Chapitre 3

Au fil de la soirée, la gêne et la tension avaient disparu. Tous deux passaient du bon temps, s'esclaffaient et chantaient à tue tête, se découvrant comme des adolescents de quinze ans dans l'une de leurs premières soirées.

— Pour combien tu chantes ? la défia Christian en élevant la voix par dessus la musique.

Halse ouvrit grand les yeux et pouffa de rire, un peu alcoolisée après les quelques bières qu'ils avaient ingurgité.

— Ça va pas ? J'ai jamais chanté à ce genre de soirée. Toi, tu te barres bientôt, mais moi, je suis coincée ici à vie après !

Christian ne semblait pas comprendre ce qu'elle disait, le volume de la basse était trop élevé. Un serveur qui tenait maladroitement un plateau en équilibre le cogna par mégarde, ce qui le projeta légèrement contre Halse.

Vu le sourire qui avait pris place sur son visage, ça ne semblait pas le déranger. Il attrapa maladroitement sa main et tous deux se faufilèrent à travers la foule, en dehors du gîte. Trop de bruit, trop de gens, trop de chaleur. Ils avaient besoins de s'aérer.

Enfin parvenus à l'extérieur, ils respirèrent un grand bol d'air frais.

— Ces odeurs de transpiration, quel plaisir, ironisa t-il. Alors, tu chantes ?

Halse se tourna vers lui.

— J'ai une question, fit-elle, en ignorant totalement sa requête.

— Je t'écoute.

Il fixait ses mèches de cheveux violettes qui s'échappaient au vent comme de la braise. Visiblement, elle les attachait rarement, et elle faisait bien. Il les trouvait magnifiques, après réflexion, mais n'osait pas lui dire.

Halse hésita, avant de se lancer.

— Ça t'arrive souvent ? Je veux dire, de débarquer comme ça et de draguer des filles au hasard, parce que.. on sait que c'est éphémère, tout ça c'est... bref. Et j'ai pas vraiment l'habitude qu'on me séduise comme ça, tu sais, ça fait au moins deux ans que je suis pas sortie avec quelqu'un ou quoi, alors bon... débita t-elle, le regard fuyant.

Le jeune homme s'esclaffa.

— J'ai une tête à draguer tout le monde ?

Il pointa son visage du doigt.

— Sincèrement ? Oui, trancha t-elle en toute honnêteté, comme à son habitude.

— J'ai le plaisir de t'annoncer que ce n'est pas le cas, et que je ne suis pas venu te draguer.

Le visage d'Halse se décomposa. Lui prendre la main comme si ils se connaissaient depuis des jours déjà, danser avec elle sans aucune gêne, tout ça dans l'unique but de devenir son ami ? Mais pourquoi ?

— Pardon ? balbutia t-elle, se sentant soudain stupide.

— T'es déçue ? questionna t-il, joueur.

Il avait ce petit air mesquin et fier de son coup qui énervait particulièrement la jeune fille.

— Tu invites une fille à danser, tu lui prends la main et l'entraîne parler en seul à seul dehors, mais tu ne la dragues pas ?

— Non, on danse et on parle en amis, dit-il en pivotant vers elle, mains dans les poches. Ça me semblait évident, désolé. Si j'avais voulu te séduire, j'y serais allé plus fort.

Sa dernière phrase la surprit. Y aller plus fort ? Elle le trouvait déjà assez tactile et enjôleur comme ça, qu'aurait-il voulu faire de plus ? Une demande en mariage ?

— Tout à fait d'accord avec toi. J'ai juste eu peur qu'à un moment donné, tu aies pensé à plus que de l'amitié. Au moins, c'est clair, mentit-elle.

Elle se sentait ridicule, de plus elle savait que son jeu d'acteur était très mauvais. Christian souffla, n'étant pas dupe.

— T'es insupportable, mais je t'aime bien, souffla t-il en souriant.

— Je vais essayer de ne pas prendre trop mal ce que tu viens de dire.

— Je peux te faire un câlin en tant qu'ami ? Je vais bientôt remonter dans ma chambre, je suis épuisé. Je me suis bien amusé, ce soir.

Elle acquiesça, et il la prit tendrement dans ses bras, la réchauffa dans le froid glacial de la nuit. C'était un câlin d'amitié, bien sûr.

Dans la tête de Christian, tout était bien plus clair.

Une dizaine de minutes plus tard, il avait regagné sa chambre. En face de sa porte, Christian refit le point sur sa soirée et ce qu'il venait de se passer. Tout se déroulait à merveille.

