Devoir n°8 : Gabriella Johnson


LUNDI :

Bon.

L'heure est grave.

Après tant de suspense, le Prince a enfin consenti à nous dire ce qui clochait depuis tout ce temps.

Et ce n'est pas bon. Pas bon du tout.

Nous avons donc été engagé pour distraire nos semblables pendant que la famille Royale règle cette affaire.

Même si je hais toutes ces interviews et autres mondanités, j'ai accepté avec plaisir de le faire pour une si bonne cause. De plus cette intervention bénite du Prince m'aura permis de louper un savon de Lemi Sha à propos du Bulletin. Je m'attendais déjà à avoir ma tête au bout d'une pique en moins de quelques heures alors je ne vais certainement pas me plaindre d'avoir à donner quelques interviews.

Même si j'aurais clairement préfère éviter ça aussi.

J'ai eu l'occasion d'apercevoir le Prince avant son discours. Il était déjà bien entouré et je n'ai pu que lui jeter un regard d'encouragement, je crois qu'il a compris que j'étais de tout cœur avec lui.

Habillée d'une robe bustier noire et sobre, mes cheveux attachés en chignon, je me dirige vers le Boudoir où un journaliste devrait m'attendre. Après les avoir fuit depuis mon arrivée ici, voilà que je me jette dans la gueule du loup de mon plein gré. Je me doute bien que ces journalistes doivent me haïr, je n'ai fait que leur causer des problèmes. Néanmoins j'espère toujours me retrouver par miracle devant un journaliste conciliant.

L'espoir fait vivre comme on dit.

Je frappe à la porte d'une main ferme et tourne la poignée. Une journaliste m'attend déjà et se lève à mon entrée.

- Mademoiselle Johnson nous honore enfin de sa présence !

Je déglutis péniblement, m'avance vers elle puis serre la main qu'elle me tend. Elle me désigne le siège en face du sien et je m'y installe avec bonheur, plus à l'aise assise que debout. La journaliste me fait un sourire carnassier et dégaine son carnet maléfique et un stylo.

- Bien, nous allons pouvoir commencer.

Au moins, elle est directe.

- Depuis votre arrivée au palais, impossible de mettre la main sur vous... vous semblez éviter les journalistes autant que possible je me trompe ?

Je maintiens mes mains sur mes genoux, m'empêchant une énième fois de faire tourner mes bagues et croise les jambes.

- Vous ne vous trompez pas. Je n'aime pas beaucoup qu'on me pose des questions personnelles, dis-je froidement.

La journaliste me regarde longuement d'un regard pénétrant, presque dérangeant et note quelque chose sur son carnet avant de relever les yeux vers moi.

- Je vois... alors pourquoi s'inscrire à la sélection ? Compétition où vous êtes amenée à vous dévoiler...

Je réfléchis un moment et reprends d'une voix assurée mais cependant très froide.

- Je ne vois pas la sélection comme une compétition mais plutôt comme une aventure humaine, dis-je en esquivant sa question. Cependant j'avais envie de secouer les mentalités avant tout et pour être complètement honnête, j'avais besoin d'argent. Ma mère est malade et j'ai une sœur et un frère.

La journaliste lève un sourcil en ma direction :

- Vous avez participé à la sélection pour de l'argent ?

Voila pourquoi je hais les journalistes.

Je lève les yeux au ciel et ne peut contenir un certain agacement lorsque je lui réponds :

- Je n'ai jamais dis ça. J'ai simplement dit que cela tombait bien. Ce n'est pas parce que je suis une six que je suis prête à tout pour de l'argent.

- Bien entendu, dit-elle en gardant les yeux rivés sur ses notes.

Elle relève les yeux vers moi et pose son stylo sur ses genoux.

- Maintenant de vous à moi, comment votre relation avec le Prince évolue t-elle ?

Un peu déroutée par ce changement de sujet soudain, je mets un moment à répondre :

- Bien j'imagine... nous apprenons à nous connaître tout simplement.

La journaliste acquiesce pensivement et reprend son stylo.

- Pourtant rester dans la compétition à ce stade nécessite d'avoir une bonne relation avec le Prince. Pas de baiser ou... plus ?

Ma bouche s'ouvre toute seule et je reste dans l'incapacité de la refermer. Je finis par m'exprimer avec colère et sans peser mes mots, n'en ayant plus rien à faire des conseils de Lemi Sha ou des bonnes manières.

