Devoir n°5 : Jeena Osvald
Samedi. Issu du latin Saturnies Dies, le jour de Saturne. Dans la mythologie romaine, Saturne est le maître du temps, le roi des titans, et est assimilé au dieu grec Chronos. Je pense que c'est mon dieu préféré. Bon, par contre quand on en parle, il faut oublier de préciser qu'il a castré son père pour prendre sa place, et qu'il a ensuite avalé ses enfants de peur qu'ils lui fassent subir la pareille. Et le temps passe si lentement aujourd'hui.
Il est 10 heures 48 minutes et 13 secondes précises. Je consulte une fois de plus l'horloge massive en bronze. Dans 11 minutes et 47 secondes, j'irai en salle d'apparat pour le cours d'étiquette de la gouvernante.
Dans le miroir de poche que m'a prêté Anadil, pour la énième fois, j'observe si mon maquillage est bien appliqué. Je glisse nerveusement une main dans ma chevelure fraîchement lissée. Au bout de ce troisième manège, Beatrix, exaspérée, me retire les doigts de me cheveux et les tiens fermement.
- Si vous voulez que ça reste lisse, mademoiselle, laissez donc vos cheveux en paix.
Ses deux sœurs restées en retrait approuvent. 10 heures 49 minutes et 7 secondes.
- D'accord. je soupire.
Je porte aujourd'hui une robe bouffante couleur crème, nue au niveau des épaules, aux longues et larges manches de velours. Sur mon cou, se tend un collier ayant pour unique perle un morceau d'aigue-marine violet pâle. Dans ma toison en dégradé lissé, mes trois suivantes ont placé des perles de nacre brillantes comme de minuscules étoiles tenues par des élastiques transparents.
- Et puis, continue la cheffe du trio du jour, ce n'est qu'une simple leçon d'étiquette.
Justement. En quoi consiste ce cours? Que va nous apprendre au juste Lemi Sha? A négocier la paix? A créer et apprendre par cœur un discours sans aucun sens avec des mots compliqués? A interpréter des graphiques?
10 heures 51 minutes et 43 secondes.
Ou alors à porter parfaitement une couronne? A manger proprement? A savoir parler à des journalistes? A des domestiques? Des dirigeants étrangers?
10 heures 53 minutes et 22 secondes.
Je me lève de mon lit et me dirige vers la porte. Quel genre d'exercices va nous enseigner madame Sha? De la politique ou de la tenue?
Je traverse le long couloir, lève mes jupons de dentelles en passant par le grand escalier, puis arrive dans la salle d'apparat avec deux minutes d'avance. Je constate avec soulagement que je ne suis pas la première arrivée et je m'assois à côté d'une poupée blonde aux lèvres charnues. Une question me taraude. Politique ou tenue?
Nous sommes toutes arrivées lorsque la gouvernante arrive et nous salue. Elle débite ensuite tout un discours sur le fait que nous sommes toutes égales malgré nos anciennes différences de castes. On arrive ensuite au moment que j'attendais avec tant d'impatience: politique ou tenue?
- Etant donné que peu d'entre vous intégreront le rang prestigieux de l'élite, nous n'enseignons pas la diplomatie à des sélectionnées qui pourraient partir d'un moment à l'autre. Cependant, il vous faudra apprendre les bases. Aujourd'hui, vous devrez simplement connaître le plan de l'argenterie et le comportement à table.
Je m'efforce d'écouter ces explications sur la place du couteau à beurre, de la petite cuillère à foie gras et de la fourchette à huîtres, mais je commence à somnoler comme la plupart des filles présentes dans la salle. Je me pince pour me forcer à écouter. Après tout, plus tard, ça retardera peut-être mon exclusion.
Lorsque la pendule sonne 12 heures, la gouvernantes nous congédie pour la déjeuner. Nous mettons nos connaissances à profit lors du repas, rivalisant de politesse et de bonnes manières. Les plateaux d'argents nous sont servis dans la vaste salle à manger. Il y a de tout: porc, agneau, dinde, poulet, canard, servis avec des pommes de terre et du riz aux herbes. Le dessert est également un délice: nous nous régalons d'une longue bûche au chocolat et à la noisette.
Je rentre ensuite dans ma chambre, repue, pour passer l'après-midi avec mes femmes de chambres. Le boudoir m'accueille naturellement vers 18 heures. Nous sommes nombreuses et disparates: des blondes, des rousses, des anciennes 6, des 2, de tout âge. Mais uniquement des filles superbes, à la silhouette gracile, aux formes harmonieuses et à la crinière soyeuse. QU'est-ce que je fais encore ici?
