Devoir n°5 : Gabriella Johnson


Samedi :

C'est la panique.

Il ne me reste plus que 10 minutes avant mon rendez vous avec le prince, je suis coiffée, habillée et même un peu maquillée mais je ne me suis jamais senti moins prête que maintenant. Cela fait maintenant une bonne demie heure que je jette de rapides coups d'œil au couloir en espérant voir apparaître un visage connu capable de me rassurer et de persuader de ne pas m'enfuir en courant. 

Sans succès.

J'aurais aimé voir passé Kiara, peut-être Loïs ou même Mallau... 

Oh...

Le Graal. 

La tête souriante et incroyablement lumineuse d'Esther s'avance gaiement vers moi

- Salut ! Tu es Gabriella, c'est ça ? 

Son visage s'illumine.

- Tu es vachement jolie comme ça ! Enfin, tu es jolie tout court... Ce que je veux dire, c'est que ça te va bien ! 

Après une seconde à me regarder un peu mieux, elle me demande :

- Est-ce que ça va ?

Je pousse un soupir de soulagement, l'attrape par le bras et l'entraîne dans ma chambre.  

- Esther je suis tellement contente de te voir tu ne peux pas savoir !

Elle ouvre de grands yeux étonnés mais sourit tout de même, se laissant emportée. 

- Moi aussi ça me fait plaisir de te voir ! Je peux t'être utile ?

- Oui ! Fais toi passer pour moi et vas au rendez vous à ma place !

Elle ouvre de grands yeux éberlués avant d'éclater d'un petit rire. 

- Je ne crois pas que ça soit possible, désolée... Le prince te fait si peur que ça ?

Je tape du pied comme une enfant et mords ma lèvre.  

- Je n'ai pas... il ne me... je... 

Je prends une grande inspiration et tente de formuler quelque chose de cohérent. 

- Je suis terrifiée.

- Oh... Esther me prend d'un coup dans ses bras. Tu n'as pas à t'en faire. Tu es magnifique, et il est très gentil. Enfin je crois. J'en suis presque certaine ! Tout va bien se passer ! Qu'est-ce que vous allez faire d'ailleurs, pour que tu sois en pantalon ?  

Un peu surprise par l'étreinte d'Esther, je mets un temps à répondre. 

- Me... merci. Nous allons faire une promenade en cheval, et devine qui n'en à jamais fait ? Moi évidemment !

Elle se dégage et semble se retenir de sautiller. 

- Mais c'est génial ! Peut-être qu'il va t'apprendre du coup ! Tu imagines, tu vas voir de vrais chevaux, et tu vas même le monter. T'as trop de chance ! En plus, si le prince t'ennui, tu pourras toujours faire semblant d'être trop concentrée sur le cheval...

Je hausse les épaules et soupire. 

- De toute façon je vais bien être obligé d'y aller à un moment ou un autre...

Elle sourit. 

- Tout va bien se passer, j'en suis sûre. 

Elle s'écarte un peu et prend un ton plus ferme. 

- Allez, redresse toi et colle donc un sourire sur ton visage. Tu sais, comme l'a dit la gouvernante ce matin. Elle tente elle-même de faire ce qu'elle dit de façon caricaturale.

J'éclate de rire et secoue la tête. 

- J'ai bien peur de ne jamais pouvoir appliquer ses leçons ! Mais merci, tu es... un vrai rayon de soleil !

Elle fait un grand sourire. 

- Allez file ! Tu ne voudrais quand même pas faire attendre Sa Majesté !

- Bien sûr que non lui dis-je en riant.  Nous quittons la chambre et je me dirige vers l'écurie avec le cœur un peu moins lourd qu'avant son arrivée.

***

Je m'avance lentement dans les écuries avec un mélange de crainte et d'excitation, je n'ai jamais monté à cheval, encore moins avec le prince d'Illéa. En me voyant, le prince esquisse une révérence. 

