Devoir n°7 : Gabriella Johnson


JEUDI :

Je n'y comprends plus rien.

Moi et toutes les autres sélectionnées avons passé ce début de semaine à s'ennuyer royalement, les cours d'étiquettes rythmant malheureusement nos quotidiens ainsi que d'autres activités futiles auxquelles je n'accorde pas plus d'importance. Malgré tout, je n'ai jamais eu autant de temps libre depuis des lustres, c'est donc un plaisir de pouvoir réveiller d'anciennes passions et d'en découvrir de nouvelles.

Comme les échecs par exemple.

J'ai fait monter un échiquier de toute beauté dans ma chambre mardi, j'y jouais très souvent lorsque j'étais enfant. Malheureusement une six n'a pas à se préoccuper de telles choses, il a donc fallut que cela cesse. De toute façon je n'aurais pas eu le temps de continuer.

Mais maintenant, je suis libre !

C'est donc avec joie que ces derniers jours j'ai consacré deux à trois heures par jour de mon temps aux échecs.

Et au tricot.

Dans sa dernière lettre, Kate m'informait que ma mère allait mieux et que mon frère et ma soeur se portaient à merveille. Jane a été ravie de me voir dans une robe de princesse et rêve d'avoir la même en miniature.

Mais ce n'est pas tout.

Ma très chère sœur s'est récemment prise d'une passion inexplicable pour les poulpes. Pourquoi les poulpes et pourquoi maintenant ? Je n'en sais rien, c'est ma sœur nous avons les mêmes gênes. Cette explication suffit amplement.

Malheureusement Kate n'a pas pu lui procurer un doudou à l'effigie de son animal favori, tout simplement car aucune petite fille au monde ne veut un poulpe pour doudou.

Comme je suis une grande sœur parfaite, je me suis donc mise au crochet qui est ma découverte de la semaine. Ellen et Miranda me l'ont enseigné et je suis désormais assez habile de mes mains pour fabriquer d'adorables petits poulpes colorés. J'étais si contente de ma production que j'ai recommencé une bonne douzaine de fois, ce qui fait que je suis désormais l'heureuse propriétaire de douze poulpes de toutes tailles et de toutes couleurs. J'en ai déjà donné trois à Miranda, Ellen et Hannah, je vais aussi en envoyer deux à Jane et à Andrew sous peu de temps, peut-être deux autres à Kate et à ma mère, en donner deux aux jumeaux princiers si j'arrive à mettre la main sur eux et peut-être même en offrir un au Prince si je le croise dans un couloir.

Et même après ça, il m'en reste encore deux.

Je vais sûrement mourir étouffée sous les poulpes colorés.

J'ai aussi profité de tout ce temps pour lire, écrire à Kate, faire du sport dans les jardins et sympathiser avec le personnel du palais, surtout celui des cuisines je l'avoue.

Quoi ? J'ai toujours faim la nuit.

Plusieurs journalistes sont venus me parler, je n'ai répondu à aucune question. Je ne leur accorde aucune confiance et je préfère cent fois que l'on dise que je suis froide et malpolie que l'on déforme mes propos.

Ah ! Et bien sûr ! J'ai oublié Tigrou.

Ce petit chaton roux de la taille d'une carotte est apparut comme par magie sur mon balcon et n'a plus voulu nous quitter. Je n'ai pas osé demander s'il appartenait à quelqu'un au palais et de toute façon je m'en fiche, il est beaucoup trop mignon pour que je m'en sépare. Tous les soirs, je sacrifie donc une partie de mon précieux repas pour l'envelopper dans une serviette et l'offrir à Tigrou. Miranda et Hannah s'occupent du lait et de l'eau qu'elles "empruntent" dans la cuisine.

Bien évidemment, Ellen a refusé de participer à ce qu'elle appelle une rébellion et menace chaque jour de prévenir la gouvernante de notre petit secret.

Ce qu'elle ne fait jamais.

En bref, mes jours se coulent tranquillement, ma famille va bien et j'ai même un petit chat pour égayer mes journées !

Je n'ai pas été si heureuse depuis longtemps.

Mais aujourd'hui, tout a changé.

Lemi Sha est venue perturber ma tranquille petite routine peuplée de poulpes et de poils de chat pour nous donner tout un tas de choses à faire.

Comme si je n'étais pas déjà assez stressée à l'idée du Bulletin qui approche à grands pas.

J'ai donc rendez vous avec elle cet après midi pour analyser les images qui ont été prises de moi et mon passage au Bulletin et pour une seance photo officielle. Demain je devrais subir un cours de lecture classique, un autre de danse de salon et le jour suivant un cours d'équitation.

J'ai clairement envie de mettre fin à mes jours.

Le seul cours qui pourrait éventuellement me plaire serait celui de lecture classique, même si je sens que voir des gens me demander de lire des œuvres que je connais par cœur va fortement m'agacer. D'autant plus que j'ai passé une bonne partie de mon temps libre à lire des livres de fictions mais aussi d'histoire, de géographie ou de sciences. Je n'ai donc aucunement besoin qu'on vienne me demander de lire.