La télévision est allumée, et je me rappelle que aujourd'hui, une émission est censée montrer des images depuis notre arrivée. Justement, ce programme commence.
La première à apparaître à l'écran est la sélectionnée de la région du Lakedon, prénommée Ariane Gates. Elle a de longs cheveux bruns clairs laissant apparaître des marques de teinture. Des yeux bruns-verts. On la voit d'abord faisant son discours dans sa province, avant et après le relooking dans le boudoir, prenant un bain de foule avant la limousine, parlant à des journalistes.
Les images défilent: une blonde ultra-maquillée, une rousse très jeune, une fille aux yeux violets, une autre au teint de porcelaine...
Et puis tout-à-coup, une image d'une fille aux cheveux laissés en une longue cascade brune ondulée, au teint de rose et aux yeux chocolats. Moi. Sous le choc, je vacille. Une autre photo suit. Toujours moi, habillée d'une robe crème, nue aux épaules, aux larges manches de velours... Des étoiles dans les cheveux et un collier d'aigue-marine... Mais où ont-ils déniché cette photo de moi?
Dimanche. Dies Solis, le jour du Soleil, le dieu grec Helios.
Qui brille et chauffe très fort. Je suis dans le boudoir, après le déjeuner, soit l'heure la plus chaude de la journée. Ce qui n'est pas peu dire. Aujourd'hui, enfin de la détente.
Le boudoir est un endroit magnifique. Il y a tout d'abord une baie vitrée par laquelle on peut observer les jardins luxuriants. Ce qui peut-être utile aujourd'hui, vu que la sélectionnée Samuelle Ratié était en balade romantique avec le prince. Mon prince. Je l'ai observé jusqu'au déjeuner. Maintenant, je suis tranquille; il n'est avec qu'une seule des filles par jour.
Cette Samuelle est une ancienne 5, d'un an de moins que moi. C'est l'envoyée de la région de Sonage. Ses cheveux bruns s'allient avec son teint mate.
Hier, c'était une certaine Gabriella Johnson, de Carolina, qui participera à une balade à cheval. Demain, c'est Irène Larey, de Whites, qui visitera la volière. Et mardi ce sera moi!
Les canapés blancs sont très confortables. Nous sommes peu aujourd'hui; six tout-au-plus: la plupart d'entre nous restent dans leurs appartements. Moi, je suis bien ici, à contempler la table en face du canapé où je suis assise seule. Je pense à ma vie, si j'étais princesse.
Et sans me venter, j'en ai la tenue. Mes femmes de chambres sont de vraies perles et leurs doigts sont ceux de fées. Elles m'ont cousu une magnifique robe bustier blanche, dos nue et somptueusement ornée de doré. Elle resplendit comme le soleil. Mes cheveux châtains sont coiffés en deux longues tresse surmontées d'un diadème de violettes fraîches.
J'entend un bruit. Quelqu'un vient d'entrer dans la pièce. Je ne regarde pas. Mais surprise! La nouvelle-venue s'assois sur le canapé blanc où je suis. Et elle me parle.
- Cette table me semble fascinante. Prédirait-elle l'avenir? me dit-elle avec un sourire espiègle.
J'aimerai bien. Je m'autorise à la détailler du regard. Une peau mate, des yeux émeraudes, de très longs cheveux couleur cuivre et bouclés.
- Non, mais observer des objets peu fascinants au départ peut se révéler intéressant. On peut par exemple s'en servir pour entamer des conversations. J'ai l'impression que ça fonctionne.
L'inconnue eu un petit éclat de rire.
- Pas bête! Je m'en resservirai un jour. Merci pour le tuyau... A qui ai-je l'honneur d'ailleurs?
- Jeena Osvald, du Labrador.
- Lisa Griffith, de Paloma. Ravie de te rencontrer.
- Moi de même.
- Ça fait du bien un peu de calme après tout ça, non? J'en viendrai presque à m'ennuyer.
- J'en conclue que j'apprécie m'ennuyer après tant de péripéties. Il est bon de se reposer un peu le dimanche.
-M'oui. J'avoue être peu habituée à rester sans rien faire. Qu'est-ce que tu fais d'habitude pour t'occuper?
- Lorsque je n'étais qu'une personne lambda, je passais tout mon temps à fabriquer des bijoux. Ici, je n'ai pas vraiment eu le temps vu le rythme qu'ils nous imposent. Et puis aujourd'hui, je n'avais pas vraiment envie.
