Chapitre 21

— Gaëtan, réveille toi...

Ornélis, assoupie sur le carrelage des toilettes, veillait sur Gaëtan depuis maintenant cinq bonnes minutes.

Elle avait dit à l'animateur de la colonie que Halse, Gaëtan et Christian étaient rentrés au gîte par leurs propres moyens. Il s'était énervé, puis il avait quitté les lieux avec le reste du groupe. Elle avait eut énormément de chance qu'il ne vienne pas vérifier dans les toilettes.

Elle était arrivée en précipitation après avoir cherché partout, et Constant l'avait aidée à forcer la porte des toilettes des femmes. Ensuite, celui ci avait fermement bloqué l'entrée générale des toilettes et montait la garde devant. Maintenant, plus personne ne pouvait rentrer.

Mais lorsque Ornélis avait franchi le pas de la porte, tout ce qu'elle avait constaté fut Gaëtan, inerte, allongé devant une cuvette de toilettes. À ce moment là, c'était elle qui avait hurlé. Elle s'était précipitée le secouer énergiquement pour qu'il rouvre les paupières.

Il respirait, elle avait pris son pouls et sa cage thoracique se soulevait malgré un rythme irrégulier. C'était déjà cela, il était vivant.

Elle se redressa pour pouvoir  appliquer correctement sa bouteille d'eau glacée superposée à quelques mouchoirs sur le crâne de Gaëtan, ensanglanté. Soudain, le grand métisse ouvra doucement les yeux.

— Gaëtan. Regarde moi, murmura t-elle d'une voix douce, soulagée qu'il ait enfin repris conscience.

Il prêta attention à ses paroles et tourna son visage vers le sien. Il semblait désorienté.

— Qu'est ce qu'il s'est passé ? Où sont passés Halse et Christian ? tenta désespérément Ornélis.

Les lèvres du jeune homme s'entrouvrirent. On aurait dit que parler lui arracherait un morceau de lui même.

— J'ai perdu, avoua t-il finalement.

Pleine d'espoir face à cette réponse inespérée, l'adolescente le questionna aussitôt.

— Perdu contre qui ?

— Contre Christian. J'ai voulu jouer la carte de celui qui avait un plan. J'ai perdu. Les cerveaux ne gagnent jamais.

— Vous vous êtes battus ?

— Je l'ai assommé. Enfin, je pensais. Maintenant, c'est lui qui va faire je ne sais quoi à Halse pour toucher les milliers d'euros d'héritage de son père. Ensuite, je suppose qu'il va la torturer, et la tuer. Comme il a tué Alison.

Ornélis jeta un regard paniqué à Constant, qui s'était approché d'eux. Elle déglutit.

— C'est une blague, c'est ça ? fit elle, fébrile.

— Ce n'est pas une blague.

— Christian a tué Alison ? balbutia Constant, sous le choc de cette nouvelle qui ne semblait être une révélation pour personne mis à part lui et la blondinette.

— Oui. Et Christian s'est échappé avec Halse.

Constant s'agita aussitôt.

— Si c'est vraiment le cas, il faut faire quelque chose ! On peut pas rester là à attendre ! s'alarma t-il.

Gaëtan le fusilla du regard.

— C'est pas comme si je me butais à trouver une solution pour arrêter ce mec pendant tout ce temps, alors que vous jouiez les aveugles et que tu nous emmenais dans des musées de pâtisseries, trancha t-il d'une voix sèche.

Constant allait riposter, mais Ornélis intervint juste à temps.

— Taisez vous. On a pas le temps pour ça. Faut qu'on retrouve Halse, c'est la priorité.

Elle relâcha un instant la pression de la bouteille d'eau froide posée contre le crâne de Gaëtan, ce qui arracha un "aïe" au concerné.

Elle débita quelques excuses, et se rendit compte que depuis tout à l'heure, sa main était posé contre le torse de celui ci.

Elle s'empressa de la retirer, plus que gênée. Dans un mouvement rapide, la main de Gaëtan retint la sienne pour la reposer à son endroit initial. Elle pouvait sentir les muscles du jeune homme se contracter, et son cœur battre à une vitesse folle. Le jeune fille remarqua qu'au contact de sa peau, son corps avait été traversé d'une décharge électrique incontrôlable.

— Ok, fit-elle en reprenant ses esprits. Il faut que l'un de nous rejoigne le reste du groupe au gîte et occupe les animateurs le temps que l'on revienne vite. Avant, il faut qu'on nettoie tout ce sang, je tiens à préciser que vous avez été complètement inconscients de ne pas fermer la porte de ces toilettes avec ce massacre autour de vous, n'importe qui aurait pu entrer et, à l'heure actuelle, on serait incarcérés dans une prison pour mineurs.

Sa phrase fut approuvée par les deux garçons et aussitôt, elle et Constant se mirent au travail. Quelques instants plus tard, les toilettes étaient comme neuves.

Ornélis, écœurée face à tant de sang, était soulagée d'avoir enfin terminé le nettoyage, ses hauts le cœur incessants devenaient insupportables.

Elle se tourna vers Gaëtan, qui était toujours assis par terre avec ses mouchoirs et sa bouteille contre le crane. Il semblait reprendre des forces petit à petit.

— Gaëtan, qu'est ce qu'on fait ? On va à l'hôpital en disant que tu t'es ramassé en faisant du skate, ils te soignent, et ensuite on s'occupe d'Halse ? proposa la petite blonde.

— Non. Et tu dis "s'occuper d'Halse" comme si c'était simple, s'amusa t-il en se relevant avec difficulté.

