Somme astrologique (2)

Certains pensent que les étoiles indiquent les faits à prévoir plus qu'elles ne les provoquent [NDHG : ie que les astres permettent de voir l'avenir sans pour autant en être la cause]. Disons que c'est absurde.

Tout signe physique est :

- soit l'effet de ce qu'il signifie (la fumée [NDHG : le signe physique] annonce le feu (l'effet) qui l'a engendrée);

- soit il est avec le signifié, l'effet d'une même cause (le sourire indique la sérénité car les deux ont un même motif).

Or on ne peut prétendre que la disposition et la course des astres soient l'effet d'événements futurs.

On ne sait pas plus les [NDHG : la course des astres et les événements futurs] réunir sous une cause physique unique. On leur aurait donné la providence divine pour origine commune, si elle n'avait conçu différemment d'une part l'organisation des astres et leurs mouvements et de l'autre le déroulement de l'histoire événementielle.

Les premiers [NDHG : l'organisation des astres] obéissent à des lois nécessaires et gravitent selon un ordre immuable, tandis que les seconds [NDHG : les événements futurs] sont contingents [NDHG : peuvent se produire ou non] et varient selon la conjoncture. On ne peut donc accepter une prescience [NDHG : ie prédiction] par les astres qu'à condition de voir l'avenir comme leur conséquence. Or deux types de faits au moins échappent à leur attraction :

- Tout d'abord les événements aléatoires tant chez l'homme que dans la nature. La «Métaphysique» montre bien en son sixième livre que de tels faits n'ont pas de cause véritable, surtout d'ordre naturel, telle qu'une influence sidérale. Car un concours [NDHG : ie coïncidence] de circonstances accidentel comme un séisme provoqué par la chute d'une pierre ou la découverte d'un trésor lors de la fouille d'une tombe, ce concours n'a pas d'existence réellement homogène. Il n'y a pas un événement mais plusieurs [NDHG : la chute de la pierre puis ses conséquences, la fouille puis la découverte du trésor]. L'opération naturelle au contraire, s'achève toujours dans une œuvre unique de même qu'elle provient d'un principe unique : sa forme naturelle.

- Ensuite les actes libres, volontaires et réfléchis. Le traité de psychologie d'Aristote démontre au troisième livre que la raison, avec la volonté qu'elle inclue, n'est ni un organe physique, ni l'action d'un organe. Comme aucun corps [NDHG : physique] ne peut rejoindre une réalité immatérielle, les astres ne sauraient influencer l'intelligence et la volonté. Sinon on identifierait esprit [NDHG : immatériel] et sensibilité [NDHG : lié au corps donc matérielle], comme le remarque l'auteur dans son traité de psychologie à propos de ceux qui comparent la volonté au Soleil que le Père des hommes et des dieux offre au jour. Les étoiles ne peuvent être la cause d'un acte libre. Ils peuvent cependant être sous-jacents, car ils influent sur le corps humain et donc sur les processus physiologiques des organes sensoriels et affectifs, lesquels incitent à certaines réactions plutôt qu'à d'autres. Mais la raison garde un empire sur les pulsions de la sensibilité comme le montre Aristote dans ses traités : «de l'Âme» Livre 3 et «l'Ethique», Livre 1, et aucune nécessité ne s'impose au libre-arbitre. L'homme peut agir conformément à la raison et en opposition avec une quelconque poussée psychosomatique d'origine sidérale.

Si donc quelqu'un se sert de l'observation des astres pour prévoir des échéances lointaines ou des événements fortuits, ou même pour en déduire scientifiquement les actions humaines futures, ses arguments sont faux et spécieux. Si au contraire, il cherche à deviner des effets tels que sécheresse, inondation ou autre, c'est tout à fait légitime.

Notre réponse suffit à rejeter l' argument de début en faveur d'une science astrologique.

A propos du second qui défend un savoir-faire expérimental, notons que le pronostic de l'astrologue peut tomber juste pour deux raisons. Tout d'abord, beaucoup d'hommes suivent leurs pulsions émotionnelles et leurs actes dépendent très souvent des influences astrales. Seul un petit nombre de sages savent soumettre à la raison ces tendances. C'est pourquoi notre expert est souvent dans le vrai, surtout pour ce qui regarde les événements collectifs.

Deuxièmement, les démons peuvent s'immiscer. D'après Saint Augustin au deuxième livre de son ouvrage sur «le sens littéral de La Genèse», lorsque un horoscope dit vrai, il a été fait dans une intuition très obscure que l'esprit humain a sécrété à son propre insu. C'est alors l'œuvre d'esprits pernicieux et séducteurs qui permettent dans certaines circonstances une véritable prescience de l'histoire. Leur but est de tromper l'homme.

Et de conclure : pour préserver son bonheur, le chrétien doit se garder de l'astrologie et de toute divination mystique, d'autant plus si elle prévoit la vérité, afin d'éviter que la cohorte des démons ne capture l'âme trompée par un pacte d'association avec eux.

Et ceci répond à la troisième objection.

SOMME THÉOLOGIQUE 2ème partie, tome 2 Question 95, article 5
Saint Thomas d'Aquin

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top