- Non il ne m'a pas sauté c'est ce que vous demandez. J'en ai un peu marre de vos insinuations, d'abord j'ai intégré la sélection pour l'argent et ensuite je couche avec le Prince pour y rester ? Vous me prenez pour qui exactement ?

Je dévisage la journaliste avec colère alors qu'elle ouvre de grands yeux éberlués.

- Je... ne fais que poser des questions.

- Des questions déplacées. Je sais qu'une six à ce stade de la compétition c'est plutôt rare mais le Prince Carter est quelqu'un de bien qui n'a pas de préjugés sur nous.

La journaliste me fixe un moment et continue de noter dans son carnet ce qui a le don de m'énerver. Il y a des cameras qui filment l'interview, il est donc parfaitement inutile de prendre des notes.

- Visiblement, répond-t-elle soudain plus prudente. Parlons d'un sujet qui vous accommodera peut-être moins... le départ du Prince ce matin vous dérange t-il ? Après tout quitter le palais durant la sélection ne facilite pas vos échanges.

Même si sa voix est teintée d'ironie, je vois bien qu'elle marche sur des œufs. Mon petit coup d'éclat aura fait son effet.

- Pas le moins du monde. Il a des devoirs à accomplir, dis-je plus sereinement. Ce que je comprends tout à fait.

La journaliste acquiesce et poursuit son interview, visiblement pressée d'en finir.

- En regardant l'ensemble de votre parcours jusqu'à aujourd'hui en êtes vous satisfaite ?

Je hausse les épaules et pèse le pour et le contre en repassant dans ma tête les moments forts depuis mon départ.

- Oui je crois... dans un sens j'ai pu faire entendre mes idées, rencontrer des gens exceptionnels et tisser des liens avec eux mais dans un autre je me dis que je n'ai encore rien changé et que la mentalité des gens n'évolue pas ou du moins pas vraiment. C'est donc un demi oui.

La journaliste approuve et prends de dernières notes avant de se lever et de me tendre sa main.

- Merci pour vos réponses et passez une bonne journée.

Je serre la main de la journaliste un peu trop fort et quitte la pièce sans plus de cérémonie. Je suis furieuse. Cette interview est un désastre et Lemi Sha va vouloir ma peau.

Rien d'inhabituel en soit.

MARDI :

Engoncée dans une longue robe rouge à fourreau, je tente de faire bonne figure devant les photographes, distribuant quelques sourires que j'essaie de rendre naturels et même quelques signes de main. L'air est frais en ce début de matinée et je ressers les pans de ma cape noir en frissonnant.

Vivement que l'on entre.

Comme si Lemi Sha avait entendue ma prière, elle avance enfin et nous pénétrons dans le grand bâtiment accueillant les auteurs venus présenter leurs livres. Plusieurs familles sont déjà là, qu'elles soient nombreuses ou non, riches ou non, elles semblent toutes heureuses de nous voir, nous et les auteurs.

Les autres sélectionnées commencent déjà à s'éparpiller dans la pièce, tandis que j'observe le lieu sans trop savoir où aller. Il y a beaucoup d'auteurs présents dans la salle, quelques uns que j'apprécie mais je ne sais pas quoi leur dire ou alors j'ignore comment le formuler. Je reste donc bêtement statique au milieu de la salle en attendant que quelqu'un veuille bien m'adresser la parole.

Une petite fille blonde d'environ sept ans s'avance vers moi et me sourit de toutes ses dents. Elle ouvre de grands yeux écarquillés et me dit d'une voix douce mais cependant agitée :

- Tu es une princesse c'est ça ?

J'éclate de rire et secoue la tête.

Moi ? Une princesse ?

Je m'accroupis pour être à sa hauteur et la fixe dans les yeux.

- Non pas du tout. Et toi ? Tu en es une ?

L'enfant rit mélodieusement et secoue la tête elle aussi en faisant valser ses cheveux blonds. Je souris en pensant que ma sœur aurait sûrement eut la même réaction et lui souris.

- Je suis sûre que tu en es une, lui dis-je. Tu en as l'air du moins !

La petite fille ouvre la bouche pour répondre mais est interrompue par une grande main qui se pose sur son épaule. Je me relève pour faire face à mon nouvel interlocuteur qui n'est autre qu'un homme en costume cravate dans la fleur de l'âge. Je lui souris de manière un peu crispée et reporte mon regard sur la fillette.

- Elena... je t'avais pourtant dit de ne pas l'importuner, dit l'homme à l'intention de la blondinette.

La dénommée Elena regarde ses chaussures et marmonne :

- Pardon papa...

Le père de l'enfant lève vers moi des yeux azur et me tends sa main.

