Chapitre 34
— Qu...quoi ? Comment pourrais tu savoir que Niño est...? bégaya Halse, tremblante, sans oser finir sa phrase.
Plus rien n'avait de sens. Sa vie se transformait en un désastre absolu, sous ses yeux. Elle ne savait plus à qui faire confiance. Elle entendit sa mère soupirer au bout du téléphone.
— Halse, il faut que tu viennes me voir au centre de désintoxication pour que je t'explique.
Une expression abattue balaya le visage de la jeune fille.
Elle n'avait en fait rien à ajouter. Une boule d'anxiété lui obstruant les entrailles, elle appuya sur le bouton "raccrocher". Il ne servait à rien de continuer de parler au téléphone. Elle devait trouver un moyen de se loger, de rentrer chez elle, c'était la priorité.
Elle ne savait pas vraiment ce qu'elle ressentait. Peut être de la peur, ou de la colère envers sa mère pour toutes ces cachoteries dont elle ne méritait pas d'être victime. En tout cas, elle ressentait une tristesse infinie envers la mort de Niño, c'était la seule chose dont elle était certaine. Halse ferma les yeux et se demanda qu'avait t-elle put faire pour mériter tout cela.
— Merci... murmura t-elle en tendant d'un geste fébrile son téléphone à la jeune femme.
Celle avait récupéré son portable en tirant franchement sur sa cigarette, la dévisageant de haut en bas.
— Derien. Je sais pas ce qui t'affecte autant, mais crois moi débarrasse toi de ça. Regarde l'état dans lequel tu es.
Halse sourit tristement. La naïveté de ceux qui avaient une vie paisible la faisait doucement rire. La jeune femme employait le terme "s'en débarrasser" comme si il s'agissait d'une chose simple, d'un élément perturbateur.
Elle administra un hochement de tête à son interlocutrice et tourna les talons. Elle ne savait pas où elle se trouvait dans la ville, elle avait couru trop longtemps, trop vite. Peut être était t-elle tellement éloignée de sa ville qu'elle ne pourrait jamais y retourner.
Respire, s'ordonna t-elle, ne parvenant plus à réfléchir correctement, sûrement à cause du stress qui dévorait chaque parcelle de son corps.
C'était comme si l'anxiété la regardait malicieusement dans les yeux, souriante, se délectant de chaque parcelle de ses pensées.
Sa mère ne pouvait pas venir la chercher, elle avait interdiction de sortir du centre. Elle n'avait pas de téléphone, et de toute manière elle ne se souvenait ni du numéro de Gaëtan, ni de celui d'Ornélis ou de qui que ce soit d'autre. Elle n'avait pas d'argent.
Elle venait de se faire séquestrer.
Cette pensée prit la forme d'un violent haut le cœur qu'elle ne put retenir. Halse se précipita sur un pont se trouvant non loin de là, donnant sur une rivière. Elle fut secouée par de nouveau par ce qu'elle pensait être un vomissement, mais rien ne vint. Épuisée, elle s'accouda contre la rambarde en bois du pont et enfouit sa tête dans ses mains. Ses paumes rencontrèrent ses larmes salées.
— Vous allez bien ?
L'adolescente sursauta. Elle n'était pas sûre que quelqu'un venait de lui parler, mais lorsqu'elle se retourna, elle en eut la confirmation. Un homme devant avoir une vingtaine d'années se tenait face à elle, un sac à dos sur l'épaule. Il lui rappelait Christian, avec sa barbe naissante et ses yeux noisettes. Elle vacilla, avant de chasser cette pensée néfaste de son esprit.
Elle ne parvint pas à lui répondre, c'est comme si sa le timbre de sa voix refusait de passer la frontière de ses lèvres.
— Tu as l'air paniquée, constata le jeune homme, inquiet.
Elle hocha vivement la tête et prit une grande inspiration.
— Où... où je suis ? articula t-elle, le cœur cognant violemment contre sa poitrine.
— À HormValley, affirma t-il en exécutant un sourire chaleureux.
Son cerveau tilta sur ce nom. Cela lui disait quelque chose, elle ne devait pas se situer si loin que ça du gîte. Constatant bien son incompréhension, le jeune homme fronça les sourcils.
— Tu es perdue ?
Nouveau hochement de tête.
— Je vois. Tu habites où ?
— Genevienne. Gîte Merlin, débita machinalement Halse.
