Devoir n°4 : Gabriella Johnson
Je n'ai pas envie d'y aller.
C'est un fait.
Cette chambre est immonde.
C'est un autre fait.
Je me lève de mon lit extrêmement confortable et fais les cent pas dans ma chambre. Je n'ai aucune idée de comment je vais bien pouvoir rester ici aussi longtemps sans devenir folle mais je le dois. C'est ainsi.
On frappe doucement à ma porte. Deux petits coups rapides et discrets. J'enjambe les quelques mètres qui me séparent de l'entrée de ma chambre et découvre sur le seuil trois femmes en uniforme. L'une est assez âgée et semble avoir porté le monde sur ses épaules, l'autre est une brune qui semble volcanique et la dernière une petite blonde qui doit être plus jeune que moi et qui est visiblement excitée à l'idée de me rencontrer. Je les fais entrer d'un grand geste vers l'intérieur.
- Entrez je vous en prie ! Asseyez vous, vous avez faim ? J'ai toujours faim moi... je crois que j'ai quelques biscuits dans mon sac.
Je joins le geste à la parole et leur désigne deux sièges et mon lit. Elles restent perplexes quelques instants mais s'assoient tout de même là où je leur ai indiqué. Je sors lesdits biscuits de mon sac et en distribue un à chacune et un pour moi. La fille aux cheveux de jais regarde son biscuit avec interrogation.
- Euh... j'en sais rien hein mais j'crois que c'est nous qui devons s'occuper de toi.
La femme la plus âgée lui frappe le bras et la fusille du regard.
- Miranda ! Excusez la mademoiselle elle n'a pas l'habitude d'être au contact des autres. Je me présente je suis Ellen et mes deux compagnes ici présentes se nomment Hannah et Miranda. Nous sommes à votre disposition durant tout votre séjour quelqu'en soit la durée. Cependant vous ne devriez pas manger ce biscuit, le petit-déjeuner sera servit après votre rencontre avec le prince.
Je jette un coup d'œil vers Hannah qui se tortille les yeux brillants et vers Miranda qui me regarde avec intérêt puis je me tourne vers Ellen qui se tient aussi droite que possible. Enfin je regarde le biscuit dans ma main et croque dedans avec entrain.
- Je n'apprécie vraiment pas les règles, dis-je la bouche pleine. Et ce n'est pas manger ça c'est... grignoter. Heureuse de vous rencontrer en tout cas, j'aimerais que vous me tutoyez toutes s'il vous plaît. Pas de ça avec moi, je suis l'une des vôtres pas une princesse.
Sans que je puisse comprendre ce qu'il m'arrive, Hannah se jette sur moi et me serre longuement dans ses bras.
- Oh mon Dieu je suis tellement contente ! S'exclame t-elle d'une voix suraiguë. Tu as l'air adorable et comme tu l'as dis tu es l'une des nôtres ! Vous vous rendez compte si le prince l'épouse ?! Une six sur le trône d'Illea ce serait tellement biiiiien !
Elle se retourne vers ses amies en gigotant dans tous les sens. Miranda éclate de rire tandis qu'Ellen passe une main sur son front, elle a l'air profondément fatiguée. Je ris légèrement moi aussi et nous nous levons toutes.
Les trois femmes de chambre s'affairent aux quatre coins de la pièce et je m'enferme de mon côté dans la salle de bain. Je prends une douche bien chaude et me brosse les dents. Lorsque je croise mon reflet dans le miroir, je crois rêver. Mon visage a soudainement rajeuni, je prends aussi conscience que mon retour à la maison sera compliqué. Une seule nuit ici et j'ai l'impression de renaître, j'aimerais tellement partager cela avec ma famille. Je me mords la lèvre à cette pensée et sors de la salle de bain une serviette enroulée autour de moi. Avoir des femmes de chambre n'est pas dans mes habitudes, normalement c'est plutôt moi qui sert les autres et j'avoue avoir du mal à me faire à cette idée.
Miranda me regarde d'un œil critique et fouille dans la penderie. Elle en sort une robe en dentelle rouge, plutôt courte et évasée avec une paire de talons hauts.
- C'est elle qui les dessine, m'explique Hannah à voix basse. C'est sa passion et elle est très douée pour ça.
Hannah me fait un grand sourire et j'ai en effet le plaisir de voir les yeux de Miranda s'allumer d'une jolie lueur.
- La robe que tu portais hier soir servira pour une autre occasion, me dit-elle en regardant la robe que je portais il y a peu. Aujourd'hui est le jour où tu rencontres le prince tu dois être... canon, me dit Miranda en souriant. Mais pas trop chic non plus ! Cette robe sera parfaite. En plus tu sembles être le genre de nana qui porte du rouge toi.