- Richard Carlton, médecin à l'hôpital général d'Angeles, enchanté. J'espère que ma fille ne vous a pas trop dérangé, elle suit tous vos passages à la télé avec beaucoup d'enthousiasme.

Caste trois donc. Étonnant qu'il n'emmène pas sa fille le plus loin possible de moi, des fois que la pauvreté s'attraperait.

- Gabriella Johnson, femme de ménage, enchantée aussi. Dis-je un peu sèchement. Votre fille ne me dérange pas le moins du monde, à vrai dire que je suis même contente d'avoir quelqu'un à qui parler.

Si Carlton se rend compte de mon ton tout sauf amical, il ne m'en tient pas rigueur et me fait la conversation comme si de rien n'était :

- Ah bon ? C'est curieux... je vous trouve intéressante pour ma part.

Elena se lasse de la conversation et va rejoindre une femme au fond de la salle, sans doute sa mère.

Génial.

Ma seule alliée vient de m'abandonner.

- Intéressante ? C'est à dire ?

À vrai dire il devrait me haïr. Je fais la guerre aux castes supérieures depuis mon arrivée au palais et on peut dire que je ne fais pas dans la délicatesse.

- Disons que vous êtes susceptible de faire changer les choses. Vous avez un franc parler qui marque les esprits et vous osez dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Je suis moins fan que ma fille mais je dois dire que vous m'intriguez.

Je reste un moment interdite à le fixer sans comprendre.

Est-ce-qu'il me tend un piège ?

- Sans vouloir paraître impolie, vous devriez logiquement vouloir ma tête au bout d'une pique.

Carlton rit légèrement en secouant la tête.

- Loin de là... la seule chose que je pourrais vous reprocher ce sont vos propos trop extrémistes. À vous entendre nous sommes tous des monstres alors que je suis autant piégé que vous par ce système de caste... qui vous dit que je voulais devenir médecin ? Ma fille veut devenir danseuse, elle ne pourra jamais. Vous comprenez ?

Je hoche la tête avec lenteur, mon cerveau tournant à vive allure.

- Je comprends... et je m'excuse. J'essaierai de prendre vos propos en considération lors de mes futures prises de parole.

Carlton approuve en me regardant dans les yeux et il me semble un moment qu'il sonde mon âme. Il se détourne de moi visiblement satisfait et rejoint sa famille.

Après cette rencontre aussi enrichissante que perturbante, je passe mon temps à discuter littérature ou politique avec ceux qui viennent à moi. Je dois dire que parler avec des gens de sujets que j'aime autant me rend particulièrement heureuse. Voir que l'on m'écoute aussi je dois dire.

J'ai présenté Les Misérables de Victor Hugo, évidemment je me devais de choisir un livre qui représente mes opinions et celui là semblait parfait. J'ai insisté sur les thèmes abordés et sur les fait que malgré son âge, ces derniers sont toujours d'actualité. J'ai vu quelques sourcils se froncer au cours de ma présentation mais globalement elle s'est bien passée.

Nous sommes rentrées au palais alors que la nuit commençait à tomber, j'ai perdu ma cape en cours de route et mes chaussures que j'ai été contrainte d'enfiler me torturent les pieds depuis un bon moment. C'est donc avec plaisir que je les retire une fois dans ma chambre.

Je commence sérieusement à douter de ma capacité à survivre à cette semaine.

MERCREDI :

Aujourd'hui, je m'improvise apprentie cuisinière.

Je cuisinais souvent à la maison puisque ma mère ne pouvait plus le faire. Néanmoins je ne variais jamais vraiment les plats puisque mon frigo était la plupart du temps toujours vide.

Je suis tirée de mes pensées par la voix du présentateur qui nous demande de choisir le candidat que l'on assistera lors de cette émission spéciale. Je balaye la salle du regard et tombe sur une petite brune au fond de la salle, fluette et réservée elle ne semble pas avoir l'âme d'une chef mais j'ai curieusement foi en elle. Je la désigne donc comme ma candidate et m'installe à ses côtés.

L'épreuve passe à une vitesse folle, nous multiplions les préparations et j'ai à peine le temps de discuter avec ma coéquipière. J'apprends seulement qu'elle s'appelle Ruby et qu'elle vient de Waverly. Notre plat est jugé et visiblement apprécié puisqu'il permet à Ruby de continuer l'aventure. À la fin de l'émission je prépare un plat d'enchiladas au poulet en précisant que c'est une recette de famille avec un ingrédient secret que je ne donne pas. Je tente de rester souriante tout au long de la préparation ce qui me coûte énormément surtout que le présentateur m'énerve incroyablement. Je finis par réussir à préparer mes enchiladas sans lui envoyer le plat à la figure et commence à me dire que je vais peut être réussir finalement à survivre à cette semaine sans tuer personne.

