Chapitre 26
Le lendemain, Ornélis s'était levée à contre cœur : tout, dans sa vie actuelle, lui ôtait toute envie de continuer. Halse, étonnamment, lui manquait, elles qui n'étaient pourtant pas si proches. Sa présence féminine, sa naïveté et son innocence lui manquaient.
Alison aussi lui manquait, bien qu'elle ne fasse plus partie de ce monde. Faire le deuil d'une personne rencontrée très récemment était éprouvant, elle ne savait pas comment s'y prendre. De plus, le comportement de Constant à son égard devenait de plus en plus étrange.
Elle et ses amis étaient interdits de sortie jusqu'à nouvel ordre. Les animateurs n'avaient pas encore décidé de leur sort dans le gîte, mais ils avaient déjà prévenus leurs parents, et Ornélis en avait fait les frais. Elle avait dix appels manqués de ses géniteurs, mais ne décrochait jamais et n'écoutait encore moins leurs messages vocaux. Elle savait déjà qu'ils étaient en colère, ça lui suffisait.
La veille, elle avait, accompagnée de Gaëtan, découvert le brouillon d'une lettre rédigée par Alison elle même. Ils avaient réussi à comprendre une bonne partie de celle ci en plissant les yeux et en s'y mettant à deux.
Seule la dernière phrase "Si c'est ta vie contre la mienne, je me sacrifie", était parfaitement lisible.
Il était clair que ces écrits étaient probablement destinés à Halse, mais pour le moment, le sacrifice d'Alison n'avait servi à rien: Christian était à deux doigts de gagner la partie. Il suffisait qu'il obtienne cet argent, et tout était fini.
Cette idée rendait Ornélis folle de rage. Il fallait à tout prix qu'ils retrouvent Halse. Dans le cas contraire, la mort d'Alison aurait été inutile, cela constituerait à leur yeux le pire des échecs.
Quelqu'un frappa à sa porte, et il ne pouvait s'agir que d'une seule personne, la seule qui était encore présente à ses côtés. Gaëtan vint sassoir sur le bord de son lit, à peine réveillé.
– Quelle heure il est ? demanda t-elle dans un bâillement, s'extirpant doucement de ses pensées très peu joyeuses.
– Sept heures.
– Matinal, se plaignit-elle en enfonçant sa tête dans son oreiller.
– J'ai pas dormi de la nuit, au point où on en est, matinal ou pas...
Elle gloussa en remettant ses cheveux en place.
– Tu penses que c'est normal de vivre tout ça à notre âge ? fit l'adolescente, dont le sourire s'était soudainement évanoui.
– Non, clairement pas, murmura t-il. Mais tout va rentrer dans l'ordre. Tu verras, on va la retrouver, et dans quelques années ça ne sera plus qu'une anecdote à raconter à nos enfants. On racontera tout ça en rigolant avec une coupe de champagne à la main.
En prononçant ces mots, lui même navait pas l'air tout à fait convaincu. Mais cela suffisait à la rassurer, alors c'était parfait. Seulement, Ornélis semblait n'avoir retenu qu'un seul mot de son petit discours.
– Nos enfants ? releva t-elle en se redressant.
Elle savait maintenant reconnaître quand il était gêné, à sa respiration et à la manière dont ses bras se contractaient. C'était actuellement le cas, et elle trouvait cela adorable.
– Je veux dire, nos enfants respectifs à tous. À tout le monde, enfin bref, t'as compris.
Elle lui jeta un regard taquin et il souffla en détournant le regard.
C'est de cette manière que les deux adolescents tentaient tant bien que mal de faire face à la vie, ensemble, tandis qu'Halse, allongée par terre à quelques kilomètres de là, n'en avait plus la force.
•
– Hey, souffla doucement Christian en direction de la jeune fille, sûrement dans le but de la réveiller.
Cela faisait maintenant plusieurs jours qu'il attendait désespérément la réponse. Celle qui lui permettrait d'ouvrir le coffre du gîte et d'accéder à tout largent. Le stress et l'impatience lui faisaient perdre ses moyens, et il n'avait plus qu'une seule envie : se débarrasser d'Halse. Elle l'encombrait, à pleurer toute la journée, se plaindre de la faim, du froid, de la solitude ou de sa vie désastreuse.
