Interlude - Christian

Coucouu, j'espère que vous aimez bien l'histoire jusque là.

Ce chapitre est le chapitre que j'ai préféré écrire depuis le début de LSDD (c'est plus court comme ça que d'écrire le titre en entier), j'espère que vous l'aimerez aussi :)

Bonne lecture !

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Il était le meilleur de son équipe. Dans son équipe de football, il dirigeait ses coéquipiers et attribuait les rôles et positions de chacun avant que le match ne commence.

Il n'était qu'en sixième, mais sa détermination était infaillible. Son cœur était scellé sous la promesse d'un avenir glorieux et prometteur.

Le petit garçon qui ne jurait plus que par le sport, tel était son surnom. Un jour, à la sortie du stade, un de ses amis était venu lui flanquer une tape gratifiante dans le dos, accompagnée d'un sourire chaleureux.

— Beau match aujourd'hui ! Regarde, je crois que quelqu'un veut te parler, avait déclaré son interlocuteur.

De son corps encore frêle et de petite taille, il lui avait répondu d'un sourire amical. Puis, lentement, il avait tourné la tête pour apercevoir la petite fille qui le regardait timidement, de loin. Elle avait des yeux en amande et des cheveux fins, noirs, redressés en un adorable chignon.

Elle s'appelait Mélissa, et c'était la première fois qu'il la voyait. D'un pas timide, il s'était avancé vers elle et ils avaient échangés quelques mots franchement peu intéressants, ils étaient trop perturbés par la présence de l'un et de l'autre.

Il était rentré chez lui et, cette nuit là, il avait rêvé d'elle.

Une semaine plus tard, il l'avait emmenée en promenade au parc et avait embrassé une fille pour la première fois de sa vie. Il avait douze ans. Même à un si jeune âge, son amour envers elle était souverain de son être.

Il l'attendait toujours à la sortie du collège et lui offrait des enveloppes avec des mots tendres à l'intérieur. Ils allaient faire du shopping et il s'efforçait de rassembler assez d'argent pour pouvoir lui acheter un vêtement dans son magasin préféré. Souvent, il volait quelques pièces dans le porte monnaie de son père pour se le permettre, lorsque celui ci faisait la sieste sur le canapé.

Le temps passait, son corps changeait, celui de sa bien aimée aussi, et, arrivés au lycée, ils étaient toujours ensemble. Cela faisait maintenant cinq ans que Mélissa était reine du trône de sa vie.

Ses courbes s'étaient développées, son style vestimentaire avait évolué, tout chez elle avait changé, et pourtant, elle ne cessait de s'embellir à ses yeux.

Lui et Mélissa formaient le couple parfait, rien ne pouvait les séparer, même si ils se disputaient parfois, même si ils étaient souvent à deux doigts de la chute : au final, ils étaient indestructibles.

Un jour, il lui avait fait la surprise de venir la chercher devant le lycée, comme lorsqu'ils n'étaient encore que des enfants. Il tenait fermement un bouquet de fleurs dans sa main, et lorsqu'elle avait fait irruption dans son champ de vision, il avait eut la sensation que son cœur avait fait un bond dans sa poitrine.

Seulement, la réaction de Mélissa n'avait pas été celle qu'il attendait. Elle avait l'air...

Gênée ?

Il s'était approché d'elle, son bouquet à la main, et elle avait prononcé un mot, un seul. Mais cela lui avait suffit à lui briser le cœur.

« Arrête », avait t-elle soufflé en passant à côté de lui comme si il n'était qu'un fantôme.

Il avait décidé de ne pas forcer. Il connaissait Mélissa sur le bout des doigts. Elle avait sûrement passé une mauvaise journée, il s'était dit que cela allait lui passer.

Il avait jeté son bouquet de fleur à la poubelle et l'avait suivie d'un pas rapide sur le trottoir, le cœur en confiture pour la première fois de sa vie.

— Mélissa... avait t-il tenté, avant qu'elle ne le coupe en se retournant brusquement.

