Sortie furtive
Lorsque Salia arriva près de son frère, elle n'avait aucune idée de ce qu'elle allait trouver. Elle se pencha pour vérifier son pouls, terrifiée à l'idée de ne rien sentir. Elle faillit donc hurler de joie quand elle sentit l'afflux sanguin faire battre la veine sur le cou du jeune Alfide.
Il était vivant! Laocris était vivant! Se contenant, elle le redressa doucement, cherchant à le réveiller. Une bosse commençait à fleurir sur son front et il gémissait un peu mais il était en vie.
Lui tapotant d'abord légèrement la joue, elle mit bien vite un peu plus de force dans sa main. Au moment où elle se demandait si elle ne devait pas y aller encore plus fort, les paupières de son frère s'entrouvrirent. Elle lui fit un grand sourire et le laissa reprendre ses esprits, avant de l'aider à se redresser.
Une fois sur pieds, Laocris soutenu par sa sœur, ils se dirigèrent vers les deux autres. L'heure n'était plus à la discrétion. S'ils voulaient s'en sortir, il fallait qu'ils quittent la ville immédiatement.
Thundarius se tenait le flan, mal en point mais encore conscient. Jacriph, lui, avait des cernes sous les yeux et le teint pâle, mais ironiquement, d'eux tous, c'était lui le plus alerte. Il rendit son sac à dos à Salia, mit celui de son fils sur ses épaules et releva son ami.
La jeune Alfide avait la tête pleine de questions et l'esprit en ébullition mais elle se forçait à rester calme, le temps qu'ils soient en sécurité. Loin des humains. Une fois que ce serait bon, qu'ils seraient saufs, elle pourrait revenir sur cet étrange combat et laisser son esprit travailler dessus.
Doucement, les quatre êtres surnaturels se dirigèrent vers la porte de la ville, toujours entrouverte, malgré les rayons du soleil qui commençait à se lever. Laocris arrivait à marcher tout seul mais Salia restait près de lui, au cas où. Elle avait gardé la hache de guerre, qui, même loin de sa double hache à elle, restait efficace.
Les deux Généraux, eux, clopinaient devant, ouvrant la marche vers leur sortie. Une fois les battants dépassés, ils se retrouvèrent face à une plaine. Mais ils ne continuèrent pas à marcher.
C'était le moment pour traverser le Voile. Séparant les deux univers, il protégeait leur peuple et les autres êtres surnaturels des humains.
Sorte d'illusion, c'était devenu une entité à part entière, lancée sur la réalité il y a des millénaires par un groupe de surnaturels. Il protégeait efficacement l'existence de ses créateurs et de leurs descendants. Seuls eux pouvaient le passer, en suivant un rituel bien précis.
Bien sûr, tout un tas de contraintes restreignaient son usage, mais cela ne dérangeait pas les peuples féeriques. Le but de ces restrictions était d'éviter une potentielle guerre, ce qui n'était pas du tout dans les intentions de ces peuples pacifiques. Seuls les animaux pouvaient passer sans encombre, naviguant entre les deux mondes sans problème.
Pour le traverser, une condition : savoir se servir des flux parcourant la Terre en abondance (plus forts du côté féerique que du côté humain, toutefois). Ces flux, vulgairement appelés « magie » permettent de détecter les « failles » du Voile, nommées « Piliers » par les surnaturels.
Ainsi, en se servant des flux, on pouvait déterminer où apparaissaient ces Piliers et quand ces derniers étaient enfin rechargés, après le passage précédent. Une fois devant, un mot était soufflé dans l'esprit du voyageur par le Pilier. Le passeur devait alors poser sa main sur la faille en répétant ce fameux mot et insuffler un peu de flux dedans (la quantité variant selon le nombre de passagers)
Salia s'avança alors, ayant repéré une légère ondulation dans l'air. C'était là la manifestation physique du Pilier. La jeune Alfide s'approcha, jusqu'à être à moins d'un mètre de la faille. Elle se servit de sa sensibilité pour rassembler les rares flux qui l'entouraient et commencer le rituel. Inspirant un grand coup, elle se concentra pour mieux entendre et sentir le Pilier.
Ses tourments intérieurs revinrent la titiller. Elle essaya de les chasser, secouant un peu la tête. Elle ne pouvait pas se laisser distraire par des questions sans réelle importance. Pour le bien de sa famille et d'un ami, Salia se devait d'être présente à cent pour cent et dans le moment présent, pas dans des théories stériles qui ne la mèneraient nulle part.
Quand ils seraient en sécurité à la capitale, dans le château du Roi, elle pourrait peut-être faire part aux Généraux de ses inquiétudes et soupçons. Et revenir sur ce combat si perturbant pour elle, laisser son esprit travailler dessus et essayer de le digérer. Mais pour le moment, il fallait se concentrer sur leur fuite. Et sur le passage de la faille.
"Éclair"
Un mot lui apparut soudain, un peu flou mais assez distinct pour qu'elle n'ait pas peur de se tromper. Le Pilier lui avait accordé un passage. S'avançant, la jeune Alfide posa sa main et murmura tout bas le mot.
Derrière elle, ses compagnons s'étaient rapprochés, nerveux et un peu fatigués. Il faisait encore noir, mais on y voyait déjà plus clair que lors de leur combat. Dans peu de temps, les humains y verraient assez clair pour pouvoir les repérer. Il fallait faire vite.
Salia commençait à peine le transfert d'énergie, de sa paume à la faille, pour l'ouvrir. Soudain, un carillon retentit, proche, la faisant sursauter. Quelqu'un, sur le rempart, avait vu un danger potentiel. Elle ne savait pas s'ils avaient été repérés, mais l'Alfide ne pouvait plus faire dans la dentelle. Il fallait traverser, et maintenant.
Forçant le passage, elle envoya une vague de flux dans la faille, l'ouvrant subitement. Elle se mit ensuite de côté, attrapant son frère pour ensuite le pousser dans le passage. Son père et Thundarius suivirent immédiatement, se retrouvant instantanément de l'autre côté.
Salia regarda autour d'elle, vérifiant que personne n'arrivait, puis elle rappela l'énergie utilisée pour l'ouverture à elle, en même temps qu'elle passait. Au moment où elle posait le pied dans son monde, la faille se refermait, coupant l'accès à ceux qui auraient éventuellement voulu les suivre.
Ils étaient dans le monde féerique. Chez eux. Enfin. Elle entendit un éclat de rire et détourna son attention de la faille, qui palissait à vue d'œil. Elle vit d'abord son père, riant aux éclats, qui respirait à plein poumons l'air pur de leur monde. Son regard passa ensuite sur Laocris, assit sur une souche, qui regardait leur père en souriant, heureux de leur réussite. Elle s'arrêta enfin sur Thundarius, qui observait les environs, l'air soucieux. Étonnée, Salia prêta enfin attention au paysage qui les entourait.
Les quatre compagnons étaient dans une forêt. Et pas n'importe laquelle. Au vu de la végétation qui les encerclait, ils se trouvaient au sud. Et pas dans le Royaume de Nox mais dans le pays voisin. Celui des Sylvains. Les êtres des forêts. Échangeant un regard contrit avec le Général, elle soupira. Comment allait-ils s'en sortir, cette fois ?
Fin de la 4ème Partie
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top