Ornélis se précipita à ses côtés  pour lui tenir ses mouchoirs, qui commençaient à tomber un à un. Il fallait qu'il les maintienne sur son crâne pour stopper le sang si il en venait à couler.

— Je pense qu'il vaut vraiment mieux qu'on y aille, ta bosse a l'air d'être énorme. Passe la bouteille, je vais te la tenir, insista Ornélis, soucieuse.

— Non, vraiment, ça va.

— Je rentre au gîte inventer une excuse pour justifier notre absence. Gaëtan, repose toi encore un peu, et ensuite il faut qu'on retrouve Halse au plus vite, les informa Constant en reculant d'un pas rapide avant de s'éclipser de la pièce.

Les deux aquiescèrent, et Gaëtan se redressa s'assoir sur le rebord du lavabo pour être à la hauteur de l'adolescente. Ils étaient à présent seuls.

— Tu peux quand même continuer, avec la glace, l'informa t-il.

Ornélis haussa les épaules.

— D'accord. Je sais que tu aimes quand je te touche.

Un silence s'installa. Elle se rendit compte de la tournure maladroite de sa phrase et eut un petit geste paniqué qui fit sourire Gaëtan.

— Façon de parler, bien sûr, toussota t-elle.

— Oui, façon de parler. Tu parles de la glace, précisa t-il.

— Exact.

— Comme tout à l'heure quand ta main s'est, de manière totalement incontrôlée, posée sur moi, et...

— Je sais, c'est bon, le coupa t-elle, mal à l'aise.

Dans un regard complice, leurs sourires s'accordèrent malicieusement. Cela faisait longtemps qu'ils n'avaient pas eu de moments comme ça sans se disputer d'une minute à l'autre. En fait, cela faisait depuis qu'il était en couple avec Iris.

Gaëtan expira bruyamment. Elle pouvait sentir le stress émaner inévitablement de son corps. Elle posa doucement sa main sur son épaule.

— Ça va aller, le rassura t-elle.

— J'ai super peur pour elle. Si tu savais comme elle est fragile, confia t-il douloureusement.

Ornélis déposa la bouteille de côté pour venir se positionner en face de lui. Cette fois, il ne protesta pas.

— Tu as peut être perdu Halse momentanément, mais tu me perdras pas.

— Tu ne me perdras pas non plus, Ornélis, compléta t-il sans pouvoir détacher son regard du sien.

La tension dans la pièce était à son comble. Le regard qu'ils s'échangeaient en cet instant précis ne pouvait pas être plus intense, plus profond. À chaque fois que le regard de Gaëtan basculait vers ses lèvres, tout son corps se raidissait.

— Oui...murmura t-elle, comme hypnotisée par sa personne.

Gaëtan se dit qu'il aurait pu l'embrasser là, maintenant, lui sauter dessus et ne plus jamais la lâcher si seulement le contexte était autre. Il pouvait sentir sa respiration caresser ses lèvres, son attirance pour elle était à son apogée. Ses tensions avec elle s'étaient évaporées, il percevait bien qu'elle n'était plus énervée.

Si seulement ces événements dramatiques ne s'étaient pas produits, il l'aurait fait sans hésitation.

Au lieu de ça, il déplaça d'une lenteur déconcertante sa main sur la hanche d'Ornélis. Elle crut devenir folle, son toucher la rendait ivre. Et Gaëtan le constatait très bien, il voyait bien quel effet il lui faisait.

— Gaëtan, tu...

Un sourire aborda les lèvres du jeune homme, qui s'entrouvrirent.

— Je ?

Ornélis perdait tous ses moyens, elle n'avait plus la force de parler et croulait sous la chaleur de son corps. C'était inédit, pour elle : d'habitude, lorsqu'elle avait envie de quelqu'un, elle ne se posait pas de questions. Elle demandait implicitement, le garçon disait oui, et cela se faisait. Elle y prenait beaucoup de plaisir, mais c'était toujours la même chose, toujours le même schéma.

Là, elle était tétanisée. Tétanisée d'envie.

La main de Gaëtan était toujours posée sur sa taille, naturellement. Il la rendait folle de ce simple geste si significatif.

— Dis moi, l'incita Gaëtan, qui sentait naître en lui une envie grandissante.

Elle le faisait attendre, et parallèlement, il faisait de même. Ils ne cessaient de se taquiner et de se chercher même dans ces moments là.

Enfin, la petite blonde acheva sa phrase en articulant avec difficulté.

— Tu...tu es avec Iris.

Ces trois mots eurent l'effet d'une bombe dans le cœur de Gaëtan qui, subitement, se rendit compte de son erreur. Seul avec elle, il avait oublié le monde extérieur, jusqu'à en oublier sa propre petite amie. Il retira sa main, une sensation de culpabilité s'emparant diaboliquement de tout son être. Ornélis s'éloigna d'un minuscule pas, la respiration haletante par cet échange court mais si éprouvant.

— Quand tu ne seras plus avec elle, tu... Si elle te quitte un jour, ou l'inverse, alors on pourra...

Gaëtan la coupa aussitôt.

— Je ne veux plus être avec Iris. Je lui dirai.

Il se sentait affreux en prononçant ces mots, mais il s'agissait de la vérité. Il fallait qu'il s'écoute. En constatant la joie qui s'était installée sur le visage d'Ornélis, dans un souffle rauque, il décida de lui révéler sa pensée dans son entièreté.

— Et je sais parfaitement quelle sera la première chose que je ferai après ça.

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