A nouveau sur la route Sev éprouve la sensation diffuse de s'être séparée de la gangrène. Elle voudrait maintenant renaître, faire peau neuve, s'apprêter joliment pour son fils, alors elle s'invente des images. Les montagnes deviennent des jambes, le col franchi celui de l'utérus et elle s'en va redescendre vers une nouvelle vie. La montagne accouche, elle sourit. Enchantée par cette métaphore, Sev en rit seule. La blonde inspire profondément, seules quelques centaines de kilomètres la séparent du bonheur auquel elle aspire.

Traversée du Nord de l'Italie, région où certaines de ses « collègues de travail » furent enfermées à l'intérieur d'une maison de dressage pour prostituées. Sev en a vu plus d'une arriver sur le pavée, battue, mise au plus mal, et dans ces maisons closes ils ne font pas que cogner. Le traitement infligé innommable, aucune des femmes brisées par ce système n'a jamais voulu le lui raconter complètement. Les femmes exploitées occultent en partie les humiliations, les tortures et brimades subies dans ces cachots de l'horreur. Leurs propos évoquent viol, drogue, torture, leurs regards vides, eux, ne suggèrent pas la terreur, ils en sont la conséquence.

La voyageuse éphémère pourrait s'arrêter pour une halte dans Turin où l'une de ses amies, Marielle, vit depuis deux ans. La sympathique marseillaise avait pris sa retraite aux côtés d'un vieil habitué. Un commercial italien, dont Sev se demande parfois si sa copine en est finalement tombée amoureuse. C'est aussi le lot de certaines filles. Sont-elles plus chanceuses ? Est-ce une bonne fin ? Peu importe, Sev trace.