Il fouilla dans sa poche et en extirpa son jeu de clés. En pénétrant dans la chambre, il s'assit sur son lit, balança son trousseau de clés sur celui ci et s'observa dans le miroir en face de lui.

Le jeune homme sortit sa plaquette de cachets de sa poche droite. Il en éjecta une pastille et la plaça sur sa langue.

Aussitôt, ses pupilles se dilatèrent et il s'avança vers le miroir pour se voir de plus près.

Ses cheveux bouclés n'étaient pas coiffés, il commençait à sentir mauvais et avait besoin d'habits de rechange. Malheureusement il ne possédait aucune valise. Tant pis, il irait acheter des habits prochainement .

Une chose était sûre : il allait réussir.



Le lendemain, Halse s'était levée beaucoup plus tôt que d'habitude, et de bonne humeur, sûrement grâce à la soirée de la veille. Elle s'était finalement décidée à aider son cousin. Élucider le mystère du meurtre de son père n'était peut être pas gagné, mais elle avait bien réfléchi et il fallait qu'elle essaye.

Si elle avait un cousin, éloigné ou non, à proximité, alors il fallait qu'elle en sache plus sur lui.

Après s'être attaché les cheveux rapidement et dévalé les escaliers, elle se commanda un jus de fruits au bar afin de se mettre en forme.

Niño, le barman que tout le monde connaissait dans le gîte, semblait surpris lorsqu'il la vit prendre place sur un tabouret, toute pimpante.

— Sept heures, et déjà là ? T'es bien ma première cliente, fit-il remarquer en s'esclaffant.

— Oui, je me suis rendue compte de petites choses, ça me met de bonne humeur. Niño, je sais que t'observes tout... tu n'aurais pas vu un garçon de mon âge, de taille moyenne, maigre et qui porte tout le temps des sweats à capuches ?

Celui ci jeta un oeil aux alentours, et pointa du doigt un point derrière la jeune fille.

— Ici, non ?

Halse se retourna, et en effet, c'était Constant. Il était toujours accompagné de la petite blonde, elle ignorait si c'était sa petite copine ou simplement son amie.

— Merci beaucoup ! Et merci pour le jus de fruits aussi, je sais que je te fais commencer un peu plus tôt, désolée... le remercia t-elle.

— Pas de quoi.

Déterminée, Halse se leva et se dirigea vers Constant et son amie, assis sur un banc non loin de là. Ils avaient l'air de bien rigoler, l'échange n'allait donc pas être compliqué. Confiante, elle adressa un grand sourire au jeune homme.

— Salut Constant. J'ai bien réfléchi et si nous sommes cousins, c'est vraiment génial, il faut qu'on en profite. Du coup, tu-

— Bonjour, déjà, l'interrompit la petite blonde, sa jambe quasiment collée à celle de Constant.

Déboussolée, Halse la scruta sans dire un mot. Elle avait envie de riposter quelque chose qui claque et de continuer sa tirade, mais rien ne lui vint en tête.

— Tu sais, continua la jeune fille après avoir poussé un soupir, il était en train de me remonter le moral. Alors si tu pouvais demander si tu déranges avant de lui parler, ça serait gentil.

Elle tira sur sa cigarette qu'elle tenait de sa main droite, et croisa les jambes en attendant une réponse d'Halse.

— Oui, désolée. Vous aviez juste l'air d'être en train de rigoler, se justifia l'hôte, prise de court.

— Ton cousin est quelqu'un de très gentil, il essayait de me changer les idées.

Les deux jeunes filles se regardaient en chiens de faïence, et Constant les dévisageait, ahuri.

— Peu importe, dans tous les cas, je suis en droit légitime d'adresser la parole à quelqu'un de ma famille, affirma Halse.

— Pourtant, t'en as mis du temps, à le croire, ton cousin, ricana la blondinette.

Constant se leva et s'apprêta et dire quelque chose pour détendre l'atmosphère, mais impossible de les stopper.

— Pars, lui cracha l'amie de Constant en abandonnant toute moquerie pour adopter un air défiant .

— Je suis chez moi. Et fumer dans les locaux est interdit, rétorqua Halse, agacée.

La fille se leva, mais elle n'arrivait qu'à l'épaule d'Halse. Néanmoins elle semblait loin d'être impressionnée.

— Je fume où je veux.

— Ton âge mental est en accord avec ta taille, s'amusa l'adolescente aux cheveux violets en dévisageant celle qui s'avérait désormais être son ennemie.

— Je t'emmerde.

Constant s'interposa entre les deux.

— Ok, on se détend.

Puis il se tourna vers Halse.