De plus, je soupçonne fortement la famille royale de nous cacher quelque chose. Le Roi et la Reine semblent exténués, les jumeaux sont aussi soupçonneux que moi et les rares fois où l'on croise le Prince, celui-ci a l'air extrêmement soucieux. Même le personnel semble se douter de quelque chose et sont visiblement bien mieux informés que nous.

Car évidemment, on ne nous dit rien.

Cette ambiance particulière depuis aujourd'hui a le don de m'user petit à petit, je déteste les secrets.

Mais malgré tout, je dois prendre sur moi.

C'est donc avec un sourire de façade que je me dirige vers le boudoir, endroit que j'apprécie tout particulièrement, d'un pas déterminé.

Lorsque j'apparais dans l'encadrement de la porte, Lemi Sha pousse un soupir en se frottant entre les yeux, avant de se redresser en frappant énergiquement dans ses mains.

- Mademoiselle Johnson s'il vous plaît !

Je m'avance en soupirant, consciente d'aller tout droit à la guillotine.

- Installez-vous s'il vous plaît, dit-elle en me désignant un fauteuil. Bon, commençons par le commencement.

Elle fait pause au moment où je sors de la limousine.

- Là. Vous faites une tête d'enterrement. Vous étiez photographiée dans la cadre de la Sélection pour la première fois, et vous ne leur avez pas offert un seul sourire ! Et ne parlons pas de la façon dont on a dû vous pousser sur l'estrade ! D'ailleurs si j'avais sous la main cet incompétent qui ne sait pas faire preuve de délicatesse, marmonne-t-elle entre ses dents. Enfin, toujours est-il que vous auriez dû sortir de cette voiture bien droite, avec un beau sourire et vous diriger élégamment vers l'estrade.

- Excusez moi, dis-je avec sarcasme. Je n'étais pas vraiment d'humeur à mentir aux gens.

- La question n'est pas de mentir aux gens, la question est de bien présenter. N'oubliez pas que vous êtes la potentielle future reine. Pensez-vous vraiment que notre reine serait écoutée si elle faisait toujours la tête ? Non. Il faut montrer un minimum que vous aimez votre peuple. Sourire semble la moindre des choses. Et pour votre posture, c'est davantage pour clouer le bec à tout ces deux qui vous attendent au tournant, et qui ne souhaitent que vous voir confirmer leur préjugés. Si sourire vous semble si difficile, pensez donc à la tête que feront tout ceux que vous n'aimez apparemment pas quand ils verront qu'ils n'ont rien à redire sur votre comportement.

- Et pensez vous vraiment que la future reine serait écoutée si elle ment sur la façon dont elle se comporte ? Vous pensez vraiment que si je me transforme en petite bourgeoise bien éduquée qui ne fait aucune vague je m'attirerais la sympathie des castes supérieures ? Jamais. Ils me verront toujours comme la six qui nettoyait leur carrelage. Autant rester moi-même non ? Je n'avais pas envie de sourire parce que j'étais triste. Je ne me forcerai pas.

Lemi Sha étouffe un soupir et se renfonce dans son siège.

- Parce que vous pensez réellement que la Reine est toujours de bonne humeur ? Qu'elle n'a aucun soucis ? Évidemment qu'elle doit se forcer à sourire parfois...

Elle s'arrête et hésite une seconde.

- Nous n'avons pas le temps de débattre de ça. Je vous donne des conseils, libre à vous de ne pas les suivre. Continuons.

Elle avance un peu dans les images, jusqu'au discours du maire.

- Je vais vous dire que vous avez l'air complètement hagarde, mais j'imagine que cela vous est égal aussi. Cependant, vous auriez au moins pu écouter le discours du maire de votre ville... Bref. Elle passe directement au discours de Gabriella.

- Je suis mitigée à propos de votre discours. Vous avez ouvertement provoqué les Castes supérieures ce qui, vraiment, n'est pas conseillé. Ils font autant partie du peuple que les autres, et ils peuvent davantage vous nuire. Cependant, le fait que vous leur ayez immédiatement rappelé que vous n'êtes plus une Six dont ils peuvent disposer à leur guise... Ce n'est pas mal disons. Et, clairement, le message que vous avez fait passer aux castes les plus basses vous aura fait gagner leur sympathie, et leur aura donné du rêve. Vous n'êtes donc pas un cas désespéré.

Elle secoue la tête avec désapprobation au moment où l'on retire le micro à Gabriella.

- Oh, et cet homme n'avait aucun droit de vous enlever le micro. Je ne vais pas vous conseiller de faire un scandale la prochaine fois que cela arrive, mais sachez que vous êtes tout à fait en droit de répliquer - sauf s'il s'agit d'un membre de la famille royale. Mais, pour cette fois, cela valait peut-être mieux. Dire aux castes les plus hautes que vous pouvez revendiquer vos opinions, c'est bien. Mais n'allez pas non plus leur déclarer la guerre.

Je soupire et hausse les épaules.