 - Comment allez-vous ?

En le voyant exécuter une révérence parfaite je mordis ma lèvre. Lemi Sha nous avait apprit comment faire quelques heures plus tôt et voila que j'ai déjà oublié la leçon. Je fais de mon mieux, un peu embarrassée et réponds sa question : 

- Bien il me semble, et vous ?

Il sourit face à ma tentative, et hocha la tête. 

- Parfaitement bien, merci. 

Il regarda autour de lui. 

- J'espère que vous n'avez rien contre les chevaux. 

Il eu soudain une mine désolée.

- J'aurais dû vous poser la question plus tôt, pardonnez-moi.

Je secoue la tête vivement et m'approche d'un des chevaux. 

 - Non au contraire, j'adore les animaux. J'ai simplement peur que ce ne soit pas réciproque ou... de leur faire mal. 

 Je prends d'un coup conscience de la naïveté dont je fais preuve et de mon ignorance sur ce monde qui lui est si familier. Je suis bien loin d'être un poids plume mais il est sûr que ce cheval en a vu d'autre.  Bon sang je devrais vraiment réfléchir avant d'ouvrir la bouche !

- Ne vous en faites pas, ils sont costauds, dit-il en me souriant. Néanmoins, votre inquiétude est tout à fait louable !  

Il s'approche de l'un des enclos. 

- Pour ce qu'il en est de savoir s'ils vont vous apprécier ou non..., il désigne un cheval à la robe brune. Voici Orion. Une véritable pâte, qui vous considérera comme une grande amie si vous lui frottez un peu l'encolure. Voulez-vous essayer ?

Je m'approche avec appréhension et pose doucement ma main sur l'étalon. Je suis le conseil du prince et lui frotte gentiment l'encolure avec un grand sourire.  

- Bonjour toi... J'oublie totalement le pourquoi de ma présence ici lorsque mon regard croise celui du cheval. Cette balade s'annonce finalement bien plus plaisante que ce que je croyais.

Sans faire de bruit pour ne pas me déranger, le prince alla chercher tous les accessoires nécessaires pour monter à cheval. Je lâche enfin mon nouvel ami lorsque je prends conscience de mon attitude assez puéril et demande au prince quelque peu gênée : 

- Vous avez besoin d'aide ?

- Ne vous inquiétez pas.

Il dépose tout sur la porte. 

- Première leçon : sceller un cheval, annonce-t-il avec un sourire.

J'incline la tête sur le côté et considère un moment l'équipement de l'équidé.  Tout ça me semble bien barbare ! J'attrape la selle dans un silence presque religieux et la pose doucement sur le dos de l'animal, je me retourne vers Carter et attend sa réaction avec le sourire.

-    Eh bien... C'est bien, la selle est à l'endroit, mais il fait poser un tapis en dessous. Il attrape ledit tapis avec un sourire. Comme ça, ça ne fera pas mal au cheval.

J'éclate de rire sans la moindre retenue et retire la selle du dos de ce pauvre cheval.  

- Malheureusement pour lui, je ne suis vraiment pas douée !

-Je suis certain qu'il ne vous en veut pas ! Il me fait passer le tapis, puis la selle. Je remets l'équipement selon les instructions du prince 

- J'espère ! Je ne voudrais pas le blesser !

- Cela ne sera pas le cas, dit-il, confiant. Il alla seller un autre cheval dans un enclos proche avant de prendre des mors et de me montrer comment le mettre au cheval. Je suis les instructions du prince avec application, ayant soif d'apprendre de nouvelles choses

-    Parfait ! Maintenant, il va falloir vous mettre en selle : mettez votre pieds gauche dans cet étrier et essayez de monter.

Je considère un instant l'étrier avec méfiance puis je suis les indications du prince et passe mon pieds gauche à l'intérieur. Je murmure un "désolé Orion" à l'intention du cheval et me hisse sur la selle

-    Très bien. Pour le faire avancer, il faut donner un petit coup d'étrier. On va faire un essai ici. Il se positionne à côté du cheval pour le suivre et prévenir une éventuelle chute.

