๛𝙲𝚘𝚖𝚖𝚎𝚗𝚝 𝚎𝚜𝚝-𝚌𝚎 𝚙𝚘𝚜𝚜𝚒𝚋𝚕𝚎 ?๛


Mes draps sont tout trempés, tellement j'ai pleuré. Sur le coup, ça fait pitié à voir. Ça séchera. Ce n'est que de l'eau après tout. Il est quelle heure ? 10h34. Génial. Je me lève, avec beaucoup de mal. Mes jambes me font un mal de chien. Les courbatures et moi, on n'est pas amies. J'ai le moral à zéro et quand je me regarde dans le miroir, mes cheveux en bataille et mon air vitulin font peur à voir.
À l'extérieur, le soleil brille déjà haut dans le ciel. Toute trace d'obscurité a disparu, mais pas les images récentes d'hier... Je secoue la tête et ravale mes larmes. Je dois être forte et affronter ma famille, sans attirer l'attention.
Lorsque j'arrive dans la cuisine, en pantalon et sweet gris, Oscar et Gabrielle sont en train de déjeuner. Pas de trace de Nathan.

— Il est où Nathan ? je demande, intriguée.

— Il est fatigué, il dort encore.

Ça peut se comprendre. Je m'assois en face d'eux, silencieuse. Ma tante me dévisage. Je fais mon plus beau et franc sourire (notez l'ironie au passage) et me sers du pain avec de la confiture.

— Toi aussi, tu sembles très fatiguée. Les événements d'hier t'ont crevés ?

J'ai failli y rester.

— Ouais, un petit peu mais je suis en pleine forme.

Je termine ma tartine et sors. Je ne supporte pas de mentir ouvertement. Je respire l'air frais du matin et descends en bas. Une silhouette se tient devant moi. Avec le halo de soleil, je ne remarque pas son visage, jusqu'a ce qui parle :

— Ton état eurasthénique m'inquiète.

Eurasthéquoi ?

— RUBEN !

Je lui saute dans les bras.

— Tu m'as manqué, tu ne peux pas imaginer à quel point, je fais dans son cou.

— Toi aussi... ça fait quelques jours qu'on ne s'est pas vus... Tu as des choses à me raconter, j'imagine.

Mes pieds reviennent sur la terre ferme.

— Et bien... je ne peux rien te cacher, à toi !

Je souris. Il fait de même. Son doux visage m'a manqué.

— Allons dans ma demeure alors, prendre un bon chocolat chaud.

Après un temps de marche, nous nous asseyons à sa table, un chocolat face à nous. La fumée d'évaporation s'en échappe. Je la regarde, anxieuse.

— Je t'écoute.

Je lève les yeux pour croiser son regard.

— C'est trop compliqué à t'expliquer... Il faudrait que je t'écrive un roman.

— Dis le à ta manière.

Silence.

— J'ai rencontré un cheval noir qui s'appelle Oxorion et Félix... Hum... J'arrive à parler aux animaux.

Nous nous dévisageons un long moment. Ça en deviendrait malaisant, mais il finit par rétorquer :

— Quelque chose que je ne sais pas, bien sûr.

Je demeure interdite.

— Tu... tu le savais ? Que je...

— Bien sûr. Même Norah. Elle a lu en toi comme dans un livre ouvert.

Ce n'est un secret pour personne ça. Il poursuit :

— Oxorion... c'est le cheval noir que je vois souvent trainer autour de chez moi ? Il passe beaucoup de temps avec Félix. Ils s'apprécient beaucoup à ce que je vois.

Les larmes me montent aux yeux. Je détourne avec vivacité la tête. Ruben le remarque. Il se tait.

— Mince... j'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas ?

Je ne réponds pas. Il pose sa main sur la mienne. Ce contact me permet de me calmer.

— Il est... mort.

Un silence de mort s'abat sur la piece, comme un coup de poing. Son visage se décompose.

