse ?
Félix s'énerve :

— Ouais, bon débarras, elle m'énerve, moi aussi !

— Mais c'est pas vrai, elle est sympa, c'est juste qu'aux premiers abords, elle cache ses émotions pour ne pas montrer ses faiblesses !

— Oui, bah ses faiblesses, tu sais où elle peut se les mettre ! À me critiquer sans cesse, là !

Il soupire tandis que nous courrons. On n'arrivera jamais à trouver la lumière. Une pierre nous tombe juste devant nous.

— Je sais où est la sortie, s'exclame le Frison en sautant.

— J'attendais ce moment avec impatience...

Après plusieurs chemins dans le noir, on trouve enfin la sortie. Ce n'est pas devant. C'est derrière. On a réussi... mais c'est très sombre. L'herbe est noire. Je jette un regard à mes compères puis nous avançons. Tout de suite, l'ambiance devient pesante, lourde. Les arbres forment un chemin.

— Ça me rappelle quelque chose..., je fais, sinistre.

— Oui bah ne le dis pas, c'est mieux, répond Oxorion, d'un ton froid.

J'accepte son choix. Ce dût être un traumatisme pour lui.

— Regarde sur la carte, Félix, je crois que c'est là où il faut aller.

— En effet, c'est bien là.

Il désigne de son aile droite un chemin qui ressemble à celui-ci.
J'hoche de la tête, pensive. Tout est noir et des croassements de corbeaux nous parviennent, menaçants. Félix sursaute lorsqu'il y en a un qui le frôle.

— Va-t-en !

— Félix, ils n'ont pas l'air méchants, bien au contraire.

— Raaah, je patauge dans la bouasse noire ! râle Oxorion.

Je lève les yeux au ciel.

— C'est que de la boue, les gars, faut arrêtez de se plaindre !

Je parle, mais ce n'est clairement pas agréable. Ça colle et c'est puant.
Des marécages. Nous sommes dans des marécages.
La panique m'envahit.

— Marécages.

— Quoi, marécages ?

— On est dans des Marécages.

C'est alors, que je me rends compte que mes pieds s'enfoncent dans le sol. Une sueur froide me frôle l'échine et je serre les dents.

— On s'enfonce ! Merde, merde !

Chaque fois que bouge, je m'enfonce davantage. Félix, assit sur Oxorion n'a rien à craindre mais ressent autant la peur que nous. Oxorion, qui est plus lourd ne parvient pas à se dépêtrer lui non plus. Les corbeaux ne cessent de croasser autour de nous comme des charognards. Ils nous survolent, en riant aux éclats de notre malheur.

— Si je pouvais leur faire fermer leur clapet ! s'écrie Félix, en les poursuivant, furibonde.

— Félix, arrête ! Ça sert à rien ! Ça ne changera pas grand chose.

Balayant mon regard de-ci de-là, je cherche une racine mais en vain. Lorsque je tourne la tête, une silhouette est assise sur une branche, devant moi, une capuche sur la tête. Purée, mais elle vient d'où, elle ?

— Je te jure que si c'est toi, Eliana, tu vas me le payer !

— Ce n'est pas votre amie, mais moi, Gardienne de ces lieux maudits.

J'ouvre la bouche pour dire quelque chose mais la referme, éberluée.
Elle poursuit, toujours aussi calme.

— Celui qui rentre dans ce lieu, n'en ressort jamais...

Nous frissonnons.

— Mais rassurez-vous, il y a une solution pour en sortir vivant.

Ma respiration s'arrête.
Sur son épaule, un énorme corbeau noire jais nous fixe de ses grands yeux jaunes.

— Une énigme, une bonne réponse... et vous en ressortirez. En revanche... si vous répondez faux... vous vous enfoncerez à jamais dans les méandres de ces marécages maudits.

Pour seule réaction, je déglutis, apeurée. Si nous répondons faux... nous mourons. Je regarde longtemps Oxorion, puis réponds :

— J'imagine que nous n'avons pas grandement le choix...

— C'est exact. Vous êtes obligés. Je commence donc : si je viens la journée... je disparais la nuit. Oublié le matin, le soleil, je détruis. Inconnu de l'aurore et bien loin de minuit. Écoute ce poème... et devine qui je suis.

Croassement de corbeaux. Génial, on va crever ici, parce que j'ai absolument rien compris à ce qu'elle vient de dire.
Attendez... ça disparait la nuit, c'est oublié le matin, le soleil, ça détruit... Les méninges de mon cerveau se sont barrés ou ça se passe comment ? J'arrive pas à formuler une seule pensée cohérente. Le silence fait place, stressant. Oppressant. Chaque minute est un calvaire, supplice.
Assise sur sa branche, comme une feuille légère, elle demeure silencieuse, tandis que je stresse, m'enfonçant jusqu'aux genoux, la boule au ventre.

— Euh... putain, je sais pas !

— Les marécages sont le compte à rebours.

À vue d'oeil, le Frison s'enfonce encore et encore. Il est au à l'encolure, peinant à respirer. Je lâche des hurlements silencieux et pleure.

— On va y être jusqu'à ce soir...

Des sanglots étouffés s'échappent de ma gorge, m'imaginant une nouvelle fois perdre Oxorion. Par ma faute. Mais quand je rouvre les yeux, nous sommes sur la terre ferme, nos jambes sèches et la fille aux corbeaux a disparu. Je sèche d'un revers de la main mes larmes taries et soupire de soulagement, n'ayant pas tout de suite compris. J'ai dit la bonne réponse ?

— Je pense, oui, répond Oxo, comme s'il avait lu dans mes pensées.

— C'était quoi ? J'ai juste dit qu'on allait y rester jusqu'à ce soir.

À mes mots, le regard du cheval s'illumine.

— Mais bien sûr, t'es un génie ! C'était bien sûr le soir...!

Je hoquète de surprise.

— Purée, mais bien sûr !

Nous étions sauvés tandis que Félix revient en survolant.

— J'ai trouvé La Grotte Des Trois Licornes ! Venez !

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