Chapitre 24

Il faisait un temps magnifique, mais la température était glaciale. Dans la queue du self, Constant était parvenu à se réchauffer un peu en enfilant son pull le plus chaud. Son plateau à la main, il  faisait partie des premiers à prendre son petit déjeuner, il n'était que six heures. Ornélis vint se positionner à ses côtés, émergeant de sa grosse nuit de sommeil.

— Alors, prêt ? le questionna t-elle en baillant.

Il sourit en attrapant une pomme dans le bac à  fruits qui lui faisait face. Ornélis l'imita aussitôt.

— Stressé, plutôt. Et toi, prête à passer au suivant après Gaetan ?

Elle s'arrêta de se servir, consternée.

—  Je te demande pardon ? articula t-elle, sans comprendre d'où est ce qu'il pouvait sortir une phrase pareille.

Il se tourna vers elle, glacial. Quelque chose avait tant changé, dans le regard de Constant. Il avait l'air de lui en vouloir, et pas qu'un peu.

— Tu vois parfaitement de quoi je parle.

— Constant, t'es jaloux ? Et tu nous espionnes ? s'étonna Ornélis en le dévisageant.

L'adolescent croqua à pleines dents dans sa pomme d'un air détaché.

— La terrasse sur laquelle vous avez fait vos trucs est juste en dessous de ma fenêtre. Et non, j'ai juste de la peine pour lui. Contrairement à moi, il tient vraiment à toi. Et tu vas le jeter pour un autre quand ça te lassera, comme tu l'a fait avec moi, plaisanta presque le jeune homme.

L'adolescente cherchait ses mots, ne parvenant pas à comprendre si ce dernier rigolait avec elle ou si il lui reprochait vraiment quelque chose. Perturbée, Ornélis chercha à capter le regard de Constant, en vain.

— Constant, je ne vais pas faire de mal à Gaëtan. Je t'en ai fait ? Qu'est ce que tu me reproches, à la fin ?

Son ami soupira bruyamment en posant ses poings sur la table.

— Ornélis, tu joues avec les garçons comme si ils n'étaient que de vulgaires jouets. Rends toi en compte. Gaëtan va souffrir à cause de toi.

Des larmes de nerfs inondèrent les yeux d'Ornélis. Certes, les tous premiers jours, Constant et elle étaient assez proches : elle n'avait aucune envie d'être là et se cherchait juste une occupation, elle en était à présent parfaitement consciente et le regrettait. Mais ils s'étaient tous les deux vite rendus compte que la complicité qu'ils entretenaient n'était rien d'autre qu'amicale. Elle pensait qu'ils étaient sur la même longueur d'ondes, visiblement elle s'était trompée.

Dans tous les cas, si Ornélis était bien certaine d'une chose, c'était que Gaëtan ne constituait pas le moins du monde une occupation à ses yeux.

— Pourquoi tu me dis ça à moi, et pas à Gaëtan ? Lui aussi est sorti avec quelqu'un avant, Iris. Je ne comprends pas ton discours, l'interrogea t-elle, perplexe.

— Gaëtan n'est pas sorti avec Iris pour s'amuser, contrairement à toi qui saute sur tout ce qui bouge, proféra t-il d'une voix basse.

Elle se redressa et donna un violent coup sur la table, ce qui le fit sursauter.

— Regarde moi quand je te parle. Je suis désolée si je t'ai blessé. Je suis désolée si tu t'es senti utilisé, je pensais que tu ne me voyais aussi seulement comme une amie. En attendant, si tu n'as constaté aucun changement entre la Ornélis du premier jour et celle d'aujourd'hui, tu n'es pas un vrai ami. Je tiens vraiment à Gaëtan, tu le sais et tu le vois, alors ça t'énerve parce que tu sais que je tiens beaucoup plus à lui qu'à toi. C'est tout. Avoue le.

Il lâcha un long soupir.

— Fais pas comme si  t'avais pas essayé de m'allumer au début de cette colonie. Le vice te tuera, un jour, souffla t-il, le regard rivé sur son plateau.

Une larme coula le long de la jeune fille. La mâchoire serrée, elle le regardait d'un air désemparé. Elle venait de découvrir une facette de Constant qu'elle aurait préféré ne jamais connaître, lui qui était d'habitude si serviable et gentil.

— On trouve Halse, on met fin à cette histoire, et tu m'adresses plus la parole, lâcha t-elle.

Elle s'éloigna d'un pas rapide en laissant son plateau en plan sur la table. Constant ne fut rien d'autre que de rabattre sa capuche sur sa tête, et de se reconcentrer sur sa pomme, blasé.


Gaëtan et Constant attendaient Ornélis dans la voiture d'un des moniteurs depuis dix bonnes minutes.

L'obtention des clés de la voiture fut sujette de la réelle élaboration d'un plan d'attaque. Gaëtan avait dit à son ami de faire diversion en discutant avec le moniteur visé, et il s'était pendant ce temps là discrètement approché de son sac à dos. La veille, il avait précautionneusement observé tous ses faits et gestes pour observer où ce dernier rangeait son trousseau de clés, il savait donc précisément dans quelle poche du sac il allait dénicher ce qu'il cherchait. Il avait du premier coup trouvé les clés, et avait fait signe de victoire à Constant de loin avant de disparaître sur le parking.

Ils ne s'étaient pas encore faits prendre, mais cela n'allait pas manquer cette fois si Ornélis ne se dépêchait pas. Stressé, le conducteur jeta un oeil à l'heure sur son portable.

— Qu'est ce qu'elle fait... Râla Gaëtan, la jambe secouée par de petits spasmes incontrôlables.

Constant, assis à l'arrière, soupira en croisant les bras. Il n'avait pas encore parlé à son ami de son altercation avec la petit blonde.

— Tu lui diras la prochaine fois, qu'on a pas que ça à faire de l'attendre.

Gaëtan s'apprêta à lui répondre, lorsque l'adolescente apparut dans son champ de vision. Aussitôt, il positionna son pied sur la pédale et ses mains sur le volant, prêt à démarrer à toute vitesse. Ornélis, toujours emmitouflée dans ses pulls trop larges, prit place à côté de lui en claquant la porte, le regard rivé droit devant elle. Elle n'eut même pas le temps de mettre sa ceinture, les trois amis s'étaient déjà engagés sur la route.

Le temps d'un instant, Gaëtan détourna son regard de la route pour voir le visage de ses deux amis.

— On reste jusqu'à demain si il le faut, mais on la trouve.

— On a intérêt à la trouver, marmonna Constant. On vient de voler la voiture d'un adulte, on va se faire renvoyer chez nous à coup sûr si on nous chope.

Ornélis interrompu leur petite conversation, inquiète de la vitesse à laquelle ils dépassaient maladroitement toutes les autres voitures, se récoltant de nombreux klaxons et insultes de conducteurs énervés.

— Gaëtan, fais attent...

Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase que, soudain, un choc brutal les propulsa violemment en avant, leurs corps se heurtant en l'espace de quelques centièmes de secondes contre le mobilier de la voiture.

Ornélis ne voyait plus rien. Le monde était devenu noir et silencieux.

Leur voiture s'était, dans un laps de temps minime où Gaëtan avait perdu le contrôle du volant et ne maîtrisait plus rien, brutalement enfoncée dans un fossé qui longeait l'autoroute.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top