Je donne un timide coup dans l'étrier et le cheval se met lentement à trotter

- Très bien ! Pour le faire tourner, enroulez un peu les rennes autour de votre main et tirez du côté où vous voulez aller. Tout en donnant ses indications, le Prince reste près du cheval, prêt à intervenir si le moindre problème survenait.

Je teste les rennes peu sûre de moi et le cheval proteste légèrement me faisant en même temps vaciller, je me stabilise grâce au prince et lui jette un regard reconnaissant.

Après plusieurs minutes d'entraînement, le prince grimpe sur son propre cheval et l'entraîne vers le jardin. 

Nous commençons donc notre promenade dans le jardin en silence. Voyant que le prince ne démarre pas la conversation je décide finalement de me lancer :  

-    Je... cela ne vous fait pas bizarre ?

-    Quoi donc ?, demande-t-il en tournant la tête vers moi.

Je jette un long regard au jardin avant de répondre, profitant de cet espace magnifique et de son air si pur. Après tant de temps enfermée au château, cette promenade me fait un bien fou. 

- Je veux dire... Depuis une semaine vous faites la rencontre de tout un tas de jeunes filles que vous n'avez jamais vu et dont vous devez pourtant passer du temps avec elles et faire comme si c'était normal. Vous n'aimeriez pas... je ne sais pas pouvoir simplement rencontrer une jeune fille par hasard et passer un bon moment sans forcément s'embarrasser de toutes ces... politesses ?

Il prend un peu de temps pour répondre, regardant droit devant lui. 

- Eh bien... C'est étrange, bien sûr. Les conseillers et mes parents ne cessent de me rappeler que se trouve parmi vous la future Reine... Et donc ma future femme. Je ne sais pas encore ce qui me fait le plus peur des deux. Il esquisse un sourire gêné. Cependant, je suis content de la situation. Je veux dire... Avant la Sélection, tout ce que je faisais était pour apprendre à être un bon roi, à coup de réunion et de cours de diplomatie. Je ne m'amusais que quand je pouvais passer un peu de temps avec Mary et Matthew. Non pas que je m'en plaigne ! Mais au moins, à présent je peux parler d'autre chose que de géopolitique et de finances avec des personnes de mon âge. J'essaye d'en profiter sans penser sans cesse que je vais devoir épouser l'une d'entre vous.

Il s'arrête un instant de parler et hausse les épaules.

-    Et pour ce qui est de rencontrer quelqu'un par hasard, je crois que cela ne m'est jamais arrivé. Toutes mes rencontres sont planifiées. En fait, le seul hasard... C'était vous, les Sélectionnées. Il tourne la tête vers moi. Excusez-moi, il arrive que je me mette à trop parler, dit-il un peu gêné. Mais je vous remercie de vous en inquiéter. Je sais que la situation est loin d'être des plus faciles pour vous, mais j'espère que vous ne passez pas de trop mauvais moments ici. Avez-vous trouvé Mary et Matthew ? Il me semble que vous les cherchiez hier ?

Je reste silencieuse un moment prenant conscience de mon égoïsme. Je n'ai pas cessé de me plaindre depuis mon arrivée ici sans jamais penser à ce qu'il ressentait. 

- Je suis vraiment désolée pour vous... je n'avais jamais imaginé que vous puissiez ressentir ce que... je ressens en quelque sorte.

Et c'est vrai. Finalement les castes le piègent autant que moi. 

- Et ne vous inquiétez pas pour moi ! J'ai non seulement réussi à trouvé Mary et Matthew mais ils m'ont en plus bien aidés dans ma rénovation de ma chambre. Vous devriez venir y jeter un coup d'oeil d'ailleurs à l'occasion !  

