Chapitre 28
Gaëtan, après avoir fini de manger son repas du soir, envoya rapidement un message à Constant.
T'es où ?
Assis au fond du réfectoire, il faisait tressauter nerveusement sa jambe contre sa chaise.
Cinq minutes s'écoulèrent, durant lesquelles son ami ne lui répondit pas.
Après manger, Constant s'était levé de table tandis que le grand métisse n'avait pas bougé, puis ils s'étaient perdus de vue.
Le ding de son téléphone lui annonçant un nouveau message le fit tressauter. Il déverrouilla son portable et lut attentivement la réponse de Constant.
Monté ma chambre, pourquoi ?
Gaëtan souffla, avant de soulever son plateau de la main gauche pour rédiger son message de la main droite.
Il s'avança vers le comptoir où il y déposa maladroitement son plateau en adressant un sourire chaleureux à la cuisinière. Il écrivit enfin son message et pressa le bout de son pouce sur la touche envoyer.
Tu te branlais, ou quoi ? J'ai eu le temps de mourir.
Il s'engagea vers la sortie du réfectoire, et d'un pas rapide, emprunta les escaliers. Son portable vibra dans sa main, ce qui lui indiquait la réponse de son ami :
Comment tu sais ?
Un rictus s'empara de ses lèvres, et il souffla en fourrant son téléphone dans sa poche de jean. Constant le fatiguait, parfois. Il jeta un coup d'œil aux alentours afin de vérifier si Ornélis ne se trouvait pas à côté.
Elle n'apparut pas dans son champ de vision.
Elle devait sûrement penser qu'il était énervé contre elle. Ce qui n'était pas totalement faux, la trouver en train de fumer du cannabis en grande quantité l'autre soir avait réellement refroidi le garçon. À ce moment là, il n'avait plus envie de lui parler, de la toucher ou quoi que ce soit d'autre. Il avait simplement besoin de s'éloigner d'elle. Parfois, Ornélis puisait ses forces.
Mais pour autant, Gaëtan ne parvenait pas à cesser de prendre soin d'elle. Il pourrait très bien la laisser, s'en aller, mais cela lui était impossible. Quitte à être épuisé, il tenait à veiller sur elle. Elle était fragile, malgré son mauvais caractère.
Il l'avait compris. C'était tout récent, mais il avait perçu cette fragilité en elle.
Cependant, cette petite altercation avec elle n'était pas du tout la raison pour laquelle il avait été si distant, aujourd'hui. En réalité, il avait consacré toute son énergie à l'élaboration d'un plan, tel qu'il soit, pour retrouver Halse. Pour cela, il préférait passer une majeure partie de la journée seul. C'était ainsi que ses neurones étaient au maximum de leur capacité.
Une fois parvenu face à la porte de la chambre de Constant, il y toqua trois fois. La voix de son ami lui intima de rentrer d'une voix forte.
Gaëtan s'exécuta, et trouva le jeune homme à capuche affalé sur son lit, le visage éclairé par la lumière de son téléphone.
— Tu regardes quoi ? questionna le géant à la peau matte, curieux.
— Des vidéos.
Il vint s'assoupir sur le rebord du lit, mais Constant ne détourna pas une seconde son attention de son portable. Lorsque ce dernier réalisa que son ami était venu lui parler de quelque chose d'important, il verrouilla son téléphone, plongeant par conséquent les deux adolescents dans une pénombre des plus profondes.
— Je dois te parler, lui annonça Gaëtan en s'accoudant de ses deux bras sur ses genoux.
— T'as couché avec Ornélis ? C'est rien, pas besoin d'en faire tout un drame.
Gaëtan attrapa le premier coussin qui lui tomba sous la main et le balança dans la figure de son ami, amusé.
— Aucun rapport.
Constant ricana puis se redressa, sérieux cette fois :
— Je t'écoute.
Gaëtan prit une grande inspiration. Les battements de son cœur s'accéléraient sans qu'il ne puisse le contrôler.
— En fait si, ça a un rapport avec Ornélis. Et peut être toi, si tu acceptes. Je me suis creusé la tête ces derniers jours pour trouver un moyen de retrouver Halse sans appeler la police, et je n'ai trouvé qu'une seule option.
Constant haussa les sourcils, l'incitant à continuer.