Elle me fait un clin d'œil et je lui souris, j'adore cette fille. Je m'intéresse ensuite aux chaussures à talons que je fixe d'un œil critique.
- Tu n'as pas... des baskets ?
Miranda secoue la tête avec effroi.
- Mer... mince, dis-je en me reprenant.
Visiblement je vais encore devoir me promener sans chaussures.
***
Hannah m'a coiffé et j'ai encore une fois refusé le maquillage. Elle m'a fixé quelques instants avec perplexité mais n'a pas posé de questions. Je suis sortie de ma chambre (encore) sans chaussures ce qui a eu pour effet de faire longuement râler Miranda qui a affirmé que je gâchais son dur travail. Je m'apprête maintenant à rejoindre la salle d'apparat où sont entassées toutes les autres sélectionnées et je dois avouer que je n'en ai absolument aucune envie. J'ai plus l'impression de me rendre à l'abattoir que dans une salle où je suis censée rencontrer mon futur mari.
Beurk.
Je secoue la tête de droite à gauche pour reprendre mes esprits et entre dans ladite salle. Je m'avance prudemment et me fais de suite agresser par une journaliste qui visiblement m'attendait. Elle me colle son micro au visage et me hurle ses questions dans les oreilles :
- Je peux vous poser quelques questions ?
Je reste interdite quelques secondes et répond en bafouillant.
- Et bien... oui je... c'est que...
- Pensez vous vraiment pouvoir conquérir le cœur prince et assumer les fonctions de reine ?
J'ouvre la bouche, puis la referme. Puis hausse les épaules abandonnant finalement la journaliste là où je l'ai trouvé. Je fuis le plus vite possible et m'installe en soufflant sur une des chaises de la salle, sans savoir quoi faire et étant légèrement déprimée, je décide de jouer avec un pan de ma robe rouge. Une jeune fille brune aux yeux marrons et aux traits fins se tourne vers moi et m'offre un sourire radieux :
- Bonjour! Loïs enchantée... dit-elle en me tendant sa main.
Je la serre avec une lassitude à peine dissimulée et me présente en tentant d'être aimable.
- Gabriella, enchantée aussi.
Elle penche la tête avec un air compatissant :
- Je... euu. Ça ne va pas ? dit-elle de but en blanc
Je pèse mes mots avant de répondre. Je ne sais même pas si je vais bien ou non.
- Si. Non. Je déteste être ici.
Elle recouvra ma main de la sienne :
- Je te rassures moi non plus... Ta famille te manque ? Me demande-t-elle en espérant sûrement avoir enfin trouvé quelqu'un qui vit dans le monde réel.
Je soupire.
- Horriblement. Et toi ? Je regarde Lois dans les yeux en espérant y trouver un peu de réconfort. Visiblement je ne suis pas la seule à avoir beaucoup de mal à me faire à la vie au palais.
- Pas tellement... pouvoir passer une véritable nuit dans le calme ça c'est la vraie vie ! dit-elle en riant.
Je ris franchement et acquiesce.
- Ce n'est pas faux ! Je crois que je n'ai jamais passé une aussi bonne nuit.
- On est d'accord ! Dit-elle en faisant écho à mon rire, mais sinon tu as laissé combien de petits anges chez toi ? dit-elle avec un regard complice
- Deux, répondis-je en grimaçant. Une fille et un garçon. Et toi ?
Elle me sourit :
- Ils sont plus grands ou plus petits que toi ? Mon jumeau, ma grande sœur et mon grand frère...
- Plus petits, dit-je avec un sourire. Huit et six ans.
Ça me fais du bien de parler d'Andrew et Jane à quelqu'un qui semble me comprendre.
- En tout cas tu sembles avoir une grande famille, dis-je avec un sourire
- Quelle chance! J'aurais tellement voulu être grande sœur... elle eût un sourire nostalgie et son regard se perdit un moment dans le vague au souvenir de sa famille. Plutôt oui mais les deux aînés de ma fratrie ne vivent quasiment plus chez nous, ce qui nuit considérablement à cette impression dit-elle en rigolant
- Ce n'est pas tous les jours facile à vivre dis-je en riant à moitié. Et je peux imaginer oui... je ne pense pas que je pourrais vivre loin de ma famille trop longtemps
- Oui je te comprends même si ce n'est pas rose tout les jours, je les aime pour ce qu'ils sont, mais si le destin nous a séparé je présume que c'est pour une bonne raison... elle secoua la tête en me souriant : Changeons de sujet cette conversation me donne bien trop envie de pleurer... alors ? Prête à rencontrer le prince et futur roi d'Illea?
