Chapitre 6
- Alors ? Elles l'ont pris comment ?
- Disons que ça les a fait réfléchir. Après ta mère n'a pas été ultra explicite.
Cette fois-ci, notre sortie nocturne à Maxime, Jojo et moi nous a conduits aux cuisines. Nous nous sommes tous les trois installés à une table et nous discutons tout en dégustant trois énormes coupes de glaces. Une à la mangue et fruit de la passion pour Jojo, une à la vanille et caramel pour Maxime, et une à la framboise et menthe-chocolat pour moi.
- Oui, elle voulait sûrement ne pas être trop brutale. Mais elle m'avait déjà dit qu'il serait temps de faire prendre conscience de cette tension politique aux membres de l'Elite. Après tout…
- Elles font partie de l'Elite. Elles sont de plus en plus près du cœur du problème, je finis en voyant qu'il cherche un peu ces mots.
Joshua baisse la tête en souriant. Il prend une nouvelle cuillérée de sa crème glacée avant de rajouter :
- Oui c'est ça. Et puis elles font partie de la Sélection alors autant qu'elles se rendent un peu compte de… Enfin de tout ça quoi.
Maxime ricane et lâche :
- Autant qu'elles se rendent compte elles aussi que c'est le bordel.
Oui, voilà. Très bien résumé !, je pense en émettant un petit rire que Joshua reprend aussi. Celui-ci lève ses yeux sombres vers moi, je me permets de m'y plonger un instant, profitant de la douceur que son regard m'apporte. Puis je replonge ma cuillère dans ma coupe de glace en écoutant Joshua lancer :
- Au fait, en parlant de bordel, papa m'a parlé vite fait des lettres…
Je grimace en mettant ma cuillère dans ma bouche. Je finis ma bouchée avant de répondre :
- Oh… Ouai… J'en ai entendu parler aussi des lettres. Si tu voyais le tas énorme que mes parents ont reçu.
- De quoi s'agit-il ?
Je tourne la tête vers Maxime qui n'a apparemment pas été mis au courant. Je cherche mes mots quelques instants. Je sais très bien qu'il comprendrait si je lui expliquais le contenu des lettres, j'ai passé suffisamment de temps avec le petit diable pour m'assurer de sa maturité plutôt élevé pour son âge, mais je sais aussi que trop de mélodrame pourrait l'ennuyer. Je sais qu'il a déjà du mal à nous entendre souvent parler de la pression que nous fout la Sélection et le "jeu" qui l'accompagne...
- En gros ce sont des gens qui insultent mes parents, en dénonçant une prétendue alliance entre eux et la famille royale. D'autres pensent que mes parents ne sont venus que pour profiter du palais et de ses privilèges et les encouragent à en abuser.
Maxime grogne :
- Tous des rageurs !
Joshua et moi nous nous regardons. Nous savons bien que ce n'est pas aussi simple que cela, mais aucun de nous ne réajuste. Nous préférons tous les deux ne pas avoir à faire porter trop de poids à Maxime à propos de ce genre de problème. Le pauvre, à son âge, c'est assez lourd pour lui de vivre dans une atmosphère de tension, alors pas la peine d'en rajouter.
Pour changer habilement de conversation, Joshua reprend :
- Bon, et sinon Vica, ta famille s'adapte bien au palais ? Tes frères et ton amie sont contents ?
Je hoche vaguement la tête avant de rectifier légèrement :
- Oui enfin ça dépend qui. Mes parents semblent très à l'aise, et mon frère aîné n'a pas eu de problème à s'intégrer.
Je repense une seconde à Kile et à leur amitié naissante avant de continuer :
- En revanche, c'est un peu plus compliqué pour les autres. Myriam j'ai réussi à la faire venir au boudoir avec moi mais elle reste très timide. Quant à Janvier et Maxence, ils restent souvent ensemble et souvent dans leur chambre…
Mon regard se perd un peu dans le lointain alors que je réfléchis quelques secondes. Ma cuillère en suspension à mi-hauteur vient finalement se reposer dans ma coupe et je dis :
- En fait, je commence à m'inquiéter un peu pour eux. J'ai peur qu'ils ne s'isolent trop, vous voyez ?
