média : Petite Lune

Timidement, Petite Lune emboîta le pas à sa mère. Les moments qu'elles passaient ensemble étaient rares et courts, mais elle les chérissait tout de même. Les deux chattes bicolores s'approchèrent alors du Promontoire, et Petite Lune leva ses grands yeux bleus vers le sommet. Comme tout chaton qui se respecte, elle s'était déjà imaginé là-haut, en tant que guerrière -mieux, que chef. Mais tous les chatons jouaient à ce jeu, et aujourd'hui elle avait du mal à réaliser qu'elle allait réellement y monter. 

Sa mère ralentit et tourna la tête vers elle, ses yeux bleus brillant doucement lorsqu'elle les posa sur sa fille. 

« Montes en premier. Je serai juste derrière pour te rattraper au cas où, fit-elle. » 

Petite Lune hocha la tête et passa sous le nez de sa mère, levant les yeux vers le sommet du Promontoire qui lui paraissait inatteignable. Bon, elle exagérait peut-être un peu... Lentement, elle commença l'ascension, prenant le temps de bien poser ses petites pattes là où il fallait. Lorsqu'elle jeta un coup d'œil derrière elle, elle croisa le regard serein de sa mère ; toute proche. Elle la laissait avancer à son rythme et restait toute proche, prête à la rattraper en cas de chute. Heureusement, la petite chatte arriva en haut sans problème et s'assit pour reprendre son souffle, fatiguée par cette escalade. 

Etoile de Tempête s'assit à son tour, attendant patiemment que sa fille reprenne sa respiration. Puis, lorsque se fut le cas, elle la guida jusque dans la petite grotte qui lui servait d'antre. Curieuse, Petite Lune renifla dans tous les coins, avant de grimper dans le nid douillet garni de plumes. L'odeur de sa mère y était forte et réconfortante, et la petite chatte était sûre que si elle s'y allongeait, elle s'endormirait aussitôt. 

« Tu dors toute seule ? demanda-t-elle en sortant du nid. 

- La majorité du temps, oui. Mais parfois, ton père vient me tenir compagnie, expliqua sa mère. » 

Les deux chattes ressortirent de l'antre, et la plus âgée s'assit sur la corniche servant de Promontoire, parcourant le camp de ses yeux bleus. Timidement, Petite Lune s'approcha et s'assit près d'elle. 

« Tu sais, Petite Lune, je suis persuadée que tu es promise à un grand destin, murmura sa mère. 

- Ah bon ? 

- Tu n'es pas n'importe quelle chatonne, soupira la meneuse. Chaque membre de ta famille a joué un rôle dans l'histoire de notre Clan. Cela fait un moment que je voulais t'en parler, maintenant. » 

Silencieuse, Petite Lune observa l'activité du camp sous ses yeux. Elle vit Envol d'Etourneau partager un lapin avec Racine de Chêne ; Orée de la Forêt qui se prélassait au soleil devant la Pouponnière, surveillant Petite Biche et Petit Cerf qui chahutaient tout proches d'elle ; Nuage de Cendre qui rentrait de patrouille avec Œil de Fougère, Plumage de Talève et Poussière Volante ; Tétras Attentif qui sortait en baillant de la tanière des guerriers ; Nuage d'Hiver qui apportait des souris aux anciens, et Patte d'Ail qui aidait Pluie de Braise à reconstituer sa réserve de remèdes. 

« Tu es la fille d'une chef et de son lieutenant, la nièce d'une guérisseuse talentueuse, et la petite-fille du doyen des quatre Clans. Mais surtout, tu es la descendante directe d'Etoile de Feu, continua sa mère. 

- La descendante de qui ? » 

Elle avait déjà l'impression d'avoir entendu ce nom quelque part ;  mais impossible de se souvenir d'où. Elle commençait tout juste à s'intéresser aux histoires contées par les anciens ; avant, ce n'étaient que des racontars de vieux qui ne l'intéressaient pas. Elle avait sûrement dû entendre ce nom lors de l'un de ces "racontars" mais elle ne devait pas être bien attentive à ce moment là. Sa mère ronronna, amusée par l'ignorance de sa fille, et enroula sa queue autour d'elle. Les fourrures des deux chattes se mélangèrent alors qu'elles observaient la vie du camp. 

Pour la première fois de sa vie, Petite Lune eut vraiment l'impression d'être proche de sa mère. 

« Tu demanderas à Plume de Corbeau de te parler d'Etoile de Feu. Il t'expliquera mieux que moi, et ça lui fera plaisir de te voir. Et puis, il adore parler de notre ancêtre. » 

La meneuse émit un léger rire à la fin de sa phrase et secoua la tête, avant de se relever en s'étirant, se détachant de sa fille. 

« Il est temps pour moi de te laisser, Petite Lune. Je fais partie de la patrouille du soir et ils ne vont pas tarder à partir. 

- Bien sûr, murmura sa fille en l'imitant. » 

Prudemment, elle commença la descente du Promontoire, mais elle était fatiguée par son ascension précédente et avait l'impression d'avoir les pattes lourdes. Soudainement, elle se fit soulever de terre et poussa un petit miaulement de surprise à cela. Quelques secondes plus tard, sa mère la déposa délicatement sur le sol, en bas de la corniche. 

« Tu devrais retourner dans la Pouponnière ; tu as l'air fatiguée, conseilla la meneuse. 

- Non, mentit Petite Lune en réprimant un bâillement. » 

Sa mère la regarda un instant en silence, visiblement septique. Puis elle haussa les épaules. 

 « Si tu le dis... » 

Elle fit quelques pas dans le but de rejoindre les quelques guerriers qui constituaient la patrouille, avant de se retourner vers Petite Lune, qui dormait presque debout. 

« Petite Lune ? J'ai passé un très bon moment avec toi, murmura-t-elle avant de faire volte-face et de rejoindre ses guerriers. »

Ses mots répandirent une douce chaleur dans le cœur de la petite chatte et elle ne put retenir un sourire de fleurir sur ses lèvres. Elle se dirigea alors vers la Pouponnière, le cœur léger. Elle aussi, elle avait passé un bon moment avec sa mère... même si cela avait été court, même si elles n'avaient pas vraiment parlé de choses personnelles... les mots que lui avait adressé la meneuse étaient le plus beau cadeau qu'eut jamais reçu la petite chatte. 

Elle se glissa dans la Pouponnière et remarqua que Petite Biche et Petit Cerf dormaient déjà, lovés contre leur mère qui somnolait, entre l'éveil et le sommeil. Prudemment, Petite Lune s'approcha de la famille et se glissa à côté de Petite Biche. Elle téta quelques instants, puis, repue, se cala confortablement et ferma les yeux. Très vite, bercée par les respirations des trois autres félins, la petite chatte s'endormit ; rêvant qu'elle se blottissait contre un pelage bicolore et non brun, entourée de l'odeur réconfortante qu'elle avait sentie sur le nid de sa mère. 

Info bonus : Petite Lune n'est pas le premier enfant d'Œil de Fougère ; il en avait eu deux quelques saisons avant avec une autre guerrière du Clan. Malheureusement, tous les trois sont morts du mal verts lors de la saison froide.