- J'ai l'impression d'être totalement dépassée par tout ce qui se joue autour de moi. Je ne veux causer du tort à personne... j'imagine... mais j'aimerais seulement que certaines choses changent. Et je sais que je suis un peu trop... impulsive dis-je en regardant mes mains. Mais il faut comprendre que c'est la première fois qu'on me donne la parole, j'essaierai d'appliquer vos conseils, dis-je d'une petite voix.

Un peu surprise, Lemi Sha s'adoucit.

- Bon... Je vais vous essayer de vous donner quelques autres conseils, et peut-être vous aideront-ils à faire bouger un peu les choses.

Elle avance jusqu'au premier Bulletin.

- Je remarque déjà que vous vous êtes améliorée sur votre posture. Cependant, était-il vraiment nécessaire de fusiller du regard les gens présents dans la salle ?

J'ouvre la bouche puis la ferme pour finalement la rouvrir.

- Je... probablement pas.

La petite Gabriella furieuse dans ma tête tape du pied en me foudroyant du regard comme je l'ai fait lors du bulletin mais je fais de mon mieux pour la faire taire.

Lemi Sha a un petit sourire en coin, sans doute satisfaite de me voir la bâillonner.

- Ce serait bien de ne pas recommencer. Ensuite...

Elle avance un peu.

- Il va falloir être plus réactive lorsqu'Elton vous appellera, où les journaux les moins professionnels auront tôt fait de vous qualifier de simple d'esprit.

Elle laisse quelques images défiler.

- Vous vous rattrapez relativement bien. Ce n'est pas mal d'avoir avouer quelques craintes, cela vous rendra plus humaine aux yeux du peuple. Ensuite, je n'ai rien contre un peu de franchise, mais... Le faire de manière aussi crue et vulgaire, clairement, il faudrait vous abstenir. Dire que vous pensiez que le Prince était, je cite, "un sombre connard imbu de lui-même" ! Le Roi a faillit s'étouffer ! Vous auriez pu le dire d'une manière un peu plus diplomate !

Je plisse les lèvres, mords ma joue à m'en faire saigner mais rien à faire, je ne peux m'empêcher d'éclater de rire sans pouvoir m'arrêter. Entendre mes mots dans la bouche de Lemi Sha c'est juste... Beaucoup trop comique pour mon pauvre cœur. J'essaie de me calmer mais il suffit que je croise le regard de Mlle Sha pour replonger. J'essuie mes larmes d'hilarité et déclare à bout de souffle.

- Oui peut-être. Désolé.

Je mords ma lèvre en repensant à ce que j'ai dit. J'ai vraiment traité le Prince héritier d'Illea de connard prétentieux au Bulletin. Je ne sais toujours pas comment je réussis à ne pas me faire renvoyer.

Elle lève les yeux au ciel, légèrement amusée.

- Cela vous fait peut-être rire, mais j'espère que vous vous rendez bien compte que vous avez gravement enfreint le protocole. Bon, ne recommencez pas s'il vous plaît, ou un de nos conseillers vont faire une attaque. Bon, au moins vous avez dit quelques compliments ensuite. Fidèle à vous-même, vous avez lancer une bombe. Mon Dieu les cheveux blancs que vous m'avez fait avoir lors de ce bulletin !

Elle se frotte les yeux.

- Vous participez à votre premier événement officiel, et vous critiquez la façon de diriger de Leurs Majestés, devant elles et tout le peuple d'Illéa ! Je n'ose imaginer ce que vous auriez pu dire si Elton n'avait pas embrayé sur un autre sujet !

Elle croise les jambes et s'enfonce encore dans son siège.

- Vous me posez une colle, vous savez ? D'un côté, je voudrais vous supplier d'attendre quelques semaines avant d'exprimer clairement vos opinions, histoire que le peuple vous apprécie et vous écoute vraiment. D'un autre côté, vu que vous avez agit ainsi dès le début, n'est-il pas déjà trop tard ? Vous pourriez passer pour une hypocrite et décevoir ceux qui vous soutiennent déjà.

Elle ferme les yeux un instant.

- Comme je ne doute pas que vous récidiviez, tâchons de faire en sorte que vous fassiez ça bien. Elle se lève et imite ce qu'elle dit. -Quand vous vous exprimez, tenez vous bien droite, les épaules en arrière, sans paraître pour autant coincée ou fixe. Tachez de ne pas jouer avec vos mains, gardez les devant vous ou sur le pupitre s'il y en a un. Gardez la tête haute, parler d'une voix forte, et n'ayez aucune hésitation. Si vous avez besoin de réfléchir une ou deux secondes, ne cherchez pas à combler le silence à tout prix. Pas de "euh" ou que sais-je. Restez silencieuse, et reprenez avec un ton assuré. Enfin...

Elle se rassit.

- Vous voulez faire bouger les choses, soit. Mais ne considérez pas les castes les plus hautes comme l'ennemi à abattre. Il vous faut les convaincre, eux-aussi. Exposez vos idées, montrez leur éventuellement leur tords, mais ne les agressez pas. Ils ne sont pas tous horribles. Certains sont de votre côté, d'autre ont seulement besoin qu'on leur ouvre les yeux.