Maxime et Joshua confirme chacun d'un signe de tête compatissant.
- On pourrait peut-être aller les chercher.
Je fronce les sourcils et fixe Maxime :
- Comment "aller les chercher" ?
Le petit diable se met à sourire et développe :
- Bah oui. Là, maintenant. Tout de suite. Qu'ils viennent passer un peu de temps avec nous !
Je souris. J'avais déjà pensé à inviter Myriam ou mes frères à venir nous rejoindre la nuit mais… Je ne sais pas. Jusqu'à maintenant, je ne m'étais toujours pas décidée à leur en parler concrètement. J'avais besoin de garder ces sorties rien que pour moi. Et pour Maxime et Jojo aussi bien sûr. Je ne voulais pas de "nouveaux". Mais finalement pourquoi pas…
- C'est sûr, je souffle encore pensive. Se joindre à nous leur ferait sûrement plaisir.
Joshua émet un petit ricanement et reprend une dernière cuillérée de glace. Après un instant de silence, il repose son couvert qui émet un petit "cling" en retombant sur le verre de sa coupe maintenant vide. Puis il lance :
- Alors on y va ?
- Heu… C'est… C'est qui ?
Je souris quand j'entends la petite voix timide de Maxence à travers la porte.
- On n'aurait peut-être pas dû toquer… Il est super tard ; on va l'effrayer le pauvre, me chuchote Joshua l'air presque paternel.
- Bah il faut bien toquer si on veut lui demander de venir nous rejoindre, je lui souffle en retour avant de dire un peu plus fort et vers la porte : C'est Victoria. On peut entrer ?
A ma grande surprise, la porte ne s'ouvre pas mais mon petit frère répond d'une voix méfiante :
- T'as dit "on" alors t'es pas toute seule ! T'es avec qui ?
J'entends Maxime derrière moi qui explose de rire.
- Ah, il est malin ton frangin ! Un vrai espion, comme moi !
J'esquisse un sourire en coin et m'apprête à reprendre ma conversation avec la porte mais Joshua me prend de vitesse :
- Salut Maxence, je suis Joshua. Le fils du roi Maxon et de la reine Kriss. Et mon petit frère, le prince Maxime, est là aussi. Ton frère dort ?
En effet, Maxence partage sa chambre avec Janvier dont le sommeil a sans doute été légèrement perturbé par notre venue.
Il y a un petit silence avant que la réponse nous parvienne :
- Bah… Janvier est réveillé.
A ce moment, je suis amusée d'entendre une espèce de grognement du genre "mais tais-toi !.. Dis que je dors...". Me rendant compte que mes petits frères ne doivent pas comprendre ce qu'on leur veut et qu'ils ne savent pas trop quoi faire, je décide d'entrer dans leur chambre sans plus attendre.
Je pousse le battant en douceur et découvre les deux petites bouilles de Janvier et Maxence, à moitié couché dans leurs lits, les sourcils froncés.
- Mais qu'est-ce que tu viens foutre ici ? C'est la nuit…, lâche Janvier sans trop réfléchir quand j'avance en plissant les yeux pour voir à cause de la pénombre ambiante. Et qui est là avec toi ? C'est...
Joshua me suit en me tenant délicatement par les épaules. Maxime ferme la marche. La fin de phrase de Janvier fond dans sa gorge quand il voit les deux princes.
- Salut, fais Joshua. Désolé pour le réveil. Et pour la petite frayeur. A cette heure, c'est vrai qu'on ne s'attend pas à une visite mais… Bref… Ça va bien vous deux ?
C'est avec un immense sourire que j'ouvre les grandes portes de la salle de bal.
- Salle aux glissades version nuit !
Derrière moi, tout le petit groupe rigole. Surtout Joshua et Maxime : pour l'instant les autres sont encore un peu intimidés, mais je compte bien les mettre à l'aise ! Cette nuit, on va vraiment s'amuser !