- Des bijoux? C'était ton métier également?
- Oui, et toi, quel était ton métier?
- Journaliste.
Ah. Une Trois. Enfin, comme moi. Mais elle, c'est depuis longtemps.
- Et c'est bien comme métier?
- Ça dépend des jours je dirai. De ce qu'il y a à raconter. Mais globalement, j'adore mon métier. Et toi? J'imagine que tu aimais ton métier si tu lui consacrais tant de temps que ça?
- Evidemment!
- Tu aimes ça depuis longtemps?
- D'aussi loin que je m'en souvienne, oui. Et toi?
- Quelques années seulement. Mes parents auraient préféré me voir devenir chirurgienne, médecin, avocate. Sûrement pas journaliste. C'est ce qui a fait tous l'attrait de ce métier à mes yeux au d'abord.
Elle sourit à l'évocation de ce souvenir.
- Donc ton unique but, c'était d'embêter tes parents?
- Du tout. Bon, un peu quand même, mais ce que je voulais surtout c'était être indépendante et choisir ma vie. Tu as des frères et sœurs?
- Non, je suis fille unique, et toi?
- J'ai une grande sœur. C'est comment de grandir fille unique?
- Je ne sais pas, je ne peux pas comparer.
- Et bien, cette petite discussion a beau être agréable, je vais y mettre un terme. Je pense avoir suffisamment monopolisé ton attention. A plus tard.
- A plus tard.
Je saluai et retournai à ma contemplation de table.
Elle s'arrête au niveau des genoux, prolongée par un minuscule jupon couleur crème. Sur mes bras, Beatrix a enfilé de longs gants de dentelle, tandis que sa sœur la plus âgée avait déposé sur mon cou une capeline rosée attachée à mon cou par un nœud doré.
Quand à Anadil, elle a choisi de me laisser les cheveux libres dans le vent, mis-à-part la fleur de violette attachée à l'une des mes mèches claires. J'ai chaussé de longues sandales qu'on a agrémenté de fausses fleurs au niveau de la cheville (roses, hibiscus, edelweis, ect.).
Le temps passe très vite. Inexorablement, l'aiguille de l'horloge approchent 19 heures. A moins 5 minutes, je sors. Il vaut mieux être en avance qu'en retard. Et puis c'est le prince, tout de même. On ne va pas faire attendre un prince! Surtout quand il est charismatique, intelligent, généreux, drôle, poli, attentionné, attentif et incroyablement beau.
Je passe le portail, saluée par les deux gardes de service, et l'époustouflant paysage du jardin s'offre à moi. Bien que le ciel soit constellé de petits nuages gris, rien ne pourra gâcher mon bonheur. Mon anxiété se libère. Pourquoi angoisser lorsqu'on va juste passer un pique-nique dans un endroit paradisiaque?
Des colibris au plumage irisé volettent et gazouillent gaiement. Des abeilles butinent des fleurs que je connais même pas, des arbres ont des feuilles de toutes les couleurs. On se croirait au printemps. Des senteurs délicieuses exhalent de gros buissons fleuris, une prairie s'étend à perte de vue et des orchidées grimpantes sont comme des lianes autour d'un chêne centenaire. Rien ne peut entacher ma félicité. J'arrive au lieu où je suis sensée attendre Carter. Il est en retard. Mais lui, il a le droit, il est prince. Moi, je ne suis qu'une sélectionnée.
Cependant, il ne tarde pas à arriver. Il fait même une révérence et je me sens rougir. Encore plus quand il me dit, avec sa mine désolé:
- Excusez moi, j'ai fait au mieux pour me libérer le plus vite possible. Je ne vous ai pas fait trop attendre?
- Non, non!
- Voulez-vous me suivre, s'îl vous plaît?
Je retire une mèche qui fouette mon visage et obtempère avec un hochement de tête. Je le suis jusqu'à une minuscule prairie entourée par des arbres. Au milieu, il y a une nappe brodée d'or. Je ne m'attarde pas sur le fait qu'ils brodent leurs signes sur des nappes, au palais mais plutôt sur ce qu'il y a sur la nappe. Toutes sortes de victuailles aux senteurs enivrantes: côtelettes de porc, veau, poulet, brebis, agneau, mouton, chèvre, volailles diverses et même sanglier farci! Quand au desserts, c'est tout aussi varié: babaorums, marbrés, tartes, mousses, tiramisus... J'écarquille les yeux. Il a vu les choses en grand!