— On en reparle plus tard, d'accord ? Je termine avec Ornélis et je suis à toi.

Celle ci se sentit légèrement vexée que son choix se tourne vers la jeune blonde visiblement nommée Ornélis, mais elle n'en montra rien.

— D'accord, pas de problème, fit-elle en tournant les talons.

Elle les entendit reprendre leur conversation derrière son dos et leva les yeux au ciel. C'était hors de question qu'elle retourne courir après son cousin visiblement trop occupé pour elle. Halse avait des occupations elle aussi, et pas des moindres.



Deux semaines plus tard...

Halse se dirigeait vers le bureau d'accueil pour chercher les clés à donner aux femmes de ménages. Il était huit heures, les tâches du jour se déroulaient dans l'ordre, tout était parfaitement orchestré.

La tête enfouie dans les vieux tiroirs où était rangées les clés des chambres, un petit toussotement attira son attention.

Une grande femme se tenait devant le comptoir, cela devait être une nouvelle cliente. Pourtant, Halse ne l'avait jamais vue ici, et personne ne réservait de chambres à huit heures du matin... Généralement, les premiers clients arrivaient plutôt vers midi.

C'était une femme magnifique sûrement âgée d'une vingtaine d'années. Elle semblait tout droit sortie d'un magazine de mode : ses longs cheveux blonds glissaient en cascade le long de ses bras, et ses lèvres étaient assez pulpeuses, colorées d'un rouge flamboyant. Halse avait l'impression d'avoir affaire à une mannequin.

— Bonjour, vous êtes perdue ?

La grande femme semblait complètement désorientée, mais surtout très fatiguée. Elle hésita plusieurs fois avant de lui répondre.

— Euh non, je cherche une chambre. S'il vous plaît, bégaya t-elle, l'air paniqué.

Sa cage thoracique se soulevait sans relâche, ce qui confirma à Halse que sa situation actuelle était compliquée.

— Vous avez l'air essoufflée, vous êtes venue à pieds ?

La jeune femme semblait au bord des larmes, désormais. Halse s'inquiétait sérieusement.

— Non, quelqu'un m'a emmenée. Euh, mes parents. Ils me déposent ici le temps d'un voyage. Un peu d'émotion avant de les quitter, c'est normal.

— Ah, d'accord, souffla t-elle. Désolée de vous avoir posé tant de questions, je m'inquiétais un peu. Tenez, je vous passe les clés de la chambre cinquante cinq, lit double et salle de bain à disposition. Ça vous convient?

— Oui, parfait, abrégea la jeune femme, mais l'hôte ne releva pas cette louche précipitation.

Halse déposa les clés sur la table et elles réglèrent ensemble le prix de la chambre. L'adolescente s'apprêta ensuite à se diriger vers les locaux réservés au personnel afin d'y trouver les femmes de ménage, quand la jeune mannequin l'interpella de nouveau.

— Excuse moi, je me sens vraiment pas bien, finalement... Je pourrais avoir un verre d'eau, s'il te plait ?

Halse acquiesca et s'absenta pour aller chercher un verre d'eau à sa nouvelle cliente.

Une fois le champ libre face au comptoir, la jeune femme se précipita sur le livret où étaient inscrits tous les noms des clients. Les mains tremblantes, elle trouva vite le nom qu'elle cherchait et posa son doigt manucuré de rouge dessus.

Christian Hateils : Chambre 57.

Satisfaite, elle ferma le petit livret et adopta de nouveau son air faussement dépité.

Halse revint assez vite avec le verre d'eau demandé. Une fois ingurgité, la grande blonde le reposa sur le comptoir et la remercia d'un geste de la tête.

Elle s'éloigna s'assoir plus loin, histoire de montrer qu'elle avait besoin de se reposer avant de gravir les escaliers. Une fois Halse sortie de son champ de vision, elle se releva immédiatement.

La démarche assurée, Alison monta les marches du gigantesque escalier rouge du gîte Merlin en attachant ses longs cheveux blonds.

Elle n'était plus le petit bout de femme naïve qui s'était laissée manipulée et qui avait frôlé la mort à cause d'un petit ami complètement fou.

Dorénavant c'était une femme entière et sûre d'elle. Elle était de retour dans la partie, et pas prête de la quitter.


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Coucouu, merci aux gens que je connais qui votent tous pour les premiers chapitres de mon histoire vous êtes trop mignons 😭

Nouveau personnage très important qui apparaît dans ce chapitre, d'ailleurs j'aime beaucoup celui ci ! Vous l'avez deviné, il s'agit d'Alison, l'ex de Christian :)

Bisous !

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