Après avoir convaincu Maxence et Janvier de venir avec nous –Janvier a mis du temps à accepter ; en marchant dans les couloirs, il n'arrêtait pas de venir me demander en chuchotant si ce n'était pas interdit ce qu'on faisait…– nous sommes passés prendre Myriam. J'ai bien ris en voyant ma blondinette préférée secouer la tête comme pour se réveiller d'un drôle de rêve. Elle était vraiment étonnée de nous voir à cette heure ! Puis nous sommes aussi passés par la chambre de Louis. Après tout, autant en faire profiter un peu tout le monde !
Par ailleurs, c'est bien beau de tous se retrouver mais c'est quand même moins discret qu'à trois… Heureusement, nous avons réussi à ne croiser presque personne.
- C'est vrai…, se rappelle Myriam en me suivant pour entrer dans la grande salle de bal. En nous faisant visiter, tu nous avais dit que tu t'amusais ici avec le prince Maxime.
Après un petit ricanement, elle rajoute :
- Tu n'avais pas précisé à quelle heure ! Vous vous levez souvent en pleine nuit pour venir ici ?
C'est Joshua qui répond gentiment en s'approchant d'elle, ce qui la fait baisser les yeux et sourire timidement :
- Assez souvent. Disons que la nuit c'est un peu notre instant à nous ici…
Je le sens hésiter une seconde avant de l'entendre demander :
- Vous avez suivi la Sélection à la télé ?
Mes frères et Mimi hochent la tête pour confirmer :
- Vous devez donc avoir l'impression de me connaitre déjà un peu. De connaitre aussi l'amitié qui nous lie, Vica et moi, dans la Sélection. Et bien là vous allez voir tout ce que les caméras n'ont pas pu s'approprier de nous !
Mon prince arbore un sourire pétillant, celui que je pourrais voir sans problème sur le visage de son petit frère. Puis il enchaîne :
- Le plus intéressant. Et j'ai comme l'impression que vous allez être un peu étonnés.
Je ris. Oui, maintenant je me rends compte que ma famille, ma meilleure amie, aucun d'eux n'a encore vraiment partagé avec moi mon aventure. Ma véritable aventure je veux dire… Ils ont plus ou moins compris que ça se passait bien avec le prince mais n'ont jamais pu voir à quel point nous étions proches ! Ils ne connaissent pas encore très bien Joshua, ni Maxime d'ailleurs. Ils ne connaissent pas vraiment notre histoire. Il est temps de rattraper le temps perdu.
- Alors vous… Vous êtes vraiment ensemble ? Hors caméra… ?
Louis s'approche de moi. Je vois qu'il commence à comprendre qu'il y a un peu plus que la Sélection qui nous lie moi et Jojo. Ici, il faut un peu oublier le côté émission. Le côté privé l'emporte.
- Oui, répond Joshua avec un sourire qui me fait fondre. Ça se voit tant que ça ?
Mon aîné nous offre un sourire en coin.
- A l'instant ça crève les yeux.
Puis il hésite un instant. Pendant qu'il prend un air pensif en fixant mon prince, Myriam avance :
- Heu… C'est étrange de… Enfin de vous voir ensemble bien plus… Je ne sais pas comment dire. Le bulletin montrait bien que vous vous appréciez mais… -il y a… Je ne sais pas comment dire. Quelque chose de plus ici.
- Le pyjama sans doute !, ne peut s'empêcher de ricaner Maxime, ce qui me fait bien rire.
- Oui… Cela doit jouer, termine Mimi l'air aussi amusée par cette blague et de ce fait, plus détendue.
De son côté, Louis semble enfin avoir trouvé les mots qu'il cherchait :
- Votre altesse, dit-il en direction de Joshua. En vous suivant à travers un écran, et par la diffusion de la Sélection, j'ai eu en effet l'impression de vous rencontrer, d'apprendre peu à peu à vous connaitre… Mais cette nuit j'ai une autre impression. Celle que ma sœur vous connaît. Pas de façon médiatique ; réellement. C'est une sensation étrange. Vous faites partie de la famille…
Je comprends ce qu'il veut dire et j'en suis très heureuse. Je crois que j'ai enfin la sensation d'être compète. Je n'avais pas pensé que ça pouvait me manquer mais là, je réalise à quel point c'était essentiel. Ça y est : ma famille est dans la confidence. Tous ceux à qui je tiens font partie de cette histoire désormais ! Je me sens soudain un peu plus forte.
