Chapitre 57: Final

Sans un mot je quitte la tente sous le regard médusé de mes amis. J'entends vaguement quelqu'un m'appeler mais je n'y prête pas attention. Alicia est prisonnière par ma faute. Cette pensée tourne en boucle dans ma tête et occulte tout le reste. Je n'arrive pas à m'en détacher. Je me sens coupable.

Et c'est bien pour cette raison que je m'apprête à peut être faire une des plus grosses conneries de ma vie. C'est à dire: me rendre seule au point de rendez vous pour confronter mon cher directeur comme c'est si bien dit dans son mot. J'appréhende beaucoup cette rencontre, surtout au vu de ce qu'il s'était passé la dernière fois. A l'époque, j'avais complètement perdu le contrôle de moi même. Il avait tué ma grand mère, j'avais encore le coeur meurtri et je n'avais pas su ignorer ses provocations. J'ai serte muri au cour de ces dernières semaines, mais je reste cette adolescente impulsive. On ne change pas quelqu'un du tout au tout comme ça. 

D'un pas décidé de je traverse le campement jusqu'à l'infirmerie, où j'y récupère mes affaires. Je suis peut être assez bête pour foncer tête baissée dans ce piège grossièrement tendu, mais je ne le suis pas au point d'y aller totalement désarmées.

Après m'être équipée, je m'éclipse discrètement du campement. Les combats font toujours rages au sein de l'académie et leurs clameurs me parvient même à cette distance. Sur la note laissé par le directeur, il est écrit que le rendez vous est au parc. Décidément je ne sais pas trop comment je dois interpréter la chose, sachant que c'est à cet endroit précis qu'il a tenté de me faire assassiner pour la première fois. C'est certainement une énième provocation de sa part. Comme pour me faire comprendre que mourir est mon destin et que retarder l'inévitable ne sert à rien. Ce qui doit arriver finit toujours par arriver. Point final.

Sans un regard en arrière je m'enfonce dans les ruelles étroites de la citadelle. Inquiétude. Colère. Peur. Tout se mélange au fond de moi. Mais j'essaye de faire abstraction. Alicia tiens bon, j'arrive.

Tout arrive trop vite à mon goût. Je suis déjà devant les marches qui mènent au parc. Je prends une grande inspiration avant d'entamer mon ascension. Mon coeur se met à battre à mes tempes alors que le moment fatidique approche. Mes mains tremblent: j'ai peur. Mais pour eux, qui se sont jetés dans la mêlée, se sont battus à mes cotés sans la moindre hésitation. Pour elle qui en paye le prix, là maintenant. Je me dois d'être forte et courageuse. Alors malgré la terreur qui me broie les entrailles, je lève le menton, je bombe le torse et j'entre dans le parc.

Face à moi se dresse Mr Lacroix. Il tient Alicia qui a les mains attachées dans son dos. Son visage est tuméfié, preuve qu'elle s'est battu. La connaissant elle a du lui donner du fil à retordre avant de se faire choper.

" Eh bien, tu es venue. Et seule comme convenu, s'enorgueillit Mr Lacroix. J'avoue que te connaissant toi et ta fâcheuse manie de n'en faire qu'a ta tête, j'avais quelque crainte quant à ton respect des consignes. Ceci dit, il valait mieux pour toi que tu les respectes, sinon je n'aurai pas donné très cher de la peau de cette petite."

Le directeur pousse Alicia qui tombe à terre dans un gémissement de douleur. Je me raidit. Il pose son pied sur sa joue puis continue: " Ce serait dommage d'amocher un si jolie minois n'est ce pas?"

La pointe de son pied s'enfonce un peu plus dans la joue de mon amie. Je sens la colère me monter au nez tandis qu'il pose son regard emplit de rage sur moi.

" N'est - ce - pas? Redemanda t'il en insistant sur chaque syllabe.

- Pourquoi... tu es... venue Anissa? Tu n'aurais... pas du venir. Gémit mon amie à terre.

- Toi tu tais! Je ne t'ai pas donné l'autorisation de parler, tempête t'il."

Mr Lacroix lui donne un coup de pied qui l'envoie valdinguer quelques mètres plus loin. Mon coeur rate un battement.

- Relâchez-la, je m'horrifie.

- NE ME DONNE PAS D'ORDRE! S'emporte le directeur le regard noir."