Tout au long de son monologue, j'approuve et prends même quelques notes sur ma main. Il faut avouer que ses conseils sont bons à prendre, surtout que je ne sais jamais comment agir en public.

- J'essaierai, c'est promis.

Il est vrai que j'ai toujours mis les castes deux dans le même sac, j'ai sans le vouloir fait exactement la même chose qu'ils m'ont toujours fait subir. Je soupire longuement, range le stylo que j'ai utilisé dans mon décolleté, bats des cils et dis d'une petite voix :

- Vous ne m'en voulez pas trop alors ?

Elle lève de nouveau les yeux au ciel, mais avec un franc sourire aux lèvres cette fois.

- Allez, filez ! J'ai encore beaucoup de travail !

Je me lève et lui envoie un baiser et un clin d'œil en riant et quitte la salle. J'imagine que je suis en quelque sorte son Nemesis. Son éternel problème.

Je crois que ça me plait bien.

De très bonne humeur après ma rencontre avec Lemi Sha, je trottine gaiement dans les couloirs du palais avec pour but de regagner ma chambre. Je me laisse même aller à me créer un parcours avec les motifs du carrelage au sol. Marchant une fois sur le carreau blanc, une fois sur le noir et ainsi de suite. Très concentrée par ma tâche, je percute sans le faire exprès quelqu'un. Je me confonds en excuse et relève la tête, croisant ainsi le regard préoccupé du Prince.

Oh.

Misère.

Brusquement sortit de ses pensées, le Prince baisse les yeux sur moi pour s'excuser et croisant mon regard, s'empresse d'effacer toute préoccupation de son visage.

- Mademoiselle Gabriella ! Excusez-moi, je ne vous avez pas vu. Je ne vous ai pas fait mal ?

Je secoue la tête vivement.

- Pas du tout. Excusez moi, c'est de ma faute je ne regardais pas où j'allais, vous allez bien ? Vous sembliez soucieux...

Finalement je suis contente de l'avoir percuté. Je vais peut être pouvoir obtenir quelques réponses concernant les récents changements d'attitude de tout le monde ici. Je n'ai pas envie de lui causer du tort, mais j'aimerais vraiment en savoir plus.

Il lève la main pour se frotter la nuque, puis se ravise, se rappelant ma remarque lors de notre précédent tête à tête. Il a un sourire.

- Tout va bien, simplement une réunion un peu plus houleuse que d'habitude. Et vous, comment allez-vous ?

- Vous avez failli le refaire ! M'écriai-je. Vous savez ce truc avec votre nuque ! Ça veut dire que vous êtes gêné ! Ou mal à l'aise ! Il y a quelque chose qui ne va pas. Poursuis-je très sûre de moi. Et je découvrirai ce dont il s'agit soyez en sûr. Moi en tout cas je vais bien, je viens de me faire sermonner par Lemi Sha dis-je en mimant de maniere comique une pendaison. Il se figea sous l'accusation mais sourit tout de même.

- Ça a été si terrible que ça ?

Je ris, tentant de le décoincer sans trop y arriver. Je vois bien que le Prince est sous pression, seulement je ne vois pas comment je pourrais l'aider et cela me contrarie bien plus que nécessaire.

- Non pas vraiment. Elle n'est pas si terrible au fond... je pense juste qu'il va falloir me tenir à carreaux pour la ménager un peu !

- Allons, elle s'occupe de mon frère et de ma sœur, vous ne devez pas lui faire tant de soucis que cela en comparaison ?

Je réfléchis un instant.

- Je ne sais pas trop... je crois que nous sommes une bonne équipe quand il s'agit d'embêter Mlle Sha.

Il éclate de rire.

- La pauvre... Ne la malmenez pas trop, je ne suis pas sûr qu'on en trouve une autre qui puisse vous gérer tout les trois !

- C'est promis, dis-je en riant moi aussi. Je vais faire de mon mieux pour la préserver... du moins quelques temps... pas trop longs j'espère.

Je pense soudain à Tigrou et demande au Prince :

- Dites... vous avez encore beaucoup de choses à faire ? J'imagine que oui mais c'est juste pour être sûre.

- Quelques dossiers à régler sur le feu. Pourquoi cela ?

- Vous ne pouvez pas fuguer quelques instants ? J'ai quelque chose à vous montrer.

Le Prince hésite, son regard allant de mon visage au couloir, sans chercher à se retenir de faire son tic. Finalement, il hausse les épaules avec un sourire.

- Pourquoi pas ? Le palais ne devrait pas s'effondrer si je m'absente quelques minutes.

- Effectivement ! Et si c'est le cas j'en assume l'entière responsabilité.

J'attrape sa main sans réfléchir à mon geste et l'entraîne dans le couloir à grande vitesse, ne prenant toujours pas la peine de réfléchir aux convenances et au fait que, peut être, le Prince ne devrait pas être vu en train de courir accroché à une des sélectionnée. Je nous entraîne ainsi jusqu'à ma chambre dont la porte n'est pas verrouillée et entre d'un coup. Ellen qui était en train de tricoter un autre petit poulpe le lâche d'un coup et s'incline aussi bas que possible en voyant le Prince.