- Ça va ma chérie ?, vient me souffler Joshua à l'oreille alors que les autres commencent à s'éparpiller dans la vaste salle, sortant peu à peu de leur timidité.
- Oui. C'était une bonne idée de les inviter la nuit, je réponds.
Il m'embrasse doucement dans le cou alors que je termine :
- Je ne pensais pas que ça me ferait autant de bien.
- C'était l'idée du petit diable, rigole Jojo.
Je souris de plus bel.
- Par contre, fait Joshua avec une grimace qui me surprend sur le moment. J'espère qu'ils vont vite s'habituer à me tutoyer. Déjà que ça n'a pas été facile de te convaincre toi de me dire "tu"…
Je lève les yeux au ciel alors qu'il me tire la langue avant de rigoler.
- Je peux leur raconter ?..., me glisse-t-il d'un air à la fois sournois et suppliant.
J'éclate de rire et replonge dans mes souvenirs. Popcorn… Joshua qui nous surprend Maxime et moi… Qui me demande de le tutoyer… Ce moment tellement gênant qui s'est transformé en peut-être le plus incroyable dont je me souvienne.
Décidemment oui : cette nuit va être cool. Mes trois frères et Mimi sont là avec moi. Avec nous. Et on a vraiment plein de truc à leur raconter !
Ce matin, le boudoir est presque vide. Satisfaite mais fatiguée de notre petite fête improvisée de la nuit, Myriam a préféré ne pas m'accompagner pour se reposer un peu dans sa chambre. Quant aux autres Sélectionnées... elles doivent jouer à cache-cache ! Enfin je suppose puisqu'après avoir cherché sans succès mes amies dans leurs chambres respectives, je ne les vois pas non plus dans notre pièce commune.
- Bonjour Mélisandre, je lance à la seule personne présente. Tu sais où sont les autres ?
La jolie blonde à l'air rêveur me fixe une seconde avant de m'offrir un sourire et de me répondre :
- Dans le jardin. En ce qui concerne Clémence, Sissi, Lena, Neena, Valentine et…, dit-elle en faisant mine de compter : Et Rana. Elles sont parties il y a quelques instants pour une petite balade.
Je réfléchis un instant avant de conclure que Lucia et Emilia ne les ont pas accompagnées.
Tranquillement, je viens m'assoir près de mon amie.
- Elles ont bien raison. Il fait beau, autant en profiter.
La nuit passée avec ma famille, Myriam, et les deux princes m'a fait réveiller d'excellente humeur. C'est donc avec mon sourire des bons jours que je pose sur la petite table ronde mon petit carnet et mon crayon que j'ai apporté.
En papotant avec Myriam cette nuit, j'ai pris quelques nouvelles de sa mère et j'ai été prise d'une certaine nostalgie de mon ancien travail en tant qu'aide aux couturières. Aujourd'hui, c'est décidé : je reprends un peu la main. Je vais commencer par croquer quelques schémas qui me plaisent puis j'irai voir ce que je peux dénicher dans les ateliers des couturières du palais.
- Oh… Tu dessines ?, me demande Mélisandre curieuse.
- Quelques ébauches, je réponds en lui souriant. Je travaillais chez une couturière avant la Sélection et je voudrais reprendre un peu cette activité.
Après une pause, je précise :
- Enfin pour le plaisir quoi. C'est agréable de se poser pour réfléchir à la confection d'un vêtement.
- Je comprends, souffle Mélisandre.