Je me tais quelques secondes et tourne la tête vers lui.  

-    Merci de vous être confier à moi... ça me fait vraiment plaisir.

-    Vous avez été honnête avec moi, j'ai essayé de faire de même. Merci à vous de m'avoir écouté.  

Il sourit.

-    Puis-je connaître la nature de la rénovation que vous avez faites avec mon frère et ma sœur ?

J'émets un petit rire et tente d'expliquer notre travail. 

- Nous avons... égayer ma chambre ! Donner des couleurs...

-    Je vois... Ils ont dû bien s'amuser, je comprends maintenant pourquoi ils étaient de si bonne humeur. Vous savez vous y prendre avec eux, apparemment.

-    Je ne sais pas trop... j'adore les enfants. Ils ne font pas de différence entre les castes, qu'on soit femme de ménage ou actrice mondialement connue ils agissent de la même façon. Et puis entre nous, ils savent s'amuser.  

Je lui adresse un sourire entendu.

Il sourit en retour. 

- C'est vrai. Ils ont plutôt une bonne vision des choses ! 

 Il réfléchit une seconde, regardant sa monture. 

- Avez-vous des frères, ou des soeurs ?

Je caresse l'encolure du cheval avant de répondre : 

- Oui. Un frère et une sœur... dis-je un peu tristement.

Entendant son ton, il hésite à continuer. 

-    Comment s'appellent-ils ?

Je baisse la tête et déglutit difficilement. 

- Jane et Andrew, ils sont... adorables.

Il se passe la main sur la nuque. 

- Excusez-moi, ce sujet semble vous attrister. Je n'aurais pas dû continuer.

Je secoue la tête vivement. 

- Non non il n'y a pas de mal. Ils me manquent c'est tout... Après un moment de silence gênant, je tente de relancer la conversation sur un sujet plus joyeux.  

- C'est drôle, vous faites toujours le même geste lorsque que vous êtes gêné, lui dis-je avec un sourire joueur.

- Ah oui ? Lequel ?

- Vous... passez votre main sur votre nuque, comme ça, dis-je en reproduisant son geste. C'est vraiment... 

 Beaucoup d'adjectif me viennent en tête mais aucun que je n'ose prononcer devant lui. Mes joues s'enflamment et je bredouille quelque chose. 

- Mignon en quelque sorte je suppose...

Il va pour se passer la main sur la nuque mais s'arrête à mi-chemin. 

-    Eh bien... Merci. Je n'avais jamais remarqué à vrai dire. Ça se voit tant que ça ?

J'acquiesce vivement. 

 - Oui !

-    Mince ! rit-il. Je vais essayer de contrôler ça. 

 Il sourit. 

- Et vous ? Avez-vous un tic, ou une habitude ?

Nous atteignons une immense fontaine en pierre, la chaleur est insoutenable en cette fin d'après midi et l'eau claire m'attire comme un aimant. 

- Hum... oui. Depuis toute petite je n'arrive pas à me contrôler. Lorsque je vois une fontaine je suis obligé d'arroser les autres !  

Je me penche un peu et balance de l'eau sur le Prince sans réfléchir. Mon dieu. Je viens vraiment d'arroser le Prince héritier d'Illéa ?

Le visage impassible, le Prince descend de son cheval. Il s'essuie le visage. 

- Curieux, comme tic, dit-il froidement. 

Il me regarde pendant quelques secondes le temps de voir ma tête, avant qu'un sourire ne lui échappe finalement et qu'il m'asperge à mon tour.

Mon cœur se remet lentement en marche alors que mes yeux se ferment. Je m'essuie en vitesse et descends moi aussi du cheval.  Lentement je me place à coté de lui et fais le tour de la fontaine en faisant courir mes doigts sur le rebord froid en pierre. 

- Je sais... malheureusement il en a toujours été ainsi. Je m'empresse de lui lancer une giclée d'eau et fais le tour de la fontaine en riant, me plaçant à l'opposé de lui.