- Votre Altesse ! Dit-elle en se recoiffant. Pardonnez moi cette intrusion j'ignorais que vous alliez rendre visite à Gabriella je...

Je pose une main sur son épaule en riant.

- Ne t'inquiète pas, il l'ignorait aussi.

Le Prince lâche un petit rire.

- En effet, et j'ignore toujours ce que je fais là.

- Oui ! M'écrié-je comme si je me rappelais effectivement de sa présence.

Ellen me regarde, regarde le Prince et me dis d'une petite voix au bord du chuchotement comme si notre invité allait nous invectiver dans la minute qui suit.

- Tu es sûre que je ne devrais pas partir ?

Je lui fais signe que non et désigne le Prince.

- Mais non c'est bon c'est que...

- Carter Schreave, le Prince héritier du pays dans lequel on vit, dit-elle sur un ton moralisateur en me faisant les gros yeux.

Je hausse les épaules.

- Et alors ? Le pauvre il a peut-être envie qu'on se comporte normalement avec lui ! En plus on a pas de temps à perdre ! Je voulais lui parler de Tigrou.

Ellen ouvre des yeux immenses et les dardent sur moi comme si j'allais faire la plus grande connerie de toute ma vie. Sans y tenir compte je contourne mon lit, me baisse, et attrape un petit chat roux qui se niche sous ma table de chevet depuis maintenant quelques jours. Je le tiens contre moi et m'approche du Prince.

- Voici Tigrou ! Il est apparu dans ma chambre mardi et depuis il ne nous a pas quitté ! Nous le gardons un peu jalousement je l'avoue depuis tout ce temps là et nous aimerions savoir s'il appartient à quelqu'un au palais et si ce n'est pas le cas... pouvons nous le garder ? S'il vous plait ! Je sais que si je demande à Mlle Sha elle dira non...

Croisant les yeux du chaton, le regard du Prince s'adoucit.

- Apparut vous dites ?

Il observe le chaton, cherchant sûrement à savoir s'il l'a déjà vu ou non, avant de secouer la tête. 

- Je n'ai pas le souvenir de l'avoir déjà vu.

Il réfléchit encore, avant de hausser les épaules.

- Je ne vois pas d'inconvénients à ce qu'il reste. Le nourrir ne sera pas difficile, et nous aurons simplement à commander un couffin, un arbre à chat et quelques jouets... Ça ne devrait pas poser problème. Cependant, cela vous dérangerait-il de le garder avec vous, le temps que nous nous procurions tout ça et que je plaide sa cause auprès de mes parents et de la gouvernante ?

J'explose littéralement de joie en serrant Tigrou contre moi.

- Oui bien sûr ! Avec plaisir ! Merci beaucoup !

Je lève mon point en l'air vers Ellen en signe de victoire et sautille dans ma chambre comme une hystérique. J'embrasse le haut du crâne de Tigrou et le repose sur mon lit. Celui-ci se recouche sans doute extrêmement fatigué de son petit tour de manège dans mes bras.

- Merci encore, dis-je en me retournant vers le Prince. Il ne fera pas de problèmes c'est promis.

Je me dirige ensuite vers mon bureau où sont entreposés tous les petits poulpes colorés tricoté durant ces derniers jours et en attrape trois. Un violet, un bleu et un rouge. Je les tends au Prince en m'expliquant :

- Le violet est pour Mary, le bleu pour Matthew et le rouge pour vous. Je ne savais pas quelle était votre couleur préférée alors j'ai improvisé ! Je n'ai pas réussi à les donner à Mary et Matthew plus tôt puisqu'ils semblaient très occupés à découvrir un secret de grande importance. J'espère que vous pourrez leur donner.

Le Prince sourit devant mon enthousiasme. Lorsque je lui tends les poulpes, il semble particulièrement surpris, puis heureux.

- C'est très gentil, merci beaucoup ! Je vais remettre le leur à Mary et Matthew moi-même.

Il se mit à admirer le sien un moment avec un grand sourire. Soudain, il papillonna des yeux, se rappelant de ses obligations. Il se racle la gorge.

- Je vous remercie pour votre cadeau, je l'aime beaucoup. Cependant, je crains de ne pas pouvoir rester plus longtemps avec vous...

Il est sincèrement désolé, et semble hésiter à partir.

- Je sais ! Ne vous inquiétez pas ! Le devoir vous appelle tout ça tout ça... bon courage du coup...

Je me balance un moment d'un pied sur l'autre, ne sachant trop quoi dire.

Il semble soulagé.

- Encore merci, dit-il en désignant les poulpes.

Il s'incline.

- Passez une bonne fin de journée, Mademoiselle Gabriella !

Lorsqu'il sort de la pièce, les cataclysmes Hannah et Miranda sortent de ma salle de bain pour venir hurler dans mes oreilles et celles d'Ellen qui elle-même, semble un peu perdue et déroutée par la venue du Prince.