Le silence retombe. Je commence à réfléchir à ce que je voudrais obtenir. Une robe ? Mouai… Je commence à en avoir assez vu. J'aimerais faire quelque chose d'un peu plus original. Tenue de jour, de soirée. Tenue de nuit ? Tiens, je pourrais faire un pyjama ! Cela paraît peut-être un peu idiot mais ça pourrait être drôle ! Depuis le temps que mon pyjama lavande est devenu ma tenue fétiche lors des rendez-vous entre Jojo, Maxime et moi… Un bon petit pyjama super confortable et tout doux, c'est une idée…
J'émets un rire en y pensant. Mélisandre tourne sa tête vers moi mais ne dis rien sur le coup. Puis, alors que je commence à croquer une silhouette pour me servir de modèle, elle intervient :
- Victoria… ?
Je relève la tête vers elle et l'incite d'un sourire à continuer.
- Tu sais, commence-t-elle doucement. Je suis plutôt contente que les autres soient allées se promener aujourd'hui. Je voulais te parler.
Cette fois, je hausse un sourcil. Je n'ai aucune idée de ce à propos de quoi elle voudrait bien pouvoir m'entretenir.
- C'est au sujet de la dernière visite de sa majesté la reine dans notre boudoir.
Je fixe Mélisandre :
- Et bien ?
Celle-ci jette un coup d'œil autour de nous avant de continuer :
- Elle a insinué –enfin c'est ce que j'ai compris– qu'il commençait à y avoir de certaines tensions politiques que nous ne soupçonnions pas.
Sur le coup, je ne sais pas quoi répondre. C'est vrai. Mais je ne sais pas trop ce que Mélisandre attend de moi à ce propos.
- Heu… Oui, c'est en quelque sorte ce que j'ai compris aussi, je lâche en prenant garde de ne pas trop en dire. Et alors ? Tu… Enfin pourquoi tu voulais m'en parler ?
A ce moment, je vois une certaine détermination dans le regard de mon amie. Je ne sais pas encore ce qu'elle a en tête mais j'ai l'impression qu'elle me scrute et qu'elle me sonde.
- Je pensais qu'après la reine, tu serais sûrement la Sélectionnée la mieux placée pour m'en parler.
Je déglutis. Au fond de moi, je sais que je suis bien plus au courant que les autres sur le sujet –mise à part Valentine qui y travaille carrément avec la reine–, c'est vrai, mais Mélisandre n'est pas du tout censée s'en douter. Je me creuse une seconde la cervelle. Mais pourquoi dit-elle ça ?
Soudain, j'ai une idée :
- Oh… Tu veux peut-être dire à cause de l'attaque sur mon frère ? Oui. Il a été attaqué à cause de sa caste 0 et cela fait sans doute partie des tensions dont la reine Kriss voulait…
Mais Mélisandre me coupe :
- Non, je voulais parler de la raison –car je suis sûre qu'il y en a une même si je ne la connais pas encore– qui vous a fait vous décider toi et le prince Joshua à ne pas arrêter la Sélection bien plus tôt.
Cette fois-ci, je manque de m'étouffer.
- Pardon ?!, je m'exclame sans me contrôler. Mais d'où tu tiens ça ?!
Me rendant compte de mon ton de voix qui a pas mal augmenté, je jette un coup d'œil dans le reste du boudoir et près de la porte. Je m'aperçois que cette dernière n'est pas bien fermée. Je fais signe à Mélisandre de m'attendre une seconde et vais pour rabattre complétement le battant.
- Victoria… Ne nie pas. Je ne suis pas bête. Bon… Si je ne vous avez pas grillés avant même que le prince ne commence à prendre de vrais rendez-vous, je n'aurais peut-être pas compris, mais là j'en suis persuadée : Tu es la seule qui aies vraiment une chance de te marier avec lui.
Je reviens m'assoir le cœur tremblant. Je ne m'attendais pas du tout à ça.
- Emilia n'est pas du tout la première à l'avoir embrassé. C'est toi ! C'était toi la favorite qui empêchait le prince de se rapprocher des autres Sélectionnées ! Et même s'il voit régulièrement chacune d'entre nous maintenant, je sais qu'il a déjà fait son choix. Je le sens.