Je souffle et émets un léger rire sarcastique.
- Je ne vois même pas pourquoi je m'y rends ! Et toi ?
Elle ricana :
- Je sais pas trop... Mais à ce que je vois on pense pareil !
- Il me semble oui... répondis-je plus bas avec un léger sourire.
Elle me sourit :
- En tout cas, je suis agréablement surprise. Je ne pensais rencontrer ici que des filles superficielles et prêtes à ce jeter sur le premier venu pour une couronne...
- Moi aussi, dis-je en lui faisant un clin d'œil
Mon nom retentit dans la pièce et je dis au revoir à Lois avec regret, je m'avance en traînant les pieds et soupire longuement. Je me décide enfin à frapper au bout de quelques minutes.
- Entrez !
Je regarde le plafond, le sol, mes mains et geins un peu avant d'entrer dans la pièce. Je reste figée devant la porte ouverte comme une demeurée quand je croise le regard du prince.
Il est assurément plus beau qu'à la télévision et je me sens soudainement hideuse. Il me sourit et s'avance vers moi. Il prend ensuite ma main et la porte à sa bouche.
- Mademoiselle Gabriella Johnson, c'est cela ?
Je tente de garder une contenance et récupère ma main en vitesse.
- Monsieur Carter Schreave, c'est cela ?
Il ne peut contenir un sourire.
- Mais oui, en effet ! Je vous en prie, prenez place, dit-il avec un geste vers le canapé.
Je m'assois en essuyant le plus discrètement possible mes mains moites sur ma robe sûrement hors de prix.
- Avez-vous fait bon voyage ? demande-t-il en prenant place à côté de moi.
Je gratte nerveusement mon vernis rouge que l'on m'a posé de force hier soir et relève la tête vers lui, un peu incertaine de ma réponse.
- Plus ou moins. Non. Ma famille me manque et j'ai le sentiment de n'avoir rien à faire ici.
Je suis un peu surprise par mon honnêteté soudaine tout comme le prince qui se passe une main dans la nuque l'air visiblement gêné.
- Oh... Je suis sincèrement désolé. Je comprends, et... Je ne veux que vous vous sentiez... Prisonnière ici.
Il réfléchit un instant.
- Voulez-vous que je vous renvoie chez vous ?
Je suis un instant surprise par sa proposition et la considère sérieusement.
- Si seulement, dis-je en soupirant. Je ne voulais pas vous gêner, excusez moi. Je vais être honnête avec vous, je suis toujours honnête au cas ou vous ne l'avez pas encore remarqué. Je suis ici car j'ai perdu mon travail et que je veux sauver ma famille d'une mort certaine, je ne suis pas ravie d'être loin d'eux mais si c'est le prix à payer je suis prête à l'assumer. De plus... vous semblez beaucoup moins insupportable que dans mon imagination, dis-je avec un grand sourire heureuse de m'être libérée d'un poids.
Il m'écoute attentivement puis me sourit d'un air rassurant.
- Je vous remercie d'avoir été sincère avec moi.
Il réfléchit un instant.
- Saviez-vous que vous pouvez redécorer votre chambre à votre guise ? Peut-être devriez-vous y réfléchir ? Ainsi, vous serez plus à l'aise pendant votre séjour ici.
Mon visage se fend en un sourire et j'éclate de rire en pensant à tout ce que je pourrais faire avec cette chambre qui mettrait la gouvernante hors d'elle. Déjà qu'elle n'a pas beaucoup apprécié le fait que je me balade sans chaussures.
- Vous n'auriez peut-être pas dû me dire ça... j'aime un peu trop franchir les limites.
Il sourit.
- Eh bien, tant que vous ne dégradez rien et ne faites de tord à personne... Je suis sûr que ça ira.
- Arracher une tapisserie immonde et qui fait vraiment du mal aux yeux c'est dégrader ?
Il prend une seconde pour réfléchir.
- Hum... non. La tapisserie au mur fait partie de ce que vous pouvez changer.
- Oh... vous voyez vous me faites vraiment, extrêmement, infiniment, plaisir.
- Eh bien, je ne fais rien de plus que vous dire ce que le règlement permet.
Il jette un regard à l'horloge.
- Je crains que nous n'ayons à nous quitter.
Il se lève et s'incline.
- Ce fut un plaisir de parler avec vous.
Je me lève aussi et lui fais un bref signe de tête ne sachant absolument pas comment bien me comporter avec un prince. Avant de partir je lui pose une dernière question qui m'importe beaucoup :
- Pardonnez moi de vous retenir encore un peu mais est-ce que vous sauriez où est-ce que je peux trouver Mary et Matthew ?