Il l'avait regardée dans les yeux en espérant un signe de tendresse de sa part.

Mais rien ne vint.

— Je ne savais pas comment te le dire. Mais je ne veux plus être avec toi. Je ne t'aime plus, avait t-elle lâché avant de s'en aller, comme ça.

Comme si rien ne s'était passé. Comme si les cinq dernières années ne valaient rien, absolument rien. Comme si la souffrance qu'elle lui infligeait était surmontable, comme si...

Comme si tout cela n'était qu'une simple blague.

Il n'avait pas attendu, et lorsqu'elle fut arrivée au bout de la ruelle, il lui avait empoigné le cou et l'avait presque étranglée contre le mur, ne contrôlant plus ses gestes. Il était possédé par une fusion de rage et de tristesse qui se répandait dans tout son corps.

Puis il l'avait relâchée, paniqué. Il avait l'impression d'avoir du sang sur les mains, or il l'avait juste fait suffoquer. Ce fut son premier geste violent envers une femme.

Il était parti en courant, des larmes de haine roulant sur l'entièreté de son visage. Il ne s'était même pas senti triste, juste trahi. Il ne méritait pas cela, il le savait. Pas après la manière dont il s'était dévoué à elle, corps et âme.

On dit que la première rupture est dévastatrice. Pour lui, elle était bien plus que dévastatrice, elle l'avait déshumanisé.

Le soir, en rentrant chez lui, ses parents s'étaient inquiétés, et il leur avait crié de le laisser tranquille : ils n'avaient pas insisté.

Il s'était senti si coupable de disposer d'une si belle famille et de les rejeter de la sorte. Mais même pour eux, ils ne ressentait plus rien. Pas une once d'amour. Il était vide d'émotions.

Alors, une semaine plus tard, un matin, très tôt, il s'était préparé un sac à dos et il avait volé une nouvelle liasse de billets du portefeuille de son père. Il avait murmuré :

— Je suis désolé, papa. Je t'aime.

Il savait qu'il n'arriverait plus jamais à ressentir quoi que ce soit si il restait dans cette ville, là où les ailes de son passé s'étaient déployées dans toute leur splendeur. Cela aurait été trop dur.

Il avait pris le premier train, il ne savait pas où il allait, ni ce qu'il allait faire, mais son cœur était mourant. Il fallait qu'il le répare de toute urgence.

Il avait roulé pendant au moins deux heures avant de descendre à un arrêt au hasard.

En sortant du véhicule, il s'était senti tellement soulagé de constater qu'il était en ville. De grands bâtiments l'encerclaient, il y avait même une université à sa droite.

Il avait redouté le fait d'atterir en campagne, dans un endroit où il ne pourrait rien construire de nouveau. Ce n'était heureusement pas le cas.

Alors, de son jeune âge, il avait trouvé un emploi, il était serveur dans un petit café, et c'était sa plus belle réussite. Mais même ça, cela ne lui redonnait pas le sourire. Cela ne le faisait pas vibrer comme Mélissa le faisait, c'était fade.

L'obtention de son premier studio n'avait eu aucun goût non plus. Il était satisfait d'avoir un endroit où dormir, et de ne plus avoir à subir le froid de la rue. C'était tout.

À ses dix huit ans, il s'était inscrit à l'université, en bataillant pour se trouver une place, lui qui était déscolarisé depuis la cinquième. Envers et contre tout, il avait réussi à s'obtenir une place en licence de psychologie.

Il se foutait royalement de la psychologie. Il essayait juste d'être heureux. En vain.

Il n'appelait jamais ses parents. Il n'en ressentait pas le besoin, il était juste reconnaissant de l'éducation qu'ils lui avaient offert. Ils devaient sûrement avoir déposé un avis de recherche sur lui, ou quelque chose comme ça. Mais c'était le cadet de ses soucis.