JEUDI :

Après avoir passé la journée à jouer avec Tigrou et à lire des livres, une lette de Kate m'a été apportée :

"Très chère Gabriella,

Navrée de te répondre si tard, m'occuper de ta famille et gérer mon agence en même temps n'est pas une mince affaire.

Tout va bien au palais ? Tu n'as pas de nouveau insulté le Prince ? Son départ te dérange ?

Pardon je pose trop de questions mais j'ai vraiment envie d'en savoir plus sur ta vie au palais, tu nous en dis tellement peu ! Tu es aussi muette que lorsqu'il s'agit de parler de tes sentiments !

Ta mère dit que tu es amoureuse... ne me frappe pas mais je suis d'accord avec elle.

Jane aussi. Tu lui manques

Même si elle veut toujours ta peau pour la robe de princesse bleue, depuis elle veut absolument venir habiter au palais avec toi.

D'ailleurs nous avons reçu tes poulpes ! Ils sont vraiment adorables et ils m'enlèvent un poids je dois dire. J'ai déjà une chose de moins à faire.

Ta mère respire mieux grâce à son traitement et nous pensions vraiment que son état s'améliorait mais les médecins ont trouvé d'autres métastases dans la thyroïde entre autre...

Je te tiens au courant régulièrement de sa santé en espérant que tu n'aie pas à te déplacer.

Essaie de ne blesser personne et n'oublie pas que nous regardons tous les Bulletins, tiens toi bien.

Affectueusement,

Kate."

Affalée sur mon lit je ferme un instant les yeux après avoir lu les dernières lignes.

Oui, espérons que je n'ai pas à me déplacer.

VENDREDI :

Je brille.

Encore une fois, je brille.

Et je dois dire que je ne m'y habituerai jamais.

Fidèle à elle-même, Miranda a encore créer une tenue unique à l'image d'un échiquier pour rappeler la passion que je vais présenter ce soir. La robe est composée d'un bustier noire parsemé de sequins et d'une longue jupe à carreaux noire et blanche. Une rose rouge est coincée dans ma ceinture et la jupe est entièrement recouverte de paillettes, blanches pour les cases de cette couleur et noires pour les autres. À vrai dire même si cette tenue est magnifique, je n'ai pas vraiment la tête à ça. L'état de santé de ma mère m'inquiète beaucoup et cette semaine était des plus éprouvantes. Devoir faire semblant m'a fatigué bien plus que ce que j'aurais pu penser et nous n'avons aucune nouvelle du Prince depuis son départ ni de ce qu'il se passe là-bas. Et je donnerai cher pour savoir.

- Tu ne peux vraiment rien nous dire ? Me demande Hannah en plantant toutes sortes d'épingles dans mon chignon haut.

Je soupire une énième fois face à cette question.

- Non ! Vous saurez bien assez tôt !

Hannah soupire et continue la lourde tâche qu'est celle de me coiffer en plantant une autre rose dans mes cheveux.

- T'es vraiment pas marrante...

Miranda déboule dans la salle de bain comme une furie :

- Franchement, pourquoi on se fait chier à essayer de te rendre potable ? Le Prince n'est même pas là ! Si ça ne tenait qu'à moi tu irais sur ce plateau en pyjama...

Me rendre "potable".

Sympathique.

- Non, dis-je simplement. C'est justement ce soir qu'il faut que je sois éblouissante. D'ailleurs si vous pouviez masquer mes cernes je vous en serai grandement reconnaissante.

Miranda et Hannah se fixent un moment avec incrédulité.

- Masquer tes... mais... balbutie Hannah.

Miranda pose ses mains sur mes joues et me force à la regarder dans les yeux.

- Qui êtes vous et qu'avez vous fait de notre amie ?

***

J'ai encore plus le trac pour ce Bulletin que pour les précédents.

J'ignore pourquoi, peut-être parce que les enjeux sont plus importants aujourd'hui.

J'ai étonnamment bien vécu cette semaine, à part mon interview catastrophique tout s'est extrêmement bien déroulé et j'en viens à me demander si quelqu'un ne m'a pas jeté un sort pour me rendre docile.

Même si je doute que ce soit possible.

Installée au premier rang pour la première fois, je regarde les caméras tourner avec curiosité.