Surpris, il met un peu de temps à répondre.
- À cet instant précis, non. Mais ne vous en faites pas, vous les verrez au petit déjeuner. Ils ne ratent jamais un repas.
Je lui fais un sourire et ris intérieurement, me voyant déjà colorier la tapisserie aux crayons de couleurs avec les deux adorables blondinets.
- Très bien, merci et bonne chance pour la suite !
- Merci !
Je quitte la pièce en sautillant gaiement le sourire aux lèvres.
Je sais désormais ce que je vais faire du reste de ma journée.
***
Le petit déjeuner va enfin être servi.
Je me suis attablée devant les jumeaux dès que je les ai repérés et observe la quantité délirante de nourriture présente sur la table. Tout a l'air absolument délicieux et je crois bien que je n'ai jamais été autant fascinée par quelque chose de toute ma vie. Je prends un peu de tout et commence allègrement à me goinfrer puis je me rends compte que je ne suis pas seule et qu'il est peut-être temps d'agir de manière civilisée. J'observe les autres sélectionnées qui se comportent bien mieux que moi puis soupire lourdement en me rendant compte que je ne sais absolument pas me tenir. Mon regard atterri ensuite sur les jumeaux qui ne se soucient pas le moins du monde des convenances et je décide malgré moi de les imiter.
Après tout, je suis bien loin d'être une lady.
Je continue donc de m'empiffrer sans la moindre once de grâce et sans prêter une seule seconde aux conversations autour de moi. Une fois la majorité de mon assiette engloutie, je me penche vers les jumeaux qui se trouvent en face de moi et leur fais un clin d'œil
- Salut vous deux, j'ai besoin d'aide pour une mission sauvetage. Vous m'aidez ?
Ils échangent un regard et lèvent les yeux vers la jeune fille, attendant qu'elle développe.
- Il se trouve que j'ai hérité d'une chambre vraiment mais alors vraiment laide avec du papier peint vraiment mais alors vraiment immonde. Il s'agit ici de m'aider à sauver mon âme de ce papier peint qui menace de l'engloutir. Partants ?
Ils se regardent avec de grands sourires et hochent vigoureusement la tête.
- Super, dis-je en souriant. Une fois que vous aurez fini de manger armez vous de feutres et de crayons de couleurs et rejoignez moi dans ma chambre.
Pendant le petit déjeuner, les jumeaux ne me prêtent pas plus d'attention qu'aux autres, pour ne pas risquer de se faire prendre. Ils engloutissent leur petit déjeuné. Peu après, ils attendent devant ma chambre, traînant derrière eux un grand sac.
J'ouvre la porte avec un grand sourire, les invitant à entrer tout en les aidant à traîner leur énorme sac.
- Je vois que vous avez trouvé votre bonheur...
Ils hochent la tête en déballant peinture, pinceaux et feutres.
- Ça va être un chef-d'œuvre, affirme Mary en prononçant le f de chef.
J'éclate de rire face à la prononciation maladroite de l'enfant et plante un baiser sur sa joue. Ça risque de devenir une habitude si elle continue à être aussi mignonne.
- J'espère bien ! Surtout ne lésinez pas sur les couleurs !
Ils hochent la tête, déterminés.
- On va mettre du bleu, du rouge, du violet, du orange... dit-elle en sortant des pots de peinture associés.
- Du vert aussi, renchérit Matthew. Tu aimes quoi comme couleur ?
- J'aime toutes les couleurs dis-je sur un ton nettement plus enjoué qu'avant leur arrivée. Ce sera toujours bien mieux que ce gris tout fade...
Je réfléchis un instant puis leur demande :
- Elles sont aussi tristes que la mienne vos chambres ?
Ils font de grands sourire.
- On ne t'as pas attendu pour commencer à dessiner sur les murs...
Mary décide d'ouvrir le pot de peinture bleue et regarde tous les pinceaux à sa disposition tandis que Matthew hésite entre le vert et le violet.
Je ris et dis en attrapant un pinceau plutôt fin :
- Heureusement ! Mes pauvres, c'est presque inhumain d'élever des enfants aussi pleins de vie dans une atmosphère comme ça. Chez moi c'est tout petit vous savez et tout est délabré.... mais au moins c'est chaleureux. Et... plein de vie.
Ma voix se charge de tristesse à l'évocation du souvenir de ma maison. Cela fait seulement quelques jours que je l'ai quitté elle et ma famille mais j'ai l'impression que cela fait une éternité.