Un soir, lorsqu'il rentrait de l'université, une pulsion mystérieuse l'avait pris. Sa main s'était mise à osciller dangereusement sans qu'il ne puisse rien contrôler. Son esprit s'était affolé, il ne pouvait plus contrôler ses mouvements et en était devenu fou de rage. En plus de ne pas parvenir à soigner son âme, voilà que son corps en faisait des siennes ?

Cela lui était arrivé un soir, puis un autre, et encore un autre. Chaque semaine, ces petites crises étaient de plus en plus fréquentes, et de plus en plus intenses. Alors il avait décidé d'aller voir un psychiatre, en espérant qu'il lui administre des médicaments qui puissent calmer rapidement et efficacement ces étranges symptômes.

Leur dialogue avait été rapide et concis, le jeune homme n'avait qu'une seule hâte : récupérer ces foutus médicaments et s'en aller.

— Pensez vous avoir été victime d'un traumatisme ? l'avait questionné la psychiatre, sa paire de lunettes posées sur le bout de son nez.

— Non. Une fille m'a quittée. C'est tout. Donc je suis parti de chez mes parents.

Il avait bien sûr omis de dire qu'il s'agissait d'une fugue.

— Pensez vous avoir perdu goût à la vie après cela ?

— Oui.

— Avez vous déjà eu des pulsions agressives pouvant mettre en danger des personnes autour de vous, ou bien vous même ?

— Oui. J'ai étranglé mon ex. L'autre jour, je me suis frappé sans pouvoir me contrôler. Ça m'arrive souvent.

Elle lui avait posé quelques autres questions auxquelles il avait répondu par "oui" ou par "non". Finalement, elle avait fait glisser son ordonnance sur la table en bois.

— Bien. Vous êtes atteint de dépression et de trouble explosif intermittent, autrement dit TEI. Vos crises ne cesseront de s'intensifier, malheureusement le seul moyen pour vous de lutter contre celles ci est de prendre vos cachets. Un chaque soir. C'est obligatoire. C'est pour votre bien. Vous reviendrez me voir dans six mois, d'accord ?

Il avait acquiescé sans dire un mot et avait filé à la pharmacie effectuer son achat.

Il n'avait pas la moindre intention de retourner un jour chez ce médecin.

Quelques mois plus tard, ses crises s'étaient amplement calmées, probablement grâce aux médicaments. Le mode de vie du jeune homme s'était réduit à se lever, aller en cours, rentrer, prendre son cachet, dormir. Rien d'autre. Les sourires sur son visages se faisaient rarissimes, jusqu'au jour où, à la bibliothèque universitaire, il avait croisé le regard d'une charmante jeune femme en face de lui.

D'une manière inexplicable, sa présence lui avait arraché un sourire.

Le premier depuis longtemps.

Elle avait relevé la tête vers lui et lui avait adressé à son tour un des plus beaux sourires qu'il n'ait jamais pu contempler de sa vie.

Il lui était tellement reconnaissant de lui avoir fait ressentir quelque chose, enfin, après toutes ces années, qu'il avait décidé de lui adresser la parole.

— J'aime beaucoup ton sourire. Je voulais juste te le dire, avait t-il avoué en se rapprochant d'elle.

Aussitôt, elle s'était empressée de se rapprocher à son tour. Sa bouche était colorée d'un rouge éclatant, et ses longs cheveux blonds formaient des ondulations qui lui retombaient élégamment sur les épaules.

— J'aime beaucoup ton sourire aussi, avait t-elle répondu, plus que souriante. Je m'appelle Alison, et toi ?

Là, devant elle, devant son sourire resplendissant, devant sa joie de vivre innée, il avait succombé à son charme.

Il l'avait compris. Il avait compris que cette occasion était celle qu'il devait saisir pour enfin renaître de ses cendres.

Ce soir là, Jules avait décidé qu'il ne s'appelait plus Jules.

Il s'appelait dorénavant Christian.

Ce fut ainsi qu'il s'était présenté à celle qui allait changer sa vie.

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