Sa voix terrifiante me paralyse. L'effroi infiltre mes veines glaçant vicieusement chaque partie de mon corps. J'ai l'impression que tout tient à un fil. Mr Lacroix semble être prit de folie, il est totalement instable. Je vois bien que je marche sur des oeufs. Si je fais la moindre chose de travers tout peut basculer. Et c'est Alicia qui va payer les pots cassés. Alors de ma voix la plus calme possible je demande:

" Je suis venue seule comme vous l'avez demander, j'ai respecté ma part du marché. Alors maintenant c'est votre tour. Laissez Alicia partir. S'il vous plait."

Je sens ma gorge se serrer tandis que des larmes rendent ma vision floue. Cet homme a perdu la raison. J'ai la haine contre lui. Il a fait souffrir tellement de personne, moi y compris. Mais la vie de mon amie est en jeu. Je n'ai d'autre choix que m'aplatir, de refouler tout ça parce que force est d'admettre que je suis impuissante.

" Ne... te... préoccupe pas... de moi... Me supplie Alicia. Débarrasse nous de lui..."

Je retiens un sanglot tandis que je vois Mr Lacroix se rapprocher d'Alicia l'air menaçant. Il lui donne une nouvelle fois un coup de pied lui arrachant un nouveau cri de douleur.

" Je t'ai dit de te taire, vocifère t'il."

Les coups pleuvent sur Alicia. Je m'interpose me plaçant devant elle. Une gifle me fait violemment tourner la tête à gauche me tordant presque le cou. Mr Lacroix essoufflé se stoppe dans son mouvement. Puis il se met a rire. D'un rire terrifiant qui me glace toute entière. 

" Tu aurais déjà du mourir. Tonne t'il alors qu'il sort un flingue de sa ceinture. Vaut mieux tard que jamais."

Il pointe l'arme droit sur moi. Alicia me crie de partir. Mais je ne bouge pas. Je regarde droit devant moi. Les yeux plantés dans ceux du directeur démangés par la folie. Son doigt se place sur la détente. Alors ça y est c'est la fin? Tout va se terminer ici, comme ça? Je sers fort les poings prenant ma dernière inspiration. Je ferme les yeux au bruit de la détonation. Désolée Maman, je n'aurai pas réussi à l'arrêter .

Le bruit mat d'un corps qui tombe sur le sol me fait ouvrir les yeux. Une seconde d'incompréhension s'écoule. Je suis encore debout? Pourtant...

Je baisse le regard.

" NOOOOOOOOOOOOON. J'hurle"

Ma vision se brouille, je me précipite vers celui qui a pris cette balle a ma place. Je tombe à genoux.

" Qu'est ce que tu fais là, je bredouille désemparée.

- On allait tout de même pas te laisser seule, me souffle Lucas.

- Je-"

Un sanglot m'échappe tandis qu'une tache rougeâtre s'étant sur le torse de Lucas. Il tend sa main qu'il pose tendrement sur ma joue maintenant trempé de larmes. Son pouce les essuie une à une. Je pose délicatement sa tête sur mes genoux et lui caresse les cheveux avec douceur. Il m'adresse un dernier sourire. Un sourire étrangement lumineux pour une situation pareille. Puis sa main tombe inerte sur le sol.

" Non, non, non, reste avec moi. LUCAAAAAS!"

Je sens mon coeur se déchirer puis tomber en miette dans ma poitrine. Le rire tonitruant du directeur me vrille les tympans. Puis mes oreilles se mettent à bourdonner et soudain je n'entends plus rien. Tout autour de moi devient noir. Noir de désespoir. J'ai froid. J'ai mal. Terriblement mal. Je ne sens plus rien a part cette terrible douleur qui me lacine la poitrine. 

Ne me laisse pas. Reste avec moi. S'il te plaît. Ne pars pas. S'il te plaît.

Je suffoque. Je me sens oppressée et bien trop à l'étroit dans ce corps. Laissez moi partir moi aussi. Laissez moi partir avec lui.

Une main se pose sur mon épaule. Je sens que l'on me secoue avec force mais rien à faire je n'arrive pas à me sortir de cet état de léthargie. Je ne veux pas retourner dans le monde réelle. Je ne veux pas accepter sa mort. Je veux être encore avec lui.

"Anissa! Anissa! Anissa! me parvint faiblement une voix. C'est comme si elle passait au travers d'un voile de coton. "

Non laissez moi. Je ne veux plus me battre. Laissez moi. Je n'en peux plus.