— Merde... Je suis désolé.

— Ce n'est pas de ta faute, Ruben, c'est de la mienne. Tout est de ma faute.

J'entends un grincement de chaise contre le plancher.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Je tourne la tête vers lui, juste à côté de moi. Il est sérieux.

— C'était hier... j'étais en train de dormir et mon cousin m'a réveillé pour me dire qu'il avait vu Maëlys marcher en bas. J'ai pas cherché plus de détails et j'ai foncé en bas. Oxorion nous a accompagné devant... La Forêt Interdite.

Chaque mot est pour moi un coup de poignard. Le félin. Je ferme les yeux.

—... Au début, je ne pensais pas qu'elle pouvait s'y trouver. On y est allées qu'une fois pour aller chez l'homme avec son chat amputé d'une patte. Et... au final, ça me semblait logique... et on y a pénétré. On a traversé la frontière, Ruben ! J'ai cru que j'allais mourir sur le coup. Des cris, hurlements nous entouraient de partout, les arbres étaient terrifiants. Mais Oxorion n'a pas reculé, n'a pas flanché. Il s'est montré brave et courageux. C'est dans sa nature. Jusqu'à ce qu'un félin aux yeux rouges débarque de nul part et nous poursuive. On aurait dit qu'il était devenu fou.

— Les animaux qui y vivent ne sont jamais gentils.

— Je le sais... et j'ai eu très peur. Il s'attaquait à Oxorion. Il plantait ses griffes dans ses flancs. Il... n'a pas ralenti. Bien au contraire. Puis nous nous sommes... retrouvés projetés par terre, tous les deux. Face à moi, j'avais Oxorion et le félin qui se battaient. Le problème... c'est qu'Oxorion s'était pris la patte antérieure droite dans un piège à loup...

Je ne peux pas. Je me lève pour me détendre.

— Ne te précipite pas surtout. Prends ton temps.

Inspire, expire. Inspire, expire...

— Je n'ai rien pu faire. Il m'a hurlé de courir et c'est ce que j'ai fait. Je l'ai abandonné face à ce monstre. J'ai couru pour sauver ma peau, alors que lui n'avait pas hésité à risquer sa vie pour moi. Je ne pouvais pas lui faire ça, alors j'ai fait demi-tour, la peur au ventre. J'ai planté mon couteau dans le ventre du félin, mais Oxorion était déjà blessé. Grièvement blessé. Je ne pouvais plus rien faire pour le sauver... j'ai... j'ai dû le laisser mourir tout seul dans le froid et la douleur...

J'éclate en sanglots. Ruben me serre dans ses bras.

— Je l'ai perdu, putain...

— Ça va aller...

Les larmes reviennent au galop.

— La question que je me pose à l'instant même, c'est : où est Maëlys ?

Je me tends. Merde ! Maëlys !

— MAËLYS ! OH MERDE !

Je me défais de son emprise, prise d'une crise de panique passagère. Mais qu'on est cons ! On l'a laissé dans La Forêt Interdite !

Mes jambes flageolent et mon coeur tambourine dans ma poitrine.

— Calme-toi ! On va la retrouver...

— Ruben, tu ne comprends pas ; on l'a laissée dans la gueule du loup... elle est peut-être morte !

Dans mon regard, il lit une peur panique grandissante.

— Je vais la chercher. Toi, tu restes ici ! Sort-il en se précipitant vers la porte.

— NON !

Je le retiens, de toute mes forces.

— J'ai perdu Oxorion, je ne veux pas en plus te perdre toi... je... ne le supporterai pas.

Mes yeux le supplient. C'est alors que je reçois un message de mon cousin. La porte est grande ouverte. Ruben a filé quand j'ai baissée la tête. Merde !

Roxane, j'ai retrouvé Maëlys : elle s'était endormie dans la grange. Elle est saine et sauve.

— RUBEN !

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