-    Il paraît que pour perdre une habitude il faut en prendre une autre..., lance-t-il en se déplaçant rapidement pour m'asperger encore.

Je l'asperge à mon tour en riant et notre petit manège dure quelques minutes jusqu'à ce que nous soyons entièrement trempés. Je m'assieds complètement essoufflée au pied de la fontaine, défais ma tresse et essore mes cheveux en soupirant d'un air las. 

- Très embêtant ce tic tout de même...

- La prochaine fois, je m'assurerai de ne pas passer à côté d'une fontaine avec vous, il sourit. Maintenant, comment allons-nous expliquer que nous soyons aussi trempés ?

Je réfléchis un peu et annonce fièrement : 

 - On a qu'à dire qu'il... a plu ! D'un seul coup ! Un torrent d'eau !

Il éclate de rire. 

- Exactement ! En plein milieu du jardin, nous n'avons vraiment pas eu de chance !

- Oui c'est vraiment dommage... une averse juste au dessus de nos têtes.

Il hoche la tête, calmant son rire avec toujours un sourire aux lèvres. Il reste silencieux un moment. 

-    Nous devrions commencer à rentrer, ne pensez-vous pas ?

Je soupire et me relève, mes cheveux ont désormais retrouvés leurs boucles naturelles et le lissage de Hannah est complètement gâché. 

- Oui il serait temps en effet. Ils vont finir par se demander si je ne vous ai pas mangé au palais.

Il éclate d'un petit rire en vérifiant qu'elle arrive à remonter sur son cheval avant de monter sur le sien. Il commence ensuite à prendre le chemin des écuries.

Nous rentrons à l'écurie en silence et débarrassons les chevaux de leur équipement.

Puis le Prince me raccompagne à l'intérieur du château, puis s'incline.

-    Je vous remercie de m'avoir accompagné aujourd'hui.

-    Et moi je vous remercie de ne pas m'avoir noyé dans la fontaine.

Il sourit. 

-    Avec plaisir. Je m'excuse de devoir vous laisser là, hélas j'ai encore quelques papiers à remplir. Je vous reverrai donc au dîner ?

J'acquiesce. 

- Oui bien sûr.

Il sourit, s'incline à nouveau et remonte le couloir. Je souffle longtemps devant ma porte et l'ouvre d'un coup. Dévoilant les têtes impatientes de mes femmes de chambres. À l'instant où je franchis le seuil de la porte, Hannah et Miranda hurlent de stupeur à la vue de mes cheveux nid d'oiseau et de ma belle tenue d'équitation trempée. Heureusement pour moi, mes femmes de chambre devenues mes amies se sont bien déridées et ont désormais abandonné toutes politesses inutiles. 

-    QU'EST-CE QUE TU AS FAIT DE MON LISSAGE GABRIELLA ?! 

-    ET DE MON ENSEMBLE CHIC MAIS PAS TROP QUI EST MAINTENANT FICHU ?! 

Ellen s'approche de moi en souriant et relève mon menton avec un sourire. Ses yeux se plongent dans les miens et elle déclare d'une voix attendrie et quasiment maternelle :

-    Je ne sais pas ce que tu as pu faire pour te retrouver dans cet état ma fille, mais tes yeux brillent comme jamais. 


Dimanche :

En cette journée particulièrement calme, j'ai décidé d'entrer dans ce fameux boudoir sacré qui m'effraie tant. J'ai réussi à l'éviter toute la semaine mais le passage semble obligatoire. De plus j'ai grand besoin de me poser quelque part pour écrire ma réponse à Kate et cet endroit semble idéal. J'entre donc et me sens immédiatement mal à l'aise. Plusieurs filles lisent, d'autres papotent mais aucun visage connu.