La seule chose qui empêchait le jeune homme de passer à l'action, c'était cet argent. Halse servirait de monnaie d'échange en cas de situation d'urgence, si il la perdait elle, alors il perdait tout.
En arrivant dans ce hangar, il savait pertinemment que la réponse mettrait du temps à s'afficher sur l'écran du portable, car sa mère était en centre de désintoxication et ne devait se servir que très peu de son portable. Mais plus le temps passait, plus il semblait interminable, c'en était trop. Il fallait quil fasse quelque chose pour accélérer le processus.
– Halse, réveille toi, putain, s'agaça t-il.
La jeune fille émergea doucement. Quand elle réalisa qu'elle allait passer une journée de plus en compagnie de ce psychopathe, sa crise d'angoisse quotidienne s'empara aussitôt d'elle. Fébrile, elle tremblait en réclamant de l'eau d'une voix affaiblie. Christian lui apporta aussitôt le nécessaire, il fallait absolument quelle reste en vie et consciente. Quelques instants plus tard, elle ne pleurait plus.
– Normalement, tu sors bientôt d'ici. Ca devrait pas tarder, en attendant reste calme, la rassura t-il d'une voix pourtant très froide.
En réalité, il n'en avait pas la moindre idée. Halse éclata de rire, les yeux trempés.
Décidément, cette fille est d'une fragilité mentale... songea Christian.
Il tapota la lame de son couteau dans sa poche droite, au cas où il prendrait à la jeune fille une subite envie de l'agresser, ce qui était déjà arrivé plusieurs fois.
– Tu te fous de moi ? implora t-elle, désespérée. Tu vas me tuer, je le sais. Tu as tué Alison sans aucune raison, tu as toutes les raisons du monde de m'achever. Ne fais pas semblant Christian, je te connais maintenant. Tu n'as aucune âme. Tu vas me tuer, que ce soit maintenant ou dans un an !
Christian s'efforçait de ne pas laisser ses mots atteindre son coeur, à défaut de ne pas pouvoir les empêcher d'atteindre ses oreilles.
– Je n'ai aucune âme. D'accord, répéta t-il en écho, comme un robot.
La pièce s'était faite envahir d'un silence pesant. Cette situation n'était plus supportable, que ce soit pour lui ou pour elle.
– Tu ne sais rien de mon histoire avec Alison, continua le jeune homme en prenant place sur une chaise en face d'elle. Tu es juste frustrée parce que je ne lui ai pas menti, à elle. Je l'ai aimée sincèrement.
– Et elle avait peur de toi, t'es complètement fou. Si tu avais une raison de la tuer, dis moi laquelle ?
Les poings de Christian se contractèrent. Il était persuadé, au fond, qu'il l'avait fait pour quelque chose. Si il ne s'agissait que d'une pulsion, il aurait été triste, non ? Il en aurait pleuré, au moins ?
Non, il le savait, il nétait pas un monstre. Il avait juste oublié de prendre ses médicaments, et les choses avaient mal tourné. Christian tentait de se convaincre qu'il avait tué Alison d'une bonne intention, pour la protéger d'un danger, comme dans les films.
Oui, c'était sûrement quelque chose dans ce genre dont il ne se souvenait pas. Et pourquoi ? Il en vint à la conclusion que tout était à cause de ces médicaments, finalement. Ces foutus cachets lui avaient gâchés la vie, il en était persuadé.
– Christian, répéta Halse, perplexe et surtout terrifiée face à son silence.
Généralement, lorsqu'il fixait le sol sans parler, c'était mauvais signe.
D'un geste brusque qui fit reculer la jeune fille contre le mur, il sortit sa plaquette de petites gélules de sa poche gauche et le broya de toutes ses forces dans son poing, avant d'enfoncer violemment celui ci dans le mur.
Halse, paniquée, ne savait pas quoi faire. En aperçevant cette plaquette, elle avait compris.
C'était une certitude, il était mentalement atteint de quelque chose. Elle comprit que les médicaments qu'elle venait de voir lui permettaient sûrement de se calmer, auparavant. Elle l'avait déjà vu en avaler un ou deux, discrètement, lorsqu'il était nerveux.
Il venait littéralement de les réduire en bouillie.
...Halse n'avait jamais eu aussi peur.
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