" S'il te plait, on a besoin de toi, me supplie une voix. S'il te plait, Anissa."

Peu à peu je reviens à nouveau dans la réalité. Les sons deviennent de plus en plus distinct. Mon environnement me parait plus clair. Les couleurs deviennent de plus en plus vive. C'est Alicia qui me secoue comme un prunier.

" Anissa!"

Je tourne vers elle un regard éteint. Lucas est toujours dans mes bras. Sa peau est froide. Je me mords la lèvre pour rester ancrer dans le présent. 

"Ali, ma voix se brise."

Mon amie me prend dans ses bras. Puis elle s'écarte, les mains sur mes épaules, elle plonge son regard dans le miens:

" Je sais que c'est beaucoup te demander, mais s'il te plait reprends-toi, Jeremy ne tiendra plus très longtemps."

C'est à ce moment que je remarque les larmes qu'elle retient au coin de ses yeux. Lentement Alicia m'encadre le visage de ses deux mains et me fait tourner la tête cherchant à me montrer quelque chose. Ma gorge se serre un peu plus en découvrant ce qu'il se passe a coté de moi. Jeremy se bat contre Mr Lacroix. 

Je comprends alors ce qu'il s'est passé: Lucas et Jeremy m'avait suivi depuis le début. Quand Mr Lacroix avait tiré, Lucas s'était interposé entre lui et moi. Se prenant cette foutue balle à ma place. Je m'étais précipitée à ses cotés; en même temps Jeremy avait libéré Alicia de ses liens. Puis j'avais sombré et pour me protéger Jeremy avait engagé le combat avec Mr Lacroix. Alicia avait alors désespérément tenté de me faire revenir. Combien de temps j'ai été absente?

Alicia avait raison, mon meilleur ami montre des signes de fatigue évident. Il ne tiendra plus longtemps. Avec difficulté, les jambes tremblotantes, je me relève. Je n'accepterai pas de perdre quelqu'un d'autre. 

" Je suis désolée Ali, j'ai eu un moment de faiblesse, mais je suis là maintenant."

Mon visage encore baigné de larmes non essuyées, je me lance sans un bruit sur le directeur remplie de rage. Grâce au vent j'augmente la vitesse de mes mouvements, mon poing s'écrase violemment sur le visage de Mr Lacroix qui virevolte quelques mètres plus loin.

" Tu ne toucheras plus à aucun de mes amis, je lui affirme. Maintenant c'est entre toi et moi. Seulement toi et moi."

Mr Lacroix se relève un sourire carnassier sur le visage.

" Très bien. A ton avis sur qui misera le destin? Toi, l'élue? Ou moi?"

Flap

Mes sens s'aiguisent et pour seul réponse je lui adresse un grognement. Le directeur lève sa main droite et du sol sortent des lianes tandis que je m'élance vers lui. Elles foncent droit sur moi. J'en évite deux avant de m'en prendre une en pleine poire. Ma joue me lance mais j'ignore la douleur et continue ma course. Rien ne m'arrêtera si ce n'est la mort. Je heurte Mr Lacroix de plein fouet et on roule sur l'herbe. On s'échange des coups dans un méli mélo de bras et des jambes. J'entends une de mes cotes se briser. Cependant c'est avec satisfaction que je sens mon pieds lui enfoncer ses bijoux de famille. Son visage devient livide et un sourire vient dresser la commissure de mes lèvres. Bien fait.

Je me relève et constate que mon adversaire fait de même un peu plus loin. Je fonce à nouveau sur lui. Le combat reprend avec encore plus de ferveur. Pendant notre lutte, un scintillement m'attira l'oeil. C'était le pistolet. Je n'avais pas la moindre idée de comment il était arrivé là. Jeremy avait du désarmer le directeur durant son combat et l'avait certainement balancé au loin. 

"C'est terminé, j'annonce"

Le teint du directeur descend de trois teintes alors que le canon du flingue se pose sur son front.

"Tu n'oserais pas.

- A d'autre."

Mon doigt presse sur la détente. BANG. Le corps de Mr Lacroix s'effondre, sa tête tape le sol et son regard sans vie fixe un ciel qu'il ne peut maintenant plus voir.

" Pour Lucas et pour tout ceux que tu as fait souffrir."

Comme si toute force m'avait abandonné, je m'effondre: C'est fini. C'est terminé. Enfin.

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