- IL ÉTAIT LÀ !

- DANS CETTE CHAMBRE !

- LÀ OÙ JE SUIS !

- MON DIEU QU'EST-CE QU'IL EST BEAU !

Je plaque ma main sur la bouche de Miranda en lui faisant les gros yeux, le Prince vient de partir et il ne doit pas être bien loin. Je n'ai pas envie qu'il entende une de mes femmes de chambre beugler comme une chèvre qu'on égorge qu'il a un physique avantageux.

Ce qui est vrai soyons honnêtes.

- EN PLUS ON PEUT GARDER TIGROU ! Hurle Hannah.

Je jette l'éponge et m'écroule épuisée sur mon lit pendant que Miranda et Hannah sautent partout en s'extasiant sur les dents du Prince et leurs incroyables blancheur. Je jette un regard à Ellen qui me fixe d'un air vide :

- J'ai parlé à Carter Schreave...

Je souris.

Décidément, ce dernier a un effet incroyable sur la gente féminine.

***

Je n'en finirai jamais.

Après l'entretien avec Mlle Sha je dois à présent me faire mitrailler sous toutes les coutures par des photographes professionnels horriblement exigeants et fatigants.

Je m'installe donc sur une banquette et prends ma tête douloureuse entre mes mains, j'ai besoin de réfléchir à cette ambiance étrange qui règne sur le palais au calme et loin de cette dernière mais les secrets transpercent tous les murs. Ils m'étouffent littéralement.

Ce palais finira par me tuer.

- Hey.

Je redresse la tête et adresse un sourire contrit à Jeena.

- Salut.

- Tu as remarqué?

Je la regarde un instant puis fixe mes mains et soupire.

- Ouais... on peut dire ça. Tu as une idée de ce qu'il se passe ?

- Non. C'est pour ça que je viens te voir.

Je la regarde, contrite et hausse les épaules.

- Je n'en sais pas plus que toi. En tout cas je déteste ça c'est... je déteste ça c'est tout.

- C'est-ce que je veux dire. Il faudrait en savoir plus.

- Je sais mais je ne vois pas comment. Mais quelque chose me dit que toi oui...

- En effet. Tu t'y connais en excursions discrètes?

Je lui souris malicieusement.

- On m'appelle le ninja mexicain !

- Ah...Donc tu peux t'infiltrer avec un compagnon qui n'a jamais essayé dans des couloirs occupés par des gardes et des salles avec encore plus de gardes tout en ayant le courage nécessaire et en ne se faisant pas attraper sous peine d'être renvoyée voir pire?

- Bien sûr ! Un jeu d'enfant !

- Demain soir ?

- Parfait.

Nous nous disons au revoir et nous nous quittons sur ces mots, malheureusement interrompues par la séance qui commence.

Enfin quelque chose d'amusant.


VENDREDI :

- Tourne toi que je t'admire, création.

J'exécute les ordres de Miranda en levant les yeux au ciel.

- Ce soir, c'est opération "on emballe enfin ce foutu prince" me dit-elle en rajustant mon bustier et en faisant bouger ses sourcils de manière joueuse.

Je ne peux m'empêcher de rougir en levant une énième fois les yeux au ciel.

- Arrête un peu tes bêtises, lui chuchoté-je en priant pour qu'Ellen et Hannah n'aient pas entendu.

Elle me fait un clin d'œil appuyé et rejoint les autres dans la salle de bain me laissant ainsi tout le loisir de m'observer.

Ma robe est un véritable chef d'œuvre, Miranda est un génie. Le tissu de couleur beige se confond presque avec ma peau et est couvert de perles, broderies et strass qui réfléchissent la lumière pour un ensemble du plus bel effet.

Je brille littéralement.

Hannah est resté très sobre pour la mise en beauté qui s'accorde avec la robe, n'ayant fait que mon teint et maquillé mes paupières d'une fine couche d'ombre à paupière de la même couleur que ma robe. Mes cheveux ont été lâchés librement et cascadent sur mes épaules et mon dos sans aucune contrainte.

Curieusement, cette tenue est à la fois simple et sophistiquée. Sobre et exubérante.

J'adore.

- Prête ? Me demande Ellen en sortant de la salle de bain.

Je soupire. Ce Bulletin a des enjeux importants, je dois rectifier mon comportement sans changer ma manière d'être.

Et j'ai quelques comptes à regler.

- Pas le moins du monde.

***

Lorsque j'entre sur le plateau, j'aperçois Cassiopée assise dans un des rangs du milieu. Sans doute qu'il n'y avait plus de place devant.

Avec calme, je prends place à côté d'elle. Avant qu'elle ne puisse réagir et que les caméras ne s'allument, pendant que tout se met en place, je lui glisse à l'oreille. 

 - Bonsoir Cassiopée, calme toi tu peux continuer de respirer je viens presque en paix.

Elle me regarde du coin de l'œil et a un reniflement de mépris.

- Ce n'est pas comme si tu pouvais m'impressionner. Ne te donnes pas plus d'importance que tu n'en as.