Une blonde dont j'ai oublié le nom me dévisage ouvertement et son regard critique ne me plait pas beaucoup, mon cerveau s'interroge sur la manière dont il faudrait procéder mais ma langue va plus vite que lui : 

- Un problème ? Demandé-je d'un ton froid

Elle relève les yeux et me détaille franchement. 

-    Pas de ce que je peux voir, non, répond-elle avec un petit plissement de nez et un air dédaigneux

Je fronce les sourcils mais décide de laisser passer. Je m'assieds sur une banquette un peu plus loin que celle de la blonde. Cette dernière se met subitement à bougonner. Seuls les mots "six" et "caste" prononcé avec dédain sont compréhensibles dans son discours tandis qu'elle lit à nouveau son magazine.

Cette fois c'en est de trop pour moi, je me relève et me plante devant elle. 

- Tu peux répéter ce que tu viens de dire ?

En soupirant, elle ferme son magazine et me regarde dans les yeux. 

- Je disais : "Avec cette compétition même les 6 oublient leur caste et commencent à se croire plus important qu'ils ne sont", dit-elle en articulant, me regardant d'un air de défi.

Je reste muette un instant, sous le choc. C'était trop beau pour être vrai, cette pseudo entente entre les castes ne pouvaient pas durer. Je me reprends et lui fais un sourire que j'essaie de rendre convainquant. 

- Et les castes 2 se comportent toujours comme des salopes. 

Elle a un sourire suffisant. 

-    Et les caste 6 sont des salopes. Il paraît que vous êtes prêts à tout pour un peu d'argent... Elle accentue le "sont".

Mon sang ne fait qu'un tour et j'attrape cette pétasse par les cheveux et lui murmure à l'oreille : 

- Oh vraiment ? Il parait qu'on est aussi très susceptibles. Et qu'on sait se battre.

- Vas-y, continue donc, murmure-t-elle. Je serai ravie de te voir éjectée de la sélection pour violence envers une autre fille...  

Elle tourne un peu la tête pour lui parler directement à l'oreille. 

- Maintenant, lâche moi. Ou je hurle.

Je desserre d'un coup mon emprise sur sa chevelure me rendant compte de ce que j'étais en train de faire et recule de quelques pas. 

- Ça se paiera, la deux. Tôt ou tard ça se paiera, lui craché-je avant de quitter le boudoir.

- C'est cela. 

Elle se rassoit confortablement dans son fauteuil, rejetant ses cheveux en arrière d'un coup de tête. 

- Je t'attends... 

Elle articule silencieusement le mot "salope" de sorte que seule moi puisse le voir, tout en rouvrant son magazine. Je quitte le boudoir complètement furibonde, sentant les regards interloqués des autres sélectionnées peser lourdement sur moi. Je monte dans ma chambre en courant à moitié, bousculant quelqu'un au passage et regrettant mon confortable jean et mes baskets. Lorsque je passe la porte de mon refuge je suis soulagée de voir que mes amies sont absentes. Je sais que je peux être blessante lorsque je suis dans cet état. Rageusement, je retire ma robe qui me compresse la cage thoracique, la déchirant au passage et cherche désespérément quelque chose à détruire. Mon regard se porte sur la table de chevet près de mon lit que j'empoigne et jette par la fenêtre, me fichant bien de savoir s'il peut y avoir quelqu'un que je risque de blesser. Je me laisse tomber sur le lit, essoufflé et profondément honteuse. Après tous ces jours passés au palais, mon altercation avec cette connasse sonne comme une piqure de rappel pour moi. J'ai faillit oublié, j'ai cru naïvement qu'ici les gens allaient changer et me verraient non plus comme un simple larbin mais comme leur égal. Sous les dorures du palais j'ai faillit oublié que je n'ai gagné aucun combats et qu'il me reste encore tant à prouver. Que les mentalités n'ont pas changées du jour au lendemain et c'est ça que je ne dois pas oublier. 

C'est ce que je dois combattre.