Ma respiration se fait un peu plus rapide. Mélisandre n'a pas l'air de vouloir me faire sentir mal, mais je ne peux pas m'empêcher d'être crispée. Elle le savait. Depuis combien de temps ? Je ne sais pas… Elle vit chaque jour de la Sélection en en connaissant déjà la fin.
- Tu…, je souffle d'une toute petite voix. Pourquoi ne pas m'en avoir parlé avant ? On dirait que tu ne m'en veux pas.
Mélisandre baisse les yeux. Elle me sourit alors doucement, comme pour me rassurer.
- Disons que j'en ai été étonné au début. J'ai découvert votre liaison le jour du cinéma.
Je hoche la tête. Je crois m'en souvenir… Après cette soirée, j'avais été surprise qu'elle ne révèle pas ce "détail" aux autres : elle avait simplement fait un petit discours sur le non empressement de Joshua sur ses Sélectionnées et avait foutu le doute à tout le monde en insinuant qu'il s'était peut-être déjà rendu exclusif à sa favorite.
Mélisandre continue :
- Peu à peu, et en observant certaines de tes réactions, j'ai commencé à comprendre que tu étais vraiment attachée à lui. Je me suis dit que ça devais être réciproque et je me suis résignée à devoir bientôt quitter le palais quand il annoncerait vos fiançailles.
Je note ça dans un coin de ma tête. Apparemment, quel que soit l'avis du peuple, une Sélection close rapidement n'aurait nullement choqué Mélisandre. Puis, j'écoute la suite :
- Mais le prince n'a pas arrêté la Sélection. Ça m'a interpelé… Je me suis demandé pourquoi. Je ne voulais pas t'en parler avant mais les propos de la reine m'ont piquée.
C'est donc ça… Décidemment, Mélisandre n'est en effet pas bête… Bien vu…
- Quand elle a insinué des liens fragiles entre le peuple et la royauté et quand elle a évoqué le rôle de la Sélection et des Sélectionnées dans la politique, je me suis dit que c'était à cause de ça.
Je ne peux que confirmer. J'ouvre la bouche pour répondre mais elle m'arrête d'un geste de la main pour finir :
- Tu sais, je ne veux pas forcément savoir en quoi ça retarde le choix du prince Joshua. Je me rends simplement compte de ce que ça implique : S'il n'arrête pas la Sélection, c'est que les Sélectionnées ont encore un rôle à jouer.
Après un minuscule temps de silence, elle me dit :
- J'aimerais que tu m'orientes sur ce rôle si tu peux. Maintenant que j'ai pris conscience de certaine chose, et que j'ai pu voir un peu au-delà de cette Sélection, je veux tout faire pour tenir ce rôle au mieux. Je veux aider.
Je la fixe de plus bel, essayant de comprendre pleinement ses paroles.
- Après tout. Même si je ne suis pas destinée à ton Joshua, je suis une Sélectionnée, membre de l'Elite. Il est temps pour moi de prendre en main la responsabilité que cette place impose.
J'observe quelques secondes Mélisandre avec un profond respect. J'admire sa noblesse, sa volonté de vouloir vraiment aider la famille royale et de comprendre les problèmes qui l'incombent en ce moment. Je suis un peu surprise mais surtout, j'apprécie. Je veux lui expliquer au mieux ce que je sais à propos de l'ancienne colère du peuple survenue juste après la Sélection manipulatrice de notre ancien roi, Clarkson, puis de sa peur transformée en rancœur qui retombe maintenant sur les épaules de Maxon.
Le mot "pression" sort plusieurs fois de ma bouche, me faisant grincer des dents. Après quelques hésitations, j'essaie de ne pas en dire trop non plus, ne sachant pas si le roi serait content que je la mette totalement dans la confidence –notamment à propos de la mutinerie à laquelle il a échappé de peu. Il manque alors à Mélisandre quelques détails mais au moins, elle se rend à peu près compte de la situation maintenant.
Nous aurons donc un soutien de plus. Ce qui, pour moi, est loin d'être négligeable.
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