- Cela vous convient-il? Sinon, je peux demander à faire apporter une table ou autre chose...
- Non c'est parfait! dis-je en m'asseyant, transportée de joie.
- Nous avons pas mal de chose pour manger à ma connaissance. De la salade, de la viande...
- C'est génial! Merci.
- Ravi que cela vous plaise! Que préférez-vous?
J'observe tous ces plats.
- Je ne sais pas, je n'ai jamais goûté la plupart des aliments.
- Oh...Qu'aimeriez vous manger dans ce cas?
- Hum... La salade de gésiers?
Il me servit copieusement avant de se servir lui-même. Par dessus toutes ses autres qualités, il est galant!
- Que faisiez vous lorsque vous viviez à l'extérieur du château?
- Je restai chez moi à fabriquer des bijoux. Tout le temps. Et vous, est-ce que vous passez votre temps à faire de la diplomatie et de la politique?
- Non, loin de là! Je fais aussi de l'économie. Aimez vous faire des bijoux, ou c'est par obligation que vous leur accordiez tant de temps?
Je mâche une bouchée puis je réponds:
- Les deux. Avant tous ce luxe, c'était mon métier mais aussi ma passion.
- Vous viens-t'elle de vos parents?
- Oui, je pense. Et vous c'est une passion, un métier ou les deux?
Il réfléchit.
- Un devoir je dirais. Même si j'aime assez ce que je fais. Sauf quand je dois assister aux réunions budgétaires. Tout le monde essaye de crier plus fort que les autres. Il leur arrive même d'en venir aux mains.
Je lâche un petit rire.
- Et ça échappe aux journalistes?
-Ils n'ont heureusement pas le droit d'y assister. Cela deviendrait une véritable foire sinon, rit-il. Et vous, comment ça se passe ? Les clients font-ils des demandes spécifiques, ou bien achètent-ils vos bijoux déjà faits ?
- Les deux. Les clients viennent d'abord voir les bijoux en vitrine, et s'ils veulent quelque chose en particulier, ils commandent.
-Et comment cela se passe-t-il, lorsqu'ils commandent ? Cela doit être difficile de visualiser exactement ce que souhaite la personne.
- Bof. Parfois, le client est déçu, mais la plupart du temps, même si ça ne correspond pas à ces attentes, il...
Je m'interrompit, car une goutte de plus venait d'atterrir sur mes jupons. Je levai les yeux au ciel, et un instant plus tard, l'orage éclatait.
- Ce n'est pas de chance!
Il me tendit la main après s'être levé.
- Venez, il faut rentrer au château!
Pile au moment ou deux petites bouilles blondes bondissaient entre les gardes, puis nous rejoignaient sur l'herbe humide.
- Carter! Carter!
Avec sa force de petite chose mignonne, le jeune Matthew se jeta dans les bras de son grand frère tandis que sa sœur allait vers moi. Le Prince, ne s'y attendant pas, rechuta lourdement sur le sol. Il se releva et reposa délicatement l'enfant royal numéro Deux par terre. Je me relevais puis attrapais calmement Mary de mon côté.
- Qu'est-ce que vous faites ici vous deux? Vous ne devez pas sortir par ce temps!
Puis il protesta, pour la forme:
- Mary! Je savais qu'il peinait à sourire.
Et exaspéré:
- Je m'excuse par avance, mais pouvez vous m'aider à les ramener au château avant que nous soyons tous trempés jusqu'aux os ?
- Nan! cria le petit Matthew. Moi je veux rester!
Et il colla un bisou volontairement baveux sur la joue de son frère. Cette fois, çe fut à moi de m'empêcher de rire.
- Et moi aussi, dit-Mary en tirant la langue, se détachant de mon étreinte.
- Il ne faut pas rester si près des arbres pendant un orage, et avec toute cette pluie vous allez finir malade. Et vous savez quel sirop va vous donnez Lemi si vous êtes malade. En plus, Jeena va aussi finir malade si elle reste dehors. Vous ne le voulez pas, n'est-ce pas?
Il s'adressa ensuite à moi.
- Je suis désolé pour ça. Et aussi pour vous demander de vous occuper de ma sœur, mais j'ai peur de leur faire mal si je les porte tous les deux.
- Non, ça va.