En réalité, elle était apeurée. Depuis ces quelques jours passés avec Christian, elle avait été violemment retirée du monde extérieur. Le seul contact humain auquel elle avait eu accès était celui qui avait détruit sa vie.
Elle avait l'impression que tout lui voulait du mal, désormais. Elle était aux aguets, et sa méfiance envers tout ce qui l'entourait était indescriptible.
— Oh, tu cherches le gîte Merlin ? comprit t-il.
— Ou...oui.
— Il suffisait de le dire. On est y est à trente minutes en voiture.
Un petit silence s'installa, durant lequel le regard de la jeune fille observait avec angoisse tout ce qui l'entourait. Une rivière, calme. Quelques arrêts de bus aux alentours.
— Tu veux que je t'y emmène ? proposa gentiment le garçon.
Aussitôt, Halse eut un mouvement de recul qui la fit violemment basculer en arrière. Elle flancha presque au dessus de la rambarde, mais se rattrapa de justesse.
Non, jamais, se hurlait t-elle intérieurement.
La simple idée de se retrouver seule avec un homme l'horrifiait. Que ferait t-elle si il cachait son jeu, comme Christian, et que son seul but était de l'attirer dans sa voiture pour ne jamais la relâcher ? Elle se força à articuler une réponse, il le fallait.
— Non. Est ce qu'il y a des... des bus ?
— Oui, bien sûr ! Tu vois l'arrêt de bus là bas ? Il faut que tu prennes la ligne numéro huit. Tu t'arrêtes au cinquième arrêt, et là tu arriveras au centre ville. Tu choperas forcément un bus qui t'emmènera au gîte Merlin, c'est une destination connue. Tu demanderas aux gens qui se trouveront là bas de te guider. Ça va aller ?
Halse souffla. Cet individu n'était pas dangereux, elle le sentait, mais elle ne pouvait s'empêcher d'en avoir peur.
Christian aussi lui avait paru bienveillant, au départ, et pourtant...
— Merci, murmura t-elle avant de s'éloigner presque en courant, sous le regard intrigué du jeune homme.
Elle décida de suivre ses conseils et se rendit à l'arrêt de bus qu'il lui avait indiqué. Quelle ligne lui avait t-il dit d'emprunter, déjà...? Elle ne s'en souvenait malheureusement plus. Elle jeta un regard affolé aux éléments qui l'entouraient : des passants qui discutaient en s'esclaffant, quelques magasins, des voitures qui klaxonnaient.
A l'idée de recroiser Christian sur son trajet, elle pouvait sentir une crise d'angoisse grandir dangereusement en elle. Si cela arriverait, elle perdrait ses moyens, elle en était parfaitement consciente. Ce qu'elle ressentait envers lui était indescriptible. Elle avait ressenti de l'affection pour cette homme, ils rigolaient tellement, ils étaient si complices, et du jour au lendemain, tout s'était effondré.
Tout s'était effondré plus précisément lors de cette fameuse sortie au musée, où rien n'était supposé se dérouler de la sorte... était-ce ce qu'avait du subir Alison ?
Un grand bus affichant le numéro huit s'imposa dans son champ de vision. Quelques personnes se hâtèrent pour pouvoir être les premiers à franchir la porte de l'autocar, et elle hésita longuement à les imiter. Finalement, lorsque les portes furent parvenues face à elle, elle décida de s'engager à l'intérieur de celui ci. Elle fila rapidement devant la borne où elle était sensée valider son titre de transport, gênée face au conducteur de ne pas payer son trajet.
Elle soupira en prenant place sur un siège, tout au fond du bus. La nuit commençait à tomber, ce qui ne fit qu'accentuer sa crainte de recroiser celui dont elle avait si peur. Elle se mordillait les ongles en s'efforçant de ne pas penser à Niño. Son corps s'était écroulé si brutalement contre le sol, juste sous ses yeux épouvantés. Les larmes ruisselaient abondamment sur ses joues, elle ne pouvait plus les retenir.
Le goût salé de ces larmes s'infiltra dans les commissures de ses lèvres, et elle laissa sa tête s'appuyer contre la vitre. Elle observa le paysage qui défilait sous ses yeux. Elle eut envie de s'endormir là, contre cette vitre, dans ce bus dont elle ne connaissait même pas la destination, et de ne jamais se réveiller.
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