Je lui souris alors que les caméras se mettent en route. Rester calme. - Sûrement, chuchoté-je sans lui jeter un regard. Je voulais juste te dire que je n'ai pas peur de toi. Je sais comment tu fonctionnes, et ce n'est pas en étant franche que je réussirai à te faire plier ou au moins à obtenir la paix, lui dis-je avec un sourire que j'essaie de rendre authentique. Tant que nous serons toutes les deux au palais nous devrons cohabiter, jusqu'à ce que l'une craque ou qu'elle se fasse renvoyer. Je voulais donc juste te dire que tu n'es pas la seule à savoir jouer à ce jeu, et que je peux être une adversaire redoutable.

Elle tourne vers moi une mine profondément ennuyée.

- Donc, tu viens m'ennuyer pour m'expliquer que tu ne m'ennuieras plus ? La prochaine fois, agis directement au lieu de venir me parler et me faire perdre du temps.

Je me retiens avec une peine immense de lever les yeux au ciel. Je parviens même à garder un visage neutre, plus vraiment souriant mais neutre.

C'est tout ce que je peux faire.

- Soit tu es complètement débile soit tu le fais exprès, lui dis-je d'une voix toujours aussi calme et maîtrisée. Je ne viens pas te dire que je ne t'ennuierai plus mais bien que je le ferai aussi sournoisement que toi lorsque tu m'as insulté la dernière fois. De plus c'est toi qui est venue m'ennuyer, très chère. Il aurait suffit que tu gardes ta langue de pute dans ta bouche et tout se serait très bien passé.

Je pose ma main sur son bras en lui souriant.

- Heureusement pour toi je dois absolument rester dans la compétition, je vais donc combattre la méchanceté... par la douceur. D'ailleurs cette caméra nous enregistre depuis le début du Bulletin et tu as l'air d'une horrible petite dinde arrogante qui repousse une autre sélectionnée sans aucune raison apparente.

Soudain, elle secoua son bras avec une expression de douleur et des yeux apeurés.

- Aïe ! Arrêtes de pincer, tu me fais mal !

Oh la garce.

- Oh excuse moi ! Je t'ai fait mal ? C'est à cause de mes ongles, dis-je en levant ma main manucurée devant ma tête. Ils sont devenus trop longs et je n'ai pas eu l'occasion de les casser en récurant quelque chose ! Je lui fais un clin d'œil et lui adresse un sourire.

De là où elle est, Lemi Sha leur fait les gros yeux et leur intime de se taire. Cassiopée se frotte le bras et se retourne face à la caméra.

- Tu ne fais pas le poids. Trop impulsive. Tu te noiera toi-même en essayant de me virer, et je n'aurai qu'à te regarder couler.

- On verra bien, ma nouvelle meilleure amie.

Je lui fais un clin d'œil complice lorsque mon nom est appelé, je me lève donc et m'éloigne de Cassiopée, heureuse de mon petit manège.

- Bonne chance ! Lance-t-elle d'un ton enjoué avec un grand sourire à l'air plus que vrai.Je lui envoie un baiser discrètement et me dirige d'un pas assuré vers Elton, lui adressant même un sourire poli. J'ai entendu les conseils de Lemi Sha et j'espère arriver à les mettre en pratique.

J'essaie du moins.

- Mademoiselle Johnson ! Ravi de vous retrouver pour un second Bulletin en votre présence, alors comment allez vous ce soir ?

Je lui souris et réponds spontanément :

- Très bien et vous ?

J'ignore s'il fallait que je retourne la question mais maintenant il est beaucoup trop tard pour y penser.

- Parfaitement ! Dites-moi, comment votre semaine s'est déroulée ?

J'essaie d'appliquer les conseils de Lemi Sha et résiste à l'envie de faire tourner une de mes bagues, laissant mes mains croisées sur mes genoux.

Ça me fait vraiment bizarre de l'écouter.

- Eh bien... à vrai dire je me suis occupée avec les moyens du bord. J'ai beaucoup pratiqué l'une de mes passions que j'avais abandonné, les échecs. J'ai aussi beaucoup lu, ai été courir dans les jardins, ai subit les cours d'étiquettes que je déteste et j'ai aussi appris à tricoter des petits poulpes pour ma sœur qui adore cet animal ! D'ailleurs tant que j'y pense...

Je sors de ma pochette le petit poulpe vert d'Elton et lui tends avec un sourire.

Lemi Sha va me tuer. J'étais pourtant si bien partie.

Notre présentateur semble de nouveau désarçonné, après un petit moment de réflexion il prend le poulpe avec délicatesse et m'offre un sourire sincère.

- Eh bien... merci beaucoup ! C'est la première fois que l'on me fait un cadeau en direct pendant un Bulletin ! Les échecs vous dites ? C'est original comme passe temps !

Oh Mlle Sha...

Je suis tellement désolée.

Je vous jure que je ne voulais pas faire d'histoire ce soir.

Mais je ne peux pas laisser passer ça.