Je pris doucement la princesse dans mes bras. Le Prince approuve et nous rentrons au palais, poursuivis par une pluie battante. Nous sommes accueillis par des gardes, et Carter se charge de demander des serviettes à une domestique. Il m'en donne une pour que je me sèche, et je frotte frénétiquement mes cheveux dès qu'il commence à sécher les jumeaux. Puis il les donne à la servante qui le remercie. Enfin, c'est lui qui brise le silence.
- Cette pluie tombe vraiment au mauvais moment. soupire-t'il.
Il réfléchit une seconde.
- Etes vous partante pour un plan B? Ce serait dommage de simplement retourner dans la salle à manger en plein milieu du repas.
Je me tournai vers lui, surprise.
- Pourquoi pas?
- En ce cas...
Il me prêta son bras. Je rougis, pour la énième fois dans cette soirée
-Laissez-moi être votre guide.
Il m'emmène à travers des couloirs du premier étage jusque dans les cuisines. Là, de nombreux domestiques le saluent d'une révérence.
-Voici les cuisines du château ! Ce n'est certes pas un endroit où je devrai conduire une dame selon notre gouvernante, mais vous pouvez demander à peu près n'importe quoi à manger !
Il se tourne vers moi, une pointe de doute dans le regard.
-Cela... Vous convient-il ?
- Oui!
-Formidable !
Il regarde autours de lui et s'écarte pour laisser passer un cuisinier chargé d'un énorme plateau d'argent, qui se dirige à grands pas vers la salle à manger.
-Qu'est-ce qui vous ferez plaisir ?
-Je ne sais pas... dis-je en regardant autours de moi à la recherche d'idées. Du canard?
Il acquiesce et hèle une cuisinière.
-Excusez-moi...
Il explique rapidement le problème du pique-nique interrompu, puis demande s'il est possible d'avoir du canard. Elle revient après, deux assiettes dans les mains, expliquant que grâce à un coup de chance, il en était servit au même moment au repas. Après l'avoir remerciée, il se tourne vers moi.
-Et voilà !
- Vous arrangez toujours tout comme ça?
Le canard était accompagné de riz et d'une excellente sauce. Il fut délicieux et le Prince et moi nous régalâmes. Evidemment, pour lui c'était ordinaire mais je n'étais toujours pas habituée. Il ne vaut mieux pas quand on peut être renvoyé d'un moment à l'autre.
- Comme quoi?
- Et bien...comme ça, dis-je en désignant tout ce qu'il y avait autour de moi, dans les cuisines.
-Eh bien, commença-t'il en reprenant amusement mes mots, je n'ai jamais emmener une demoiselle manger en cuisine, mais il m'est arrivé plusieurs fois de venir lorsque je ratais l'heure du repas. Au vu de notre situation, je me suis dit que cela serait une bonne idée. Même si, la prochaine fois, je jetterai plutôt un coup d'œil à la météo, sourit-il.
Je sourit également. Le reste du repas se déroula sans autres paroles. Le dessert fut également excellent. Enfin, nous nous levâmes. Il me ramena à ma chambre et me souhaita bonne nuit. Je rougis, une dernière fois dans la journée, pour remplir mon quotas.
Mardi. Martis Dies, le jour de Mars, Arès chez les grecs, dieu de la guerre et de la destruction. Bon, là, on peut juste parler d'un petit choc au niveau de la boite crânienne et d'une chute.
La bibliothèque est un lieu magnifique; garnie de longues allées d'étagères en ébène remplies de livres aux reliures d'or et aux couvertures colorées. Je m'imagine, dans ma longue robe bordeaux pailletée en tulle, au col parsemé de roses rouges et noires et aux larges manches. J'aurais fait sensation. Je recule pour voir une nouvelle rangée de livres, mais ce n'est pas exactement ce qui se passe. Finalement, je me cogne la tête et tombe à la renverse sur quelqu'un. Je me relève aussitôt. L'autre n'est pas tombée, mais elle est étourdie.
C'est une sélectionnée. Elle est de taille moyenne. Ses yeux chocolats rayonnent, sa peau est mâte, ses làvres charnues et elle possède de magnifiques cheveux bruns fonçés, longs et lisses. C'est elle qui reprend son souffle en première tandis que je masse ma bosse.
- Tu vas bien?
- Oui, répondit-je. Au fait, a qui est-je l'honneur?
- Gabrielle Johnson, et tu es?
- Jeena Osvald. Ravie de te rencontrer.
- De même! Tu as vu tout ces livres, s'exclame-t'elle, enthousiaste.
- Oui, je n'ai jamais vu ça. D'où je viens, il n'y en a pas autant.