Lundi : 

Très chère Kate, 

Avant toute chose je tiens à m'excuser de ma réponse tardive, j'ai été plutôt occupée récemment.

Je n'ai pas poignardé le Prince et je ne lui ai toujours pas jeté d'éponge dans la figure. En revanche je l'ai arrosé. 

Oh va va, ne fais pas cette tête faussement outrée. 

Mon séjour ici se passe... bien j'imagine. En quelques jours j'ai réussi à faire une bataille d'eau avec un membre de la famille royale, ruiné ma chambre avec deux autres, ait faillit étrangler une saloperie de deux condescendante et fait pousser beaucoup de cheveux blancs à mes femmes de chambre. 

Ah oui et d'ailleurs, j'ai des femmes de chambre. Moi. 

À vrai dire je les considère plus comme mes amies que comme mes larbins, en fait je n'arrive tout simplement pas à m'imaginer leur donner des ordres alors qu'elles sont dans la même merde que moi. 

C'est impensable. 

Tu féliciteras Jane de ma part, être lettrée est important, même pour une six. Pour ce qui est d'Andrew et bien... bienvenue dans mon quotidien de grande sœur ! Si tu veux le calmer dis lui que tu le privera de chocolat, ça marche toujours même quand il n'y en a pas. 

Je refuse de croire que maman est fichue et je refuse d'en parler à Jane et Andrew. Ils sont trop jeunes pour se préoccuper de perdre leur mère. Ils ont déjà assez souffert de mon départ de la maison inutile de les inquiéter pour quelque chose qui n'arrivera que dans très longtemps. Ma mère est une guerrière. Elle s'en sortira je peux te le garantir. 

Merci pour tout Kate. 

Bien à toi, 

Gabriella. 


Jeudi :

Avec une certaine admiration, je parcours les rayonnages des yeux, n'osant même pas toucher les précieux livres de peur de les abîmer. Soudain, je sens quelqu'un me heurter, le choc me tirant de ma rêverie. 

- Tu vas bien, lui demandé-je avec un sourire.

- Oui, répondit Jeena. A qui est-je l'honneur? 

- Gabriella Johnson, et tu es ?

- Jeena Osvald. Ravie de te rencontrer.

- De même ! Tu as vu tous ces livres, m'exclamai-je bien trop enthousiaste

- Oui, je n'ai jamais vu ça. D'ou je viens, il n'y en a pas autant.

Je ricane et soupire. 

- D'où je viens il n'y en a pas du tout !

- Ah bon? Pas de bibliothèques?

- Si, dis-je dans un soupir. Mais pas pour les six.

- Oh, désolé. Je ne savais pas. Moi je pouvais y aller, mais très peu.

- Tu étais de quelle caste ?

- Quatre. J'étais bijoutière.

J'acquiesce lentement en fixant les rayonnages. 

- Moi j'étais femme de ménage

- Ah. 

Réplique pertinente!

J'éclate de rire et lui lance un regard joueur. 

- Ce n'est pas grave tu sais... ce n'était pas si horrible. 

- Et donc ... tu a envie de lire, maintenant que tu es ici?

- J'ai toujours eu envie de lire, c'est juste que maintenant que j'ai du temps pour le faire, j'en profite ! Et toi ?

- Je m'ennuyais un peu, et je me suis souvenue qu'il y avait une bibliothèque.

- Oui c'est sûr qu'il n'y a pas grand chose à faire dans ce château... on devrait aller se promener à l'occasion tu ne crois pas ?

- Oui, ça me plairait bien!

- Moi aussi ! À plus tard alors ! 

Nous nous quittons sur ces mots et je retourne à ma chambre, ne sachant pas vraiment quoi penser de cette entrevue. L'incident Cassiopée m'a fait énormément douter de la bonne volonté des autres sélectionnées et je ne sais plus a qui faire confiance. Je soupire et m'étale sur mon lit cherchant à oublier cette maudite compétition.


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