— Il faut qu'on y aille à l'aveugle. On a pas le choix, il faut qu'on parte dehors, qu'on fouille, qu'on demande à des gens si ils ont vu quelque chose. Il faut qu'on essaye, et si on échoue, alors là, on appellera la police.
Le cousin de la disparue s'écroula contre son matelas en fourrant son visage dans ses mains.
— T'es fou, souffla ce dernier.
— Je sais, Constant. Je sais que quelqu'un de sensé ne partirait jamais comme ça à l'aventure, mais je connais une personne aussi peu sensée que moi...
Constant comprit aussitôt à qui Gaëtan faisait référence.
Si une personne, une seule, était capable de le suivre dans ce plan qui n'avait ni queue ni tête et qui n'en était par conséquent pas réellement un, c'était elle et personne d'autre.
— Ornélis, souffla Constant, comprenant petit à petit où son ami voulait en venir.
Gaëtan hocha silencieusement la tête.
— Vous voulez vous échapper du gîte et tenter de retrouver Halse, comme ça, en priant pour que la chance vous tombe dessus ? voulut s'assurer Constant.
— Oui, répondit t-il dans un murmure presque inaudible.
— Vous allez dormir où ? Et si vous vous faites kidnapper ?
— Je volerai de l'argent à un des animateurs, tu m'aideras. Et je la protégerai.
Constant ne lui accorda aucune réponse et tous deux demeurèrent là, l'un assis et l'autre allongé, dans le noir. Il n'osa pas avouer à Gaëtan la conversation qu'il avait eu avec Ornélis l'autre jour, juste avant l'accident de voiture. Cela n'aurait d'autre effet que l'énerver inutilement. Il valait mieux qu'il se taise.
— J'ai besoin de toi, Constant.
— En quoi puis-je t'aider... ironisa le concerné, dépassé par les événements.
— On ne s'en ira pas longtemps. Il faut juste que tu nous couvres, déclara Gaëtan.
— Bien sûr. Que je vous couvre.
— Oui, s'il te plaît. C'est notre seule solution. Les animateurs ne doivent pas se rendre compte de notre absence.
— Accouche, Einstein. je vais pas deviner tout seul ce que je suis sensé faire.
Gaëtan fit glisser sa paume de main contre son crâne et prit une grande inspiration.
— Je t'avoue que je ne sais pas trop. Si ils te demandent où on est, dis leur qu'on est dans nos chambres, ou aux toilettes. Dis aux autres que l'on mange très tôt ou très tard si ils nous cherchent, et que c'est pour ça qu'on ne les voit plus. Il faut que tu te débrouilles pour que l'on soit constamment absents, mais quand même là.
Constant poussa un profond soupir qui résonna silencieusement contre les quatre murs qui les entouraient.
— C'est bien parce que t'es mon pote. J'aurais jamais fait ça pour qui que ce soit d'autre. Je risque gros, tu sais ça ?
— Je sais, et si tu acceptes je te serai reconnaissant à tout jamais, sache le, attesta Gaëtan, désespéré.
Constant lui flanqua une tape sur le bras.
— T'es sourd ? Je viens de te dire oui.
Il ne voyait rien dans la pénombre, mais il pouvait jurer avoir vu le visage du grand métisse s'illuminer de soulagement.
— Merci, le gratifia Gaëtan en prenant chaleureusement son ami dans ses bras, heureux d'avoir convaincu un des principaux acteurs du plan.
Constant souffla en laissant un petit sourire s'imprimer sur ses lèvres.
Ces derniers jours, il avait été si déprimé de la disparition d'Halse qu'aider Gaëtan à la retrouver ne pouvait que lui remonter le moral.
Le voilà ému, maintenant. Il pouvait sentir que son ami l'était aussi, et ils étaient tous les deux un peu gênés.
— Je n'ai jamais eu d'ami de ma vie. Je suis vraiment heureux que tu sois le premier, confia Gaëtan, ce qui provoqua une nouvelle vague d'émotions chez son ami.
Transporté de joie par cette déclaration venant de celui qu'il considérait comme un frère, Constant ne put s'empêcher de l'éteindre de nouveau.
Ils restèrent dans cette position pendant cinq bonnes minutes, sachant que leur solidarité était la seule chose que personne, pas même Christian, ne pouvait détruire.
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