- D'où je viens, il n'y en a pas du tout!
- Ah bon? Pas de bibliothèque?
- Si, dit-elle dans un soupir. Mais pas pour les six.
- Oh, désolé. Je ne savais pas. Moi je pouvais y aller, mais très peu.
Je me sens gênée et assez ... minable. Mais elle n'a pas l'air d'être blessée ou de m'en vouloir. Elle a plutôt l'air de quelqu'un de bien.
- Tu étais de quelle caste?
J'ai l'impression d'avoir déjà demandé cette question plusieurs fois depuis mon arrivée au palais. Pour une fois, c'est quelqu'un d'autre qui me la pose!
- Quatre. J'étais bijoutière.
- Moi j'étais femme de ménage.
- Ah.
Quelle réplique pertinente! Mais elle éclate de rire et me lançe:
- Ce n'est pas grave tu sais... ce n'était pas si terrible !
- Et donc ... tu a envie de lire, maintenant que tu es ici?
- J'ai toujours eu envie de lire, c'est juste que maintenant que j'ai du temps pour le faire, j'en profite ! Et toi ?
- Je m'ennuyais un peu, et je me suis souvenue qu'il y avait une bibliothèque.
- Oui c'est sûr qu'il n'y a pas grand chose à faire dans ce château... on devrait aller se promener à l'occasion tu ne crois pas ?
- Oui, ça me plairait bien! dis-je, joyeuse.
- Moi aussi! ajoute-t'elle.
C'est là-dessus que nous nous quittâmes, tandis que je retournes passer l'après-midi dans ma chambre.
Mercredi. Mercurii Dies, ou le jour de Mercure, Hermès chez les romains. Il est le dieu des voyages et des voleurs. Messager des dieux, il est le donneur de chance, le gardien du commerce. Est-ce que c'est lui qui se charge d'envoyer des lettres?
" Cher Papa, chère Maman
J'éspère que vous vous portez bien. En tout cas, moi je m'amuse tellement! C'est genial ici. Cette semaine, j'ai eu mon rendez-vous avec le Prince! Nous étions sensés passer le dîner dans les jardins - qui sont magnifiques - mais il s'est mit à pleuvoir. Nous avons donc finis notre repas dans les cuisines.
Ce matin, Ashilder et Beatrix m'ont présenté leur dernière robe. Je la porte en ce moment. Elle est bleue, très longue, avec un voile et de longues manches en velours. Du vrai velours! J'ai des tas de robes de toutes les couleurs.
J'ai rencontré beaucoup de sélectionnées. Il y a une fille qui s'appelle Autumn, avec qui j'ai parlé lors de mon premier échange avec le Prince. Ariana m'avait donné des gâteaux lors de la séance du Relooking. Récemment, j'ai discuté avec une Lisa dans le Boudoir et je me suis cognée à Gabriella dans la bibliothèque - géante -.
Carter est hyper sympa et attentionné. Oh, et je dois suivre des leçons de protocole. Vous ne vous imaginez pas à quel point il y a de choses que nous devons apprendre! Comment se tenir à table, des formules de politesse dans plusieurs langages... Il y a des journalistes qui traînent dans le château, et qui nous posent pleins de questions pour leurs magazines. Les jumeaux sont trop mignons.
Je vous laisse, je vais faire un tour au Boudoir. Je vous aime fort,
Jeena."
Jeudi. Jovis Dies, soit le jour de Jupiter. Jupiter, ou Zeus dans la civilisation grecque, est le roi des dieux et le détenteur de la foudre. Bon, on s'en fiche un peu non?
J'ai mal. Très mal. Je suis dans mon lit depuis ce matin. J'ai raté la leçon d'étiquette de Lemi Sha, mais je rattraperai. Peut-être. Mes femmes de chambre sont à mes côtés et ont l'air véritablement désolées. J'ai bu l'espèce de sirop jaunâtre à l'odeur repoussante.
Je suis malade. A l'infirmerie on m'a dit qu'un simple repos devrait suffire et que je serai en forme demain. C'est sûrement à cause de la pluie hier, ou quelque chose du genre.
Je me retournes dans mon lit, fatiguée par une longue nuit sans sommeil. L'oreiller moelleux me fait du bien. Enfin, je m'arrêtes de réfléchir, d'avoir mal, je ferme les yeux et je dors. Demain, j'irais mieux. Pas de rêves étranges, ni de cauchemars. Juste une inaction occupée par un visage. Celui d'un homme, appelé Carter Shreave.
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