Devant ma tristesse soudaine, les jumeaux se calment un peu et échangent un regard. Finalement, Matthew attrape un pinceau et dessine un petit cœur bleu sur ma joue.
- On est sûr qu'ils sont très fiers de toi, affirme-t-il.
Mary hoche vivement la tête.
Je leur souris et remercie Matthew.
- J'espère... en tout cas je suis sûre que vous vous entendrez très bien avec eux ! Dis-je d'un ton plus léger.
Je trempe mon pinceau dans la peinture bleu et commence à tracer le contour d'un énorme cœur au dessus de mon lit.
- Ils s'appellent comment ? Demande Mary en s'appliquant à dessiner une tortue.
De mon côté je fixe mon œuvre, un sourire satisfait sur les lèvres et commence à la remplir de plusieurs couleurs et petits dessins.
- Jane et Andrew dis-je avec un sourire.
- Ils viendront au palais ?
Bientôt, le mur se retrouve couvert d'animaux multicolores plus ou moins identifiables.
Je m'immobilise un instant, mon pinceau figé sur le mur. Je me rends alors compte que je n'ai absolument aucune idée de la façon dont la sélection se déroulera.
- Je ne sais pas... je ne crois pas que nos familles viendront nous rendre visite. Il faudrait que je me renseigne auprès de la gouvernante. Mais c'est une bonne question !
Ils hochent vivement la tête. Bientôt, la tapisserie a presque entièrement disparue sous des dizaines de couleurs. Fiers de leur travail, les jumeaux ne se sont pas contentés des murs et leur visage pourrait maintenant rivaliser avec celui d'un clown. La couleur originelle de leur vêtements n'est plus qu'un lointain souvenir et ils semblent ravis.
Je regarde la chambre beaucoup plus à mon goût à présent et remercie les jumeaux. Je finalise notre œuvre en écrivant mon prénom et ceux des membres de ma famille. Je les invite à faire de même si ils le souhaitent.
Très enthousiastes, ils s'appliquent à bien calligraphier leur prénom. Mary écrit également "Carter", après m'avoir vu écrire le nom de ses frères et sœurs. Enfin, ils plongent la main dans un pot de peinture et laissent une jolie trace près de leur nom, attendant que je fasse de même.
Je les imite, salissant ma robe au passage et imprime moi aussi l'empreinte de ma main sur le mur. J'observe avec un sourire satisfait notre œuvre et frappe dans mes mains, enthousiaste. Ils applaudissent eux aussi en sautant à travers la pièce avant de commencer à ranger leurs pinceaux pour ne pas se faire surprendre si la gouvernante entrait. Je les aide a ranger et leur conseille de prendre une douche pour éliminer les preuves.
- Vous avez besoin d'aide pour ranger tout ça dans vos chambres ?
Ils secouent la tête.
- Ne t'en fait pas, on sait comment éviter les domestiques, affirme Mary. Elle échange un regard complice avec Matthew et ils s'enfuient dans le couloir, emportant leur matériel.
Je m'étale sur le lit avec un soupir de contentement. J'observe les murs de ma chambre maintenant égayés par les dessins enfantins de Mary et Matthew et souris bêtement pendant de longues minutes. J'adore les enfants, ils sont tellement plus simples que les adultes.
Je me décide à me lever et remarque une petite enveloppe sur le bureau au fond de ma chambre. Je m'en saisis les mains tremblantes et l'ouvre maladroitement :
"Gaby,
J'espère que tu vas bien et que tu n'as pas encore poignardé le prince ou jeter une éponge à sa figure.
De notre côté tout va plutôt bien, Jane n'a fait aucune fautes à sa dictée aujourd'hui et voulait que tu le saches. Andrew est toujours aussi hyperactif et n'arrête pas de courir partout.
Tu leur manque énormément.
Ta mère ne va pas très bien mais ça tu le savais déjà, elle a de plus en plus de mal à respirer malgré les médicaments que nous avons pu acheter. Je crois qu'il faut se préparer au pire Gabriella. Je sais que tu espérais encore un peu au fond de toi mais j'ai bien peur que l'espoir ne soit plus permis à un tel stade. Je crois qu'il faut commencer à parler de ça avec Jane et Andrew. Il faut qu'ils soient préparés si jamais le pire arrive.
À elle aussi tu lui manques, elle est tellement fière de toi.
Les filles de l'agence sont surexcitées, ta sélection leur vend du rêve.
Tiens bon Gaby, pour elle, pour ta mère, pour Jane, pour Andrew, pour moi.
Sois forte.
Avec toute mon affection,
Kate."
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