- Parce que je suis une six ? Dis-je en levant un sourcil de manière interrogative. Vous savez nous allons à l'école comme tout le monde. Nous apprenons les maths, l'anglais, l'histoire comme tout le monde. Je le rappelle au cas où certains auraient perdu la mémoire. Certes, nous y allons moins que les autres, mais nous y allons. J'adorais l'école. J'étais même très douée. J'ai longtemps pratiqué les échecs étant enfant sur une vieille table que ma mère avait transformé en échiquier grâce à des crayons de couleurs, dis-je en riant à l'entente de ce souvenir. Elle adorait les jeux de rôles, faire comme si nous n'étions pas des six et comme si je n'étais pas condamnée à servir les autres. J'adorais ça aussi.

Un silence de plomb s'abat d'un coup sur la salle entière. Personne n'ose respirer, encore moins parler. Elton fixe un point imaginaire, ne me regarde pas. Même la caméra semble me fuir, ne voulant pas affronter la réalité comme tous ceux présents ici.

- Quel dommage que l'on ne puisse changer cela... dis-je en feignant un air désolé.

Comme Elton ne semble pas décidé à reprendre la parole, je me lève moi-même, exécute une révérence que j'essaie de rendre parfaite d'abord à l'intention d'Elton et ensuite devant la caméra. Je me retourne ensuite et quitte le plateau, n'écoutant pas l'équipe technique qui tente de me retenir.

Un jour, Lemi Sha va réellement m'enterrer sous les rosiers du jardin royal.

Je rentre en courant dans ma chambre, exaltée par ma prise de parole et grisée par le sentiment de liberté qui s'en dégage. Ma robe virevolte autour de moi créant une aura ambre autour de moi lorsque je cours me gênant un peu. Sans même y réfléchir à deux fois je l'empoigne et la relève au niveau de mes genoux pour rejoindre ma chambre plus rapidement. Je vais forcément le payer cher mais j'étais obligée de le faire. J'ai des obligations envers ma caste.

J'entre dans ma chambre en vitesse et la ferme à double tour au cas où quelqu'un aurait la mauvaise idée de me suivre. Ellen et les autres sont sûrement déjà en train de dormir puisqu'elles ne sont pas dans la chambre. J'ouvre mon armoire, me débarasse de ma robe que je fais glisser à mes pieds et saisit la combinaison de ninja que Miranda m'a préparé dans le plus grand des secrets. Je l'enfile un peu amusée par la situation et attends que le Bulletin se termine en lisant un de mes livres dans ma tenue de ninja.

Image qui doit sûrement être très comique.

Une fois l'heure venue, je sors de ma chambre et me faufile lentement en profitant de l'obscurité des lieux. Je ne l'admettrai jamais mais j'ai l'impression de revivre. L'ajout du couvre-feu ce matin rend le tout encore plus exaltant.

Après m'être faufilée dans les couloirs, je frappe doucement à la porte de Jeena pour ne pas attirer l'attention.

- Mot de passe ? Dit Jeena à travers la serrure.

Je réponds en riant :

- Ninja mexicain.

- Ça va, j'arrive.

Je souris à Jeena lorsqu'elle sort de sa chambre et lui désigne ma combinaison entièrement noire de ninja.

- Regarde ce que j'ai réussi à trouver, lui dis-je en me contenant tant bien que mal.

- Trop bien !

J'approuve et attrape Jeena par la main pour l'entraîner dans le couloir avant d'avoir vérifié que personne ne s'y trouvait.

- La voix est libre ? Demande-t-elle de manière théâtrale.

- RAS, répondis-je de manière tout aussi joueuse.

- Bon, donc... Allons y !

Nous nous avançons dans le couloir en tentant de faire le moins de bruit possible et progressons jusqu'à la salle d'apparat où nous entendons des voix. Nous nous consultons du regard et entrons dans la salle, curieuses de savoir ce qu'il se dit. Jeena trébuche et s'écroule de tout son long provoquant un vacarme qui se répercute sur tous les murs de la salle. Je ferme les yeux, n'osant pas les rouvrir. Les femmes que nous écoutions s'arrêtent de parler un instant et j'aide Jeena à se relever, lui demandant très doucement si elle va bien.

- Oui oui, ça va, me dit-elle tout aussi doucement.

Nous nous cachons et tentons d'écouter ce que ces femmes disent mais elles ne reprennent pas la parole et se dirigent vers nous pour quitter la pièce. Nous nous faufilons le plus vite possible en dehors de la salle d'apparat et nous cachons derrière un mur en priant pour qu'elles prennent le côté du couloir où nous ne sommes pas visibles.

Heureusement, elles prennent l'autre côté et je relâche ma respiration avec soulagement.

- Qu'est ce qu'on fait ? Me demande ma coéquipière.

Je regarde les deux femmes partir avec curiosité puis réponds à Jeena :

- J'en sais rien... on peut les suivre mais je ne sais pas si ça servira à quelque chose.

- Je suis du même avis.

Nous repartons donc chacune de notre côté, triste de n'avoir rien découvert et des soupçons plein la tête. Sur le chemin du retour, je me promets de découvrir la vérité d'une manière ou d'une autre. 

Je déteste les secrets. 


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