Ou alors peut-être que ce sont elles qui me changent.

Je réprime une moue dégoûtée. Cette perspective ne m'enchante pas mais il faut reconnaître que je n'ai pas été moi-même cette semaine, et ça me déplaît beaucoup. Il est vrai qu'étant donné les circonstances ce n'était clairement pas le moment de me rebeller mais cette semaine avait pour but de dévoiler qui nous sommes et je n'ai pour ainsi jamais été autant quelqu'un d'autre que durant cette semaine.

Lorsque mon nom est appelé, j'inspire un grand coup et me lève gracieusement.

Tout va bien se passer.

Les Bulletins ne se passent jamais bien mais là ça va aller.

J'avance vers Elton et m'assois dans le siège en face de lui en jetant un coup d'œil paniqué à Lemi Sha. Un échiquier m'est très vite apporté et Elton commence à me parler.

Seulement les mots ne parviennent pas jusqu'à mes oreilles.

À vrai dire je n'entends plus rien, je suis tout bonnement seule sur ce plateau avec cet échiquier qui m'oppresse incroyablement.

La main d'Elton vient se poser sur mon bras et me ramène d'un coup à la réalité, je le regarde avec des yeux écarquillés et m'exclame sans que je puisse m'en empêcher :

- Ce n'était pas moi.

Cette fois, il n'y a vraiment plus aucun bruit sur le plateau.

Je m'empresse de me justifier sous les regards médusés de l'assemblée :

- Cette semaine... enfin il faut que vous le sachiez, ce n'était pas moi.

Elton hausse un sourcil interloqué, se demandant sûrement ce que je suis en train de faire à son Bulletin et me demande sur un ton suspicieux :

- Soyez plus précise...

- Eh bien...

Je balaie un moment la pièce du regard en essayant de trouver dans un coin ce que j'essaie de faire et me lance dans enfin :

- Mon interview était une catastrophe, la journaliste s'est montrée irrespectueuse et je n'ai pas su garder mon calme. J'ai présenté Les Misérables au salon du livre alors que j'aurai pu davantage prendre de risque en mettant en lumière un des nombreux livres censurés par la monarchie, dis-je en déglutissant difficilement. L'émission culinaire a été un supplice, j'ai trouvé le présentateur horrible et j'ai transformé la recette de ma mère pour qu'elle soit plus américaine.

Je ferme un moment les yeux, rouge de honte et secoue la tête.

- C'était idiot... et je voulais simplement vous dire que je suis désolée. Je n'ai pas à avoir honte de moi, de mon caractère et de mes origines mais je n'ai pas non plus à agresser les journalistes lors des interview.

Je regarde l'échiquier d'un œil morne et lui adresse un sourire triste en désignant ma robe.

- Miranda a fait un travail magnifique avec cette robe mais... elle est de trop. Tout comme cet échiquier. J'adore les échecs mais je n'ai pas besoin d'eux pour vous montrer à tous que je suis quelqu'un d'intelligent... c'est ridicule. À la place je vais vous parler d'une autre passion, dis-je d'un coup beaucoup plus joyeuse.

Elton, visiblement épuisé par mes longs discours ennuyeux et par mes changements d'idées, acquiesce sans énergie.

- Nous vous écoutons.

Je fais un grand sourire sincère aux caméras et rougis un peu en disant à voix haute ce que j'ai en tête :

- Les autres.

Je me rends compte de la niaiserie de mes paroles que lorsque je les prononce et me mets à bafouiller un peu avec de pouvoir faire une phrase correcte :

- Je pense que j'ai toujours profondément aimé les autres qu'ils soient huit ou deux. La nature humaine est vraiment très intéressante... je crois que je l'avais un peu oublié récemment. J'étais une petite fille très joyeuse... c'est ma condition de six qui m'a rendu aussi aigrie.

J'inspire un moment :

- Je pense d'ailleurs que je dois des excuses aux castes supérieures. Je me suis comportée comme une conne il n'y a pas d'autre mot et je m'en excuse sincèrement.

Je regarde l'échiquier un moment et sourit en voyant qu'il me reste encore une quinzaine de minutes. Je me lève et dispose les pièces sur l'échiquier en vitesse et aboutit rapidement à un mat au bout d'une dizaine de minutes de jeu.

- Je me sentais coupable d'avoir fait installer cet échiquier pour rien, dis-je en guise d'explication.

Plutôt fière de moi, je quitte le plateau un sourire aux lèvres.

Je suis tout de même beaucoup plus douée pour ça.

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